Chapitre VI
Applications lin´ eaires
Notations
• Kd´esigneRouC;
• E et F d´esignent deuxK-espaces vectoriels ;
• les ´el´ements neutres deK,E,F pour l’addition sont respectivement d´esign´es par 0K, 0E, 0F.
1 D´ efinitions et propri´ et´ es ´ el´ ementaires.
• Soitϕ:E→F une application. On dit queϕest lin´eairesi et seulement si
(P) ∀u1, u2∈E ∀λ1, λ2∈K ϕ(λ1.u1+λ2.u2) =λ1.ϕ(u1) +λ2.ϕ(u2).
• Une application lin´eaire deE dansE est appel´eendomorphismedeE.
• Une application lin´eaire bijective deE dansF est appel´e unisomorphisme.
• L’ensemble de toutes les applications lin´eaires deE dansF est not´eL(E, F).
D´efinition 1 (Application lin´eaire, endomorphisme, isomorphisme)
I Remarque
Soitϕ:E→F une application. Siϕest lin´eaire, alorsϕv´erifie les conditions :
(A) ∀u1, u2∈E ϕ(u1+u2) =ϕ(u1) +ϕ(u2) (Appliquer (P) avecλ1=λ2= 1.)
(H) ∀u∈E ∀λ∈K ϕ(λ.u) =λ.ϕ(u) (Appliquer (P) avecu1=u,u2= 0E,λ1=λetλ2= 0K.) .
La r´eciproque est ´egalement vraie, i.e. : siϕv´erifie les conditions (A) et (H), alorsϕest lin´eaire.
I Exemple 1 :Les applications
ϕ1:R2→R, x
y
7→x−y et ϕ2:R3→R3,
x y z
7→
x+y y+z x−z
=
1 1 0
0 1 1
1 0 −1
x y z
sont lin´eaires.
Siϕ:E→F est une application lin´eaire, alorsϕ(0E) = 0F. Proposition 1
Preuve
De 0E= 0E+ 0E, on d´eduit : (∗) ϕ(0E) =ϕ(0E+ 0E). Orϕest lin´eaire donc : (∗∗) ϕ(0E+ 0E) =ϕ(0E) +ϕ(0E).De (∗) et (∗∗), on d´eduit : (∗ ∗ ∗) ϕ(0E) =ϕ(0E) +ϕ(0E).En ajoutant l’oppos´e deϕ(0E) `a chacun des deux membres de l’´egalit´e (∗ ∗ ∗), on obtient
0F =ϕ(0E). Q.E.D.
1
• Soientϕ, ψ∈ L(E, F). Alors l’application
ϕ+ψ: E→F , u7→ϕ(u) +ψ(u) est lin´eaire, i.e.ϕ+ψ∈ L(E, F).
• Soientλ∈Ket soitϕ∈ L(E, F). Alors l’application
λ.ϕ: E→F , u7→λ.ϕ(u) est lin´eaire, i.e.λ.ϕ∈ L(E, F).
• SoitGunK-espace vectoriel, et soientϕ∈ L(E, F) etψ∈ L(F, G). Alors l’application ψ◦ϕ:E→G , u7→ψ(ϕ(u))
est lin´eaire, i.e.ψ◦ϕ∈ L(E, G).
• Soitϕ:E→F un isomorphisme. Alors sa bijection r´eciproque
ϕ−1:F →E , v7→l’unique ´el´ementudeEtel que ϕ(u) =v est lin´eaire, i.e.ϕ−1∈ L(F, E).
Th´eor`eme 1 (Op´erations sur les applications lin´eaires)
I Exemple 2
L’application
ϕ:R2→R2, x
y
7→
2x+y 3x+ 2y
= 2 1
3 2 x y
est lin´eaire et bijective. Sa bijection r´eciproque est l’application lin´eaire :
ϕ−1:R2→R2, x
y
7→
2x−y
−3x+ 2y
=
2 −1
−3 2 x y
.
On d´efinit une op´eration interne + sur L(E, F), en associant `a (ϕ, ψ) ∈ L(E, F)2 l’application lin´eaire (cf.
th´eor`eme 1) :
ϕ+ψ:E→F , u7→ϕ(u) +ψ(u)
et une op´eration externe.sur L(E, F) `a op´erateurs dansK, en associant `a (λ, ϕ)∈K× L(E, F) l’application lin´eaire (cf. th´eor`eme 1) :
λ.ϕ:E→F , u7→λ.ϕ(u).
Alors (L(E, F),+, .) est unK-espace vectoriel.
Th´eor`eme 2 (Structure d’espace vectoriel de L(E, F))
I Exemple 3
1. (L(R2,R3),+, .) est unR-espace vectoriel.
2. (L(R3[X],R4),+, .) unR-espace vectoriel.
3. (L(R2,M2(R)),+, .) est unR-espace vectoriel.
4. (L(F(N,R),R),+, .) est unR-espace vectoriel.
1. D ´EFINITIONS ET PROPRI ´ET ´ES ´EL ´EMENTAIRES. 3
Soitϕ :E→F une application lin´eaire.
• Le noyau deϕ, not´e Ker(ϕ), est d´efini par :
Ker(ϕ) =ϕ−1({0F}) ={u∈E : ϕ(u) = 0F}.
C’est l’ensemble de tous les ant´ec´edents de 0F parϕ.
• L’image deϕ, not´ee Im(ϕ), est d´efinie par :
Im(ϕ) ={ϕ(u) : u∈E}.
C’est l’ensemble de toutes les images parϕdes vecteurs deE.
D´efinition 2 (Noyau et image d’une application lin´eaire)
I Exemple 4
On consid`ere les applications lin´eairesϕ1et ϕ2introduites dans l’exemple 1.
1. Ker(ϕ1) = Vect 1
1
et Im(ϕ1) =R.
2. Ker(ϕ2) = Vect
1
−1 1
et Im(ϕ2) =
x0 y0 z0
∈R3 : −x0+y0+z0= 0
= Vect
1 1 0
,
1 0 1
.
Soitϕ:E→F une application lin´eaire.
• Le noyau deϕ, Ker(ϕ), est un sous-espace vectoriel deE.
• L’image deϕ, Im(ϕ), est un sous-espace vectoriel deF. Proposition 2 (Structure de Ker(ϕ)et Im(ϕ))
Preuve
• On sait (cf. proposition 1) queϕ(0E) = 0F. Donc 0E∈Ker(ϕ). En particulier : (∗) Ker(ϕ)6=∅.
Soientu1, u2∈Ker(ϕ) et soientλ1, λ2∈K. On veut prouver queλ1.u1+λ2.u2∈Ker(ϕ), i.e.ϕ(λ1.u1+λ2.u2) = 0F. ϕ(λ1.u1+λ2.u2) = λ1.ϕ(u1) +λ2.ϕ(u2) (ϕest lin´eaire)
= λ1.0F+λ2.0F (u1, u2∈Ker(ϕ) doncϕ(u1) =ϕ(u2) = 0F)
= 0F (cf. axiomes de structure des espaces vectoriels) Ainsi a-t-on : (∗∗) ∀u1, u2∈Ker(ϕ) ∀λ1, λ2∈K λ1.u1+λ2.u2∈Ker(ϕ).
De (∗) et (∗∗), on d´eduit que Ker(ϕ) est un sous-espace vectoriel deE.
• Commeϕ(0E) = 0F (cf. proposition 1), 0F∈Im(ϕ). Par suite : (∗) Im(ϕ)6=∅.
Soientv1, v2∈Im(ϕ) et soientλ1, λ2∈K. On va d´emontrer queλ1.v1+λ2.v2∈Im(ϕ), i.e. queλ1.v1+λ2.v2est l’image d’un ´el´ement de Eparϕ. Commev1, v2∈Im(ϕ), il existeu1, u2∈Etels que : (∗∗) v1=ϕ(u1) etv2=ϕ(u2).
λ1.v1+λ2.v2 = λ1.ϕ(u1) +λ2.ϕ(u2) (cf. (∗∗))
= ϕ(λ1.u1+λ2.u2) (ϕest lin´eaire) Ainsiλ1.v1+λ2.v2est-il ´egal `aϕ(λ1.u1+λ2.u2). Doncλ1.v1+λ2.v2∈Im(ϕ).
On a donc : (∗ ∗ ∗) ∀v1, v2∈Im(ϕ) ∀λ1, λ2∈K λ1.v1+λ2.v2∈Im(ϕ).
De (∗) et (∗ ∗ ∗), on d´eduit que Im(ϕ) est un sous-espace vectoriel deF.
Soitϕ:E→F une application lin´eaire.
• L’applicationϕest injective si et seulement si Ker(ϕ) ={0E}.
• L’applicationϕest surjective si et seulement si Im(ϕ) =F.
Proposition 3 (Noyau et injectivit´e, image et surjectivit´e)
Preuve
• Supposonsϕinjective et montrons Ker(ϕ) ={0E}.
Comme Ker(ϕ) est un sous-espace vectoriel deE, on a l’inclusion{0E} ⊂Ker(ϕ). Il reste `a prouver l’inclusion inverse, i.e. : Ker(ϕ)⊂ {0E}.
Soitu∈Ker(ϕ). Alorsϕ(u) = 0F. Maisϕ(0E) = 0F. Ainsiuet 0E ont-ils la mˆeme image parϕ. L’applicationϕ´etant injective, ceci impliqueu= 0E.
Supposons Ker(ϕ) ={0E}et montrons queϕest injective.
Soientu1, u2∈Etels queϕ(u1) =ϕ(u2). Alors (∗) ϕ(u1)− ϕ(u2) = 0F. Mais (∗∗) ϕ(u1)− ϕ(u2) =ϕ(u1−u2) (lin´earit´e def). De (∗) et (∗∗), on d´eduit queϕ(u1−u2) = 0F. Doncu1−u2∈Ker(ϕ). Comme Ker(ϕ) ={0E},u1−u2= 0E. Doncu1=u2.
• La deuxi`eme assertion est en fait exactement la d´efinition de la surjectivit´e. Il s’agit d’un rappel de la d´efinition et il n’y a rien `a montrer.
I Exemple 5 L’application
ϕ:R1[X]→R2[X], P 7→P(0) +P(1)X+P(2)X2 est lin´eaire. Elle est de plus injective car son noyau est nul, i.e. Ker(ϕ) ={0}.
Preuve de l’assertion Ker(ϕ) ={0}
• L’inclusion (∗) Ker(ϕ)⊃ {0}est claire car Ker(ϕ) est un sous-espace vectoriel deR1[X].
• Montrons l’inclusion (∗∗) Ker(ϕ)⊂ {0}. SoitP =a0+a1X ∈Ker(ϕ), aveca0, a1∈R. Alorsϕ(P) = 0, i.e. a0+ (a0+a1)X + (a0+ 2a1)X2 = 0. On a donc a0 =a0+a1 =a0+ 2a1 = 0. On montre que ces conditions impliquent a0=a1= 0. Ainsi a-t-onP = 0.
• De (∗) et (∗∗), on d´eduit que Ker(ϕ) ={0}.
2 Matrices et applications lin´ eaires : exemples
On noteE = (e1, e2, e3) la base canonique deR3 etF= (f1, f2) la base canonique deR2.
2.1 Matrice d’une application lin´ eaire de R
2dans R
3, dans les bases E et F
Soit l’application lin´eaireϕ:R3→R2,
x y z
7→
x+ 2y−z 2x−y+ 3z
. On calcule les coordonn´ees deϕ(e1),ϕ(e2), ϕ(e3) dans la baseF comme suit.
ϕ(e1) = 1
2
=f1+ 2f2; les coordonn´ees def(e1) dans la baseF sont donc 1
2
.
ϕ(e2) = 2
−1
= 2f1−f2; les coordonn´ees def(e2) dans la baseF sont donc 2
−1
.
ϕ(e3) = −1
3
=−f1+ 3f2; les coordonn´ees def(e3) dans la baseF sont donc −1
3
.
2. MATRICES ET APPLICATIONS LIN ´EAIRES : EXEMPLES 5
La matrice de l’application ϕ dans les bases E et F, not´ee Mat(ϕ,E,F), est la matrice 2×3 dont la i-`eme colonne est form´ee des coordonn´ees deϕ(ei) dans la baseF, i.e. : Mat(ϕ,E,F) =
1 2 −1
2 −1 3
. D´efinition 3
Siu∈R3 a pour coordonn´ees
x y z
dans la baseE deR3, alorsϕ(u) a pour coordonn´ees Mat(ϕ,E,F)×
x y z
dans la baseF deR2.
Lemme 1
Preuve
Par hypoth`ese, on au=xe1+ye2+ze3.
ϕ(u) = ϕ(xe1+ye2+ze3)
= xϕ(e1) +yϕ(e2) +zϕ(e3) (lin´earit´e deϕ)
= x(f1+ 2f2) +y(2f1−f2) +z(−f1+ 3f2) (cf. calculs deϕ(e1),ϕ(e2),ϕ(e3))
= (x+ 2y−z) f1+ (2x−y+ 3z) f2
Les coordonn´ees deϕ(u) sont donc
x+ 2y−z 2x−y+ 3z
dans la baseF. Enfin on v´erifie que
Mat(ϕ,E,F)×
x y z
=
1 2 −1
2 −1 3
×
x y z
=
x+ 2y−z 2x−y+ 3z
.
Q.E.D.
I Exemple 6
Les coordonn´ees deϕ(3e1+e2−e1) dans la baseF deR2 sont
1 2 −1
2 −1 3
3 1
−1
= 6
2
,i.e. :
ϕ(3e1+e2−e1) = 6f1+ 2f2= 6
2
.
2.2 Application lin´ eaire associ´ ee ` a une matrice, relativement aux bases E et F
Soit la matrice
A=
0 5 −1
4 −3 0
.
L’application App(A,E,F) :R3 → R2 qui associe `a u∈ R3 de coordonn´ees
x y z
, dans la base E de R3, le
vecteur App(A,E,F)(u)∈ R2 dont les coordonn´ees, dans la baseF deR2, sontA
x y z
est lin´eaire.
Lemme 2
Preuve
Soientu1, u2∈R3, soitλ1, λ2∈R. On note
x1
y1 z1
et
x2
y2 z2
les coordonn´ees respectives deu1etu2, dans la baseE deR3.
• Les coordonn´ees respectives de App(A,E,F)(u1) et App(A,E,F)(u2), dans la baseFdeR2, sont :
A
x1
y1 z1
=
5y1−z1 4x1−3y1
et A
x2
y2 z2
=
5y2−z2 4x2−3y2
.
Ainsi
App(A,E,F)(u1) = (5y1−z1)f1+ (4x1−3y1)f2 et App(A,E,F)(u2) = (5y2−z2)f1+ (4x2−3y2)f2. On a donc : (∗) λ1.App(A,E,F)(u1) +λ2.App(A,E,F)(u2) ´egale
(λ1(5y1−z1) +λ2(5y2−z2)) f1+ (λ1(4x1−3y1) +λ2(4x2−3y2)) f2.
• Par d´efinition des coordonn´ees dans une base, on a :
u1=x1e1+y1e2+z1e3 et u2=x2e1+y2e2+z2e3. On a donc
λ1.u1+λ2.u2= (λ1x1+λ2x2) e1+ (λ1y1+λ2y2) e2+ (λ1z1+λ2z2) e3.
Les coordonn´ees deλ1.u1+λ2.u2, dans la baseEdeR3sont donc :
λ1x1+λ2x2
λ1y1+λ2y2
λ1z1+λ2z2
. Les coordonn´ees de App(A,E,F)(λ1.u1+λ2.u2), dans la baseFdeR2, sont donc :
A
λ1x1+λ2x2
λ1y1+λ2y2
λ1z1+λ2z2
=
5(λ1y1+λ2y2)−(λ1z1+λ2z2) 4(λ1x1+λ2x2)−3(λ1y1+λ2y2)
=
λ1(5y1−z1) +λ2(5y2−z2) λ1(4x1−3y1) +λ2(4x2−3y2)
.
Par suite, on a : (∗∗) App(A,E,F)(λ1.u1+λ2.u2) ´egale
(λ1(5y1−z1) +λ2(5y2−z2)) f1+ (λ1(4x1−3y1) +λ2(4x2−3y2)) f2.
• En comparant (∗) et (∗∗), on observe :
App(A,E,F)(λ1.u1+λ2.u2) =λ1.App(A,E,F)(u1) +λ2.App(A,E,F)(u2).
Q.E.D.
L’application lin´eaire App(A,E,F) :R3 → R2 d´efinie ci-dessus est appel´ee application lin´eaire associ´ee `a la matriceArelativement aux bases E etF.
D´efinition 4
I Exemple 7
Les coordonn´ees de App(A,E,F)(e1−2e2+ 3e3) dans la baseFdeR3sont
0 5 −1
4 −3 0
1
−2 3
= −13
10
, i.e. App(A,E,F)(e1−2e2+ 3e3) =−13f1+ 10f2=
−13 10
.
I Remarque
Apr`es avoir fix´e des basesE etFrespectivement deR3etR2, on a :
• associ´e `a une application lin´eaireϕ:R3→R2une matrice Mat(ϕ,E,F) de taille 2×3 (cf. 2.1) ;
• associ´e `a une matriceAde taille 2×3 une application lin´eaire App(A,E,F) :R3→R2(cf. ci-dessus).
On va voir dans la partie suivante, que ces deux constructions ϕ Mat(ϕ,E,F) et A App(A,E,F) se g´en´eralisent et sont des constructionsinverses l’une de l’autre.
3. MATRICES ET APPLICATIONS LIN ´EAIRES : ´ETUDE G ´EN ´ERALE 7
3 Matrices et applications lin´ eaires : ´ etude g´ en´ erale
Notations
• E et F sont deux K-espaces vectoriels de dimension finie ;
• E = (e1, . . . , ep) d´esigne une base deE etF= (f1, . . . , fn) une base deF;
• pour toutn∈N∗, on noteCanRn (resp.CanRn[X]) la base canonique deRn (resp.Rn[X]).
Soit ϕ: E → F une application lin´eaire. La matrice de l’application lin´eaire ϕ dans les bases E et F est la matricen×p, not´ee Mat(ϕ,E,F), dont la i-`eme colonne est form´ee des coordonn´ees deϕ(ei) dans la baseF deF.
D´efinition 5 (Matrice d’une application lin´eaire dans une base)
I Exemple 8
1. Dans l’exemple 1 :
Mat(ϕ1, CanR2, CanR) = (1 −1) et Mat(ϕ2, CanR3, CanR3) =
1 1 0
0 1 1
1 0 −1
.
2. Soit ϕ:R2[X]→R2[X], P 7→2P + 3P0, o`u P0 d´esigne le polynˆome d´eriv´e de P. Cette application est lin´eaire. On calcule les coordonn´ees des images des ´el´ements de CanR2[X] parϕ, dans la baseCanR2[X].
ϕ(1) = 2 =
2 1 +
0 X +
0 X2
; ϕ(X) = 2X+ 3 =
3 1 +
2 X +
0 X2
; ϕ(X2) = 2X2+ 6X =
0 1 +
6 X +
2 X2
On a donc Mat(ϕ, CanR2[X], CanR2[X]) =
2 3 0 0 2 6 0 0 2
.
Soitϕ:E→F une application lin´eaire. Siu∈E a pour coordonn´ees
x1
... xp
dans la baseE deE, alorsϕ(u) a
pour coordonn´ees Mat(ϕ,E,F)×
x1
... xp
dans la baseF deF.
Lemme 3 (Retrouver l’application lin´eaire `a partir de sa matrice dans des bases.)
Preuve
La d´emonstration est analogue `a celle du lemme 1.
SoitAune matricen×p`a coefficients dansK. Alors l’application App(A,E,F) :E→F d´efinie par :
ude coordonn´ees
x1
... xp
dansE 7→ App(A,E,F)(u) de coordonn´eesA
x1
... xp
dansF est lin´eaire ; on la nommeapplication lin´eaire associ´ee `a la matrice Arelativement aux basesE etF.
Proposition 4 (Application lin´eaire associ´ee `a une matrice relativement `a des bases)
Preuve
La d´emonstration est analogue `a celle du lemme 2.
I Exemple 9 Soit A la matrice
1 2 1 3
. On consid`ere l’application lin´eaire App(A, CanR1[X], CanR2) :R1[X] → R2. On calcule :
App(A, CanR1[X], CanR2)(1) = 1
1
et App(A, CanR1[X], CanR2)(X) = 2
3
et plus g´en´eralement
App(A, CanR1[X], CanR2)(a0+a1X) =
a0+ 2a1
a0+ 3a1
pour touta0, a1∈R. On remarque que pour toutP ∈R1[X], App(A, CanR1[X], CanR2) = P(2)
P(3)
.
On a les deux propri´et´es :
∀ϕ∈ L(E, F) App(Mat(ϕ,E,F),E,F) =ϕ et ∀A∈ Mn,p(K) Mat(App(A,E,F),E,F) =A.
Par suite les deux applications :
Mat(·,E,F) :L(E, F)→ Mn,p(K), ϕ7→Mat(ϕ,E,F) App(·,E,F) :Mn,p(K)→ L(E, F), A7→App(A,E,F) sont des bijections, r´eciproques l’une de l’autre.
Proposition 5 (ϕ Mat(ϕ,E,F)et A App(A,E,F) : des constructions inverses l’une de l’autre)
I Remarque
La proposition pr´ec´edente, nous apprend qu’il y a un lien tr`es ´etroit entre applications lin´eaires et matrices, en tant qu’´el´ements. On dispose en effet de deux bijections r´eciproques l’une de l’autre explicites qui nous permettent de passer deL(E, F) `aMn,p(K) et r´eciproquement.
Nous allons voir souvent dans la suite que ce lien entreL(E, F) etMn,p(K) est extrˆement f´econd, il permet de transformer nombre de probl`emes sur les applications lin´eaires en des probl`emes sur les matrices et r´eciproquement. Une des cl´es pour cela est que les applications Mat(·,E,F) et App(·,E,F) sont non seulement bijectives mais encore lin´eaires ; ce sont donc des isomorphismes (cf. th´eor`eme suivant).
3. MATRICES ET APPLICATIONS LIN ´EAIRES : ´ETUDE G ´EN ´ERALE 9
• Mat(·,E,F) et App(·,E,F) et l’addition
∀ϕ, ψ∈ L(E, F) Mat(ϕ+ψ,E,F) = Mat(ϕ,E,F) + Mat(ψ,E,F)
∀A, B∈ Mn,p(K) App(A+B,E,F) = App(A,E,F) + App(B,E,F)
• Mat(·,E,F) et App(·,E,F) et la multiplication par un scalaire
∀ϕ∈ L(E, F) ∀λ∈K Mat(λ.ϕ,E,F) =λ.Mat(ϕ,E,F)
∀A∈ Mn,p(K) ∀λ∈K App(λ.A,E,F) =λ.App(A,E,F)
• Composition d’applications lin´eaires versus multiplication de matrices
SoitGunK-espace vectoriel de dimension finie et soit G= (g1, . . . , gm) une base deG.
∀ϕ∈ L(E, F) ∀ψ∈ L(F, G) Mat(ψ◦ϕ,E,G) = Mat(ψ,F,G)×Mat(ϕ,E,F)
∀A∈ Mn,p(K) ∀B∈ Mm,n(K) App(B×A,E,G) = App(B,F,G)◦App(A,E,F)
• Isomorphismes versus matrices inversibles
Siϕ:E→F est un isomorphisme, alors Mat(ϕ,E,F) est inversible et : Mat(ϕ,E,F)−1= Mat(ϕ−1,E,F).
Sip=net siA∈ Mn(K) est inversible, alors App(A,E,F) :E →F est un isomorphisme et : App(A,E,F)−1= App(A−1,E,F).
Th´eor`eme 3 (Matrices, applications lin´eaires et op´erations sur icelles)
I Exemple 10
1. Les applications ϕ: R3→R2,
x y z
7→
x+ 5y+ 2z x−4y−z
et ψ:R2→R3, x
y
7→
2x−y
x x−4y
sont lin´eaires et l’on a :
Mat(ϕ, CanR3, CanR2) =
1 5 2
1 −4 −1
et Mat(ψ, CanR2, CanR3) =
2 −1
1 0
1 −4
.
On a donc :
Mat(ψ◦ϕ, CanR3, CanR3) = Mat(ψ, CanR2, CanR3)×Mat(ϕ, CanR3, CanR2)
=
2 −1
1 0
1 −4
×
1 5 2
1 −4 −1
=
1 14 5
1 5 2
−3 21 6
.
2. On consid`ere `a nouveau l’isomorphisme ϕet sa r´eciproque ϕ−1 introduits dans l’exemple 2. D’apr`es les calculs d´ej`a effectu´es pour cet exemple, on a :
Mat(ϕ, CanR2, CanR2) = 2 1
3 2
et Mat(ϕ−1, CanR2, CanR2) =
2 −1
−3 2
.
On v´erifie que l’on a bien 2 1
3 2
×
2 −1
−3 2
=I2, o`uI2 est la matrice identit´e 2×2.
4 Applications lin´ eaires et th´ eorie de la dimension
On suppose dans cette partie queE est de dimension finie.
Soitϕ:E→F une application lin´eaire. Alors on a : dim(Ker(ϕ)) + dim(Im(ϕ)) = dim(E).
Th´eor`eme 4 (Th´eor`eme noyau-image)
I Exemple 11
Soitϕ:R2[X]→R3, P 7→
P(1) P(2) P(3)
. On d´emontre que cette application est lin´eaire. De plus Ker(ϕ) ={0}et doncϕest injective (cf. proposition 2).
En effet soitP=a0+a1X+a2X2∈Ker(ϕ). Alorsϕ(P) =
0 0 0
, i.e. : P(1) =P(2) =P(3) = 0. On a donc
(S)
a0 + a1 + a2 = 0 a0 + 2a1 + 4a2 = 0 a0 + 3a1 + 9a2 = 0
On r´esout le syst`eme (S) par la m´ethode du pivot de Gauß pour trouver qu’il ne poss`ede qu’une solution a0=a1=a2= 0. Le polynˆomeP est donc le polynˆome nul.
En appliquant le th´eor`eme noyau-image, on a donc : dim(Im(ϕ)) = dim(R2[X]). Comme dim(R2[X]) = 3, on a donc : (∗) dim(Im(ϕ)) = dim(R3). Or : (∗∗) Im(ϕ) est un sous-espace vectoriel de R3. De (∗) et (∗∗), on d´eduit que Im(ϕ) =R3, i.e. :ϕest surjective.
On a donc d´emontr´e l’assertion : Pour tout y1, y2, y3∈ R, il existe un unique polynˆome de degr´e inf´erieur ou
´
egal `a 2 dont la courbe repr´esentative dans un rep`ere du plan passe par les trois points de coordonn´ees (1, y1), (2, y2), (3, y3).
On suppose ici que E et F sont de dimension finie et que dim(E) = dim(F) et on consid`ere une application lin´eaireϕ:E→F.
L’applicationϕest injective si et seulement si elle est surjective.
Th´eor`eme 5 (En dimensions finies ´egales, l’injectivit´e ´equivaut `a la surjectivit´e)
Preuve
• Comme dim(E) = dim(F), l’´egalit´e donn´ee par le th´eor`eme noyau-image se r´e´ecrit : (∗) dim(Ker(ϕ)) + dim(Im(ϕ)) = dim(F).
• Supposonsϕinjective. Alors Ker(ϕ) ={0E}(cf. proposition 3) et donc (∗) donne dim(Im(ϕ)) = dim(F). Comme Im(ϕ) est un sous-espace vectoriel deF, cela implique que : Im(ϕ) =F. L’applicationϕest donc surjective.
• Supposonsϕsurjective. Alors Im(ϕ) =Fet donc dim(Im(ϕ)) = dim(F). L’´egalit´e (∗) implique alors dim(Ker(ϕ)) = 0, i.e. Ker(ϕ) ={0E}.
L’applicationϕest donc injective (cf. proposition 3).
Soit E un K-espace vectoriel de dimension finie et soit E = (e1, . . . , ep) une base de E. Soit F un K-espace vectoriel.
Une application lin´eaire ϕ: E →F est un isomorphisme si et seulement si (ϕ(e1), . . . , ϕ(ep)) est une base de F.
Th´eor`eme 6 (Crit`ere d’isomorphie)
5. RANG D’UNE APPLICATION LIN ´EAIRE ET RANG D’UNE MATRICE 11 Preuve
• On suppose queϕest un isomorphisme. On va montrer que la famille (ϕ(e1), . . . , ϕ(ep)) est une base deF.
Commeϕest un isomorphisme, Ker(ϕ) ={0E}et Im(ϕ) =F (proposition 3). Ainsi dim(F) = dim(E) =p(th´eor`eme 4). Il suffit donc de montrer que la famille (ϕ(e1), . . . , ϕ(ep)) est libre. En effet (ϕ(e1), . . . , ϕ(ep)) est une famille de vecteurs deF `ap´el´ements etFest de dimensionp.
Soitλ1, . . . , λp∈Ktels que
p
X
i=1
λiϕ(ei) = 0F.
p
X
i=1
λiϕ(ei) = 0F ⇒ ϕ
p
X
i=1
λiei
!
= 0F (lin´earit´e deϕ)
⇒
p
X
i=1
λiei∈ Ker(ϕ) (d´efinition du noyau deϕ)
⇒
p
X
i=1
λiei= 0E (ϕinjective donc Ker(ϕ) ={0E}(proposition 3))
⇒ λ1=λ2=. . .=λp= 0 ((e1, . . . , ep) est une base, donc une famille libre.)
• On suppose `a pr´esent que (ϕ(e1), . . . , ϕ(ep)) est une base deF. On a donc : (∗) Vect(ϕ(e1), . . . , ϕ(ep)) = F. Montrons queϕest un isomorphisme.
On aϕ(e1), . . . , ϕ(ep)∈Im(ϕ) par d´efinition mˆeme de l’image deϕ. Or Im(ϕ) est un sous-espace vectoriel deF(proposition 2), donc : (∗∗) Im(ϕ)⊂F et Vect(ϕ(e1), . . . , ϕ(ep))⊂Im(ϕ).
De (∗) et (∗∗), on d´eduit que Im(ϕ) =F. On a donc : (∗ ∗ ∗) l’applicationϕest surjective.
Comme (ϕ(e1), . . . , ϕ(ep)) est une base deF, on a : (∗ ∗ ∗∗) dim(F) =p= dim(E). De (∗ ∗ ∗), (∗ ∗ ∗∗) et du th´eor`eme 5, on d´eduit alors queϕest bijective ; c’est donc un isomorphisme deEsurF.
Q.E.D.
I Exemple 12
L’applicationϕ:R2[X]→R3, P 7→
P(0) P0(0) P00(0)
, o`uP0 (resp.P00) est le polynˆome d´eriv´e (resp. d´eriv´e seconde) deP, est lin´eaire. C’est de plus un isomorphisme, car les images des vecteurs de la base canonique (1, X, X2) deR2[X] parϕsont :
ϕ(1) =
1 0 0
; ϕ(X) =
0 1 0
; ϕ(X2) =
0 0 2
et
1 0 0
,
0 1 0
,
0 0 2
est une base deR3.
5 Rang d’une application lin´ eaire et rang d’une matrice
SoitE unK-espace vectoriel et soitF unK-espace vectoriel de dimension finie. Soitϕ:E→F une application lin´eaire. Lerang de ϕ, not´e rang(ϕ), est d´efini par : rang(ϕ) = dim(Im(ϕ)).
D´efinition 6 (Rang d’une application lin´eaire)
I Remarque
Les notations sont celles de la d´efinition ci-dessus. D’apr`es le th´eor`eme noyau-image, si l’on connaˆıt la dimension deEet la dimension du noyau deϕ, alors on connaˆıt le rang deϕ: rang(ϕ) = dim(E)−dim(Ker(ϕ)).
Soient n, p ∈ N∗ et soit A ∈ Mn,p(K). Alors le rang de la matrice A, not´e rang(A), est le rang du syst`eme lin´eaire homog`ene :
(SA) : A
x1
... xp
=
0 ... 0
canoniquement associ´e `a A.
D´efinition 7 (Rang d’une matrice)
I Remarque
Pour d´eterminer le rang d’un syst`eme lin´eaire (S), on commence par le transformer en un syst`eme lin´eaire ´echelonn´e (S0) ´equivalent, en appliquant l’algorithme du pivot de Gauß. Le rang du syst`eme (S) est par d´efinition le nombre de lignes de (S0) dont le membre de gauche n’est pas nul.
Ce dernier est ind´ependant du choix de (S0). En particulier le second membre du syst`eme (S) n’influe pas sur le rang de (S).
On peut donc´echelonner la matriceAelle-mˆeme, au moyen de l’algorithme du pivot de Gauß, pour calculer son rang.
I Exemple 13 Soit A =
−1 2 −1 2 1 −3 1 1 −2
. Montrons que rang(A) = 2, en utilisant la m´ethode expliqu´ee dans la remarque pr´ec´edente.
rang(A) = rang
−1 2 −1 0 5 −5 0 3 −3
(L2←L2+ 2L1 etL3←L3+L1)
= rang
−1 2 −1 0 5 −5
0 0 0
(L3←L3−3 5L2)
= 2 (La matrice ci-dessus est ´echelonn´ee.)
Soientn, p∈N∗ et soit
A= (aij)1≤i≤n
1≤j≤p
∈ Mn,p(K).
On lui associe sa matrice transpos´ee
tA= (aji)1≤j≤p
1≤i≤n
∈ Mp,n(K).
On a : rang(A) = rang(tA).
Th´eor`eme 7 (Le rang d’une matrice est ´egal `a celui de sa transpos´ee.)
I Exemple 14
Soit A =
1 2 2
2 2 −2
2 1 2
1 2 3
−1 2 0
. Alors tA =
1 2 2 1 −1
2 2 1 2 2
2 −2 2 3 0
. On souhaite d´eterminer le rang de A qui, d’apr`es le th´eor`eme ci-dessus, est aussi le rang de tA. Deux strat´egies s’offrent `a nous : ´echelonner A ou
´
echelonner tA.
Il est plus rapide d’´echelonner la matrice tAque la matrice A, avec l’algorithme du pivot de Gauß , vu aupa- ravant. En effet, dans la version de l’algorithme donn´ee, les op´erations ´el´ementaires que l’on applique portent sur les lignes :a priorimoins il y a de lignes, moins il y a de calculs.
5. RANG D’UNE APPLICATION LIN ´EAIRE ET RANG D’UNE MATRICE 13
rang(A) = rang(tA)
= rang
1 2 2 1 −1
0 −2 −3 0 4
0 −6 −2 1 2
(L2←L2−2L1 etL3←L3−2L1)
= rang
1 2 2 1 −1
0 −2 −3 0 4
0 0 7 1 −10
(L3←L3−3L2)
= 3 (La matrice ci-dessus est ´echelonn´ee.)
Soient E et F deux K-espaces vectoriels de dimension finie, E = (e1, . . . , ep) d´esigne une base de E et F= (f1, . . . , fn) une base deF.
• Soitϕ:E→F une application lin´eaire. Alors on a : rang(ϕ) = rang(Mat(ϕ,E,F)).
• SoitA∈ Mn,p. Alors on a : rang(A) = rang(App(A,E,F)).
Th´eor`eme 8 (Rang d’une application lin´eaire versus rang d’une matrice)
I Exemple 15 Soitϕ:R3→R3,
x y z
7→
−x+ 2y−z 2x+y−3z x+y−2z
. Cette application est lin´eaire et
Mat(ϕ, CanR3, CanR3)) =
−1 2 −1 2 1 −3 1 1 −2
.
On reconnaˆıt la matriceAde l’exemple 13 dont on a calcul´e le rang. Celui-ci vaut 2. On a donc : rang(ϕ) = rang(Mat(ϕ, CanR3, CanR3)) = 2.
On en d´eduit queϕn’est ni surjective, ni injective (th´eor`eme 4).