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Territorialité de l'enquête pénale et garantie d'une activité irréprochable : à propos d'une ordonnance de la Chambre d'accusation de Genève

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Territorialité de l'enquête pénale et garantie d'une activité irréprochable : à propos d'une ordonnance de la Chambre

d'accusation de Genève

STRAULI, Bernhard

STRAULI, Bernhard. Territorialité de l'enquête pénale et garantie d'une activité irréprochable : à propos d'une ordonnance de la Chambre d'accusation de Genève. In: Thévenoz, Luc. Journée 1995 de droit bancaire et financier . Berne : Staempfli, 1995. p. 123-143

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:45970

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1 / 1

(2)

Bernhard Strauli

Territorialité de l'enquête pénale et garantie d'une activité irréprochable

A propos d'une ordonnance de la Chambre d'accusation de Genève

1. Introduction

En janvier 1993, les autorités judiciaires genevoises sont requises, par Je canal de l'entraide internationale en matière pénale, de prêter leur concours à une enquête étrangère portant sur un complexe de faits susceptibles de relever de la corruption; le produit d'une telle infraction est suspecté d'avoir transité par la Suisse. Ayant pris connaissance du contenu de la commission rogatoire, Je Ministère public décide, parallèlement au traitement de la de- mande d'entraide, d'ouvrir une information locale des chefs de blanchi- ment d'argent et de défaut de vigilance en matière d'opérations financières, au sens des art. 305b;, et 305'" CP.

Dans Je cadre de ses investigations, Je juge d'instruction chargé du dossier procède en octobre 1994 à une perquisition dans les locaux d'une banque genevoise. A l'examen des pièces découvertes sur place, Je magis- trat décide, entre autres mesures, de saisir les avoirs d'une société sur le compte de laquelle des fonds suspects avaient été crédités puis en partie transférés auprès de la filiale bahamienne de la banque genevoise. Simulta- nément, il invite la banque genevoise à (1) entreprendre les démarches né- cessaires au blocage des actifs adressés à son établissement de Nassau, (2) lui communiquer toute la documentation bancaire relative au compte ali- menté par le transfert en provenance de Genève, (3) lui indiquer si elle est investie d'un pouvoir de gestion sur les avoirs déposés sur ce compte à l'étranger. Vu l'urgence, le juge signifie son ordonnance par pli postal et par téléfax.

Dix jours plus tard, la banque genevoise informe le magistrat du gel des fonds douteux virés à sa filiale, mais précise être intervenue en vertu

«des exigences d'une gestion irréprochable telle qu'elle doit être mise en

pratique par les organes suisses de la banque des Bahamas», et non pas en

reconnaissance d'une «compétence territoriale étendue à la magistrature

genevoise». Elle indique ensuite ne pas être en mesure de déférer à l'ordre

de produire les documents bancaires se rapportant au compte étranger, car

(3)

un pareil comportement constituerait une violation de la législation baha- mienne sur les banques. La banque genevoise se réserve enfin la faculté de recourir auprès de la Chambre d'accusation, ce qu'elle fait le lendemain, à l'instar du titulaire du compte bloqué à Nassau.

Par ordonnance du 17 janvier 1995

1,

la Chambre d'accusation gene- voise admet' les deux recours et annule les trois dernières injonctions du juge d'instruction.

H. La territorialité de l'enquête pénale A. Indications générales

A l'appui de sa décision, la Chambre d'accusation avance deux règles juri- diques représentant en quelque sorte les deux côtés d'une même pièce de monnaie et dont la conjonction donne naissance à ce que l'on peut appeler le principe de la territorialité de l'enquête pénale: il s'agit de l'inapplicabi- lité du CPP genevois en dehors des limites politiques du canton, d'une part, de l'interdiction pour le juge d'instruction genevois de prendre des mesures de contrainte sur sol étranger, d'autre part.

Comme si la question n'avait aucun intérêt pratique ou si sa solution était évidente, la plupart des lois de procédure pénale ne définissent pas leur champ d'application dans l'espace. Le code genevois n'y fait pas ex- ception. Ce nonobstant, il est aujourd'hui acquis que les normes instituant les autorités chargées d'administrer la justice en matière pénale, délimitant leurs compétences respectives et réglementant la recherche, la poursuite, l'instruction et le jugement des infractions' ne déploient leurs effets qu'à l'intérieur des frontières de l'entité étatique (pays, canton) les ayant adop-

1 Le texte de l'ordonnance est reproduit en annexe, page 138.

2 Avant d'aborder le fond, la Chambre d'accusation tranche trois questions de receva- bilité non dénuées d'intérêt. S'agissant de la qualité pour recourir contre une mesure de blocage d'un compte, elle·établit explicitement que le statut de tiers saisi selon ! 'art. 191 al. 1 lit. e CPP genevois doit être reconnu tant à la banque qu'au titulaire du compte: la première est possesseur immédiat et propriétaire (par mélange à son patrimoine) des sommes qui lui ont été remises; le second dispose à l'égard de la banque d'un droit de restitution (art. 400 al. 1 CO) dont l'exercice est paralysé par la saisie. Rappelant qu'il n'est pas d'usage à Genève de contrôler l'existence des pouvoirs d'un avocat inscrit au barreau (SJ 1983 206 c. 4), la Chambre admet ensuite la validité formelle d'un acte de recours portant la signature du conseil mandaté mais taisant les qualités du mandant dans la mesure où ce dernier- un tiers ne faisant l'objet d'aucune poursuite pénale en Suisse et pouvant se prévaloir d'un droit légitime au secret -

a

révélé son identité au iudex ad quem par courrier séparé. Pour ce qui touche au respect du délai de recours, la Chambre déduit enfin de l'art. 91 al. 1 phr. 2 CPP genevois que la communication valant notification au sens de l'art. 192 al. 2 dudit code est celle qui est intervenue par pli postal, et non pas celle effectuée (antérieurement) par téléfax.

3 Cf. ÜRAVEN, p. 12.

(4)

TERRITORIALITÉ DE L 'ENQUf:TE PÉNALE 125

tées et mises en vigueur

4.

En Suisse, cette règle trouve un support aux art. 355 al. 2 CP, 16 CEJMP et 12 EIMP, lesquels, pour les besoins de l'entraide intercautonale dans les causes soumises au droit de fond édicté par la Con- fédération5 et de l'entraide internationale

6,

consacrent législativement la maxime locus regit actum

7

Il convient toutefois de relever que le principe selon lequel la forme d'un acte est régie par la loi du lieu de passation, n'est pas absolu. Mineures sur le plan international

8,

les dérogations qu'il con- naît sont par nature plus nombreuses dans les relations intercantonales

9,

la plus spectaculaire d'entre elles résultant assurément de l'art. 4 CEJMP, qui ne prévoit rien de moins que l'applicabilité extra-territoriale du droit de procédure des cantons parties au concordat

10

en cas d'intervention directe de l'autorité hors de sa juridiction.

!.:interdiction d'effectuer des actes de puissance publique sur sol étran- ger sans le consentement des autorités locales compétentes constitue, pour sa part, un principe général du droit des gens découlant de la souveraineté de chaque Etat sur son territoire 11 . Cette prohibition, qui protège indiffé- remment les personnes et les choses 12, vise non seulement la mise en oeuvre de mesures de contrainte proprement dites (arrestation 13, enlèvement d'ob- jets14, etc.), mais aussi des opérations telles que la tenue d'audiences judi-

4 PlQUEREZ, NN. 84 et 776; ScttMID, N. 58; pour le droit allemand, voir HILGER, in LOWE I ROSENBERG,§ 1 EGStPO N. 2; K1ssEL, in PFEIFFER,§ 1 EGGVG NN. 3-4; PETERs, p. 96.

5 Art. 352 al. 1 phr. 1 CP; art. 2 ch. 1 CEJMP.

6 Art. 1 EIMP.

7 HAUSER, pp. 7 et 118; PIQUEREZ, N. 804; voir aussi ATF 119 IV 88-89 C. 2a-b et 91 c. 3a, 118 la 338-339 c. lb, 871V 141 c. 4, 86 IV 140 c. 2a, 71 IV 174 c. 1; ÜBERHOLZER, pp. 107 et 119; Sc11Mm, N. 58.

8 Aux termes de l'art. 65 lit. b EIMP, le magistrat suisse a la possibilité d'entendre un témoin ou un expert dans les formes prévues par le droit de 1' Etat requérant afin de permettre l'exploitation de la preuve considérée dans la procédure étrangère. Selon

! 'art. 65 lit. d EIMP, une personne appelée à déposer dans l'Etat requis peut se prévaloir de certaines dispenses de témoigner étrangères.

9 Cf. art. 352 al. 1 phr. 2 et 355 al. 3-5 CP; PIQUEREZ, N. 805.

JO En date du 11 avril 1995, seuls sept cantons n'avaient pas (encore) incorporé dans leur droit et/ou mis en vigueur le CEJMP (voir RO 1995 1133). li s'agit de Nidwald, Bâle-Campagne, Appenzell Rh.-lnt., Grisons, Argovie, Tessin et Jura.

11 Dupu1s, N. 70; lPSEN, § 23 NN. 3 et 6; Quoc DINH! DAILLIER ! PELLET, p. 449; SE!DL- HottENVELDERN, N. 1504; S1EGRIST, pp. 7-13.

Au niveau intercantonal, l'art. 355 al. 1 phr. 1 CP pose une règle slmilaire, à laquelle les art. 355 al. 1phr.2, 355 al. 3-5 et 356 CP prévoient quelques exceptions.Toutefois, dans la majorité des cantons (cf. la note précédente), cette réglementation est aujourd'hui supplantée par les art. 3-14 CEJMP.

12 lrsEN, § 23 N. 3; SEJDL-HOHENVELDERN, NN. 1505 et 1507.

13 Quoc D1NH / DAILLIER / PELLET, pp. 450-451; SE1DL-HoHENVELDERN, N. 1505.

14 SE!DL-HOHENVELDERN, N. 1507.

(5)

ciaires

15,

l'audition de témoins

16

ou la simple recherche de renseignements

17•

Peu importe au surplus que l'acte considéré implique l'intrusion physique d'un agent sur le sol extra-nationaJl

8

ou se borne à y déployer des effets

19,

comme il en va de l'utilisation de la voie postale aux fins de remise d'une citation à comparaître en qualité de partie ou de témoin, de signification d'un ordre de production ou de communication d'une décision

20

De son côté, le Tribunal fédéral a également eu maintes fois l'occasion de rappeler que la notification d'un document officiel suisse (convocation, commande- ment de payer, jugement, etc.) ne saurait être effectuée à l'étranger par l'in- termédiaire des services de la poste

21;

à moins qu'un traité international n'autorise un tel procédé, le recours aux canaux diplomatique ou consulaire est impératif

22

La violation de la souveraineté territoriale et l'exécution sans droit d'actes relevant des pouvoirs publics sont au demeurant incrimi- nés par le code pénal, qui sanctionne aussi bien les comportements illicites d'agents étrangers opérant en Suisse

23

q4e les comportements illicites d'agents suisses opérant à l'étranger

24.

B. Territorialité de l'enquête pénale et saisie

Comprise comme la mesure d'exécution d 'une décision préalable ou simul- tanée du même nom

25,

la saisie est l'acte par lequel l'autorité compétente met un objet ou une valeur sous main de justice en acquérant sa maîtrise physique ou en signifiant à son détenteur actuel une restriction au pouvoir

15 IPSEN,§23N.6.

16 SEJDL-HOHENVELDERN, N. 1506; SIEGRIST, pp. 153-154.

l7 IPSEN, § 23 N. 6.

l 8 Cf. DuPu1s, N. 72; Quoc DtNH / DAtLLJER I PELLET, pp. 450-451; IPSEN, § 23 N. 6.

19 IPSEN, § 23 NN. 7-8.

20 IPSEN, § 23 N. 7; SEmL-HOHENVELDERN, N. 1506; StEGRIST, pp. 173-176 et 180-183;

W1LKITZK1, in VoGLER / W1LKITZKI, § 59 N. 3 note 1.

2I SJ 1993 72c. 6a;ATF 105 Ja310-31lc.3b, 104 Ja457, 103 JII 4c. 2, 941244c. 5, 90 IV 53-54 c. 2, etc.; voir aussi l'avis de droit rendu le 7 janvier 1956 par la Division fédérale de la police, JAAC 26 (1956) n° 5.

22 Dans son ordonnance, la Chambre d'accusation relève expressément qu'il incombe- ra le cas échéant au magistrat instructeur de «procéder par la voie d'une demande d'en- traide internationale en bonne et due forme», rien ne permettant «de dire que l'Etat des Bahamas ne donnerait pas suite à une telle requête provenant des autorités suisses».

Cette dernière affirmation ne signifie naturellement pas qu'un défaut de coopération de l'Etat requis serait susceptible de légitimer une violation de sa souveraineté territoriale.

23 Art. 269 et 271 CP.

24 Art. 299 CP.

25 Sur la nécessité de distinguer la décision de saisir d'avec son exécution, voir NACK, in PFEIFFER,§ 94 N. 16; RASCH, pp. 2 et 36-38; G. SCHÂFER, in LOWE/ ROSENBERG, § 94 NN. 3 et 27-28.

(6)

TERRITORIALITÉ DE L'ENQUÉTE PÉNALE 127

d'en disposer26.

Qu'elle s'accompagne ou non d'une dépossession quand elle frappe un bien mobilier

27, la saisie emporte toujours l'assujettissement

de ce dernier à

la

puissance étatique

28.

Dans l'affaire qui

nous occupe, le

blocage du compte bancaire

29

ouvert à Nassau équivalait ainsi à

l'instaura-

tion

d'

un rapport de droit public suisse sur un élément patrimonial sis à

l'étranger. Contrevenant aux prescriptions internes et internationales préci- tées, la démarche a été justement

sanctionnée par la Chambre d'accusation.

Que le juge d'instruction se soit a\?stenu d'adresser son ordonnance directe-

ment à l'établissement des Bahamas pour charger la société mère

à Genève

de jouer les «courroies de transmission», ne change rien au constat; l'obli-

gation de retenir les fonds était destinée à déployer ses effets sur un territoi-

re échappant

à

la juridiction genevoise. On ne saurait davantage arguer de la jurisprudence fédérale autorisant le juge du fond suisse à confisquer des

valeurs situées à l'étranger, y compris des irnmeubles30; rendre une pareille

décision est une chose, l'exécuter en est une autre31 .

C. Territorialité de l'enquête pénale et ordre de production

A

l'examen des faits tels qu'ils ont été restitués par la Chambre d'accusa-

tion32, on peut hésiter sur le point de savoir si la documentation bancaire relative au compte ouvert à Nassau devait également être saisie,

ici

à

titre

probatoire et non plus à fin conservatoire. Dans l 'affirmative33,

la mesure

se heurterait aux objections qui viennent d

'être évoquées.

Il est en revanche constant que les pièces visées ont fait l'objet d

'un ordre de production, lui

aussi invalidé. Cette décision s'explique par la nature juridique de l'institu- tion.

26 Cf. Rox1N, § 34 N. 9; pour d'autres définitions, à mon sens tantôt trop étroites, voir HAUSER, p. 193; ÜBERHOLZER, p. 358; PIQUEREZ, N. 1450, dont la formule est reprise par BERCHER, p. 15; RAscH, p. 1; G. SCHÂFER, in LôwE /ROSENBERG, § 94 N. 26; ScHMID, N. 740.

27 Conformément aux principes généraux gouvernant la mise en œuvre des mesures de contrainte (HAUSER, p. 185; PIQUEREZ, N. 1359; SCHMID, N. 686) et l'admissibilité des atteintes aux libertés publiques - en ! 'espèce, la garantie de la propriété selon ! 'art. 22ter Cst. (voir ATF 120 la 121 c. 1 b et les références citées)-, la nécessité d'un déplacement de maîtrise se mesurera à l'aune de la proportionnalité, compte tenu de l'ensemble des circonstances du cas particulier.

28 HAUSER, p. 193; KLEINKNECHT / MEYER-ÜOSSNER, § 94 N. 14; ROXIN, § 34 N. 4;

G. SCHÂFER, in LôwE I ROSENBERG, § 94 NN. 3 et 30.

29 Cf. BERCHER, pp. 78-81.

30 Art. 58-59 CP: SJ 1986 524-525 c. 4-5.

3 I Cf., mutatis mutandis, les références citées supra note 25.

32

Supra 1.

33 Les considérants en droit de l'ordonnance donnent à penser que telle est bien la posi- tion de la Chambre.

(7)

Contrairement à la majorité des autres codes cantonaux

34,

le CPP ge- nevois ne reconnaît pas expressément au juge d'instruction la faculté d'exi- ger d'un tiers (voire de l'inculpé) la remise d'un objet ou d'une valeur. En pratique, cette «lacune» se laisse généralement combler au moyen d'un raisonnement a maiore minus fondé sur les dispositions régissant la perqui- sition: qui est en droit, au besoin par la force, de pénétrer dans la sphère d'autrui pour s'emparer d'une chose, est en droit de lui intimer l'ordre - avec ou sans saisie préalable

35,

en l'occurrence sous forme d'interdiction de disposer - de la délivrer

36;

le cas échéant, le respect du principe de la pro- portionnalité37 commande même d'offrir à l'intéressé la possibilité de pré- venir une visite domiciliaire en abandonnant volontairement sa maîtrise au profit de l'Etat

38.

Au-delà de ses faiblesses

39,

cette construction met en lu- mière que la perquisition représente l'une des sanctions possibles du refus de déférer à un ordre de production'°. Aussi les limites juridiques

41

assi- gnées à celle-là doivent-elles également val9ir pour celui-ci: la défense de perquisitionner à l'étranger

42

emporte donc pour tout magistrat local celle d'adresser à quiconque l'injonction formelle de se dessaisir d'un bien situé hors de sa juridiction

43

Au regard du droit international public, l'autorité

34 Pour ne mentionner que quelques textes récents ou dernièrement révisés, voir les art. 120 CPP appenzellois Rh.-Ext., 124 CPP uranais, 178-180 CPP schaffuousois, 190 CPP jurassien et 103 CPP zurichois; cf. aussi les art. 65 phr. 2 PPF, 47 al. l DPA et 64 PPM.

35 Cf. ATF 107 lV 209 c. 1; Rox1N, § 34 N. 7; voir cependant art. 64 PPM.

36 ZR 57 (1958) n° 16 p. 46; BÀNZIGER / SrnLz / KoBLER, Art. 120 N. 1; HAUSER, p. 198;

RASCH, p. 28; cf. aussiATF 107 IV 209-210 c. 1; REHBERG/ HoHL, p. 49; ScHMID, N. 742.

37 Supra note 27.

38 G. ScHAFER, in LôwE /ROSENBERG,§ 103 N. 8.

39 Le détour par les dispositions sur la perquisition n'est qu'un pis-aller, dont la compa- tibilité avec \'impératif de légalité s'avère plus que douteuse lorsqu'il est exigé du des- tinataire de la mesure non pas simplement de faire parvenir à l'autorité un bien que celle-ci pourrait venir chercher, mais une activité préalable indispensable, par exemple l'impression sur papier d'un fichier informatique protégé par un code d'accès connu de lui seul (cf. G. ScHAFER, in LOWE I RosENBERG, § 95 N. 3).

40 Parmi les autres sanctions envisageables, on mentionnera la poursuite pour infrac- tion à l'art. 292 CP (voir ZR 57 (1958) n° 16) ou à une disposition cantonale spécifique édictée en application de l'art. 335 ch. 1 al. 2 CP. Une condamnation pour entrave à l'action pénale (art. 305 CP) par abstention se heurtera en règle générale au fait que le destinataire d'un ordre de production ne se trouvait pas en position de garant (voir ÜRAVEN,

p. 79 et les références citées, notamment ATF 120 IV 106-107 c. 2c; contra: RSJ 76 (1980) 318-321).

41 Les limites purement pratiques n'entrent pas en ligne de compte. L'autorité est natu- rellement en droit d'ordonner la production d'un objet dont l'existence est avérée, mais qu'elle ne parviendrait pas à trouver faute d'en connaître l'emplacement approximatif.

42 Supra Il.A.

43 IPSEN, § 23 N. 7; WJLKITZK!, in VoGLER I WILKITZKI, § 59 N. 3 note l et les références citées.

(8)

TERRITORIALITÉ DE L'ENQUÊTE PÉNALE 129

pourrait tout au plus faire part à l'intéressé, même directement par pli pos- tal, de son souhait d'entrer en possession

44.

Dans le cas d'espèce, le prononcé du juge d'instruction aurait égale- ment été critiquable à un autre titre. Par nature, l'ordre de production ne peut que frapper le détenteur actuel de la chose réclamée

45.

Quoique noti- fiée à la banque genevoise, la décision attaquée visait matériellement sa filiale bahamienne

46

et tendait dès lors à imposer une obligation issue du droit suisse à une personne échappant à l'emprise de cet ordre juridique du fait de son implantation à l'étranger.

D. Territorialité de l'enquête pénale et demande de renseignements

En troisième lieu, le juge d'instruction invitait la banque genevoise à lui indiquer si elle disposait d'un pouvoir de gestion sur les fonds virés à son établissement de Nassau. Une telle demande de renseignements

47

comporte l'obligation pour son destinataire, en pratique le plus souvent une banque ou une société financière, de porter par écrit à la connaissance de l'autorité des informations susceptibles de ressortir de ses dossiers d'affaires et, le cas échéant, de lui transmettre des photocopies documentant les faits ainsi ré- vélés48. D'un point de vue juridique, cet acte de procédure se situe pour ainsi dire à mi-chemin entre le témoignage (au sens large) et l'ordre de production

49,

même si le Tribunal fédéral, en tant qu'il rejette la qualifica- tion de mesure de contrainte

50,

considère apparemment l'aspect «déposi- tion» comme prépondérant.

Pour justifier l'annulation de la demande de renseignements, la Cham- bre d'accusation invoque principalement l'incompatibilité du procédé avec les dispositions de la loi bahamienne sur les banques du 28 octobre 1965 et la protection du secret bancaire qui en découle, accessoirement la violation du principe de la territorialité de l'enquête pénale. Ces deux arguments me laissent sceptique, quand bien même leur résultat n'est pas nécessairement

erroné.

44 IPSEN, § 23 N. 7; SIEGRIST, pp. 170-173 et 188-192.

45 KLEINKNECHT ! MEYER-GossNER, § 95 N. 4; NACK, in PFEIFFER, § 95 N. 3; RASCH, p. 6;

G. ScttAFER, in LôwE I ROSENBERG, § 95 N. 4.

46 La Chambre d'accusation insiste elle aussi sur la nécessité de respecter la dualité juridique existant entre la banque genevoise et sa filiale étrangère.

47 Pour la procédure fédérale, voir les art. 101 bis PPF et 40 DPA.

48 Voir G. ScttAFER, in LOWE/ RosENBERG, § 94 N. 50.

49 Ibidem; cf. aussi art. 49 PCF.

so ATF 120 lV 262-264 c. 3b-e ad art. lûlhi> et 105bi> PPF.

(9)

Adressée (exclusivement) à la banque genevoise, la requête du magi- strat informateur tendait en l'espèce à l'obtention d'une information qui,

d'une manière ou d'une autre, se «trouvait» dans le canton51: idéalement,

sous la forme matérielle de pièces justificatives conservées au siège à Genève; à défaut, sous la forme immatérielle d'un savoir détenu au moins par l'un des organes ou l'un des membres du personnel officiant au sein de 1' établissement mère. En toute hypothèse et sans atteinte à la souveraineté territoriale d'un quelconque Etat tiers, le renseignement était accessible au juge, qui aurait tout aussi bien pu citer comme témoins et entendre en cette qualité les banquiers locaux susceptibles (et juridiquement en droit) de sa- tisfaire sa curiosité; l'exécution d'une perquisition n'aurait pas davantage heurté le droit des gens.

Tel qu'il apparaît à la lecture de l'ordonnance, l'autre volet de la moti- vation donne à penser que la Chambre d'accusation fait exactement ce qu'elle interdit au juge d'instruction. En laissant les agents de la banque genevoise se prévaloir directement de normes en vigueur aux Bahamas, sans la moin- dre référence à une disposition indigène permettant de jeter un pont entre les deux ordres juridiques, la Chambre concède implicitement des effets procéduraux extra-territoriaux à un texte d'origine étrangère, dont l'appli- cation débouche en l'occurrence sur la création prétorienne d'une dispense de témoigner

52

inexistante en procédure genevoise

53.

Cette démarche n'est pas acceptable.

La seule manière

54

de prendre en considération un devoir de discrétion dont la violation est sanctionnée pénalement par une loi étrangère consiste à faire appel aux dispositions locales figurant dans la plupart des codes de procédure

55

et consacrant le principe général selon lequel nul ne peut être

tenu de s'incriminer en répondant aux questions d'une autorité56. La mise

en œuvre de ces règles nécessite au besoin un double élargissement de leur champ d'application matériel: d'abord, au risque pour l'individu sommé de

51 Sur la licéité d'une demande de renseignements visant des informations localisées à l'étranger, voir infra III.B.

52 Pour une pareille interprétation des dispositions de fond astreignant au maintien d'un secret, voir HAUSER, pp. 173-174.

53 Voir l'art. 47 al. 1 CPP, qui ne mentionne pas le banquier. Ce dernier tombe dès lors sous le coup de l'art. 42 CPP, lequel est un cas d'application de la situation visée par l'art. 47 ch. 4 LB (cf. ATF 119 IV 177 c. 3, 104 IV 129-130 c. 2b, 95 I 444 c. 2b).

54 Dans la mesure où les opérations d'enquête relèvent d'une procédure locale et non pas de l'exécution d'une demande d'entraide étrangère, l'art. 65 lit. d EIMP (cf. supra note 8) est évidemment inapplicable.

55 Pour Je droit fédéral, voir les art. 79

PPF,

41 al. 2 DPA, 75 lit. c PPM, 42 al. 1 lit. a

PCF

et 19 PA.

5 6 Sur l'ensemble de la question, voir HAUSER, pp. 172-173; ÜBERHOLZER, pp. 272-273;

PIQUEREZ, NN. 1230-1235; SCHMID, N. 635.

(10)

TERRITORJALITÉ DE L'ENQUÈTE PÉNALE 131

s'exprimer d'encourir des poursuites criminelles dans un Etat étrangers?;

ensuite, au risque pour l'intéressé d'être poursuivi non pas seulement en raison des faits qu'il pourrait révéler

58,

mais aussi du chef de la révélation elle-même

59

La première extension ne soulève d'ordinaire aucune difficul- té; la seconde exige en revanche bien souvent une réinterprétation téléolo- gique de la base légale topique.

Le but des dispositions protégeant un témoin contre l'auto-incrimina- tion est d'éviter à leur bénéficiaire de se trouver devant un dilemme (mentir pour échapper à une poursuite pénale ou dire la vérité au risque d'être con- damné), et non pas, comme les règles tendant à préserver le secret profes- sionnel, d'instaurer un black-out sur une information déterminée. Il s'en suit, d'une part, que cette information reste accessible à l'autorité, qui peut ainsi - juridiquement, sinon pratiquement

60 -

se rabattre sur les mesures de contrainte appropriées, par exemple une perquisition. D'autre part et sur- tout, il s'en suit que le droit de garder le silence n'est reconnu qu'à celui qui court personnellement le danger d'être condamné; lorsque la demande de renseignements est adressée à une société, celle-ci doit donc coopérer, sauf à rendre vraisemblable que des sanctions pénales pèsent sur elle-même

61

ou sur l'ensemble de ses organes et collaborateurs. r; ordonnance de la Cham- bre d'accusation ne fournit pas les éléments de fait permettant de détermi- ner si ces conditions étaient réalisées dans le cas d'espèce.

III. La dimension internationale de la garantie d'une activité bancaire irréprochable

Ainsi que je le mentionnais en introduction, la banque genevoise - nonobs- tant son recours - a partiellement répondu aux injonctions du juge d'ins- truction en priant sa filiale de bloquer les fonds équivoques qui lui avaient été transférés. Dans la mesure où cette intervention était motivée par le respect des exigences d'une gestion irréprochable, au sens de l'art. 3 al. 2 lit. c LB, il convient d'examiner si les solutions juridiques auxquelles le droit de procédure pénale nous a conduits ne devraient pas être nuancées à

57 Cf. DAHS, in LOWE / RosENBERG, § 55 N. 8a; KLE!NKNECHT / MEYER-GossNER, § 55 N. 7.

58 Cf. la lettre de l'art. 48 al. 1 CPP genevois, qui vise uniquement le droit pour le témoin de refuser de donner des renseignements qui l'exposeraient à une poursuite pé- nale (ou à un grave déshonneur).

S9 DAHS, in LOWE I ROSENBERG, § 55 N. 8a. Contra: KLEJNKNECHT I MEYER-GOSSNER,

§ 55 N. 4; cf. aussi PIQUEREZ, N. 1234.

60 Cf. supra note 41.

61 De lege lata, les possibilités offertes par Je droit suisse de sanctionner des personnes morales sont relativement limitées; cf. ÜRAVEN, pp. 74-75.

(11)

la lumière des prescriptions de droit administratif régissant l' activité ban- caire et son contrôle.

A. La portée de l' art. 3 al. 2 lit. c LB

Rangée parmi les conditions présidant à l'octroi et au maintien

62

de l'auto- risation d'exercer, la nécessité pour les personnes chargées d' administrer et de gérer la banque de jouir d'une bonne réputation et de présenter toutes les garanties d'une activité irréprochable joue, depuis son introduction dans la loi en 1971, un rôle central dans la surveillance des banques

63.

D'une ma- nière générale64, la jurisprudence déduit de l'art. 3 al. 2 lit. c

LB

la prohibi- tion de toute affaire illicite ou contraire aux bonnes mœurs; il en va non seulement de la protection des créanciers, mais aussi de la sauvegarde de la confiance placée dans l'ensemble du système bancaire suisse; aussi les ban- ques sont-elles toujours tenues d'éclaircir l'arrière-plan économique d'une opération lorsque des indices donnent à penser que celle-ci pourrait s'ins- crire dans un complexe de faits équivoque

65.

Au regard de ces principes, l'adoption d'un comportement susceptible de tomber sous le coup des art.

305bis

ou

3051er

CP n'est en aucun cas tolérable

66.

Au sein d'un groupe de banques, le caractère irréprochable des activi- tés déployées s 'apprécie sur une base consolidée

67.

En d 'autres termes, la société mère peut se voir reprocher un manquement à l'art. 3 al. 2 lit. c LB survenu dans la gestion de l'une de ses entreprises affiliées, que celle-ci ait son siège en Suisse ou à l'étranger. De facto, une banque suisse a donc le devoir de surveiller ses filiales étrangères et de prendre au besoin les dispo- sitions nécessaires au respect de normes helvétiques de fond en dehors des frontières du pays.

Si l'on met en parallèle les règles susmentionnées et la réaction de la banque genevoise face aux informations qui lui ont été communiquées à l'occasion des différentes opérations d ' enquête du juge d'instruction, il ap-

62 Art. 23quinquies al. 1 LB: ATF 111 lb 127 c. 2a, 108 lb 201 c. 2b/aa, 108 lb 190-191 c. 3a, 106 lb 147 c. 2a.

63 AELLEN, p. 1; NADIG, p. 200.

64 Pour une casuistique récente et détaillée, voir BODMER/ KLEINER /LUTZ, Art. 3_3quater NN. 36-36a.

65 ATF 119 JV 37 c. 3f, 111lb127 c. 2a et les références citées. Estimant que le but de la LB réside dans la seule protection des créanciers, une partie de la doctrine préconise toutefois une surveillance limitée à la sécurité et à la solidité des banques; sur l 'ensem- ble de la question et avec d'autres références encore, voir AELLEN, pp. 91-94; BODMER/ KLEINER /LUTZ, Art. 3_3quater NN. 27-27e; NADIG, pp. 11-13 et 15-16.

66 Cf. NADIG, pp. 201-202; voir aussi ATF 108 lb 201 c. 2b/aa; BODMER I KLEINER / LUTZ, Art. 3_3quater N. 34 in fine.

67 AELLEN, pp. 108-11 O; NADIG, pp. 207-208.

(12)

TERRITORIALITÉ DE L'ENQUtTE PÉNALE 133

paraît que l'établissement a adopté un comportement adéquat en obtenant le blocage du compte ouvert aux Bahamas. A l'enseigne de son obligation d 'élucider l'arrière-plan économique du transfert, on pouvait également exiger de lui qu'il se fasse communiquer les documents bancaires relatifs audit compte

68.

Dès lors que les mesures prises par la banque correspon- daient pratiquement aux attentes du magistrat pénal

69,

on peut se demander si les démarches de ce dernier n 'auraient pas tout aussi bien pu être entéri- nées par l 'autorité de recours. La Çhambre d'accusation répond clairement par la négative: le fait que la banque genevoise «ait adressé une recomman- dation ou mise en garde aux organes suisses de la banque de Nassau quant à une absence de dessaisissement des avoirs devenus suspects est sans im- portance, en .ce sens que cette recourante n'a fait qu'agir en vertu de son obligation de diligence, laquelle est indépendante des mesures de contrain- te décidées par le juge d' instruction( ... )». Cette argumentation est convain- cante dans la mesure où elle invite à distinguer selon que l'intervention revêt un caractère officiel ou non. Par nature, le principe de souveraineté proscrit uniquement les actes d'exécution sur sol étranger présentant un rapport suffisant avec une activité étatique déterminée. Dans un contexte international, il n'est pas extraordinaire de voir un simple particulier agis- sant sur une base privée (in casu la banque genevoise) disposer d'une marge de manœuvre plus grande qu'une autorité chargée d'une mission relevant des pouvoirs publics (in casu le juge d'instruction).

B. Les pouvoirs d 'investigation de la Commission fédérale des banques

La nécessité d'annuler la saisie et l'ordre de production du juge d'instruc- tion pour rétablir une situation conforme au droit international public est également confirmée par les limites assignées au pouvoir d'investigation de la Commission fédérale des banques, dont l'une des tâches est précisé- ment de veiller à l'observation de l'art. 3 al. 2 lit. c LB.

Conformément aux dispositions générales de la PA

70,

complétées par quelques prescriptions spéciales se trouvant dans la LB et son ordonnance d'exécution, la Commission peut, alternativement ou cumulativement, pren-

68 A la lecture de l'ordonnance de la Chambre d'accusation, il n'est pas possible de déterminer si la banque genevoise a effectivement sollicité (et obtenu) cette documenta- tion.

69 A supposer que la banque genevoise se soit fait communiquer les documents bancai- res relatifs au compte ouvert à Nassau (cf. la note précédente), ces pièces devenaient accessibles au juge d'instruction et pouvaient donc faire l'objet d'une saisie et/ou d'un ordre de production fondés sur les art. 178 et 181 CPP (cf. supra note 53).

70 Voir art. 1 al. 2 lit. d PA.

(13)

dre connaissance des pièces qui lui sont soumîses

71,

adresser une demande de renseignements ou un ordre de production aux parties

72,

effectuer une visite des lieux (inspection oculaire)

73

et recueillir l'avis d'experts

74.

Sa fa- culté d'entendre des témoins

75 -

et, indirectement, celle de leur signifier une demande de renseignements

76

ou un ordre de production

77 -

est contro- versée78, mais devrait à mon sens être reconnue79. En revanche, la Commis- sion n'a pas la compétence pour procéder à un interrogatoire formel des parties

80

ou opérer une perquisition

81.

La question des restrictions auxquelles la mise en œuvre de ces diffé- rentes mesures probatoires pourraient être soumises dans une procédure présentant un élément d'extranéité, singulièrement l'affiliation d' établisse- ments étrangers à une banque suisse", a été partiellement abordée par le Tribunal fédéral à l'occasion d'un arrêt Banque commerciale SA rendu en 1982

83.

Dans cette affaire, la recourante avait contesté la légalité d'une dé- cision de la Commission fédérale des banques lui ordonnant de communi- quer des informations relatives aux engagements de sa filiale à George Town;

elle arguait principalement d'une violation de la souveraineté des Iles Caïmans.

En l'espèce, le Tribunal fédéral a pu rejeter le moyen au motif que la banque étrangère exerçait en réalité son activité en Suisse et se trouvait ainsi assu- jettie à la souveraineté helvétique. Toutefois, la Cour a ajouté: «Au demeu- rant, il appartient à une banque suisse qui choisit de diriger un groupe de sociétés d'organiser ce groupe d'une manière lui permettant de respecter

71 Art. 12 lit. a PA; art. 50-54 PCF cum art. 19 PA.

72 Art. 12 lit. b PA; art. l3 al. l lit. c PA cum art. 23bi' al. 2 LB; cf. ATF l 08 lb 200-202 c. 2, 108 lb 189 c. 2a; NOBEL, pp. 55-57.

73 Art. 12 lit. d PA; art. 55-56 PCF cum art. 19 PA.

74 Art. 12 lit. e PA; art. 57-61 PCF cum art. 19 PA.

75 Art. 12 lit. c, 14-16 et 18 PA; art. 43-48 PCF cum art. 19 PA; art. 5Ib OB.

76 Art. 12 lit. c PA; art. 49 PCF cum art. 19 PA; s'agissant des organes de révision, voir également l'art. 23bis al. 2 LB; cf aussi art. 17 phr. 1 PA.

77 Art. 17 phr. 2 PA; s'agissant des organes de révision, voir aussi l'art. 23bis al. 2 LB.

78 La légalité de l'art. 51b OB est douteuse dans la mesure l'art. 14 a!. 1 PA ne mention- ne pas les commissions fédérales statuant en première instance parmi les autorités habi- litées à auditionner des témoins; sur l'ensemble de la question, voir BODMER I KLE!NER I LUTZ, Art. 23bis N. 10 in media.

79 Cf. art. 31 al. 2 LCart.

80 Art. 62-65 PCF cum art. 19 PA a contrario; KôLZ I HANER, N. 116; voir cependant ÜYG!, p. 276.

8! KôLZ ! HANER, N. 120; cf. aussi GYGI, p. 276.

82 Sur la surveillance consolidée exercée par la Commission fédérale des banques en pareille situation, voir ATF l 08 lb 518 c. 2a,ATF l 08 lb 83-84 c. 5; AELLEN, pp. l 08-110;

BODMER! KLETNER ! LuTz, Art. 23bis N. 28; NADIG, p, 70.

83 ATF 108 Ib 519 c. 2b; pour un commentaire, voir NoBEL, p. 56.

(14)

TERRITORIALITÉ DE L'ENQUÊTE PÉNALE 135

elle-même ses obligations selon la loi suisse, en particulier de donner à l'autorité suisse de surveillance les renseignements que celle-ci est en droit de requérir. Cela peut impliquer qu'elle obtienne de clients importants les autorisations nécessaires.» La justification de cette jurisprudence au regard du principe de souveraineté réside à mon sens dans le fait que les éventuels effets extra-territoriaux d'une demande de renseignements (nécessité de rassembler des informations détenues à l'étranger) n'ont pas de caractère officiel suffisant; en effet, l'autorité se borne à exiger la communication de données que l'établissement suisse est supposé avoir déjà sous la main en vertu de son propre devoir de surveillance

84.

De ce point de vue, il importe alors peu que la banque ne subvienne à ses obligations qu'a posteriori, c'est- à-dire à l'initiative de son autorité de tntelle. Par identité de motifs, la licéité d'une demande de renseignements émanant d'un autre organe étatique, par exemple d'un juge d'instruction, doit également être reconnue.

En revanche, rien ne permet de déduire des propos du Tribunal fédéral un droit pour la Commission fédérale des banques d'émettre un ordre de production visant des documents conservés sur sol étranger

85,

c'est-à-dire d'intervenir directement en dehors de sa juridiction

86.

Un tel acte de procé- dure relève de la seule compétence de l'autorité locale de surveillance

87.

La collaboration de cette dernière est à solliciter par la voie de l'entraide admi- nistrative internationale, comme le prévoit d'ailleurs la loi suisse lorsque

«des preuves doivent être faites à l'étrangern

88.

IV. Conclusion

Le principe de souveraineté est indivisible. Il fait interdiction à toute autori- té, qu'elle soit administrative ou pénale, de saisir des biens se trouvant sur le territoire d'un autre Etat ou d'en ordonner la production. Inversement, un sujet de droit privé, soumis à la juridiction locale, peut être invité à fournir des renseignements dont le rassemblement implique des investigations auprès

84 Cf. supra !II.A.

85 Cf. BODMER/ KLE!NER / LUTZ, Art. 23bis N. 28, qui évoquent seulement la demande de renseignements à l'enseigne de l'arrêt Banque commerciale SA, alors que l'art. z3bis al. 2 LB vise également l'ordre de production. Trop large à mon sens: NADIG, p. 19, pour lequel la souveraineté des Etats étrangers serait respectée dès lors que l'autorité locale de surveillance s'adresse exclusivement aux banques de son pays (cf. supra Il.C).

86 Cf. supra Il.C.

87 Voir BODMER/ KLEINER /LUTZ, Art. 23bis N. 28 in fine: «DieAufsicht über die isoliert betrachtete ausl.ïndische Zweigniederlassung oderTochterbank obliegtjedoch der Auf- sichtsbehOrde des betreffenden Staates. Nur diese kann direckte Amtshandlungen bezüglich dieser Gesellschaft vornehmen.»

88 Art. 39 PCF cum art. 19 PA; voir aussi art. 23sexies al. l LB.

(15)

de tiers, en Suisse ou à l'étranger, lorsque les données requises sont de celles qu'il est juridiquement tenu d'avoir à sa disposition. En toute hypo- thèse, les personnes qui s'exposeraient effectivement, en Suisse ou à l'étran- ger, à des poursuites pénales en répondant à une demande de renseigne- ments, sont en droit de refuser leur collaboration.

Ouvrages cités

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c

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2' éd., Herisau 1992.

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thèse de Lausanne 1992.

BODMER

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feuillets mobiles, Zurich (Schulthess)

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Droit international public,

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à

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STRÀULI, Berne (Stiimpfli) 1995.

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Bundesverwaltungsrechtspjlege,

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Francfort s. M. (Helbing

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lPSEN Knut,

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KLElNKNECHTTheodor, MEYER-GOSSNER Lutz, Strafprozessordnung, Gerichtsver- fassungsgesetz, Nebengesetze und ergii.nzende Bestimn1ungen,

42e

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(16)

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(17)

Ordonnance de la Chambre d'accusation de Genève du 17 janvier 1995 dans la procédure P/1911/1993

EN FAIT

A.~ En date du 22 février 1993, le Procu- reur général de Genève a ouvert, sur la base des art.30Sbis et 3Q5ter CP. une information pénale.

Celle-ci était destinée à assurer la confiscation du produit des infractions dénoncées par le Parquet de Milan dans le cadre d'une commisslon rogatoire urgente adressée, le 29 janvier l 993, aux autorités genevoises à propos d'une affaire de corruption en Italie concernant le Parti socialiste italien et Bettina Craxi en

particulier.

8.~ Dans ce contexte, le )uge d'instruction rendit, le 10 octobre l 994, une ordonnance de perquisition et de saisie contre la banque

B.

A l'appui de celle-ci, il était exposé notamment:

- que la société L lnc. avait été utilisée pour recueillir des fonds d'origine illicite appartenant, soit au Parti socialiste italien, soit à Bettina Craxi,

- que cette société avait ouvert un compte auprès de la banque C. et que, par le débit de ce compte, d'importants montants en diverses monnaies avaient été transférés sur le compte N° 2_, référence

J,

ouvert dans les livres de la banque D., siège de Genève,

- qu'il importait a·1nsi de déterminer l'identité de l'ayant droit économique de la susdite société et la destination des fonds, - qu'il apparaissait que le compte N° 2_ pouvait avoir comme titulaire la banque B. et

- qu'il y avait donc lieu de vérifier l'identité du titulaire de ce compte et de saisir le produit de divers transferts de fonds selon ordres des 25 février 1993 et 1er mars 1993.

Ainsi, il était justifié de procéder dans les locaux de la banque B. à une perquisition afin de saisir tous objets, documents ou

valeurs pouvant servir à la manifestation de la vérité.

En conséquence, le juge d'instruction a invité la banque à lui remettre en photocopie les formules d'ouverture du compte N° 2_, tous les avis de débit et de crédit se rapportant aux transferts de fonds mentionnés ci-dessus et tous les documents bancaires subséquents concernant l'affecta- tion des susdits montants.

En outre, le séquestre pénal de tous les montants en question a été ordonné dans la mesure où ils étaient crédités en tout ou partie sur des comptes ouverts au nom de la banque B., dont elle avait le contrôle direct ou indirect.

De même, il était séquestré tous les avoirs, y compris les coffres appartenant ou loués par les titulaires ou ayants droit économiques des relations bancaires concernées par les mesures d'investigation.

D'autre part, il était fait défense à la banque B., sous la menace des peines prévues par l'art. 292 CP. de renseigner les personnes visées par les mesures ainsi décidées.

S'étant rendu dans les locaux de la banque le jour même, le juge d'instruction a ordonné, sur la base des explications qui lui ont été données sur place, l'ouverture du coffre N°_ loué par N. et il en a or- donné le séquestre pénal avec son contenu sous forme d'une enveloppe contenant des documents relatifs aux sociétés

J.

et F. Corp.

de Panama.

Par contre, li a saisi deux feuillets établis sur papier à en-tête de la banque et faisant état de cette dernière société et de M. Holding, ainsi qu'un fax datant du l 6 février 1993 et adressé à un certain G. au sujet de

J.

S.A. (Panama).

Enfin, le juge d'instruction a appris que F., amie proche de N., bénéficiait d'une procuration sur le coffre.

C.- Toujours en date du 10 octobre J 994, le juge d'instruction a informé la banque B.

(18)

TERRITORIALITÉ DE L 'ENQUÉTE PÉNALE 139

que, premièrement, il ordonnait le séquestre pénal de tous les avoirs bancaires de M.

Holdings S.A., dont l'ayant droit économique était N.

Deuxièmement, la banque était invitée à faire parvenir sans délai toutes les photocopies des documents bancaires concernant cette relation.

Troisièmement, le séquestre pénal sur le coffre N°~ était maintenu.

Quatrièmement, la banque B. était priée de communiquer la photocopie du contrat d'ouverture de ce coffre, celle des procurations s'y rapportant et celle de la carte des visites audit coffre.

Cinquièmement, le séquestre pénal de tous les avoirs appartenant à N. et déposés auprès de la banque était ordonné, qu'ils soient au nom du titulaire, sous désignation numérique ou conventionnelle, ou qu'ils soient au nom de sociétés dont l'intéressé serait l'ayant droit économique.

Sixièmement, la banque B. était invitée à adresser toute la documentation bancaire telle que définie sous chiffre 2, en rapport avec la ou les relations entretenues par N.

auprès d'elle.

Septièmement, il était fait interdiction à la banque, sous la menace des peines de l'art. 292 CP, d'aviser N. des susdites mesures d'investigation, dont celles figurant dans l'ordonnance décrite ci-dessus sous lettre B.

Le magistrat informateur ajoutait :

«j'ai pris note qu'une partie des actifs crédités sur le compte de la société M.

Holdings S.A. avait été transférée auprès de votre établissement à Nassau, qui est placé sous le contrôle de la banque B.

Genève ou de ses ... dirigeants.

<<J'invite ces derniers à prendre toutes les mesures nécessaires pour que les avoirs déposés à Nassau et provenant de la relation M. Holdings soient bloqués, ou encore à n'entreprendre aucune démarche propre à la libération de ceux-ci.

«Indépendamment du blocage des avoirs auprès de la banque B. Nassau, il est sollicité de votre établissement la pro- duction de toute la documentation bancaire concernant la relation qui abrite à Nassau

tout ou partie des fonds provenant de M.

Holdings.

<<Je vous prie de me faire savoir encore si un pouvoir de gestion a été donné à la banque B. Genève sur lesdits avoirs déposés auprès de la banque B. Nassau.

«La présente vaut ordonnance de perquisition et de saisie au sens de l'art.

178 CPPG ... »

En raison de l'urgence, cette ordon- nance a été transmise à la banque B. par fax, l'original étant communiqué par poste.

D.- Le 18 octobre 1994, la banque B. a transmis au juge d'instruction les photo- copies des documents intéressant F.

Le 20 octobre 1994, elle remit au magistrat informateur les photocopies des documents bancaires concernant le compte et le coffre de N. et le compte de M.

Holdings S.A.

En outre, la banque précisait :

«Nous avons demandé à B. Ltd, à Nassau, de bloquer les avoirs appartenant à N. Nous tenons pour la bonne règle à préciser que, si nous avons accepté cette démarche, ce n'est pas parce que nous reconnaissons en l'occurrence une compé- tence territoriale étendue à la magistrature genevoise, mals parce que nous considérons qu'une telle mesure correspond aux exigences d'une gestion irréprochable telle qu'elle doit être mise en pratique par les organes suisses de la banque des Bahamas.

«En revanche, nous ne pouvons déférer à votre demande de produire des documents bancaires émanant de B. Ltd, Nassau. Nous nous rendrions coupables d'une violation, pénalement punissable, de la loi bahamienne sur les banques. Nous vous remettons sous ce pli le texte original, et sa traduction française, de son article

10».

Pour le surplus, la banque B. se réservait la faculté de recourir auprès de la Chambre d'accusation.

E.a Paractedu21octobre1994,labanque B. a recouru contre la décision prise par le juge d'instruction le 10 octobre 1994 et décrite ci-dessus sous lettre C, en tant qu'elle portait sur la saisie de toute la docu-

(19)

mentatîon bancaire concernant la relation qui abrite à Nassau tout ou partie des fonds provenant de M. Holdings S.A., ainsi que sur le blocage des susdits avoirs à Nassau.

Sur ce dernier point, elle a précisé avoir demandé aux organes suisses de la banque de Nassau de ne pas se dessaisir d'avoirs devenus suspects en vertu de la loi fédérale sur les banques, et non en reconnaissance de pouvoirs d'extra~

territorialité conférés au juge d'instruction.

Ainsi, elle a conclu à l'annulation de la décision attaquée en se prévalant d'une absence de compétence territoriale du magistrat genevois pour ordonner des mesures concernant une banque des Bahamas, tant en ce qui concerne la production de documents bancaires que le blocage d'avoirs.

F.- Toujours en date du 21octobre1994, le titulaire du compte ouvert dans les livres de B. Ltd à Nassau (Bahamas), lequel est une société du droit des Bahamas, a également recouru contre la même décision et dans la même mesure que la banque B., tout en étendant son recours à l'invitation faite à la banque genevoise de dire si elle était investie d'un pouvoir de gestion sur le compte ouvert à Nassau.

G.- Le juge d'instruction s'en est remis, le 15 novembre 1994, à l'appréciation de la Chambre d'accusation.

Le Procureur général a prétendu, le 23 novembre 1994, à l"lrrecevabilité, vo·1re au rejet des recours.

Lors des plaidoiries du 9 décembre 1994, les recourantes ont persisté dans leur manière de voir.

En outre, le titulaire des avoirs déposés à Nassau a remis, à titre exclusif, à la Chambre d'accusation, par l'intermédiaire de son conseil genevois, une enveloppe scellée contenant son identité.

EN DROIT

1.- Les recours se rapportant à la même décision et ayant pour objet les mêmes mesures, il y a lieu de procéder à une jonction des causes.

2.- Contrairement à l'avis du Procureur général, la manière d'agir du titulaire du compte ouvert dans les livres de B. Ltd est admissible, compte tenu du droit au secret de ce tiers qui a son siège hors de Suisse et qui ne fait l'objet d'aucune poursuite pénale dans ce pays.

Sur la base de l'art. 192 al. 1 CPP, il suffit qu'un recours devant la Chambre d'accusation revête la forme écrite et qu'il renferme des conclusions exprimées de manière claire (SJ 1986 490 n° 8.3).

Or, à teneur de l'art. 13 CO, lequel vaut également pour le droit de procédure, s'agissant d'un principe juridique de valeur générale (ATF 101 Ill 65 = JdT 1977 Il 22 ch. 3), il suffit que l'acte considéré soit revêtu de la signature de son auteur, ce qui est donc le cas en l'occurrence, le recours ayant été signé par le conseil du susdit titulaire de compte.

En effet, la forme écrite n'exige pas en soi l'énonciation des qualités de celui qui le signe.

D'autre part, il n'est pas d'usage à Genève d'exiger d'un avocat inscrit au barreau la production de ses pouvoirs ou de contrôler l'existence de ceux~ci (cf. SJ

1983 206).

Dès lors, dans la mesure où la partie recourante a indiqué par pli séparé quelles étaient ses qualités, on doit admettre que le recours dont il s'agit est régulier sur le plan purement formel.

Pour le surplus, l'acte de recours émanant de la banque B. satisfait aux exigences de l'art. 192 al. 1 CPP.

La décision incriminée ayant fait l'objet d'une communication par poste, celle~ci est seule déterminante du point de vue de la computation des délais de recours, l'art. 91 al. 1 CPP faisant référence à un tel mode de notification (voir SJ 1986 489 n° 8.1 ).

Est ainsi sans importance le fait que, dans un premier temps, l'ordonnance incriminée ait été transmise à son desti- nataire par fax.

D'après l'état de fait qui précède, la banque B. a reçu au plus tôt le l l octobre

1994 l'ordonnance datée de la veille.

(20)

TERRITORIALITÉ DE L'ENQUÊTE PÉNALE 141

Dès lors, en vertu de l'art. 93 CPP, le délai de dix jours prescrit par l'art. 192 al. 2 CPP a commencé à courir le 12 octobre

1994.

Il en résulte gue ce délai a été respecté en l'occurrence, les recourantes ayant procédé le 21 octobre 1994.

3.- La décision guerellée est susceptible de recours immédiat dans la mesure où elle vise la communication de documents bancaires et le blocage des comptes y relatifs, s'agissant d'une saisie d'une part conservatoire et d'autre part destinée à assurer la confiscation future des fonds bloqués.

En effet, l'art. 190 al. 2 CPP n'est pas applicable à une telle situation.

Conformément à l'art. 191 al. 1 lettre e CPP, le tiers saisi est assimilé à une partie et a ainsi qualité pour recourir.

En l'espèce, la banque B. est manifes- tement un tiers saisi au sens de cette disposition légale.

D'une part, elle a fait l'objet, selon l'art.

181 al. 1 CPP, d'une saisie conservatoire des documents bancaires lui appartenant, leur renvoi au juge d'instruction sous forme de photocopies aboutissant dans les faits à un tel résultat.

D'autre part, il en a été de même au sujet des fonds bloqués qu'elle détena·1t pour le compte de son client; elle en était le possesseur immédiat et le propriétaire au sens du droit civil, s'agissant de valeurs fongibles qui ont été incorporées par mélange à son patrimoine et pour lesquelles le client concerné par la mesure de blocage n'était que créancier à concurrence de leur contre-valeur (voir ATF 109 IV 29 c. 1 a, 90 IV 188; Emil W. STARK, Das Sachenrecht, Berner Kommentar, N. 61 ad art. 920 CC;

Georg GAuTSCHI, Das Obligationenrecht, N.

3b ad art. 481 CO).

Comme il existe un rapport de mandat entre la banque et son client (SJ 1988 340 c. 1 a), on doit considérer que ce dernier est également tiers saisi en sa qualité <l'ayant droit économique sur les fonds bloqués et de destinataire de ceux-d.

En effet, même au cours du mandat, le mandataire est tenu de restituer au man-

dant, sur demande de celui-ci, tout ce gu'il a reçu du chef de sa gestion, à quelque titre que ce soit, et cette obligation est fondée sur l'art. 400 al. 1 CO, disposition impé- rative (cf. Pierre TERCIER, La partie spéciale du Code des obligations, NN. 3004 à 3006).

Ainsi, comme la saisie des fonds empêche la banque de se conformer à ce devoir de restitution, le client est privé dans la même mesure de la libre disposition de ses biens et, dans ce sens, il est également l'objet, dans la réalité des faits, d'une telle mesure de contrainte, même si celle-ci frappe juridiguement l'établissement bancaire considéré.

Il faut donc admettre que l'ayant droit des avoirs saisis a un intérêt juridique protégé à contester une telle mesure de contrainte (voir SJ 1980 524 c. 2).

Il résulte des considérations qui précèdent gue, dans l'hypothèse d'un rapport de mandat, la notion de tiers saisi au sens de l'art. 191 al. 1 lettre e CPP englobe tant le mandataire en sa qualité de détenteur des biens séguestrés, dont il est le seul possesseur en vertu d'une traditio brevi manu selon l'art. 922 CC (cf. STARK,

op.

cit., N. 61 ad art. 920 CC; GAUTSCHI,

op.

cit., N. 3b ad art. 481 CO), que le mandant au titre <l'ayant droit pour te compte duguel agit le premier et envers qui il est tenu à restitution des fonds ou des autres objets en tout temps.

D'ailleurs, la jurisprudence a admis la gualité pour recourir du tiers dont les intérêts étaient touchés par un séguestre pénal, en lui reconnaissant le droit d'inter- venir dans la procédure dans la mesure nécessaire à la sauvegarde de ses intérêts (SJ 1986 469 n° 1.10).

D'autre part, on doit également admettre que le mandant, gui est donc aussi directement lésé par une mesure de contrainte, détient également la gualité pour recourir sur la base de l'art. 191 al. 1 lettre c in fine, et cela comme personne impliguée par l'instruction préparatoire pour faire l'objet d'une mesure de con- trainte.

En effet, la Chambre de céans estime gue, dans une telle situation, il est opportun qu'un tel tiers puisse être assimilé à une

(21)

partie et soit ainsi autorisé à recourir contre une mesure dont il est en définitive réellement l'objet comme destinataire économique des biens séquestrés.

4.9 En conséquence, le présent recours est recevable tant à la forme qu'au fond.

5.- Cela dit, en vertu du principe locus regit actum, le juge d'instruction ne peut prendre des mesures de contrainte que sur le territoire du canton de Genève.

En effet, les lois de procédure ont un caractère strictement territorial et, en Suisse. les autorités judiciaires ne sont pas habilitées à procéder dans un autre canton que le leur, ainsi qu'à l'étranger.

Dans la mesure où des actes doivent être accomplis ailleurs que sur leur territoire, ces autorités doivent procéder par la voie de l'entraide intercantonale ou internationale (cf. Gérard ?!QUEREZ, Précis de procédure pénale suisse, 2e éd., NN. 776 à 778).

En tant qu'il a invité les ... dirigeants de la banque B. à prendre des dispositions en vue du blocage des avoirs à Nassau (Bahamas) de la relation de M. Holdings S.A, qu'il a sollicité de la recourante la pro- duction de la documentation bancaire concernant la relation qui «abrite» à Nassau tout ou partie des fonds provenant de cette société tierce et qu'il a prié la banque genevoise de lui faire savoir si elle bénéficiait d'un pouvoir de gestion sur les avoirs placés à Nassau, le juge d'instruction a manifes- tement pris des mesures dépassant le cadre territorial dans lequel li était limité à agir.

En effet.ces mesures concernaient une personne morale autre que la banque B., s'agissant d'une société constituée confor- mément aux dispositions légales existant aux Bahamas et soumise à un autre ordre juridique que celui existant en Suisse.

A cet égard, le fait que B. Ltd ait peut- être des organes ou/et intérêts communs à ceux de la recourante ne change en rien cette dualité juridique, à laquelle il y a lieu de s'en tenir, le fait que les lies Bahamas soient un paradis fiscal étant par ailleurs irrel evant.

D'autre part, les mesures que les organes de la banque B. étaient invités à

prendre au sujet de la relation de M.

Holdings S.A. à Nassau équivalaient à une perquisition et à la saisie de documents et de fonds se trouvant dans un Etat tiers.

De même, en demandant à la recou- rante de le renseigner, sans l'accord préalable de l'ayant droit, au sujet d'un mandat de gestion à elle confié sur les avoirs se trouvant à Nassau, le juge d'instruction amenait la banque genevoise à enfreindre les dispositions du droit des Bahamas en matière de secret bancaire, cet Etat disposant d'une législation dans

ce

domaine.

En effet, l'art. 10 lettres a et c de la loi sur les banques du 28 octobre 1965 vise ceux qui sont détenteurs de rensei- gnements en leur qualité d'adminis-trateurs, directeurs, employés ou mandataires d'un établissement bénéficiant ou ayant bénéficié d'une licence bancaire, conseillers juri- diques, avocats, consultants, réviseurs comptables, commissaires ou liquidateurs d'un établissement bénéficiant ou ayant bénéficié d'une licence bancaire, ou encore employés ou mandataires des personnes susdésignées.

Il est donc manifeste que, dans l'hypothèse où elle serait investie d'un mandat de gestion sur les avoirs déposés auprès de B. Ltd par une société du droit des Bahamas, la banque genevoise serait tenue au secret en vertu de l'art. 10 de la susdite loi, dont le champ d'application est très large.

Dans ces conditions, force est de constater que les mesures incriminées ne respectent pas le principe de la territorialité et qu'elles doivent dès lors être annulées, le juge d'instruction pouvant procéder par la voie d'une demande d'entraide interna- tionale en bonne et due forme.

A ce propos, on relèvera que rien ne permet de dire que l'Etat des Bahamas ne donnerait pas suite à une telle requête provenant des autorités suisses.

Cette circonstance que la banque B.

ait adressé une recommandation ou une mise en garde aux organes suisses de la banque de Nassau quant à une absence de dessaisissement des avoirs devenus suspects est sans importance, en ce sens que cette recourante n'a fait qu'agir en vertu de son

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