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ESMO 2016 - Cancers bronchiques

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DOSSIER

Actualités à l’ESMO 2016

D. Moro-Sibilot

Cancers bronchiques

Lung cancers

D. Moro-Sibilot*, C. Audigier-Valette**, N. Charbonnier***, V. Westeel****

* Unité médicale d’oncologie thora- cique, pôle Thorax et vaisseaux, CHU de Grenoble-Alpes ; Inserm U823.

** Service de pneumologie, centre hospitalier Sainte-Musse, Toulon.

*** Vaucresson.

**** Service de pneumologie, centre hospitalier universitaire Jean-Minjoz, Besançon.

L’ ESMO 2016 nous a accueillis au Danemark.

Modeste à ses débuts, il rivalise maintenant avec l’ASCO® par le nombre de participants et la qualité des présentations. Cette année, le trem- blement de terre des immunothérapies a bouleversé cette conférence, et l’accumulation d’études posi- tives présentées en session présidentielle a entraîné une ferveur rarement observée dans nos congrès, qui nous rappelle l’avènement de l’imatinib dans les leucémies myéloïdes chroniques il y a presque 20 ans. La différence de taille est que, cette fois-ci, cela portait sur des tumeurs comme les cancers ORL et les cancers bronchiques. Cependant, en dépit d’une omniprésence de l’immunothérapie, d’autres thèmes d’importance ont été abordés, comme les stades précoces, la médecine de précision ou les biomarqueurs.

Traitements des stades opérables

La chirurgie est la pierre angulaire du traitement des cancers bronchiques non à petites cellules (CBNPC) de stade I à III. Les chimiothérapies adjuvantes et néo-adjuvantes ont été très étudiées. La compéti- tion entre les 2 stratégies a été rude, et la chimio- thérapie adjuvante s’est imposée comme standard de soin depuis plus de 10 ans. Cependant, il n’y a jamais eu de comparaison directe de ces 2 stratégies.

L’approche néo-adjuvante présente plusieurs avan- tages, avec notamment celui de pouvoir évaluer la chimiosensibilité et de délivrer la chimiothérapie avant la survenue théorique des mutations indui- sant la chimiorésistance. L’adjuvant, quant à lui, ne retarde pas la chirurgie. Avec la publication des derniers essais randomisés de chimiothérapie péri- opératoire (1, 2), nous avions estimé que le bénéfice des 2 était comparable et que jamais, compte tenu du nombre de patients nécessaire et du caractère un peu démodé de la question, nous n’aurions d’essai randomisé comparant les 2 stratégies face à face.

Une étude multicentrique chinoise l’a fait, mais a dû être arrêtée après l’inclusion de 198 patients sur

les 410 prévus, car le rythme des inclusions était trop lent (Wu YL et al., abstr. 1178O). L’objectif prin- cipal était la survie sans maladie. Les CBNPC de stade IB à IIB étaient éligibles. La chimiothérapie consistait en 3 cycles de l’association carbo platine + docétaxel. L’étude est négative. L’observance à la chimiothérapie en néo-adjuvant est meilleure, concordant avec les données de la littérature, parmi lesquelles l’essai IFCT-0002 (1) qui comparait, chez les répondeurs, 2 cycles de chimiothérapie avant et 2 cycles de chimiothérapie après à 4 cycles de chimiothérapie préopératoire. Tous les patients de cette étude chinoise ont reçu de la chimiothérapie en préopératoire, contre 85,1 % en postopératoire (p < 0,001). On note de façon étonnante que 15 % des patients du groupe traité par chimiothérapie néo-adjuvante n’ont pas été opérés. Cela pourrait être à l’origine de la tendance observée en défaveur du néo- adjuvant (survie sans maladie : HR = 0,70 ; IC

95

: 0,49-1,01). Les informations manquent pour formuler d’autres hypothèses : quel était le bilan à l’inclusion ? La qualité de la chirurgie était-elle comparable dans les 2 groupes ? On attendra la publication de cette étude, mais il est fort probable qu’elle soit la dernière sur cette thématique et qu’on n’ait jamais de données de survie compara- tives solides entre les stratégies néo-adjuvantes et adjuvantes.

L’intérêt de l’immunothérapie en néo-adjuvant en cas de CBNPC de stade IA à IIIA a été rapporté par l’équipe de J.R. Brahmer (Forde PM et al., abstr. LBA41_PR) lors d’une étude de faisabilité de 2 cycles de nivolumab. Dix-huit patients ont été traités en préopératoire par 2 cycles de nivolumab à la dose de 3 mg/kg, le traitement postopératoire étant déterminé selon les standards habituels. Le traitement par immunothérapie n’a ni empêché ni retardé la chirurgie, ce qui nous rassure sur l’absence d’effet délétère dans cette population. Parmi les patients inclus, 67 % étaient atteints d’un carcinome non épidermoïde et 6 % n’avaient jamais fumé.

Les auteurs n’ont rapporté qu’une seule toxicité de

grade 3 : une fièvre associée à une cavitation tumo-

rale, qui correspond d’ailleurs au seul cas n’ayant

(2)

La Lettre du Cancérologue • Vol. XXV - n° 11 - décembre 2016 | 591 reçu qu’une des 2 perfusions prévues. Ils ont observé

un décès par embolie pulmonaire, une chute et un traumatisme crânien, qu’ils ont considéré comme non liés au traitement. Cette étude montre un signal d’efficacité, avec 4 réponses partielles (22 %), 13 stabilisations de la maladie (72 %), 1 progression (6 %) et 7 réponses pathologiques majeures (< 10 % de cellules tumorales viables) [39 %], dont 1 réponse complète. Ces taux de réponse paraissent inférieurs à ceux de la chimiothérapie préopératoire, mais l’expé- rience de l’immunothérapie dans les CBNPC avancés nous a appris que la réponse sous immunothérapie ne s’évalue pas de la même façon que la réponse à la chimiothérapie. De plus, ces données ne sont issues que d’une toute petite série de patients.

Cette approche paraît donc possible sans excès de toxicité. L’étude IFCT-1601 IONESCO va étudier, en France, des patients assez similaires, là aussi en situation néo-adjuvante. Les résultats de cette étude plus large permettront de mieux préciser si l’approche immunothérapie seule en néo-adjuvant est suffisante ou si, à l’avenir, il faudra l’associer à la chimiothérapie ou la continuer en traitement d’entretien.

Traitements

par immunothérapie

des CBNPC métastatiques en première ligne

L’événement le plus important de ce congrès a été, pour nous, la présentation des 2 études d’immuno- thérapie avec un anti-PD-1 en première ligne. Dans l’étude KEYNOTE-024 (Reck M et al., abstr. LBA8_PR), le pembrolizumab à la dose fixe de 200 mg toutes les 3 semaines (maximum : 35 cycles) était comparé à un doublet au choix des investigateurs entre carbo- platine ou cisplatine + pémétrexed ou gemcitabine ou carboplatine + paclitaxel ; par ailleurs, un entretien par pémétrexed était envisageable. Dans cette étude, l’objectif principal était la survie sans progression (SSP). Les patients inclus devaient notamment avoir un CBNPC avancé sans EGFR muté ni réarrangement d’ALK. L’expression de PD-L1 devait être positive dans au moins 50 % des cellules tumorales. Les patients

ne devaient pas avoir de métastases cérébrales ou celles-ci devaient avoir été traitées. Cette étude était stratifiée selon l’indice de performance (PS) [0 versus 1], l’histologie (épidermoïde versus non épidermoïde) et le lieu de traitement (Asie versus reste du monde). Trois cent cinq patients ont été inclus ; leurs caractéristiques principales sont résu- mées dans le tableau I. Cette étude est positive sur son objectif principal, la SSP (figure 1, p. 592), mais on note aussi une supériorité en termes de réponse au pembrolizumab (44,8 versus 27,8 % ; p = 0,0011) et de survie globale (SG). Dans l’ensemble des sous-groupes étudiés dans cette étude, le pembrolizumab s’avère supérieur à la chimiothérapie en SG. Le profil de tolé- rance était également en faveur du pembrolizumab, avec moins d’effets indésirables de tous grades. Seuls différaient les types d’effets indésirables, essentiel- lement immuns pour le pembrolizumab et hémato- logiques avec la chimiothérapie. Les résultats de cette étude ont été publiés dans le New England Journal of Medicine le jour même de sa présentation (3), et la FDA a enregistré le pembrolizumab comme trai- tement de première ligne en monothérapie chez les patients atteints de CBNPC dont le PD-L1 est positif dans au moins 50 % des cellules tumorales.

Clairement, cette étude débute une nouvelle page du traitement des CBNPC et change les standards thérapeutiques, qui devront maintenant tenir compte de l’expression du PD-L1 dans la tumeur.

CheckMate 026 est également une étude de phase III qui évalue en première ligne le nivolumab chez les patients PD-L1+ (Socinski M et al., abstr. LBA7_PR).

Cette étude a inclus des patients dont la tumeur exprimait PD-L1 dans au moins 1 % des cellules.

Highlights

» K E Y N OT E - 0 2 4 s t u d y demonstrates pembrolizumab superiority over platinum based chemotherapy in first line for PD-L1-positive NSCLC (> 50%

PD-L1 positive cells).

» Failure of CHECKMATE-026 study to improve PFS over platinum based chemotherapy in first line for PD-L1-positive NSCLC for PD-L1-positive NSCLC (> 5% PD-L1 positive cells).

» OAK study demonstrates atezolizumab superiority over docetaxel in second line for NSCLC.

» ASCEND-5 study demons- trates ceritinib superiority over platinum based chemotherapy in first line for ALK-positive NSCLC.

Keywords Immunotherapy Targeted therapies

Immunohistochemistry PD-L1 Lung cancer

Tableau I. Étude KEYNOTE-024 : principales caractéristiques des patients inclus.

Pembrolizumab (n = 154) Chimiothérapie (n = 151)

Âge médian, ans (extrêmes) 64,5 (33-90) 66 (38-85)

Hommes, n (%) 92 (60) 95 (63)

ECOG PS 1, n (%) 99 (64) 98 (65)

Épidermoïde, n (%) 29 (19) 27 (18)

Métastases cérébrales, n (%) 18 (12) 10 (7)

Jamais fumeurs, n (%) 5 (3) 19 (13)

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Cancers bronchiques

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154 151

104 99

89 70

44 18

22 9

3 1

1 0 Mois

Pembrolizumab Chimiothérapie Patients à risque (n)

HR pour la progression ou le décès = 0,50 ; IC

95

: 0,37-0,68 ; p < 0,001

Pembrolizumab Chimiothérapie

Figure 1. Étude Keynote-024 : survie sans progression (objectif principal).

Les patients étaient randomisés en 2 groupes : nivolumab 3 mg/kg toutes les 2 semaines ou chimiothérapie au choix de l’investigateur. Cette chimiothérapie devait être un doublet à base de sel de platine associé à l’une des molécules suivantes : gemcitabine, paclitaxel ou pémétrexed. Le crossover était autorisé pour ceux recevant la chimiothérapie.

L’objectif principal était la SSP chez les PD-L1+ (≥ 5 % des cellules). Les objectifs secondaires étaient le taux de réponse objective chez les PD-L1+ et la SG.

Cette étude n’a malheureusement pas atteint ses objectifs et n’a pas pu démontrer d’avantage de SSP, de SG ou de réponse, que ce soit dans la population PD-L1+ (≥ 5 % des cellules) ou dans la population globale. Le profil de tolérance était celui attendu, et il était plus favorable que celui de la chimiothérapie.

L’analyse complète de cette étude devra être faite après sa publication. On peut cependant déjà noter que le crossover vers le nivolumab a concerné 60,4 % des patients du groupe chimiothérapie, alors que seulement 43,6 % de ceux du groupe nivolumab ont reçu un traitement ultérieur, ce qui est relative- ment peu par rapport aux études habituelles, faisant s’interroger sur la population sélectionnée. La sélec- tion avec un seuil d’expression du PD-L1 est peut-être aussi une des limites de l’étude CheckMate 026 ; les études sur des sous-groupes exprimant plus forte- ment le PD-L1 se sont avérées négatives, mais elles n’avaient pas été planifiées dans le schéma statis- tique initial et sont de ce fait purement exploratoires.

On attendra donc pour conclure de façon définitive

les résultats de l’étude CheckMate 227, en cours, qui compare nivolumab ou nivolumab + ipilimumab ou nivolumab + un doublet de chimiothérapie à un simple doublet de chimiothérapie.

Toujours en première ligne de traitement, la première étude d’association a été présentée. Il s’agit d’une cohorte d’expansion (cohorte G) de l’étude de phase I/II KEYNOTE-021 comparant pembroli- zumab + chimiothérapie à chimiothérapie seule (Langer C et al., abstr. LBA46_PR). Les patients devaient, entre autres, être atteints d’un CBNPC non épidermoïde sans mutation de l’EGFR ni réar- rangement d’ALK. L’expression de PD-L1 devait être évaluable lors de l’inclusion. Les patientes étaient traitées soit par pembrolizumab 200 mg en dose fixe par voie intraveineuse toutes les 3 semaines pendant 2 ans maximum et l’association carbo- platine + pémétrexed pendant 4 cycles puis entretien par pémétrexed possible, soit par la chimiothérapie seule. À progression, un crossover vers le pembroli- zumab était possible. L’objectif principal était l’amé- lioration du taux de réponse, et il a été atteint, avec 55 % de réponse pour l’association contre 29 % pour la chimiothérapie seule. L’expression du PD-L1 dans 50 % ou plus des cellules semblait constituer le seuil au-delà duquel l’amélioration de la réponse était la plus tranchée. Ces résultats sont encourageants pour les associations d’immunothérapie et de chimio- thérapie, mais doivent être encore analysés avec prudence, car de nombreuses questions demeurent, tels que le seuil d’expression du PD-L1, la meilleure chimiothérapie à associer et la place des anti- angiogènes.

En mettant en perspective ces études et en laissant

de côté l’enthousiasme excessif associé à toute

nouvelle stratégie prometteuse, on peut raison-

nablement envisager à moyen terme l’arrivée de

l’immuno thérapie en première ligne pour nos

patients. Jusqu’à preuve du contraire, il faudra

proposer ce traitement à ceux qui ont une forte

expression du PD-L1, ce qui ne représente qu’environ

un tiers des patients, auquel il faudra sûrement sous-

traire ceux chez qui ces médicaments n’ont pas été

évalués, notamment les patients porteurs de méta-

stase cérébrale, ceux très âgés, ceux présentant un

mauvais PS ou enfin ceux à risque de voir s’aggraver

une pathologie auto-immune préexistante. Il y a

donc de la place pour des études évaluant l’immuno-

thérapie dans ces populations, et c’est maintenant

aux groupes académiques de s’intéresser à ces situa-

tions particulières. La place de l’immuno thérapie

dans les tumeurs avec addiction oncogénique est

également à clarifier. Les traitements par ITK dans

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Sur vie globale (%)

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0 0 3 6 9 12 15 18 21 24 27 30 33 36 39

Mois

Nivolumab

23

∆ 15 % 8 24

42

∆ 18 %

CheckMate 017

Docétaxel Nivolumab

(n = 135) Docétaxel (n = 137) 110 (81)

9,2 (7,3-12,6) Nombre d’événements, n (%)

Médiane, mois (IC

95

) HR (IC

95

)

128 (93) 6,0 (5,1-7,3) 0,62 (0,47-0,80)

100

80

Sur vie globale (%)

60

40

20

0 0 3 6 9 12 15 18 21 24 27 30 33 36 39

Mois

Nivolumab

29

∆ 13 % 16 39

51

CheckMate 057

Docétaxel Nivolumab

(n = 292) Docétaxel (n = 290) 228 (78)

12,2 (9,7-15,1) Nombre d’événements, n (%)

Médiane, mois (IC

95

) HR (IC

95

)

247 (85) 9,5 (8,1-10,7) 0,75 (0,63-0,91)

∆ 12 %

Figure 2. Études CheckMate 017 et CheckMate 057 : survie globale.

la même question se pose pour les patients avec réarrangement d’ALK ou de ROS, et, pour l’instant, les données ne sont pas assez nombreuses pour pouvoir éliminer ou confirmer l’intérêt de l’immuno- thérapie.

La différence d’impact de l’immunothérapie dans les 2 études – CheckMate 026 et Keynote-021 – doit être investiguée. Parmi les questions à explorer, il y a bien sûr le seuil d’expression de PD-L1 qui a servi de base à l’inclusion des patients ainsi que les différences de sensibilité des 2 méthodes d’immuno- histochimie. Le schéma des 2 études doit également être comparé, car les critères d’éligibilité sont un peu différents, ce qui peut aussi expliquer les disparités dans l’évolution des 2 groupes contrôle. Enfin, des différences entre les périodicités des évaluations gênent la comparabilité des 2 études.

Traitements

par immunothérapie

des CBNPC en seconde ligne

Les 2 essais de phase III CheckMate 057 (cancers non épidermoïdes) [4] et CheckMate 017 (cancers épider- moïdes) [5] ont permis à nos patients d’accéder à l’immunothérapie par nivolumab en situation de

2 ans ont été présentées (figure 2) [Barlesi F et al., abstr. 1215PD]. On retrouve 8 et 9 % de la popula- tion initiale encore sous nivolumab à 2 ans de suivi pour les cancers épidermoïdes et non épidermoïdes, et aucun sous docétaxel. Pour CheckMate 017 et CheckMate 057 respectivement, la durée médiane de réponse était 3 fois plus longue avec le nivo- lumab (25,2 et 17,2 mois) qu’avec le docétaxel (8,4 et 5,6 mois), et les réponses sont persistantes à 2 ans chez 37 % et 34 % des patients répondeurs sous nivolumab, contre aucun chez les répondeurs au docétaxel. Dans CheckMate 057, on relève 4 réponses complètes (1 %), et ce quel que soit le niveau d’expression de PD-L1 (≥ 1 % : n = 2 ; < 1 % : n = 1 ; non quantifiable : n = 1). La durée médiane de réponse chez les répondeurs est de 17,2 mois pour les PD-L1 ≥ 1 % (n = 38) et de 18,3 mois chez les patients PD-L1 ≤ 1 % (n = 10). Les taux de toxicité de grade 3-4 restent inférieurs dans le groupe nivo- lumab, en dépit d’une durée supérieure de traitement sous immunothérapie.

Ces données confirment l’impression en pratique

clinique : indépendamment du statut de PD-L1, un

patient “qui répond” est un patient qui “répond

longtemps”. Le PD-L1 est probablement un bio-

marqueur prédictif de la réponse, mais pas de sa

durée et sûrement pas l’unique biomarqueur de

sélection.

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Mois

HR = 0,73 ; IC

95

: 0,62-0,87 ; p = 0,0003 Suivi minimal = 19 mois 13,8

(IC

95

: 11,8-15,7) 9,6

(IC

95

: 8,6-11,2)

Atézolizumab Docétaxel

Figure 3. Étude OAK : survie globale en intention de traiter (objectif principal).

Les résultats initiaux de l’étude KEYNOTE-010 ont été présentés au congrès de l’ESMO ASIA en décembre 2015. Tout comme les études Check- Mate 057 et CheckMate 017, le suivi à long terme des patients traités dans cet essai a été présenté (Herbst RS et al., abstr. LBA48). Le pembrolizumab a démontré sa supériorité sur le docétaxel en termes de SG chez les patients atteints d’un CBNPC ayant déjà reçu une première ligne de chimiothérapie à base d’un sel de platine. Le critère de sélection diffère de celui des 2 études CheckMate, car seuls les patients exprimant PD-L1 au-dessus d’un seuil de 1 % étaient retenus (avec 2 groupes distincts : entre 1 et 49 %, et ≥ 50 %). Mille trente-quatre patients ont été randomisés entre pembrolizumab (2 mg/ kg ou 10 mg/kg toutes les 3 semaines) et docétaxel (75 mg/ m

2

toutes les 3 semaines). Afin de mieux caractériser le suivi à long terme, une nouvelle analyse des données a été programmée après 6 mois de suivi (gel de base : 31 mars 2016). La médiane de suivi est de 19,2 mois (extrêmes : 11,7-29,7). La durée médiane de traitement est identique pour les groupes recevant du pembrolizumab, quelle que soit la dose (2 ou 10 mg/kg) : 106 jours. La durée médiane de trai- tement est plus basse, à 62 jours, pour le docétaxel.

À la date de point, 15 % (n = 51) des patients sous pembrolizumab 2 mg/kg, 14 % (n = 47) de ceux sous pembrolizumab 10 mg/kg et moins de 1 % de ceux du groupe docétaxel (n = 1) étaient encore traités. Après cette actualisation des données à 6 mois supplé- mentaires, la SG reste supérieure pour le pembroli- zumab par rapport au docétaxel, et il n’y a toujours aucune différence d’effi cacité entre les 2 posologies

du pembrolizumab. Parmi les patients répondeurs encore en vie au moment du gel de base et sans signe de récidive, on retrouve que 60 % étaient sous pembrolizumab et 15 % sous docétaxel. Comme décrit dans toutes les études d’immuno thérapie pour les longs répondeurs, la courbe de SG s’oriente vers une phase de plateau. Par ailleurs, aucun signal de toxicité particulière supplémentaire n’a été mis en évidence. Pas de raison, donc, pour ne pas inté- grer prochainement le pembrolizumab dans notre stratégie thérapeutique de deuxième ligne chez les patients sélectionnés pour PD-L1.

La dernière communication de la session prési- dentielle a concerné les résultats de l’étude OAK (Barlesi F et al., abstr. LBA 44_PR), première étude de phase III ayant comparé un anticorps ciblant PD-L1 au docétaxel en deuxième et troisième lignes des CBNPC. Parmi les critères d’inclusion, il faut retenir l’absence de sélection sur le statut PD-L1 et une proportion de patients en quatrième ligne de 25 %.

L’atézolizumab était délivré à la dose de 1 200 mg par voie intraveineuse. L’analyse présentée a été réalisée sur les 850 premiers patients inclus (sur 1 225), tel que prévu au protocole, et s’est avérée suffisam- ment puissante pour conclure sur les 2 objectifs principaux : SG en intention de traiter et SG dans le groupe PD-L1 ≥ 1 %. La SG était significativement meilleure sous atézolizumab (médiane : 13,8 mois, survies respectives à 12 et 18 mois de 55 et 40 % respectivement) que sous docétaxel (médiane : 9,6 mois ; survies respectives à 12 et 18 mois de 41 et 27 %) [HR = 0,73 ; IC

95

: 0,62-0,87 ; p = 0,0003]

(figure 3). Le bénéfice en faveur de l’atézolizumab se retrouvait quel que soit le niveau d’expression de PD-L1, mesuré sur les cellules tumorales et sur les cellules immunitaires, et était numériquement d’autant plus important que l’expression de PD-L1 était plus forte. Les données de tolérance sont fidèles au profil connu avec les traitements comparables, avec une toxicité moindre que celle induite par la chimiothérapie. L’atézolizumab se positionne donc aussi en deuxième ligne des CBNPC sans nécessité de sélection sur le statut PD-L1, avec un avantage pratique, son rythme d’administration étant toutes les 3 semaines.

Comment transposer ces résultats en pratique ? En seconde ligne, le nivolumab peut être prescrit sans évaluation du statut de PD-L1. Nous dispose- rons également du pembrolizumab chez les patients PD-L1+ et sans doute de l’atézolizumab quel que soit l’immunomarquage de PD-L1.

Les critères de choix sont difficiles, mais cette

situation va être largement modifiée par l’arrivée

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La Lettre du Cancérologue • Vol. XXV - n° 11 - décembre 2016 | 595 que les standards actuels resteront la référence pour

les 2 autres tiers, renvoyant l’immunothérapie en seconde ligne. Pour ces derniers, le statut de PD-L1 sera négatif ou faiblement expresseur. Le nivolumab et l’atézolizumab se partageront donc sûrement les prescriptions chez les PD-L1–, alors que les autres pourront se voir proposer une des 3 molécules disponibles.

Problématique de l’évaluation du PD-L1

Cette nouvelle approche de l’immunothérapie, très prometteuse, apporte très certainement un avantage dans de nombreuses tumeurs et essentiellement, pour l’instant, dans les stades métastatiques. Cette classe thérapeutique apporte un bénéfice net chez 20 à 25 % de la population traitée, ce qui justifie de définir des biomarqueurs prédictifs de l’effica- cité, comme le marquage PD-L1. Le nivolumab a obtenu son AMM à l’issue des résultats des études de phase III de deuxième ligne CheckMate 017 et CheckMate 057, alors que l’analyse du statut de PD-L1 n’était qu’exploratoire (4, 5).

Quant au pembrolizumab, l’étude KEYNOTE-010 a permis l’obtention de l’AMM européenne en deuxième ligne pour les patients exprimant PD-L1 (6). L’expression de PD-L1 en immuno- histochimie semble être un biomarqueur prédictif de réponse aux inhibiteurs de point de contrôle de l’immu nité. Cependant, la compréhension de l’impact de ce biomarqueur est rendue complexe par l’utilisation de multiples anticorps, avec des scores et des seuils différents en fonction de la molécule utilisée. Différents anticorps sont utilisés, incluant les clones SP142 (atézolizumab), 22C3 (pembroli- zumab), 28-8 (nivolumab) et SP263 (durvalumab).

The Blueprint Project®, présenté au congrès de l’American Association for Cancer Research (AACR®), avait pour but de comparer les techniques en vue d’une standardisation des pratiques. À l’occasion de l’ESMO, S. Peters a brièvement rappelé qu’il existe une concordance globale entre les différents anti- corps, à l’exception du SP142, qui semble retrouver plus de faux-négatifs que ses concurrents. Le degré d’expression du biomarqueur semble proportion- nellement lié à l’efficacité du traitement, mais n’est pas comparable à l’effet de la réelle addiction oncogénique que nous pouvons retrouver avec les

chez certains patients négatifs. Ce phénomène peut être dû à un mauvais choix dans le seuil de détection (1 %, 5 %, 25 %, 50 % ?), à l’hétérogénéité tumorale au sein de la tumeur, au volume des biopsies, à l’évo- lution du statut de PD-L1 au cours du temps (tissu archivé, biopsie fraîche, traitement intermédiaire reçu) et à l’environnement tumoral par les cellules immunitaires. Chaque molécule d’immunothérapie ayant son propre anticorps PD-L1, il paraît difficile d’extrapoler les résultats des études en compa- rant ceux des tests PD-L1, mais il serait difficile de demander, demain, aux pathologistes de réaliser en routine l’ensemble du panel des immunomarquages pour choisir l’un ou l’autre des anti-PD-1 ou anti- PD-L1. Un groupe de travail d’anatomopathologistes français vient d’être mis en place par l’INCa et va essayer de définir des recommandations ou d’éta- blir, comme le projet The Blueprint Project®, des comparaisons entre ces immunomarquages. Cela est d’autant plus important que le taux de marquage du PD-L1 va devenir un élément incontournable du choix thérapeutique en première ligne, tout comme cela est déjà le cas pour l’EGFR ou ALK.

Ciblage d’anomalies

moléculaires oncogéniques et médecine personnalisée

L’organisation optimalisée de la médecine person-

nalisée a été présentée lors d’un symposium par

F. Barlesi, R. Thomas, S. Finn et J.C. Soria. Un des

axes de cette médecine de précision est fondé sur

la coordination. L’exemple du système français,

avec un accès aux analyses de biologie moléculaire

diffusées à l’ensemble du territoire par l’intermé-

diaire des plateformes de biologie moléculaire, a été

rapporté dans le cadre du programme Biomarqueurs

France (7). Des essais thérapeutiques basket ont

également été mis en place en France et en Europe

(MOSCATO, IFCT SAFIR 02 Lung, The National Lung

Matrix Trial), l’objectif étant d’améliorer la rentabi-

lité des méthodes de séquençage moléculaire afin

de permettre au patient un accès privilégié à des

traitements ciblés en phase précoce. Parmi les freins

à ce programme, la rentabilité des prélèvements

est souvent handicapée par la technique de biopsie

(ponction sous scanner < fibroscopie < biopsie chirur-

gicale). L’alternative à ces techniques invasives est

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Actualités à l’ESMO 2016

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60

40 20

0 0 4 8 12 16 20 24 28 32 36 40 44

81 81 46 59

66 57 40 51

49 54 35 47

33 34 29 41

23 25 28 24

15 22 23 29

9 12 14 21

3 8 8 12

2 6 7 6

1 2 4 2

0 2 2 1

0 0 0 0 74

61 46 58

61 51 37 47

40 40 34 44

28 28 28 41

21 24 27 30

13 16 19 26

5 11 11 12

2 8 7 10

2 4 4 3

0 2 2 1

0 1 0 0 Temps depuis la randomisation (mois)

Patients à risque (n)

Géfitinib - T790M+

Placebo - T790M+

Géfitinib - T790M–

Placebo - T790M–

Figure 4. Étude IMPRESS : données finales de survie globale en fonction de l’existence de la mutation T790M.

le recours à la biopsie liquide avec analyse de l’ADN tumoral circulant. Cette technique est désormais utilisée en routine dans la recherche d’un des méca- nismes de résistance aux ITK de l’EGFR (T790M).

Avec l’amélioration des techniques, et notamment l’arrivée du séquençage moléculaire de nouvelle génération (NGS), une collaboration intercentres s’avère nécessaire, pour interpréter les données des biomathématiciens qui ne sont pas toujours intel- ligibles pour nous, cliniciens. Le raccourcissement des délais d’obtention des résultats est le corollaire de cette amélioration des techniques (délai moyen sur les données de Biomarqueurs France : 19 jours et 6 semaines pour le NGS dans SAFIR). Enfin, les réunions de concertation pluridisciplinaire (RCP) de biologie moléculaire s’avèrent être un objectif à atteindre indispensable pour proposer un accès aux thérapeutiques innovantes à tous.

Au-delà de nos problématiques organisationnelles, les spécificités toutes particulières de la médecine de précision rendent nécessaire une adaptation réglementaire et des modalités de prise en charge.

Ciblage des mutations de l’EGFR

L. Paz-Arez a présenté les résultats matures de SG de l’étude LUX-Lung 7 (abstr. LBA43). Cette étude avait la particularité d’avoir 3 objectifs principaux : la SSP,

la SG et le temps jusqu’à échec du traitement. Cinq cent soixante et onze patients ont été sélectionnés pour cette étude et 319 randomisés (groupe afatinib : 160 patients ; groupe géfitinib : 159 patients). Lors du congrès de l’ESMO ASIA en décembre 2015, il a été montré que l’afatinib améliore de façon significative la SSP, le taux de réponse et le temps jusqu’à échec du traitement par rapport au géfitinib. Les résul- tats s’observaient dans l’ensemble des sous-groupes étudiés et, en particulier, à la fois pour les patients avec la délétion de l’exon 19 et ceux avec la muta- tion L858R. Les résultats de SG, troisième objectif principal, ont été rapportés avec des durées de suivi plus matures (date de gel de base en avril 2016).

La SSP reste en faveur de l’afatinib de façon signifi- cative (11 versus 10,9 mois ; HR = 0,74 ; p = 0,0178).

En revanche, les résultats de SG ne montrent qu’une

amélioration numérique en faveur de l’afatinib, sans

que celle-ci n’atteigne la signification statistique

(27,9 versus 24,5 mois ; HR = 0,86 ; p = 0,26) pour

l’ensemble de la population étudiée et quel que soit

le sous-groupe de mutation. Cette étude apporte

des arguments à l’encontre de l’hypothèse d’une

plus grande sensibilité des délétions de l’exon 19 par

rapport aux mutations de l’exon 21. Il n’y aura donc

probablement pas de vainqueur dans la compétition

entre les ITK de l’EGFR de première et de seconde

génération. Seuls les résultats de l’étude compa-

rant le dacomitinib à l’erlotinib restent non encore

communiqués. Une prochaine question sera de

(8)

598 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XXV - n° 11 - décembre 2016 100

80

Sur vie sans pr ogr ession (%) 60 40 20

0 0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20 22 24

115 116

87 45

68 26

40 12

31 9

18 6

12 2

9 2

4 2

3 0

2 0

1 0

0 0 Mois

Céritinib Chimiothérapie Patients à risque (n)

Céritinib Chimiothérapie

Figure 5. Étude ASCEND-5 : survie sans progression.

déterminer la place des inhibiteurs de troisième génération dans notre arsenal thérapeutique : doivent-ils se positionner chez les patients avec mutation de résistance T790M, comme proposé dans l’AMM, ou ont-ils une place en première ligne ? T.S.K. Mok a présenté les résultats finaux de l’étude IMPRESS (Soria JC et al., abstr. 1201O). Cette étude de phase III compare, en association avec une chimio-

thérapie par cisplatine et pémétrexed, la poursuite du géfitinib au placebo, chez 265 patients atteints de tumeurs avec mutation de l’EGFR, en situation de résistance acquise. Déjà connus depuis l’ESMO 2014, les résultats finaux confirment l’absence d’intérêt de poursuivre l’ITK en association avec la chimiothérapie, cela étant vrai sur l’ensemble de la population et quel que soit le statut de la T790M (figure 4, p. 596).

Traitement des patients avec réarrangement d’ALK

Depuis les résultats de l’étude PROFILE 1014 compa- rant le crizotinib à la chimiothérapie en première ligne, le crizotinib s’est imposé comme le traitement de référence des cancers pulmonaires ALK+. Dès la première ligne, les patients peuvent donc être traités par un ITK. En dépit de résultats initialement bril- lants du crizotinib en première ligne thérapeutique, le délai médian jusqu’à progression est de 9 mois.

L’apparition de mécanismes de résistance est un fait constant. Les problèmes de pharmacocinétique et de diffusion à travers la barrière hématoencépha- lique rendent en partie compte de l’importance des rechutes cérébrales, mais c’est surtout l’émergence de nouvelles anomalies biologiques dans la cellule cancéreuse qui explique les résistances. Des ITK de seconde génération sont déjà disponibles, comme le céritinib ; d’autres sont en cours de développement, tels que l’alectinib et le brigatinib. Ces molécules ont montré leur efficacité dans la prise en charge des patients après échec du crizotinib. Les résul- tats de l’étude de phase III ASCEND-5 comparant, après la première ligne, céritinib à pémétrexed ou docétaxel ont été présentés (Scagliotti G et al., abstr. LBA42_PR). Cet essai incluait des patients en progression après crizotinib (tableau II). Les patients étaient randomisés dans 2 groupes : céri- tinib 750 mg/j (n = 115) d’une part ; pémétrexed 500 mg/ m

2

(n = 40) ou docétaxel 75 mg/m

2

(n = 73) au choix, d’autre part (3 des patients randomisés dans ce groupe chimiothérapie n’ont pas été traités).

L’objectif principal était la SSP, les objectifs secon- daires étaient le taux de réponse, la durée de réponse, la durée de contrôle, la SG, l’efficacité intracrânienne, la tolérance et, enfin, la qualité de vie. Deux cent trente et un patients ont été inclus, et l’étude a atteint son objectif principal, avec une médiane de SSP très supérieure pour le céritinib – 5,4 mois (extrêmes : 4,1-6,9 mois) – comparativement à la chimiothérapie – 1,6 mois (extrêmes : 1,4-2,8 mois) [p < 0,001] (figure 5). Le profil de tolérance était Tableau II. Étude ASCEND-5 : caractéristiques des patients, résultats de réponse et toxicité.

Céritinib (n = 115) Chimiothérapie (n = 116)

Âge médian (ans) 54 54

Femmes, n (%) 68 (59,1) 61 (52,6)

Adénocarcinome, n (%) 111 (96,5) 113 (97,4)

Métastase cérébrale, n (%) 65 (56,5) 69 (59,5)

ECOG PS (%) 0 1 2

56 50 9

51 60 5 Radiothérapie cérébrale

antérieure, n (%) 41 (35,7) 42 (36,2)

Chimiothérapie antérieure (%) L1

L2 87,8

11,3 87,9

12,1

Réponse objective (%) 39,1 6,9

Événements indésirables

avec arrêt du traitement, n (%) 84 (73) 27 (23,9)

Événements indésirables chez plus de 10 % des patients

ASAT augmentées (28,7 %) ALAT augmentées (22,6 %) Vomissements (14,8 %)

Diarrhées (13,9 %) Nausées (13,9 %)

Aucun

(9)

DOSSIER

en revanche plutôt en défaveur du céritinib, avec des diarrhées ainsi que des nausées et vomissements plus fréquents. En revanche, les arrêts de traitement liés aux effets indésirables étaient observés chez 5,2 % des patients sous céritinib, contre 6,9 % de ceux traités par chimiothérapie. Il s’agit de la première étude randomisée comparant, après échec du crizo- tinib, un ITK à une chimiothérapie, et elle démontre la supériorité de l’ITK.

À l’ESMO, cette année, on disposait de plus de données de phase I/II concernant le brigatinib (Bazhenova L et al., abstr. 1207PD) et l’ensartinib (Horn L et al., abstr. 1210PD), ainsi que des données de 2 études de phase II poolées concernant l’effi- cacité cérébrale de l’alectinib (Gandhi L et al., abstr. 1209PD). Le brigatinib et l’ensartinib ont une efficacité très prometteuse que les patients soient ou non prétraités par crizotinib. L’efficacité céré- brale de ces 3 molécules a été confirmée et pourra permettre un meilleur contrôle que celui obtenu avec le crizotinib. Cela augure d’une prise en charge fondée essentiellement, quoique de façon non exclu- sive, sur les thérapeutiques ciblées. Le choix des traitements ciblés au-delà de la première ligne devra, quand cela est possible, être guidé par la rebiopsie, comme le suggèrent les nouvelles recommandations de l’ESMO.

Traitement des patients avec réarrangement de ROS1

ROS1 est un récepteur de tyrosine kinase de la famille des récepteurs à l’insuline. Les réarrangements de ROS1 ont été identifiés comme activateurs onco- géniques. Environ 2 % des tumeurs bronchiques présentent un réarrangement de ROS1 ; ils sont plus souvent observés chez les non-fumeurs ou les petits fumeurs, les patients jeunes et en cas d’adéno- carcinome.

Malgré la rareté des cancers ROS1, il a été possible de démontrer l’efficacité et la bonne tolérance du crizotinib. Plusieurs études de phase I ou II donnent des taux de réponse très encourageants avec cette molécule (8). Dans l’étude de A.T. Shaw, actua- lisée à l’ESMO 2016 (abstr. 1206PD) et compor- tant 53 patients, le taux de réponse est de 70 % (IC

95

: 56-82). La médiane de SSP est de 19,3 mois (IC

95

: 14,8-NA), ce qui est inédit pour une popu- lation de patients ayant déjà été traités pour leur cancer. Le pourcentage de cellules réarrangées ROS1 n’apparaît pas comme prédictif de la réponse. Avec un suivi médian de 25,4 mois, la médiane de SG

n’était pas atteinte. Ces résultats ressemblent beau- coup à ceux de l’étude rétrospective européenne concernant 31 patients atteints d’un CBNPC : le crizotinib montrait, dans cette étude, un taux de réponse de 80 % et un taux de contrôle de la maladie de 86,7 % (9). ROS1 a également été évalué dans le cadre du programme AcSé : 39 patients ROS1 ont été traités par crizotinib (10). Les taux de réponse de 70 % sont concordants ; en revanche, les données de SSP (médiane : 9,1 mois) sont moins bonnes, probablement du fait de l’inclusion de patients plus lourdement prétraités que dans l’étude pivotale de A.T. Shaw.

Dans une population de 32 patients coréens naïfs pour le crizotinib et prétraités par chimiothérapie, le céritinib donne des résultats assez comparables à ceux du crizotinib, avec un taux de réponse de 63 % (IC

95

: 45,7-79,3) [Felip E et al., abstr. 1208O].

La médiane de SSP était de 19,3 mois (IC

95

: 7,2-NA) et celle de SG n’était pas atteinte au moment de l’analyse. Le céritinib semble de fait une option envisageable en première ligne chez les patients ne tolérant pas le crizotinib.

Traitement des patients avec réarrangement de RET

Deux études de phase II évaluant respectivement le vandétanib (Horiike A et al., abstr. 1203PD) et le lenvatinib (Velcheti V et al., abstr. 1204PD) en cas de CBNPC avec réarrangement de RET ont été présentées en session de posters-discussions. Les caractéristiques des patients des 2 études sont proches : PS 0-1 essentiellement, deux tiers de non-fumeurs, 30 à 40 % de patients multitraités, et environ 1 cas sur 2 (52 %) avec un réarrangement KIF5B-RET. Les 2 molécules donnent des taux de réponse et de contrôle de la maladie de 47 % et 90 % pour le vandétanib et de 16 % et 86 % pour le lenvatinib. Quel que soit l’ITK utilisé, l’efficacité est moindre lorsqu’il s’agit d’un réarrangement KIF5B-RET que dans les autres types de réarran- gement, tels que CCDC6-RET. Les taux médians de SSP sont de 4,7 mois et 7,3 mois respectivement.

La toxicité potentielle des 2 molécules n’est pas négligeable, avec 80 % d’événements indésirables de grade supérieur ou égal à 3. Le plus fréquent des effets indésirables était, pour les 2 molécules, l’hypertension artérielle (de 56 à 58 % de grade ≥ 3).

Les données sont insuffisantes pour traiter actuel-

lement ces patients par un inhibiteur de RET hors

essai clinique. Néanmoins, l’efficacité potentielle de

(10)

600 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XXV - n° 11 - décembre 2016

ces inhibiteurs multikinases chez ces patients, pour certains lourdement traités, mérite, même s’ils sont rares (1 à 2 % des CBNPC), que soient identifiés ces réarrangements de RET.

Améliorer l’évaluation et accélérer la mise

à disposition des médicaments

Après la vague positive de l’immuno-oncologie, l’en- thousiasme s’est nuancé avec l’échec en phase III de 2 études qui ont concerné pour l’une le bavitu- ximab (Spigel DR et al., abstr. LBA45), pour l’autre le sélumétinib (Jänne PA et al., abstr. LBA47_PR). Dans les 2 cas, cet échec en phase III a suivi un signal de positivité très fort en phase II. T. Mok a, de façon opportune, posé la question de la méthodologie des essais de phase II évaluant ce type d’association au docétaxel. Cette méthodologie doit prendre en compte :

➤ dans la sélection de la population à traiter : le type de biomarqueur, la prévalence de la positi- vité, la qualité de l’évaluation de ce biomarqueur ;

➤ dans l’association : les justifications bio- logiques de l’association, son efficacité présumée ou observée dans la population cible ayant le biomarqueur, l’effi cacité en monothérapie de la molécule à l’étude.

Certains de ces points étaient mésestimés dans l’évaluation du bavituximab et du sélumétinib.

D’autre part, si l’on ajoute les quelques modifi- cations du schéma en cours d’étude, cela conduit au gaspillage de temps et d’argent observé dans ces phases III.

De façon tout aussi opportune, J.C. Soria a soulevé le problème de la lenteur d’accès aux molécules validées par les essais de phase III en Europe. Même si cette position doit être nuancée pour la France, où de significatifs progrès ont été obtenus en matière d’accès, il reste néanmoins des blocages et des impossibilités d’accès à des médicaments innovants non résolus par les ATU et RTU actuelles.

Ces blocages peuvent être levés par les législa- teurs. On comprend leur prudence en matière de santé publique et leur souci de bonne gestion mais, in fine, un malade très amélioré revenu à la vie active coûte beaucoup moins cher qu’un malade

qui va mal. ■

D. Moro-Sibilot déclare avoir des liens d’intérêts avec BMS, MSD, Eli Lilly, Roche, Boehringer Ingelheim, Amgen, Pfizer, Novartis, AstraZeneca, Ariad.

Les autres auteurs n’ont pas précisé leurs éventuels liens d’intérêts.

1. Westeel V, Quoix E, Puyraveau M et al. A randomised trial comparing preoperative to perioperative chemotherapy in early-stage non-small-cell lung cancer (IFCT 0002 trial).

Eur J Cancer 2013;49(12):2654-64.

2. NSCLC Meta-analysis Collaborative Group. Preoperative chemotherapy for non-small-cell lung cancer: a systematic review and meta-analysis of individual participant data.

Lancet 2014;383(9928):1561-71.

3. Reck M, Rodríguez-Abreu D, Robinson AG et al. Pem- brolizumab versus chemotherapy for PD-L1-positive non-small-cell lung cancer. N Engl J Med 2016. [Epub ahead of print]

4. Borghaei H, Paz-Ares L, Horn L et al. Nivolumab versus docetaxel in advanced nonsquamous non-small-cell lung cancer. N Engl J Med 2015;373(17):1627-39.

5. Brahmer J, Reckamp KL, Baas P et al. Nivolumab versus docetaxel in advanced squamous-cell non-small-cell lung cancer. N Engl J Med 2015;373(2):123-35.

6. Herbst RS, Baas P, Kim DW et al. Pembrolizumab versus docetaxel for previously treated, PD-L1-positive, advanced non-small-cell lung cancer (KEYNOTE-010): a randomised controlled trial. Lancet 2016;387(10027):1540-50.

7. Barlesi F, Mazieres J, Merlio JP et al.; Biomarkers France contributors. Routine molecular profiling of patients with

advanced non-small-cell lung cancer: results of a 1-year nationwide programme of the French Cooperative Thoracic Intergroup (IFCT). Lancet 2016;387(10026):1415-26.

8. Shaw AT, Ou SH, Bang YJ et al. Crizotinib in ROS1-rearranged non small-cell lung cancer. N Engl J Med 2014;371(21):1963-71.

9. Mazières J, Zalcman G, Crino L et al. Crizotinib therapy for advanced lung adenocarcinoma and a ROS1 rearran- gement: results from the EUROS1 cohort. J Clin Oncol 2015;33(9):992-9.

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Références bibliographiques

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