DOSSIER
Compte-rendu
et analyse CHICAGO 2016
D. Moro-Sibilot
Cancers bronchiques
Lung cancers
D. Moro-Sibilot
1, P.J. Souquet
2, D. Planchard
3, N. Charbonnier
4, J. Cadranel
51 Unité médicale d’oncologie thora- cique, pôle Thorax et Vaisseaux, CHU de Grenoble-Alpes ; Inserm U823.
2 Service de pneumologie, centre hospitalier Lyon-Sud.
3 Département d’oncologie médicale, Gustave-Roussy, Villejuif.
4 Vaucresson.
5 Service de pneumologie et réanima- tion respiratoire, hôpital Tenon, Paris.
L e thème principal du congrès américain en onco- logie clinique 2016 a été l’immuno- oncologie.
Trente pour cent de l’ensemble des présenta- tions (plus de 10 000) ont été consacrés à l’immuno- thérapie, qu’il s’agisse des anti-PD-1 ou PD-L1, mais aussi des nouvelles molécules ciblant l’immunité, de la spécificité des effets indésirables, et, enfin, des biomarqueurs prédictifs de l’efficacité de ces traite- ments. Cette vague de l’immuno-oncologie touche la cancérologie thoracique de façon importante.
Cependant, en dehors des indications déjà connues, il n’y a pas, cette année, de résultats déterminants qui vont modifier notre utilisation de ces médica- ments. Un effort notable porte sur la définition des facteurs prédictifs de réponse, sur le passage en première ligne de ces médicaments et sur les asso- ciations avec d’autres médicaments de l’immunité ou avec la chimiothérapie. On notera ainsi l’association nivolumab-ipilimumab. Il faudra néanmoins attendre encore pour que cela se répercute sur notre quotidien.
Modifications des traitements adjuvants des CBNPC
La chimiothérapie adjuvante des cancers bronchiques non à petites cellules (CBNPC) opérés est un standard de soins accepté depuis plus d’une dizaine d’années. Le bénéfice de cette chimiothérapie est modeste, mais a été démontré par plusieurs études randomisées. La chimiothérapie de référence − consacrée par l’usage et par ces études − est l’association cisplatine-vinorelbine, et c’est précisément cette association qui apparaît dans les référentiels de pratique professionnelle. D’autres options de chimiothérapie des CBNPC pourraient être proposées dans cette indication, mais la quantité de travail, le coût et la difficulté d’une étude rando- misée sur ce sujet n’ont jamais incité aucune équipe à se lancer dans une telle entreprise. En revanche, la faiblesse du bénéfice induit par la chimiothérapie justifie de tester de nouveaux concepts, et c’est dans cet ordre d’idées qu’ont été proposées les héparines de bas poids moléculaire (HBPM) dans une étude et le béva- cizumab dans une autre (Groen HJM et al., abstr. 8506 ; Wakelee HA et al., abstr. 8507). Ces 2 études sont
négatives et ne vont pas modifier l’indication de la chimiothérapie adjuvante. En revanche, le dogme de l’association cisplatine-vinorelbine est remis en ques- tion, on constate en effet que dans ces travaux d’autres références sont utilisées en situation adjuvante avec différents schémas combinant gemcitabine, pémé- trexed ou docétaxel avec le cisplatine. Dans l’étude évaluant le bévacizumab, les 4 possibilités de traite- ment sont laissées au choix des investigateurs (cispla- tine-pémétrexed : 33 %, cisplatine-vinorelbine : 25 %, cisplatine-docétaxel : 23 %, cisplatine-gemcitabine : 19 %). En dehors de la restriction du pémétrexed aux adénocarcinomes, il n’y avait pas de différence quant à la répartition en fonction des stades TNM ou du sexe. Il y avait une proportion plus importante de non-fumeurs dans le groupe pémétrexed (16 versus 10 % dans la population globale). En prenant comme chimiothérapie de référence le doublet cisplatine- vinorelbine, il n’y avait aucune interaction entre le type de doublet et l’histologie, en particulier pas d’avantage en survie sans récidive (SSR) ou en survie globale (SG) pour le pémétrexed dans les adénocarcinomes. Les profils de toxicité étaient ceux attendus. Néanmoins, pour les adénocarcinomes, le pémétrexed était associé à une réduction très significative du nombre total des toxi- cités de grade 3-5 (64 versus 74 à 83 % [p < 0,001]).
Modifications des traitements de deuxième ligne des CBNPC
Le docétaxel a été la chimiothérapie de seconde ligne
de référence, toutes histologies confondues, pendant
15 ans. Le pémétrexed a une efficacité comparable
à celle du docétaxel avec un profil de tolérance plus
favorable, mais son utilisation est restreinte aux
cancers non épidermoïdes, et son utilisation large
en première ligne et en entretien limite son usage en
deuxième ligne. Les thérapeutiques ciblées, erlotinib
et afatinib, sont des options possibles, mais leur
utilisation en deuxième ligne est souvent préconisée
chez les patients âgés ou en mauvais état général. Les
stratégies associant les antiangiogènes ont été très
étudiées ces dernières années avec le ramucirumab
et le nintédanib. Ces molécules antiangiogènes sont
La Lettre du Cancérologue •
Vol. XXV - n° 7 - juillet 2016| 339
100
80
60
40
20
0 0 5 10 15 20 25
Mois
Sur vie sans pr ogr ession (%)
Paclitaxel hebdomadaire + bévacizumab Médiane : 5,4 mois ; IC
95: 4,6-7,1 Docétaxel
Médiane : 3,9 mois ; IC
95: 2,7-5,3 HR = 0,62 (0,44-0,87) ; p = 0,006
Figure 1. Étude ULTIMATE : comparaison de la survie sans progression (d’après Cortot A et al., abstr. 9005, actualisé).
associées au docétaxel pour en améliorer l’effica- cité. La chimiothérapie par paclitaxel hebdomadaire et bévacizumab est une association utilisée dans les carcinomes ovariens ou mammaires. Dans ces indications, on observe un bénéfice en survie sans progression (SSP) et en SG.
L’objectif de l’étude IFCT-1103 ULTIMATE (Cortot A et al., abstr. 9005) était d’évaluer l’intérêt de l’association paclitaxel hebdomadaire et bévaci- zumab (111 patients) en termes de SSP dans une comparaison avec le docétaxel (55 patients). Cette étude a inclus des patients en deuxième ou en troi- sième ligne thérapeutique. La prescription antérieure de bévacizumab était autorisée. Le crossover était possible à progression. Compte tenu de la restric- tion d’utilisation du bévacizumab aux tumeurs non épidermoïdes, cette étude n’a inclus que des adéno- carcinomes. L’objectif principal a été atteint avec une amélioration significative de la SSP (figure 1), mais aussi de la réponse, qui passe de 5,5 à 22,5 %.
Le profil de tolérance était acceptable dans les 2 groupes de patients avec, comme attendu, signi- ficativement plus de toxicités hématologiques dans le groupe docétaxel, alors que l’association pacli- taxel + bévacizumab entraînait plus de neurotoxicités avec en plus les effets de classe des antiangiogènes (saignements, hypertension artérielle et protéinurie).
Les résultats de cette étude vont dans le même sens que ceux des autres études évaluant des antiangio- gènes, notamment ceux de l’étude REVEL associant ramucirumab et docétaxel (Reck M et al., abstr. 402) [tableau I, p. 340].
À l’heure de l’immunothérapie de deuxième ligne, cette association peut être une option pour les patients ne pouvant pas recevoir d’immuno thérapie ou après progression ou échec de l’immuno thérapie.
La supériorité incontestable de cette classe théra- peutique nouvelle bouleverse les standards de deuxième ligne. Cette année, on notera l’actua- lisation des résultats de SG de l’étude POPLAR comparant en phase II docétaxel et atézolizumab (Smith DA et al., abstr. 9028) avec une SG médiane de 12,6 mois dans le groupe atézolizumab, contre 9,7 mois dans le groupe docétaxel. Les réponses sous atézolizumab étaient prolongées avec une durée médiane de réponse de 18,6 mois, contre 7,2 mois avec le docétaxel.
Les données des études CheckMate ont aussi été actualisées (Borghaei H et al., abstr. 9025) avec pour les carcinomes épidermoïdes 23 % des patients en vie à 2 ans, alors que le taux de survie est de 8 % pour le docétaxel du fait de l’absence de patients suivis à cette limite. Pour les tumeurs non épidermoïdes, il y a 29 % de survivants à 2 ans dans le groupe nivolumab, et 16 % dans le groupe docétaxel (figure 2, p. 340).
Quoi de neuf dans le cancer du poumon métastatique chez les personnes vivant avec le VIH ?
Le cancer du poumon est la première cause de décès par cancer chez les patients atteints du VIH, devant les cancers associés au VIH (sarcome de Kaposi, lymphome, cancer du canal anal). Ces patients, dont le pronostic est encore plus péjoratif que celui rapporté dans la population générale, n’ont pas accès aux essais thérapeutiques.
L’essai IFCT-1001 CHIVA de phase II avait pour objectif d’évaluer, chez des patients vivant avec le VIH et atteints d’un CBNPC non épidermoïde avancé, l’efficacité du doublet carboplatine- pémétrexed suivi d’un entretien par pémétrexed
Angiogenèse
Highlights
» Paclitaxel bevacizumab combination improves PFS in second line treatment of NSCLC. This combination may offer a valuable option after nivolumab.
» T790M mutations are actiona ble with osimertinib.
Liquid biopsies broaden access to benefits of molecular oncology less invasively to more patients.
» PFS benefits with alectinib administered in first line exceed expectations with better tole
rability and CNS activity.
Keywords
Lung cancer
Targeted therapy
Checkpoint inhibitors
Angiogenesis
Cancers bronchiques
DOSSIER
Chicago 2016
Nivolumab
42 %
24 %
23 %
8 % 18 %
15 % 100
80
60
40
20
0
0 3 6 9 12 15 18 21 24 27 30 33 36 39
Patients à risque (n) Mois
135 113 86 69 57 51 38 34 29 19 14 7 1 0
137 104 69 46 33 22 17 14 11 9 6 4 1 0 292 233 194 171 148 128 112 97 81 48 18 8 0 0 290 243 194 150 111 89 66 53 45 25 6 3 1 0
Sur vie globale (%)
Nivolumab
(n = 135) Docétaxel (n = 137) Événements, n (%) 110 (81) 128 (93)
Médiane, 9,2 6,0
mois (IC
95) (7,3-12,6) (5,1-7,3) HR (IC
95) 0,62 (0,47-0,80)
CheckMate 017 (SQ NSCLC)
51 %
39 % 29 %
16 % 12 %
13 % 100
80
60
40
20
0
0 3 6 9 12 15 18 21 24 27 30 33 36 39
Mois
Sur vie globale (%)
Nivolumab
(n = 292) Docétaxel (n = 290) Événements, n (%) 228 (78) 247 (85)
Médiane, 12,2 9,5
mois (IC
95) (9,7-15,1) (8,1-10,7) HR (IC
95) 0,75 (0,63-0,91) CheckMate 057 (non-SQ NSCLC) Docétaxel
Figure 2. Études CheckMate 017 et 057 : comparaison des survies globales (d’après Borghaei H et al., abstr. 9025, actualisé).
chez les patients contrôlés après 4 cures (Lavole A et al., abstr. 9076). Un autre objectif était de vérifier la tolérance de cette chimiothérapie et l’absence de risque majoré d’infection.
Soixante et un patients ont été inclus entre mai 2011 et juillet 2015. Il s’agissait d’hommes pour 75,4 % d’entre eux, et l’âge médian était de 52 ans ; 93,4 % étaient des fumeurs ou d’anciens fumeurs et de Performance Status (PS) inférieur à 2 dans 82 % des cas. La médiane de CD4 était à 418/µl au diagnostic de cancer avec une médiane de charge virale de 39 copies/ml ; 96 % étaient sous traitement antirétroviral combiné (cART), et moins de 20 % des sujets recevaient une prophy- laxie par cotrimoxazole. Le taux de contrôle à 4 cycles était de 50,8 % (extrêmes : 38,3-63,4) [H0 = 30 %]
avec 38,7 % de patients en réponse partielle. Après un suivi de 26 mois, la SSP médiane était de 3,6 mois
(IC
95: 2,7-4,4) et la SG de 7,6 mois. La fréquence des toxicités de grade supérieur ou égal à 3 était celle attendue : leucopénie (3,3 %), neutropénie/neutropénie fébrile (53,3 %/6,7 %), anémie (30,0 %), thrombo- pénie (35,0 %), nausées/vomissements (5,5 %). Il n’a été observé ni insuffisance rénale ni neuropathie.
Deux décès par infection ont été à déplorer, mais sans rapport avec une infection opportuniste.
Avec un taux de contrôle de 50,8 %, l’essai IFCT- 1001 est positif quant à son objectif principal. Il ne montre pas de signal de toxicité supplémentaire dans cette population de patients atteints par le VIH. En revanche, la SSP et la SG sont inférieures à ce qui est attendu en population générale, invitant à proposer des traitements de deuxième ligne, pour améliorer le pronostic du CBNPC chez les personnes vivant avec le VIH.
Tableau I. Études évaluant les associations antiangiogènes + docétaxel contre docétaxel seul au-delà de la première ligne thérapeutique.
REVEL LUME lung ULTIMATE
Docétaxel Docétaxel +
ramucirumab Docétaxel Docétaxel +
nintédanib Docétaxel Paclitaxel + bévacizumab
Patients, n 447 455 380 380 55 110
RO, % 14,5 21,9 3,6 14,5 5,5 22,5
SSP, mois 3,7 4,6 2,7 4,2 3,9 5,4
SG, mois 9,7 11,1 10,3 12,6 11,4 9,9
RO : réponse objective ; SG : survie globale ; SSP : survie sans progression.
La Lettre du Cancérologue •
Vol. XXV - n° 7 - juillet 2016| 341
Quelles nouveautés dans le traitement des carcinomes à petites cellules ?
La prise en charge des cancers à petites cellules n’a pas été améliorée depuis plus de 20 ans. Cette thématique avait même disparu des derniers congrès américains en oncologie clinique. Cette année, on commence à entrevoir des avancées possibles. On voit aussi des thèmes anciens réapparaître. Ainsi, la place de la chirurgie dans les tumeurs au stade localisé reste encore très débattue et n’est pas un standard théra- peutique. Une analyse rétrospective, réalisée à partir d’une base de données nationale chez 2 301 patients sélectionnés de 2003 à 2011, a étudié 2 groupes de patients (chirurgie versus chimioradiothérapie) [Jeffrey Yang CF et al., abstr. 8511]. Les 2 groupes appa- raissaient relativement équilibrés en termes d’âge, d’ethnie, de sexe et de centres hospitaliers les prenant en charge. Les résultats de survie sont intéressants (survie à 5 ans de 48,1 % pour le groupe chirurgie versus 28,3 % pour le groupe radiochimiothérapie) et posent de nouveau la question du bénéfice de la chirurgie dans cette histologie. Cet essai confirme l’intérêt d’une étude prospective randomisée qui seule pourrait apporter une réponse objective.
Le traitement des formes limitées au thorax de carcinome bronchique à petites cellules (CPC) reste donc sur une association radiochimiothérapie. En effet, si la chimiothérapie est indispensable pour cette tumeur à fort potentiel métastatique et permet d’obtenir des taux de réponse élevés (80-90 %), la radiothérapie est indispensable pour augmenter le contrôle local, et même la survie. L’étude publiée par A. Turrisi en 1999 (1) montre qu’une radiothérapie bifractionnée permet d’augmenter significativement les taux de survie à 2 et 5 ans comparativement à la radiothérapie monofractionnée (47 %/26 % versus 41 %/16 % ; p = 0,04). Le corollaire est représenté par une augmentation significative de la toxicité aiguë, notamment œsophagienne avec 27 % d’œsophagites de grade 3 pour le schéma bifractionné contre 11 % avec le schéma monofractionné (p < 0,001). Bien que le schéma bifractionné (45 Gy) puisse être considéré comme un standard de traitement des patients atteints d’un CPC limité au thorax aux États-Unis et en Europe, ses résultats n’ont jamais été reproduits et sa mise en œuvre reste difficile sur le plan de l’organisation des soins, et sa toxicité aiguë est une limite à son utilisation.
De nombreuses équipes en Europe, et en particulier en France, préfèrent de ce fait utiliser une radiothérapie monofractionnée concomitante à la chimiothérapie.
Cette question est revisitée dans un essai rando- misé de phase III (Faivre-Finn C et al., abstr. 8504).
L’administration d’une radiothérapie bifractionnée et accélérée est comparée à celle d’une radiothérapie monofractionnée en association concomitante à une chimiothérapie comportant cisplatine et étoposide, en utilisant des doses équivalentes en termes de radio- biologie, soit 45 Gy en 30 fractions sur 3 semaines pour le bifractionné et 66 Gy en 33 fractions sur 6,5 semaines pour le monofractionné. Cette étude n’atteint pas son objectif et ne démontre pas la supé- riorité du monofractionné (groupe expérimental) sur le bifractionné (groupe contrôle). Il n’y avait pas de différence de temps avant une rechute locale ou géné- rale et, de plus, pas de différence de toxicité aiguë ou tardive (sauf plus de neutropénies dans le bras bifrac- tionné). On note tout particulièrement l’absence de différence en termes de toxicité œsophagienne ou pulmonaire. Les 2 schémas peuvent donc être égale- ment proposés en tenant compte de l’organisation des centres et des souhaits des patients. Pour les formes étendues et métastatiques, on observe un nouvel échec de ciblage de l’angiogenèse avec le bévacizumab (Tiseo M et al., abstr. 8513). Une étude de phase III a comparé l’association cisplatine-étoposide avec ou sans bévacizumab. Au total, 205 patients ont été inclus avec un bénéfice significatif sur la SSP, mais sans différence significative sur la SG bien que celle-ci soit globale- ment en faveur du doublet avec le bévacizumab. Ces données sont à rapprocher de celles des études SALUTE et IFCT-0802, dont les résultats restent globalement décevants et ne permettent pas, à ce jour, de valider son utilisation dans cette histologie.
En revanche, une approche innovante de traite-
ment ciblant DLL3 a été rapportée (Rudin CM et al.,
abstr. LBA8505). DLL3 (ligand exprimé à la surface
des cellules et ayant un rôle de régulation négatif
dans la voie NOTCH) apparaît comme une cible
intéressante dans les tumeurs neuroendocrines
avec une hyperexpression dans une grande majo-
rité des cas (≥ 70 % environ). Le ciblage de DLL3
est assez complexe (rovalpituzumab tesirine), via
un assemblage, d’une part, d’une molécule de
chimiothérapie active (pyrrolobenzodiazépine) et,
d’autre part, d’un anticorps permettant de cibler
directement la protéine DLL3. Les données sont
encore limitées puisqu’il s’agit d’une étude de
phase I avec escalade de dose. Le taux de réponse
chez ces patients atteints d’un CPC prétraités est
prometteur : 18 % sur l’ensemble de la population
(n = 60) et 39 % (n = 25) si l’on s’intéresse aux
patients ayant un niveau d’expression élevé de
DLL3 (≥ 50 %). Le taux de contrôle de la maladie
Cancers bronchiques
DOSSIER
Chicago 2016
est de 68 % pour l’ensemble de la population et de 89 % chez les patients présentant une immuno- histochimie DLL3 élevée. Le bénéfice clinique de cette molécule semble se maintenir que l’on soit en deuxième ou en troisième ligne de traitement, ce qui est assez inhabituel pour cette maladie où il n’existe aucun standard thérapeutique au-delà de la première ligne. Les principales toxicités étaient la fatigue, les épanchements pleuraux, les œdèmes, les nausées, l’hypoalbuminémie, la thrombopénie et les rashs cutanés. L’étape suivante pour confirmer ces résultats est une étude de phase II en troisième ligne (étude TRINITY), qui est en cours, et une étude en première ligne ainsi qu’une association avec de l’immunothérapie.
L’immunothérapie est aussi testée dans l’étude CheckMate 032 (Antonia SJ et al., abstr. 100). C’est un essai en extension de cohorte évaluant l’activité de l’anti-PD-1 nivolumab seul ou associé à l’anti - CTLA-4 ipilimumab. Les résultats présentés cette année à Chicago évaluent l’efficacité et la tolérance de 3 modalités d’administration. Deux cent seize patients atteints d’un CPC disséminé en progression après une première ligne ont été inclus et répartis selon 3 groupes de traitement : 98 sujets ont reçu le nivolumab en monothérapie à la dose standard de 3 mg/kg, 61, le nivolumab 1 mg/kg associé à l’ipilimumab 3 mg/kg et 54, le nivolumab à 3 mg/ kg avec l’ipilimumab à 1 mg/kg. Le nivolumab était poursuivi toutes les 2 semaines jusqu’à progression ; pour les patients recevant la bithérapie, un total de 4 cycles était programmé avant de commencer aussi un traitement d’entretien par nivolumab selon les mêmes modalités que celles du groupe monothérapie. Le taux de réponse objective (RO) était l’objectif principal de l’étude ; la tolérance, la SG, la SSP et la recherche de bio marqueurs étaient évaluées en objectifs secondaires. Les résultats ont été présentés en session orale lors d’un symposium, simultanément à leur publication dans la revue Lancet Oncology. Le nivolumab utilisé seul obtient un taux de RO de 10 %, et, pour les 2 bithérapies, il est de 23 et 19 %, respectivement.
Des réponses tumorales étaient observées indé- pendamment de la résistance ou de la sensibilité préalable aux sels de platine (récidive à plus ou moins 3 mois de la dernière cure de chimiothérapie) et sans lien non plus avec l’expression de PD-L1. Les données de survie ont également montré un béné- fice de la combinaison par rapport au nivolumab seul (4,4 mois) avec 7,7 mois pour nivolumab 1 + ipilimumab 3 et 6,0 mois pour nivolumab 3 + ipili- mumab 1.
Le taux de survie à 1 an était de 33 % pour le nivo- lumab seul, 43 % pour nivolumab 1 + ipilimumab 3, et 35 % pour nivolumab 3 + ipilimumab 1. Les effets indésirables étaient ceux habituellement retrouvés avec les troubles digestifs, endocriniens et cutanés.
La combinaison de 2 molécules exposait à plus de toxicités (nivolumab 1 + ipilimumab 3 : 79 % [30 % de grade 3-4], nivolumab 3 + ipilimumab 1 : 74 % [19 % de grade 3-4], nivolumab : 53 % [13 % de grade 3-4]).
La dose considérée comme la plus efficace et devant passer en phase III est l’association nivolumab 1 mg/ kg et ipilimumab 3 mg/kg.
Progrès dans la prise en charge des patients avec réarrangement de ALK
Le crizotinib s’est imposé, ces dernières années, par rapport à la chimiothérapie en première ligne dans le traitement des tumeurs avec réarrangement de ALK.
L’étude présentée par S. Lu a comparé, également en première ligne, le crizotinib à la chimiothérapie par au maximum 6 cycles de pémétrexed et cisplatine ou carboplatine (Lu S et al., abstr. 9058). Les résultats sont très similaires à ceux déjà connus, tant en ce qui concerne la supériorité du crizotinib sur la chimio- thérapie que sur l’excellent taux de réponse de la chimiothérapie par pémétrexed (46 %). L’alectinib est un inhibiteur de kinase de seconde génération.
Son activité sur le réarrangement de ALK est plus large comportant certaines des mutations de résis- tance au crizotinib. Par ailleurs, la biodisponibilité cérébrale de l’alectinib semble meilleure que celle du crizotinib. Les 2 molécules sont donc comparées en première ligne, avec comme objectif principal la SSP. Cette étude est réalisée entièrement au Japon.
Lors de l’analyse intermédiaire préprogrammée, J-ALEX a atteint son objectif principal avec une supériorité de la SSP de l’alectinib par rapport au crizotinib (HR = 0,34) [figure 3, p. 344].
On notait aussi une amélioration des taux de réponse. Le profil de tolérance de l’alectinib était plus favorable avec moins d’arrêts ou d’interruptions de traitement dans le groupe recevant cette molécule.
Les données finales, notamment sur le contrôle cérébral de la maladie, n’ont pas été rapportées.
A.T. Shaw a actualisé les données de survie en deuxième ligne du crizotinib contre chimiothérapie.
Les données de SG sont disponibles et prennent en
compte les lignes de traitement par inhibiteurs de
tyrosine kinases (ITK) ultérieures (53 % des patients)
344 | La Lettre du Cancérologue •
Vol. XXV - n° 7 - juillet 2016Sur vie sans pr ogr ession (%)
100
80
60
40
20
0 0 1 3 6 9 12 15 18 21 24 27 Mois
Alectinib Crizotinib
Patients à risque (n)
Alectinib
(n = 103) Crizotinib (n = 104) Événements, n (%) 25 (24,3) 58 (55,8) Médiane, mois (IC
95) NA (20,3-NA) 10,2 (8,2-12,0)
p < 0,0001
HR (IC
99, 6826) 0,34 (0,17-0,71)
NA
10,2 mois
NA : non atteinte.
76 65 36
21 9
4 1
93 86 49
40 27
103 14 103 102 104
Figure 3. Étude J-ALEX : survie sans progression (d’après Nokihara H et al., abstr. 9008, actualisé).
[Shaw AT et al., abstr. 9066]. La médiane de survie sous crizotinib est de 21,7 mois, peu différente de celle de la chimiothérapie, ce qui est explicable par une utilisation large des ITK par la suite dans les 2 groupes de patients (53 % des patients du groupe crizotinib et 90 % de ceux du groupe chimiothérapie).
Cependant, en dépit de résultats brillants initiaux, la progression sous crizotinib est quasi inéluctable. De plus, malgré un contrôle cérébral potentiel par crizo- tinib, près de 50 % des patients développent des méta- stases cérébrales sous traitement. Les problèmes de pharmaco cinétique et la barrière hémato encéphalique
expliquent en partie l’importance des rechutes céré- brales, mais c’est surtout l’émergence de nouvelles anomalies biologiques dans la cellule cancéreuse qui explique les résistances. Tous les mécanismes ne sont pas encore identifiés, mais on sait déjà que certains sont liés à l’activation d’autres voies de signalisation telles que KRAS, EGFR ou KIT, alors que d’autres restent dépendants de ALK soit par son amplifica- tion, soit par l’apparition de mutations de résistance (tableau II). Ces mutations sont plus diverses que ce qui est observé avec l’EGFR et la mutation T790M. Ces nouvelles mutations conditionnent la résistance au Tableau II. Différentes mutations de ALK et profil de sensibilité ou de résistance des inhibiteurs de tyrosine kinases de première, deuxième et troisième géné- rations (d’après Gadgeel SM et al., discussion des abstr. 9007 et 9008, actualisés).
1
regénération 2
egénération 3
egénération
Crizotinib Alectinib Brigatinib Céritinib Lorlatinib
G1123S Résistant Sensible ND Résistant ND
1151Tins Résistant Résistant ND Résistant Sensible
L1152P/R Résistant Sensible ND Résistant Sensible
C1156Y/T Résistant Sensible ND Résistant Sensible
I1171T/N Résistant Résistant ND Sensible ND
F1174C/L/V Résistant Sensible Sensible Résistant Sensible
V1180L Résistant Résistant ND Sensible ND
L1196M Résistant Sensible Sensible Sensible Sensible
L1198F Sensible Résistant Résistant Résistant Résistant
G1202R Résistant Résistant ND Résistant Sensible
S1206C/Y Résistant Sensible Résistant Sensible Sensible
F1245C Résistant ND ND Sensible ND
G1269A/S Résistant Sensible ND Sensible Sensible
ND : non défini.