Énoncé
Dans ce problème, K désigne R ou C.
On rappelle les dénitions des valeurs propres et des vecteurs propres d'un endomorphisme.
Soit E un K -espace vectoriel et f ∈ L(E) .
Une valeur propre de f est un élément λ de K pour lequel il existe un vecteur non nul x de E tel que f (x) = λx . Le spectre de f est l'ensemble de ses valeurs propres.
Un vecteur propre de f est un vecteur non nul x de E pour lequel il existe un λ ∈ K tel que f (x) = λx .
L'objet de ce problème
1est d'étudier les vecteurs propres communs à deux endomor- phismes. Par dénition, un vecteur x est un vecteur propre commun aux endomorphismes f et g si et seulement il est non nul et s'il existe λ et µ dans K tels que f(x) = λx et g(x) = µx .
On utilise aussi le crochet : [f, g] = f ◦ g − g ◦ f de deux endomorphismes f et g de L(E) ou de deux matrices carrées [A, B] = AB − BA .
Partie I. Exemple.
Dans cette partie, K = R, on considère les matrices suivantes : A =
0 −1 −1
−1 0 −1
−1 −1 0
, B =
3 −3 −1
0 2 0
1 −3 1
,
C =
−5 3 −1
−2 6 2
−5 3 −1
, D =
0 0 0
0 6 0
0 0 −6
,
U
1=
1 0
−1
, U
2=
0 1
−1
, U
3=
1 1 1
, U
4=
1 0 1
, U
5=
1 1
−2
.
On considère aussi un R-espace vectoriel E muni d'une base E = (e
1, e
2, e
3) . On dénit les endomorphismes a , b , c , d dans L(E) et les vecteurs u
1, u
2, u
3, u
4, u
5par les relations
Mat
E(a) = A, Mat
E
(b) = B, Mat
E
(c) = C, Mat
E
(d) = D, Mat
E(u
1) = U
1, · · · , Mat
E
(u
5) = U
5. On note F = (u
1, u
2, u
3) .
1d'après CCP 2013 MP maths1
1. En discutant selon λ ∈ R du rang de A − λI
3puis de B − λI
3, déterminer les spectres de a et de b .
2. Vérier que la famille F est une base de E formée de vecteurs propres de a . Montrer qu'aucun élément de F n'est un vecteur propre commun à a et b .
3. Montrer que Im(b − 2 Id
E) = Vect(u
4) et que dim(ker(b − 2 Id
E)) = 2 .
4. Montrer que ker(a − Id
E) ∩ ker(b − 2 Id
E) = Vect(u
5) et déterminer tous les vecteurs propres communs à a et b .
Partie II. Exemple avec des polynômes.
Dans cette partie E = C
2n[X ] . On dénit des applications a et b par :
∀P ∈ C
2n[X ], a(P ) = P
0, b(P ) = X
2nP b ( 1 X ).
Ces applications sont des endomorphismes de E , on ne demande pas de le vérier.
1. Dans le cas particulier n = 1 .
a. Former les matrices A et B des endomorphismes a et b dans la base canonique (1, X, X
2) .
b. Calculer [A, B] et [A
2, B] puis leurs rangs.
2. Valeurs propres et vecteurs propres de a .
a. Montrer que a admet une unique valeur propre λ à déterminer. Quels sont les vecteurs propres de a ?
b. Soit i entier entre 2 et 2n . Quels sont les valeurs propres et les vecteurs propres de a
i= a ◦ · · · ◦ a ?
3. Valeurs propres et vecteurs propres de b .
a. Que vaut b ◦ b ? Que peut-on en déduire pour les valeurs propres de b ? b. Montrer que si P est un vecteur propre de b alors deg(P) ≥ n .
c. Calculer les images par b de X
net des polynômes X
n−k+X
n+ket −X
n−k+X
n+kpour k entier entre 1 et n .
4. Vecteurs propres communs. Pour quel entiers i entre 1 et 2n , les endomorphismes a
iet b ont-ils des vecteurs propres communs ?
Partie III. Condition nécessaire. Conditions susantes.
On pourra utiliser sans démonstration que tout endomorphisme d'un C-espace vectoriel de dimension nie admet au moins une valeur propre.
Dans toute cette partie (sauf dans la question 1), E désigne un C-espace vectoriel de dimension nie.
On dit que le couple (a, b) ∈ L(E)
2vérie la propriété H si et seulement si il existe une valeur propre λ de a telle que ker(a − λ Id
E) ⊂ ker([a, b]) .
Pour tout naturel non nul k , on note P
kla proposition suivante :
Pour tout C-espace vectoriel V tel que dim(V ) ≤ k et tout couple d'endo- morphismes (ϕ, ψ) ∈ L(V )
2tels que rg([ϕ, ψ]) ≤ 1 , il existe un vecteur propre commun à ϕ et ψ .
1. Dans cette question, E un K -espace vectoriel de dimension nie (avec K égal R ou C) et (a, b) ∈ L(E)
2. Montrer que si a et b admettent un vecteur propre commun alors rg([a, b]) < dim(E) . Que penser de la réciproque ?
2. Soit a et b deux endomorphismes de E .
a. Montrer que si [a, b] = 0
L(E), alors (a, b) vérie la propriété H .
b. On suppose ici que (a, b) vérie la propriété H avec ker(a − λ Id
E) ⊂ ker([a, b]) . Montrer que ker(a − λ Id
E) est stable pour b . En déduire l'existence d'un vecteur propre commun à a et b .
3. Démontrer la proposition P
1.
4. Dans cette question, on considère (a, b) ∈ L(E)
2qui ne vérie pas la propriété H . On note c = [a, b] , on suppose que rg(c) = 1 et on considère une valeur propre λ ∈ C de a .
a. Justier l'existence d'un u ∈ E tel que a(u) = λu et c(u) 6= 0 .
b. Montrer que Im(c) = Vect(v) où v = c(u) . En déduire que Im(c) ⊂ Im(a− λ Id
E) . c. Montrer que Im(a − λ Id
E) est stable par a et b .
5. Montrer que la propriété P
nest vraie pour tous les naturels non nuls n .
Si deux endomorphismes ont un vecteur propre commun, leur crochet est-il de rang au plus 1 ?
Corrigé
Partie I. Exemple.
1. Par dénition, λ ∈ R est une valeur propre de f si et seulement si f − λ Id
En'est pas injective ce qui est équivalent à rg(f − λ Id
E) < 3 . La discussion du rang permet de former des polynômes dont les racines sont les valeurs propres. On transforme les matrices par opérations élémentaires.
A − λI
3 mult−1−−−−−→
λ 1 1 1 λ 1
1 1 λ
C1←C1+C2+C3
−−−−−−−−−−→
2 + λ 1 1 2 + λ λ 1 2 + λ 1 λ
8
<
:
L
2← L
2− L
1L
3← L
3− L
1−−−−−−−−−−−−−→
2 + λ 1 1
0 λ − 1 0
0 0 λ − 1
⇒ spectre de a = {−2, 1}
B − λI
3 permL1L3−−−−−−−→
1 −3 −1
0 2 − λ 0
3 − λ −3 −1
L3←L3−(3−λ)L1
−−−−−−−−−−−→
1 −3 −1
0 2 − λ 0
0 6 − 3λ −4 + 4λ − λ
2
L3←L3−3L2
−−−−−−−−→
1 −3 −1
0 2 − λ 0
0 0 −(λ − 2)
2
⇒ spectre de b = {2}
2. Le calcul matriciel conduit à AU
1= U
1, AU
2= U
2, AU
3= −2U
3. On en déduit que les trois vecteurs de F sont propres pour a avec a(u
1) = u
1, a(u
2) = u
2, a(u
3) = −2u
3. Pour montrer que F est une base, on montre qu'elle est génératrice en prouvant que le rang de la matrice de (u
3, u
2, u
1) dans E est 3 :
1 0 1
1 1 0
1 −1 −1
8
<
:
L
2← L
2− L
1L
3← L
3− L
1−−−−−−−−−−−−−→
1 0 1
0 1 −1
0 −1 −2
L3←L3+L2
−−−−−−−→
1 0 1
0 1 −1 0 0 −3
⇒ rg = 3
Aucun de ces vecteurs n'est propre pour b car BU
1=
4 0 0
∈ / Vect(U
1), BU
2=
−2 2
−4
∈ / Vect(U
2), BU
3=
−1 2 1
∈ / Vect(U
3)
3. On forme la matrice de b − 2 Id
Edans la base E .
1 −3 −1
0 0 0
1 −3 −1
Il apparait clairement que la famille constituée de la première colonne est une base l'espace vectoriel engendré par les trois colonnes. Cette première colonne est la matrice de u
4dans E . On en déduit que Im(b −2 Id
E) = Vect(u
4) . Le théorème du rang entraine que dim(ker(b − 2 Id
E)) = 2 .
On remarque sur la matrice que la ligne 1 engendre l'espace des lignes. On en déduit que cette ligne seule forme une équation du noyau. Un vecteur de coordonnées (x, y, z) dans E est dans ker(b − 2 Id
E) si et seulement si x − 3y − 1 = 0 .
4. Formons les équations caractérisant qu'un vecteur u de coordonnées (x, y, z) dans E est dans ker(a − Id
E) ∩ ker(b − 2 Id
E) ; certaines de ces équations se répètent. Il reste :
( x − 3y − z = 0
−x − y − z = 0 ⇔
( x − 3y − z = 0
−4y − 2z = 0 ⇔
( x = y z = −2y
On en déduit que u ∈ ker(a − Id
E) ∩ ker(b − 2 Id
E) si et seulement si u ∈ Vect(u
5) de la forme u = y(e
1+ e
2− 2e
3) = yu
5.
Tous les vecteurs non nuls de Vect(u
5) sont des vecteurs propres communs aux endo- morphismes a et b .
Comme le spectre de b se réduit à 2 , les seuls autres vecteurs propres possibles sont dans ker(a + 2 Id
E) ∩ ker(b − 2 Id
E) . Un vecteur u de coordonnées (x, y, z) est dans cette intersection si et seulement si
x − 3y − z = 0 2x − y − z = 0
−x + 2y − z = 0
−x − y + 2z = 0
⇔
x − 3y − z = 0 5y + z = 0
−y + 2z = 0
−4y + z = 0
⇔ x = y = z = 0
Il n'y a donc pas d'autres vecteurs propres communs.
Partie II. Exemple avec des polynômes.
1. a. Les dénitions des endomorphismes a et b conduisent aux matrices suivantes dans la base canonique (1, X, X
2) :
A =
0 1 0 0 0 2 0 0 0
, B =
0 0 1 0 1 0 1 0 0
b. En calculant, il vient A
2=
0 0 2 0 0 0 0 0 0
, [A, B] =
0 1 0
2 0 −2
0 −1 0
, [A
2, B] =
2 0 0
0 0 0
0 0 −2
On lit clairement sur leurs colonnes que [A, B] et [A
2, B] sont de rang 2.
2. Valeurs et vecteurs propres de a .
a. Soit λ une valeur propre de a . Il existe alors un polynôme P non nul tel que P
0= λP . À cause du degré, cela n'est possible que si λ = 0 et P de degré 0 . La seule valeur propre de a est donc 0 , les seuls vecteurs propres de a sont les polynômes de degré 0 .
b. Pour i entre 2 et 2n , a
i(P ) = P
(i). La seule valeur propre de a
iest donc encore 0 , les vecteurs propres sont tous les polynômes non nuls de degré strictement plus petit que i .
3. Valeurs et vecteurs propres de b .
a. Par dénition b(X
k) = X
2n−kpour k entre 0 et 2n . On en déduit que b ◦ b coïncide avec l'identité sur les vecteurs de la base canonique d'où b ◦ b = Id
E. Si λ est un vecteur propre, il existe un polynôme non nul P tel que b(P ) = λP . En composant, il vient P = b ◦ b(P ) = λb(P) = λ
2P d'où λ
2= 1 car P n'est pas le polynôme nul. Les deux seules valeurs propres possibles sont donc 1 ou −1 . b. Rappelons la notion de valuation d'un polynôme non nul qui est en quelque sorte
symétrique de celle de degré. Un polynôme P est de valuation v et de degré d lorsqu'il s'écrit
P = a
vX
v+ a
v+1X
v++ · · · + a
dX
davec v ≤ d et a
v6= 0 et a
d6= 0 Prendre l'image par b échange valuation et degré :
b(P ) = a
dX
2n−d+ · · · a
vX
2n−vSi P est un vecteur propre, on doit donc avoir
d = 2n − v ⇒ 2n = v + d ⇒ 2n ≤ 2d (car v ≤ d ) ⇒ d ≥ n
c. Les polynômes proposés exploitent la symétrie sous-jacente dans la dénition de b . On obtient des vecteurs propres
b(X
n) = X
n, ∀k ∈ {1, · · · n}
( b(X
n−k+ X
n+k) = X
n−k+ X
n+kb(−X
n−k+ X
n+k) = − −X
n−k+ X
n+k4. D'après les questions 2b et 3b, si i ≤ n , les conditions sur les degrés sont contradictoires
et il ne peut exister de vecteurs propres communs à a et b .
Si i > n , la question 3c fournit des exemples de polynômes de degré strictement plus petit que i qui sont propres pour b . Il existe donc des vecteurs propres communs dans ce cas.
En conclusion, il existe des vecteur propres communs à a
iet b si et seulement si i > n .
Partie III. Condition nécessaire. Conditions susantes.
1. Si a et b admettent un vecteur propre commun x avec a(x) = λx et b(x) = µx , alors [a, b](x) = a(b(x)) − b(a(x)) = µa(x) − λb(x) = (µλ − λµ)x = 0
ELe noyau du crochet contient un vecteur non nul, donc le rang du crochet est stricte- ment plus petit que la dimension de l'espace d'après le théorème du rang.
Qu'en est-il de la réciproque ? Si deux endomorphismes ont un crochet dont le rang est strictement plus petit que la dimension de l'espace, ont-ils forcément un vecteur propre commun ?
L'exemple de la partie II montre que non. Pour n = 1 , l'espace est de dimension 3.
.On sait, d'après la dernière question de la partie II, que a et b ne peuvent avoir de vecteurs propres communs mais on a calculé au début que le rang de [a, b] = 2 . 2. a. Si le crochet est l'application nulle, son noyau est E et contient tout. La propriété
H est donc vériée.
b. On doit montrer que ker(a − λ Id
E) est stable par b . Pour tout vecteur y dans cet espace,
(a − λ Id
E)(b(y)) = a ◦ b(y) − λb(y) = a ◦ b(y) − b ◦ a(y) + b ◦ a(y) − λb(y)
= [a, b](y) + b ◦ (a − λ Id
E)(y) = 0
ELe deuxième terme étant nul car y ∈ ker(a − λ Id
E) et le premier car y ∈ ker(a − λ Id
E) ⊂ ker([a, b]) qui est supposé par l'énoncé.
Cette stabilité montre que la restriction de b est un endomorphisme du C espace vectoriel ker(a −λ Id
E) . D'après la propriété que l'énoncé en début de cette partie nous permet d'utiliser sans justication, il admet une valeur propre µ donc un vecteur propre qui sera un vecteur propre aussi pour a car dans l'espace ker(a − λ Id
E) .
3. Dans un espace de dimension 1 , tout vecteur non nul est vecteur propre pour n'importe quel endomorphisme. Tout couple d'endomorphismes admet donc des vecteurs propres communs. La proposition P
1est vraie.
4. Dans cette question, (a, b) ∈ L(E)
2ne vérie pas la propriété H . On note c = [a, b] . On suppose rg(c) = 1 et on considère une valeur propre λ ∈ C de a .
a. Par hypothèse, le couple (a, b) ne vérie pas la propriété H . Cela signie que, pour n'importe quelle valeur propre λ de a , il existe un vecteur u tel que u ∈ ker(a − λ Id
E) (c'est à dire a(u) = λu ) et u / ∈ ker([a, b]) (c'est à dire c(u) = [a, b](u) 6= 0
E).
b. On pose v = c(u) , c'est un vecteur non nul de Im(c) . Comme par hypothèse, le rang de c est 1, on peut en déduire que Im(c) = Vect(v) .
Montrons que v ∈ Im(a − λ Id
E) , on en déduira que Im(c) ⊂ Im(a − λ Id
E) .
v = c(u) = (a ◦ b)(u) − (b ◦ a)(u) = a(b(u)) − λb(u)
= (a − λ Id
E)(b(u)) ∈ Im(a − λ Id
E) c. Il est évident que Im(a − λ Id
E) est stable par a . Pour montrer la stabilité par
b , considérons un x quelconque dans Im(a − λ Id
E) . Il existe un y tel que x = a(y) − λy . On en déduit,
b(x) = (b ◦ a)(y) − λb(y) = −[a, b](y) + (a ◦ b)(y) − λb(y)
= −[a, b](y)
| {z }
∈Im(c)⊂Im(a−λIdE)