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journal des Débats Commission permanente de l'agriculture Etude du projet de loi no 90 Loi sur la protection du territoire agricole (1)

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journal des Débats

Commission permanente de l'agriculture

Le 4 décembre 1978 — No 207

Etude du projet de loi no 90 — Loi sur la protection du territoire agricole (1)

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Présentation de mémoires

Conseil de l'alimentation du Québec B-8407 Conseil régional de développement Lanaudière B-8425

Intervenants M. Jules Boucher, président

M. Jacques Beauséjour, président-suppléant M. Jean Garon

M. Jean-Noël Lavoie M. Guy Chevrette M. Julien Giasson M. Claude Dubois M. Fabien Roy M. Richard Verreault M. Fabien Cordeau M. Jacques Baril M. Marcel Gagnon M. Yvon Picotte

* M. Léonard Roy, Conseil de l'alimentation du Québec

* M. Lionel Gaumont, Conseil régional de développement Lanaudière

* M. Denis Charette, idem

* Témoins interrogés par les membres de la commission parlementaire.

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Etude du projet de loi no 90 (Vingt heures cinquante-cinq minutes)

Le Président (M. Boucher): A l'ordre, s'il vous s plaît. La commission permanente de l'agriculture!

est réunie, dans un premier temps, pour entendre les mémoires des organismes et individus relati- vement à la Loi sur la protection du sol agricole.

Ce soir, les organismes convoqués sont: Le Conseil de l'alimentation du Québec, représenté par M. Léonard Roy, vice-président exécutif, le Conseil régional de développement, représenté par M. Roch Malo et l'Association des propriétai- res du Québec, représentée par le Dr Marcel Tremblay.

Ah bon, Lionel Gaumont?

Les membres de la commission sont: M. Baril (Arthabaska), M. Beauséjour (Iberville), M. Dubois (Huntingdon), M. Gagnon (Champlain), M. Garon (Lévis), M. Giasson (Montmagny-L'Islet), M. Léves- que (Kamouraska-Témiscouata), M. Rancourt (Saint-François), M. Roy (Beauce-Sud), M. Vail- lancourt (Orford) est remplacé par M. Lavoie (Laval). Les intervenants sont: M. Marcoux (Ri- mouski) qui remplace M. Brassard (Lac Saint- Jean), M. Charbonneau (Verchères), M. Chevrette (Joliette-Montcalm), M. Cordeau (Saint-Hyacinthe), M. Verreault (Shefford) remplace M. Larivière (Pontiac-Témiscamingue), M. Mercier (Berthier), M. Ouellette (Beauce-Nord), M. Picotte (Maskinon- gé), M. Samson (Rouyn-Noranda).

Le rapporteur pour la commission est M.

Lévesque (Kamouraska-Témiscouata) — vous accep- tez? M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata) est donc rapporteur.

M. Lavoie: ...

Le Président (M. Boucher): A l'ordre, s'il vous plaît.

Pour la façon de procéder concernant le temps dévolu à chacun des organismes, disons qu'à la conférence des leaders, il n'y a pas eu d'entente spécifique sur le temps. On pourra procéder suivant les mémoires; étant donné que ces mémoires n'ont pas été déposés avant la commission, il n'a pas été possible de s'entendre sur le temps consacré à chacun des mémoires.

Disons que le temps... on n'entreprendra pas de question de procédure relativement au temps et on procédera suivant le temps que les membres de la commission jugeront bon d'accorder pour les questions à poser aux gens qui présenteront les mémoires.

J'appelle immédiatement le Conseil de l'ali- mentation du Québec représenté par M. Léonard Roy. Mémoire no 12M. M. Roy, si vous voulez bien vous asseoir et procéder immédiatement à la lecture de votre mémoire.

Présentation de mémoires Conseil de l'alimentation du Québec M. Roy (Léonard): M. le Président, MM. les membres de la commission parlementaire de l'a- griculture de notre Assemblée nationale, mes- sieurs.

Le Conseil de l'alimentation du Québec vous remercie de lui permettre de vous faire connaître les réactions des secteurs industriels et commer- ciaux de l'agro-alimentaire québécois qu'il repré- sente, au projet de loi no 90 du ministre de l'Agriculture du Québec.

Le Conseil de l'alimentation du Québec est une fédération d'associations professionnelles d'affaires qui regroupe une dizaine de conseils ou d'associations dont les membres sont ou des manufacturiers ou des distributeurs de produits agro-alimentaires. Les chefs d'entreprises qu'il représente effectuent plus de 80% des transac- tions qui s'échelonnent le long de la chaîne alimentaire depuis le producteur agricole jusqu'au consommateur. Au moins 50% des produits agro- alimentaires qu'ils offrent aux consommateurs sont manufacturés ou récoltés au Québec. De 35%

à 40% de la matière première agricole utilisée dans la fabrication de ces produits alimentaires proviennent des fermes du Québec. D'où l'intérêt direct de tous les secteurs industriels et commer- ciaux, représentés au Conseil de l'alimentation du Québec.

Dans ce dossier de la protection du territoire agricole québécois. Ce sont en quelque sorte leurs sources d'approvisionnements qui sont mises en cause. Il y a plus encore. C'est toute la politique de développement de l'industrie agro-alimentaire qui est en jeu. Pour l'ensemble de notre industrie, le projet de loi sur la protection du territoire agricole, à la fin de 1978, est l'aboutissement de plus de 10 ans d'efforts pour nous assurer les sources d'ap- provisionnement de matières premières agricoles susceptibles de justifier les investissements et les initiatives de développement dans ce vaste domai- ne, porteur d'un potentiel d'expansion économi- que vital pour tous.

Nos premières interventions à ce sujet ont été faites auprès de la commission d'enquête April sur l'avenir de l'agriculture au Québec, en 1967-1968.

Durant de nombreuses années, notre industrie a réclamé des politiques plus dynamiques de drai- nage de nos sols arables. Nous avons demandé à l'Etat l'élaboration d'un véritable régime des eaux susceptible de préserver et d'accroître le rende- ment de notre sol arable. A l'occasion, au début des années soixante-dix, en collaboration avec d'autres corps publics du monde des affaires — et c'est assez surprenant, y compris la Chambre de commerce de Montréal, par exemple — nous avons proposé ce qui nous semblait être des moyens pratiques de conserver et d'améliorer le rendement du territoire agricole.

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Nous avons apporté notre contribution aux travaux de recherche du Conseil de planification et de développement du Québec qui a proposé, il y a quelques mois, les éléments d'une politique de développement de l'industrie agro-alimentaire québécoise. Le CPDQ affirme, dans cette étude, que la préservation du potentiel des sols arables québécois lui apparaît être un des éléments ma- jeurs susceptibles de modifier les orientations actuelles du développement de notre industrie agro-alimentaire. Le sommet agro-alimentaire qui a servi le dépôt de ces recommandations du Conseil de planification a réalisé un consensus sur

l'énoncé suivant:

"Un développement urbain incontrôlé a fait et fait encore que, régulièrement, les terres agricoles les mieux situées et souvent les plus fertiles sont perdues à l'agriculture au profit de la spécula- tion."

Enfin, à l'occasion de la tournée de consulta- tion du ministre de l'Agriculture du Québec, le Conseil de l'alimentation du Québec a fait connaî- tre son attitude sur la protection de notre territoire agricole dans une optique de développement industriel et a soumis quelques éléments de solutions aux principaux problèmes que soulève ce projet de loi opportun et courageux. Cette préoccupation constante témoigne de la cons- cience qu'ont nos chefs d'entreprises agro-alimen- taires de l'acuité du problème.

La protection du territoire agricole québécois revêt donc un caractère vital et stratégique pour tout l'ensemble de la chaîne alimentaire depuis la ferme jusqu'à la table du consommateur. Le projet de loi no 90 s'identifie, pour nous, à l'objectif qu'il fallait atteindre. La philosophie qui sous-tend l'économie de la loi répond, d'une façon générale, aux anticipations de l'industrie agro-alimentaire québécoise.

M. le Président, nous n'entreprendrons pas ici de répéter ce que nous avons déjà présenté au ministre de l'Agriculture lors de sa tournée, con- sidérant que le projet de loi no 90 répond globa- lement aux préoccupations de l'industrie agro-ali- mentaire québécoise, au plan des principes d'une façon indiscutable et au plan de la plupart des moyens choisis pour appliquer cette loi opportune et urgente.

Nous désirons seulement expliciter briève- ment un constat qui, pour nous, se dégage de l'étude du texte du projet de loi et tout particu- lièrement des articles 12, 59 à 65 et 79. C'est ceci:

L'absence, à toutes fins pratiques, de véritables critères devant non seulement guider la commis- sion de protection du territoire agricole, mais devant la motiver, la justifier dans la prise de décisions à caractère économique.

Nous avons cru déceler, tout au cours de la tournée de consultation du ministre de l'Agricultu- re, que cette grande et courageuse entreprise de protection du territoire agricole du Québec était conçue dans une perspective de développement économique beaucoup plus que dans une réaction de défense.

Nous comprenons que telle est bien l'optique

du gouvernement, puisque le projet de loi no 90, qui se limite plutôt à la mécanique du zonage, est immédiatement assorti de deux autres projets de loi, un qui veut favoriser l'établissement d'une re- lève agricole, l'agrandissement et la consolidation des fermes, ainsi que l'exploitation des terres ara- bles non utilisées ou sous-utilisées; l'autre qui vise la mise en valeur des exploitations de fermes par une adaptation appropriée des fonctions de l'Offi- ce du crédit agricole du Québec. Depuis la rédac- tion de ce mémoire, je dois ajouter en toute justice que nous avons appris, comme tout le public, le dépôt d'une loi sur l'urbanisme et l'aménagement du territoire qui, comprend-on, va avoir une inci- dence directe également sur ces préoccupations de protection du territoire agricole.

Nous avons compris, par les commentaires qui ont accompagné la présentation de ce projet de législation que c'est en fonction du potentiel de développement des marchés pour notre produc- tion agro-alimentaire qu'il ne faut pas hésiter à prendre les grands moyens pour endiguer l'éro- sion de nos bonnes terres. Si nous en jugeons par les attitudes de la presse parlée et écrite, cet en- semble de lois devrait traduire la détermination de tous les Québécois de tirer le maximum de déve- loppement de leurs ressources agro-alimentaires, particulièrement vitales pour l'avenir économique du Québec.

C'est tout cela qu'il nous semble difficile de retrouver, sous forme de critère d'action, dans le projet de loi. A l'article 12, on fait une référence à l'obligation de prendre en considération "les con- séquences économiques qui découlent de ces possibilités", mais on se rend compte que les pos- sibilités en question ont trait à l'utilisation du lot ou des lots à des fins d'agriculture.

A l'article 62, la commission peut autoriser l'utilisation du sol à des fins autres que l'agricul- ture, aux conditions qu'elle détermine. Pour ce qui est des critères de sa décision, elle réfère à l'arti- cle 12 où, comme on l'a vu, le critère est particu- lièrement vague. C'est à l'article 65, où nous nous rapprochons le plus d'un critère qui peut permet- tre de tenir compte du développement économi- que. Il est indiqué qu'à l'examen d'une demande d'une corporation municipale, pour exclure un en- semble de lots de la zone agricole, la commission peut considérer l'effet du projet sur le développe- ment économique de la région et la disponibilité d'emplacements autres que ceux qui font l'objet de la demande, toujours en tenant compte des cri- tères prévus à l'article 12. Enfin, l'article 79 qui a trait à l'enlèvement du sol arable précise que toute décision de la commission, dans ce domaine, doit être motivée. D'abord, nous croyons que toutes les décisions de la commission devraient être motivées et que, par suite de cette obligation de motiver ces décisions, les critères de décision ou d'action pré- vus dans la loi ne devraient pas être uniquement identifiés à des mesures défensives, mais aux préoccupations de développement économique qui semblent avoir inspiré la philosophie de cette loi.

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Nous pensons, en faisant ces remarques, aux usines et autres installations de transformation, entreposage, conditionnement, distribution de la chaîne alimentaire qui devront continuer de pren- dre place en zones agricoles par suite de la nature de leurs opérations. Nous pensons à l'expansion des unités industrielles alimentaires qui existent déjà dans ces milieux. Il va de soi que nous incluons dans ces développements industriels nor- maux en milieux agricoles, les entreprises de fabrication d'intrants à la ferme, comme par exemple les engrais, les moulées et le reste.

Les parcs industriels, bien sûr, resteront les endroits tout désignés pour ce genre de dévelop- pement. Par contre, il faut éviter de multiplier les contraintes dans la localisation des unités indus- trielles qui sont, très souvent, une extension direc- te de l'exploitation agricole.

Pour toutes ces raisons, nous croyons que l'article 12 devrait être révisé en tenant compte de ce qui existe déjà, d'ailleurs, à l'article 65.

M. le Président, nous voudrions faire une autre constatation. Nos usines alimentaires ten- dent naturellement à se coller à leurs sources d'approvisionnement de matières premières agri- coles. Désormais, par suite de la recherche de la spécialisation dans les secteurs de production où nous avons le plus d'avantages concurrentiels, nous verrons s'accentuer le mouvement vers la dé- centralisation, vers la régionalisation de nos opé- rations agro-alimentaires, directement influencée, d'ailleurs, par la vocation des sols. En ce faisant, nous croyons que notre industrie va contribuer à la mise en valeur du dynamisme régional qui est un élément de base dans toute politique de déve- loppement industriel.

Or, par suite de ce phénomène propre à l'agriculture et à l'industrie alimentaire, il arrive que la nature des problèmes ou des projets de développement que nous avons à considérer dans la plaine de Montréal ne sont pas nécessairement ceux que nous rencontrons dans le Bas-Saint-Lau- rent ou dans l'Outaouais. Par exemple, le milieu ou les conditions propices au développement de nos conserveries de légumes sont localisées dans la région de Montréal surtout.

En conséquence, nous croyons que cette législation devrait prévoir et encourager un certain degré de décentralisation dans les opérations de la Commission de protection du territoire agricole, ainsi que des critères d'action qui prévoient les exigences de la régionalisation. Nous anticipons que les règlements qui découleront de cette loi traduiront cette souplesse nécessaire à la décen- tralisation dans le développement et prévoiront des mécanismes consultatifs régionaux. A ce su- jet, nous croyons à l'utilité des structures de par- ticipation tant au niveau régional qu'au niveau provincial.

La loi prévoit une telle participation systéma- tique avec les corporations municipales, les com- munautés. Il faudrait que les règlements permet- tent de rejoindre à travers nos différentes régions les corps professionnels, les organismes de déve- loppement régional, les groupes structurés, en

mesure de devenir des interlocuteurs valables en matière de planification et de développement de l'exploitation de notre territoire agricole.

Nous soumettons respectueusement que les articles 12 et 80 du projet de loi devraient traduire cette préoccupation de décentralisation que nous retrouvons d'ailleurs dans l'organisation adminis- trative du ministère de l'Agriculture du Québec ac- tuellement.

Nous remercions, au nom du Conseil de l'ali- mentation du Québec, les membres de la commis- sion parlementaire de l'Agriculture pour leur bien- veillante attention. Nous demeurons disponibles pour répondre à leurs questions.

En terminant, et pour souligner l'importance que nous attachons à cette loi sur la protection du territoire agricole, nous faisons nôtre cet énoncé d'un éditorialiste d'un de nos quotidiens, et je cite:

"Tout autant que la grande aventure hydroélec- trique, le redressement de la situation agro-ali- mentaire de la province devrait être au coeur des préoccupations collectives au cours des prochai- nes années, d'autant plus que nous sommes con- damnés, à long terme, à produire une plus grande proportion de nos aliments, compte tenu de l'état précaire de nos réserves alimentaires mondiales".

Respectueusement soumis, le Conseil de l'alimen- tation.

Le Président (M. Boucher): Merci beaucoup, M. Roy. M. le ministre.

M. Garon: On voudrait remercier M. Roy de sa présentation au nom du Conseil de l'alimentation du Québec et de tous les organismes que vous re- présentez. Je vous remercie surtout d'être demeu- rés pour la protection du territoire agricole avant le dépôt de la loi et également après. Vous parlez du courage nécessaire à présenter la loi, mais cela prend aussi du courage pour être toujours pour, pas seulement en principe, mais aussi dans la réa- lité.

Le grand facteur qui m'a frappé est celui où vous avez dit que vous représentez vraiment l'in- dustrie alimentaire quand vous dites que c'est le besoin de l'approvisionnement de l'industrie. Je disais même au député de Saint-Hyacinthe récem- ment que si, dans sa région, les municipalités ne souhaitent pas la protection des terres arables, ce sera un devoir pour le ministère de recommander aux industries de se localiser dans les municipa- lités qui veulent protéger les terres, parce qu'on rendrait un mauvais service en localisant des in- dustries dans des municipalités qui ne veulent pas la protection des terres arables parce qu'on met- trait en péril leur approvisionnement. Je pense que, quand vous soulignez cela, vous soulignez la grande préoccupation des industries alimentaires que j'ai rencontrées et qui, chaque fois, nous ont demandé, comme ministère de l'Agriculture, de les conseiller sur la sécurité des approvisionne- ments futurs, et, comme ministère de l'Agriculture participant financièrement à peu près à toutes les installations industrielles au Québec, que ce soit dans le domaine des abattoirs, des charcuteries, des salaisons, des industries laitières.

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Je pense qu'il y a beaucoup de secteurs dans lesquels nous ne participons pas financièrement.

C'est le conseil que nous demande toujours l'industrie. Je pense, encore une fois, en le mettant dans votre mémoire, que vous en souli- gnez l'importance. Je vous donne un exemple. On discute de la raffinerie de sucre. Si on utilise à 100% le matériel que nous venons d'acquérir, cela va nécessiter 24 000 acres de terre. Si, dans la région où est située actuellement la raffinerie de su- cre, les gens ne veulent pas nous donner 24 000 acres pour fournir des betteraves pour la raffinerie, aurons-nous d'autres choix que celui de la locali- ser ailleurs? Je pense que c'est en ces termes qu'il va falloir parler de développement industriel, com- me vous l'avez dit, avec une sécurité des approvi- sionnements. Je vous remercie du mémoire que vous avez présenté, parce que vous reflétez vrai- ment les préoccupations du monde industriel.

Il y a une question que j'aimerais vous poser, c'est la principale question. Dans les différentes régions du Québec, en quoi vous apparaît-il que la protection du territoire agricole doit être différen- te? Je ne parle pas de la Gaspésie et des Iles-de- la-Madeleine qui ont un problème bien particulier d'abandon des terres plus que d'autre chose.

Mais, dans les principales régions du Québec, à l'exception de la Gaspésie, une partie tout près de la Gaspésie, la vallée de la Matapédia, où il y a un abandon de terres, les gens nous l'ont souligné au cours de nos tournées du mois de septembre, est- ce que vous observez — évidemment à part les types de produits différents — vraiment une dynamique régionale agro-alimentaire particulière, à part le fait de dire que, dans la région de Montréal, par exemple, ce sont plutôt les légumes et les céréales qu'on ne peut pas faire dans les mêmes propor- tions dans d'autres régions?

(21 h 15)

M. Roy (Léonard): M. le Président, M. le ministre, notre souci, dans ce domaine particulier, c'est d'éviter, dans toute la mesure du possible, et avec les meilleures intentions du monde, que cet organisme, qui s'appelle la commission de contrô- le, arrive avec des normes ou des réglementations ayant un caractère uniquement provincial et qu'on forcerait ensuite à entrer dans les cadres des régions alors que les situations ne seraient peut- être pas tout à fait les mêmes. Alors, précisément, M. le ministre, quand on va parler, dans le sud de Montréal, de l'utilisation des emplacements pour de l'industrie agro-alimentaire, nous ne voyons pas, dans cette partie-là, travailler pour ouvrir de grandes usines laitières, parce qu'on pense qu'en fonction de la vocation naturelle du sol qu'il y a là, il faut que ce soient surtout des usines greffées sur l'horticulture, de façon générale. Bon.

Par exemple, l'industrie laitière qui est le pilier de notre agriculture du Québec, il faut tout de mê- me lui trouver un espace naturel. On sait, par les bassins laitiers existants actuellement au Lac- Saint-Jean, dans les Cantons de l'Est, dans la ré- gion de Québec, dans Lotbinière, dans une partie de l'Outaouais, que là aussi, quand on abordera la question de la situation de l'emplacement des usi-

nes ou de l'expansion des usines existantes, il fau- dra qu'on parle en fonction de l'industrie laitière.

Puis, il y a une chose qui est absolument es- sentielle à notre sens. Qu'on le veuille ou non, même si on est dans l'agriculture, on débouche dans le domaine du développement industriel, et quand on va parler du développement industriel, à notre sens, c'est le même principe que si vous par- liez de développement industriel pour les biens de l'acier, pour les biens du meuble, mettant de la partie notre bois de chez nous et le reste. C'est justement là, dans le domaine agro-alimentaire.

Vous demandiez tout à l'heure si on va faire un dé- veloppement dans le Bas-Saint-Laurent et au Lac- Saint-Jean; nous croyons que oui. Si on veut être sincère, il va falloir trouver des utilisations, des spécialisations qui vont faire qu'on va pouvoir al- ler se placer dans ce domaine. Je vais vous dire pourquoi. Tout autre endroit qu'on choisirait pour faire ces développements, on le ferait aux dépens d'utilisation de sol déjà occupé. Si on s'en allait dans le territoire de Saint-Hyacinthe pour dévelop- per davantage l'industrie alimentaire, on va désta- biliser ce que vous essayez de bâtir pour le maïs- grain dans ce coin-là. Ou on va repousser les prai- ries nécessaires aux troupeaux, que ce soit pour la production laitière ou l'élevage. Parce que notre territoire utilisable est tellement restreint qu'au moment où on veut réellement, tous ensemble, faire cet effort de développement et de consolida- tion du Québec par l'agro-alimentaire, c'est notre plus gros problème, de savoir où on va aller le fai- re, sans désorganiser les productions déjà existan- tes.

Vous seriez sûrement les premiers à nous blâ- mer, si on entreprenait ce genre de développe- ment absolument sans considération pour ce qui a déjà été bâti par les cultivateurs, durant de nom- breuses années, tenant compte du fait que la pro- duction agricole, ce n'est pas comme la produc- tion de meubles. Vous ne pouvez pas, en trois se- maines, changer le modèle de vos meubles. C'est- à-dire que vous ne pouvez pas changer la produc- tion agricole en trois semaines.

M. Garon: Pensez-vous que la concentration a laquelle nous assistons dans le domaine laitier, vous êtes un expert dans le domaine laitier, vous êtes dans le conseil de l'industrie laitière, va dans le sens du développement de nos régions?

M. Roy (Léonard): M. le ministre, si vous per- mettez, puisque vous posez la question, je ne veux pas m'éloigner du sujet, je vous répondrai fran- chement que nous sommes rendus à un degré de concentration tel, où, si les parties intéressées ne sont pas capables d'elles-mêmes, de mettre les crans d'arrêt où il faudrait les mettre, je crains que l'Etat, comme arbitre, voit à mettre certains crans d'arrêt.

Evidemment, la concentration dans l'industrie laitière, puisque vous y touchez, est rendue à un point... Il y a eu de nombreuses années où c'était excellent. C'était l'économie laitière qui y gagnait.

Indiscutablement. Il fallait avoir des usines plus rentables, il fallait le faire.

(7)

Lorsque vous pensez, M. le ministre et MM.

les membres de la commission parlementaire, qu'il y a à peine quinze ans, disons lorsque j'ai commencé ma carrière dans ce domaine, il y a plus d'une vingtaine d'années, on comptait envi- ron 700 établissements laitiers dans la province de Québec. Actuellement, messieurs, on en compte 101 et, quand on tient compte que certaines de ces entreprises appartiennent à d'autres, on en a exactement 71.

Je ne dis pas que nous sommes rendus au point où on pourrait lever les bras en l'air et dire:

On se dirige tout de go vers une espèce de phénomène de monopole. Il est encore temps de garder l'équilibre, de bâtir certains centres d'at- traction à côté de vos centres dont nous sommes très fiers. Qu'on veuille bien me comprendre, M. le ministre. Il y a des réalisations qui sont faites en industrie laitière au Québec, par des Québécois, avec le capital des Québécois, qui sont formida- bles, surtout dans un genre d'entreprise que les étrangers ne sauraient acheter. Mais entre cela et pousser au point qu'on se ramasse du jour au lendemain dans un état de monopole, ce sont les cultivateurs les premiers qui en souffriront et ensuite les consommateurs.

A votre question, si la commission me permet de répondre dans ce sens-là, puisque vous m'avez entraîné sur cette voie, c'est notre réponse.

M. Garon: ... je sais que c'est une de vos grandes préoccupations et je suis persuadé que les membres de la commission étaient contents de vous entendre. Je suis même persuadé qu'il y en a d'autres qui vont vous faire continuer sur ce terrain.

M. Roy (Léonard): Pourquoi est-ce que le ministre me regarde?

M. Chevrette: C'est parce qu'il vous connaît.

M. Garon: Je pense que vous avez raison.

C'est une de mes grandes préoccupations. Le secteur agro-alimentaire, dans la plupart de nos régions, est le principal secteur de développement économique. Il y a une trop grande concentration, alors qu'il devrait y avoir possiblement un dépla- cement du bassin laitier, surtout du lait de trans- formation. Je ne parle pas du lait de consomma- tion qui doit être proche des marchés, mais du lait de transformation qui devrait être déplacé vers des régions où les opportunités de développement agricole ne seront pas aussi nombreuses. A ce moment-là, vous utilisez, dans la plaine de Mon- tréal, des productions qui sont adaptées au climat et font développer économiquement mieux les régions qui n'ont pas autant de possibilités.

M. Roy (Léonard): J'en suis convaincu.

Le Président (M. Boucher): Je vous remercie.

M. le ministre, vous avez terminé? M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Giasson: Merci, M. le Président. Je vou- drais également vous remercier, M. Roy, d'avoir pris le temps fort précieux qui vous incombe en déposant devant notre commission parlementaire un énoncé d'appréciation sur le contenu du projet de loi 90. Je sais que depuis longtemps, le Conseil de l'alimentation du Québec s'intéresse de près, non seulement à ce qui est législation agricole, mesures agricoles, programmes que le gouverne- ment peut instaurer, mais également vous suivez de près tout ce qui touche, qui concerne le secteur agricole-alimentaire. J'ai eu l'occasion de vous voir intervenir dans d'autres occasions et j'ai senti cette préoccupation qui anime le Conseil de l'alimentation du Québec à l'endroit de l'industrie agro-alimentaire.

J'ai remarqué, à la première page du docu- ment que vous avez déposé, que vous nous indiquez que les entreprises qui sont regroupées à l'intérieur du Conseil de l'alimentation transfor- ment ou interviennent, d'une façon ou de l'autre, dans une proposition de 35% à 40%, dans la production de la matière première agricole produi- te sur les fermes du Québec.

Est-ce que vous pourriez nous identifier quel- les sont les productions particulières qu'on peut retrouver, qui font un bloc plus important à l'intérieur de ces 35% à 40% qu'on retrouve dans toutes les entreprises que vous représentez?

M. Roy (Léonard): M. le Président, M. le député, pour faire une image claire, vous avez tous, par votre statut matrimonial, à un moment donné, à pousser un panier de provisions, quelque part, dans un magasin. Dans ce panier de provi- sions, si vous vous demandez combien des pro- duits qui sont là viennent du Québec, en ce sens qu'ils ont été manufacturés au Québec, ont eu une valeur ajoutée au Québec, ont créé de l'emploi au Québec, on vous répond, à la lumière des études qui ont été faites en ce sens-là et que j'ai eu le plaisir de vous distribuer, environ 50%.

Vous ne vous demandez pas quelle est la matière première qui vient du Québec, si vous demandez seulement quels sont les produits qui sont manufacturés au Québec. Or, cela peut être des produits de Sainte-Martine, par exemple pour la conserve des légumes; on s'est servi, pour une partie, de la récolte du Québec, durant X mois. On a importé du Niagara la différence ou on a importé des Etats-Unis la différence. Mais, tout de même, on a fait tourner une usine et on a créé de l'emploi pour plusieurs centaines de personnes avec toutes les retombées économiques que signifient les opérations industrielles. C'est cela qu'on dit à ce moment-là, qu'au moins 50% de ces produits laissent une valeur ajoutée dans le Québec et créent de la richesse.

Si vous vous étiez demandé quel est le pourcentage de tout ce que j'ai dans mon panier de provisions qui vient d'une matière première du Québec, vous en auriez environ 30% à 35%. N'allez pas croire que je suis en train de vous dire qu'il faudrait avoir 100%, jamais. Jamais nous n'avons

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eu ce genre de préoccupation qui serait trop simpliste. Nous pensons qu'on pourrait avoir nor- malement, au point de vue du développement industriel, environ 70% de ce dont nous avons besoin pour nous nourrir en provenance de notre sol agricole, cultivable, rentable et de nos usines qui pourraient être greffées à ces opérations. Le reste est en fait la partie des aliments qui ne pousseront jamais ici et un autre facteur auquel on pense très rarement, mais qui, pour l'industrie, est vital, quand, messieurs, vous voulez exporter, quand vous investissez dans une entreprise, c'est entendu, au Québec, vous n'investissez jamais pour six millions d'individus, vous investissez dans l'espoir que vous allez servir six millions d'indivi- dus, plus de l'exportation. C'est là que commence véritablement la grande rentabilité des entreprises.

Or, si vous voulez exporter, dans ce domaine, c'est le troc qui domine, ce ne sont pas les échanges comptables, c'est le troc: tu donnes, je donne. Si vous voulez exporter, il faut que vous vous gardiez de l'espace pour importer. C'est pour cela qu'on fixe nos barèmes à 70% ou 72%.

Qu'est-ce qu'on fait actuellement ou qu'est-ce qu'on a fait jusqu'à maintenant pour répondre à cela? On ne jette la pierre à personne, parce que, premièrement, il reste qu'on mange plein notre ventre au Québec, on mange pour $5 500 000 000, par année, $5 milliards, par année. On se nourrit au Québec. On est en Amérique du Nord, le marché le plus gastronomique, le plus exclusif, celui où on achète les parties de boeuf les plus chères. C'est prouvé dans toutes les agences de marketing.

C'est pour cela que, de l'extérieur, se ruent, à Montréal et dans le Québec, tout ce qu'on peut avoir de grandes entreprises alimentaires au Cana- da qui viennent vendre chez nous $1 milliard par année. Sur les $5 500 000 000, elles viennent en chercher un peu plus de $1 milliard, par année, soit parce qu'elles exploitent chez nous des usi- nes... A ce moment-là, nous sommes très heureux, parce qu'elles sont venues remplir un vacuum. Il y a des choses qu'il faut savoir se dire entre nous.

Nous n'occupions pas l'espace; on s'en souciait peu, de l'agro-alimentaire, c'était tabou, au Qué- bec, on parlait de l'électronique, on parlait de l'aviation, mais on oubliait l'essentiel, c'est qu'on mange trois fois par jour et qu'on a un marché captif qui génère $5 500 000 000, mais c'était ta- bou, cela. On a laissé les étrangers qui, eux, voient loin et savent comptabiliser, venir s'établir chez nous. Pour une part, ils sont venus chez nous. Ils ont occupé un vacuum. Ils créent de l'emploi et contribuent à notre richesse économique.

D'autre part, vous avez plusieurs entreprises multinationales qui viennent vendre chez nous de la soupe, par exemple, à $32 millions, par an- née — mais qui n'achètent même pas une palette de fèves au Québec pour faire leur soupe. Il y en a comme cela. Je ne voudrais pas recommencer le travail que j'ai fait, vous l'avez tous reçu, c'est là- dedans.

En réponse à votre question, M. le député, justement pour obvier à cela, pour faire un geste et pour essayer de se ressaisir, on n'a jamais

pensé qu'il fallait prendre le fusil et tirer sur tous ceux qui sont là, ce n'est pas vrai. On dit une chose: Essayons de voir si, par une spécialisation, on peut occuper de plus en plus d'espace.

(21 h 30)

Deuxièmement, comme le territoire agricole est très restreint, faisons le nécessaire pour...

n'appelons pas cela geler le territoire agricole, mais, d'un autre côté, si c'est notre richesse la plus importante qui est disponible actuellement, qu'on peut exploiter et qui est renouvelable, celle- là, si on sait la conserver, parce que c'est l'instru- ment du cultivateur et, pour l'industrie, c'est sa source d'approvisionnement, sans quoi vous les jetez à l'extérieur, ils seront obligés de s'approvi- sionner à l'extérieur...

Troisièmement, on dit, nous autres, aux gens qui sont ici, les entreprises nationales et multina- tionales: Faisons-leur jouer un rôle, proposons- leur quelque chose à faire, intéressons-les à s'inté- grer dans l'économique du Québec, chose qui, jusqu'à maintenant, n'a peut-être pas été assez faite, M. le député. On a regardé ces gens comme des étrangers. On s'est plaint, dans les sa- lons — pas aux bonnes places — que c'est malheureux, que ce sont eux qui occupaient l'espace, mais on n'a rien fait pour leur dire:

Qu'est-ce que vous pouvez faire pour le Québec?

Nous, dans notre groupe, c'est justement ce qu'on a commencé à faire. Nous autres aussi, on les regroupe ces entreprises, que ce soit Kraft, que ce soit Campbell, que ce soient toutes ces grandes entreprises, on les regroupe chez nous. C'est la question qu'on leur pose: Qu'est-ce que vous êtes prêtes à faire maintenant pour le Québec? C'est avec cela, M. le député, qu'on pense — si c'est bien le sens de votre question — répondre à ce besoin fondamental qu'on a de vouloir reprendre notre place dans ce domaine. Est-ce que cela a répondu à votre question, M. le député?

M. Giasson: Oui, mais il y aurait une précision que j'aurais aimé entendre de vous. Lorsque vous dites que tous les organismes ou toutes les entreprises que vous représentez, vous autres, au Conseil de l'alimentation, vous utilisez de 35% à 40% de la totalité des produits de l'agro-alimentai- re mis en marché par des organismes que vous représentez, j'aurais aimé vous faire identifier quels étaient les secteurs particuliers de nos productions. Quand vous représentez, par exem- ple, le Conseil laitier du Québec, est-ce que vous incluez tous les produits laitiers?

M. Roy (Léonard): Pour le lait, c'est évident que nous sommes plus qu'autosuffisants. Nous sommes à 138%. Cela veut dire qu'on a 38% à disposer sur les marchés extérieurs, une fois qu'on a fait face à tous les besoins du Québec.

M. Giasson: Vous représentez toute l'industrie laitière du Québec par le Conseil laitier du Qué- bec?

M. Roy (Léonard): Oui.

(9)

M. Giasson: Auquel sont affiliées les coopéra- tives ou les autres industries du secteur?

M. Roy (Léonard): Oui. Actuellement, quand je vous donne ces chiffres, ce sont des chiffres qui couvrent tous ces secteurs. Vous avez le lait, vous avez une certaine partie de la production animale, comme le veau par exemple, où nous sommes excédentaires; nous avons, dans certains légu- mes, par exemple, les fèves vertes et les pois, où nous sommes excédentaires, les oignons ac- tuellement, les carottes. De mémoire, ce sont les secteurs — il y en a peut-être d'autres que j'oublie, je vous prie de m'excuser — où nous tirons le maximum qu'on peut tirer. Sim- plement, il y a d'autres domaines qui n'ont pas été touchés et qui pourraient l'être, où nous produisons, mais en petite quantité. Je pense au boeuf, à la viande rouge. On ne viendra pas vous dire ici que c'est assurément le pactole.

Il y aura certainement des difficultés pour développer une industrie du boeuf, mais nous croyons qu'actuellement, il se fait des choses sur la bonne voie où on va prendre notre place; au lieu d'être à 20% autosuffisants dans le boeuf, si on était seulement à 35% autosuffisants dans cinq ans, à ce moment, pour chaque cinq points que vous gagnez — je vous parle en économiste — vous ajoutez, en valeur ajoutée, environ $400 millions. $400 millions, cela crée environ 20 000 emplois dans notre domaine. Alors, on dit: C'est dans ces domaines que nous avons déjà commen- cé à faire quelque chose, qu'on pourrait dévelop- per, et dans des domaines nouveaux où on peut actuellement entrer. Nous savons qu'il se fait de la recherche et qu'il y a des entreprises qui se préparent là-dedans. Ce sont surtout les domaines des produits mixtes. Les produits mixtes, dans notre esprit, c'est qu'à un moment donné, vous allez trouver un nouveau débouché, des marchés formidables pour un mélange de pâtisserie et de crème glacée. Je vous donne cet exemple en passant.

Vous avez un mélange de certains légumes avec un autre ou la manière de la présenter. Les mets préparés pour correspondre actuellement aux tendances de notre population. La préoccupa- tion du loisir ou le fait qu'il y a beaucoup de femmes qui travaillent. Nous sommes totalement absents actuellement de l'institutionnel. L'institu- tionnel, ce sont les hôtelleries, les restaurants, tous ceux qui servent des repas à l'extérieur. Nous commençons à peine à faire une percée là- dedans, mais c'est formidable. Ceux qui y sont font des profits. Pourquoi est-ce qu'on n'aurait pas notre place là-dedans? On n'y a jamais touché.

Vous avez McDonald's, toutes ces grandes entreprises de l'extérieur qui créent des ruées de notre population vers ce mode d'alimentation vite.

Mais cherchez donc les Québécois qui sont là- dedans.

C'est ce qu'on essaie de vous dire. Nous sommes prêts à faire cet effort, mais donnez-nous les intruments pour le faire. C'est bien curieux que

je vous dise cela, car notre instrument principal, c'est la terre qui va produire ce dont on a besoin pour tansformer.

M. Giasson: Je crois que lors de la ronde de consultations que le ministre de l'Agriculture du Québec a menée — c'est en septembre, je crois — vous aviez également déposé un mémoire et exposé des vues sur les attentes qui étaient vôtres, le Conseil d'alimentation, à l'endroit de ce que devait contenir la loi de protection des terres ou de zonage. Je crois que vous aviez pris une position assez ferme vis-à-vis de la nécessité que la loi contienne des conditions de manière à ne plus permettre que de bons sols demeurent en friche au Québec. Est-ce que vous trouvez que le projet de loi répond à cette attente que vous aviez exprimée à l'époque?

M. Roy (Léonard): Vous comprendrez que notre réaction, sur un texte de loi, nous l'avons faite d'une fa on non pas exhaustive, mais plutôt dans l'aspect qui peut prêter à intervention de notre part, tenant pour acquis que les autres grands corps qui sont, par exemple, l'UPA et les autres grands secteurs plus directement intéressés à cette partie-là, puissent apporter leur point de vue.

C'est ce qui explique que dans nos constatations, ce soir, nous nous sommes limités à deux, qui sont des constats de développement économique.

Evidemment, nous avions recommandé forte- ment qu'on fasse en sorte... Et nous avons même...

Le Conseil d'alimentation s'est limité à dire: II faut que vous preniez des moyens, même coercitifs, pour faire en sorte que ceux qui laissent les terres en friche soient forcés de faire quelque chose avec elles, de les abandonner ou de les vendre à quelqu'un qui va les cultiver. Je vous fais remar- quer, M. le député, que même une de nos associa- tions, l'Association des manufacturiers de produits alimentaires, les conserveries, entre autres, est venue vous dire, à ce moment-là: Imposez des pénalités. Ces gens sont allés encore plus loin que l'ensemble du Conseil de l'alimentation avait jugé bon d'aller. En collégialité, vous allez com- prendre cela aussi, nous aimerions dire bien des choses, mais à un moment donné il faut respecter le point de vue de dix corps publics qui nous disent ne pas être prêts à aller aussi loin, alors, on compose. Comme collectivité de l'alimentation, nous vous avions demandé d'être assez exigeants pour que les territoires agricoles ne soient plus laissés en friche, parce que c'est quasiment un crime, compte tenu de ce que l'on vous a dit. Une de nos associations vous a dit carrément: De grâce, allez plus loin, faites jouer la fiscalité, les taxes et mettez-en pour régler ce problème. Cela a été notre attitude.

M. Giasson: Mais, en général, est-ce que vous croyez qu'au-delà du principe de la protection qui est excellent en soi, je pense que là-dessus on ne trouve personne au Québec qui soit contre ce prin- cipe, mais trouvez-vous que la loi...

M. Gagnon: II a voté contre.

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M. Giasson: Non, on a voté contre les moyens utilisés dans le système de protection...

M. Chevrette: Vous avez voté contre le princi- pe. En deuxième lecture, c'est le principe.

Le Président (M. Boucher): S'il vous plaît, à l'ordre!

M. Garon: Je vous dis que c'était brimer la liberté.

Le Président (M. Boucher): A l'ordre s'il vous plaît, M. le ministre! M. le député de Montmagny- L'Islet vous avez la parole.

M. Garon: C'était contre le zonage...

Le Président (M. Boucher): S'il vous plaît!

M. Giasson: Vous aviez attaché beaucoup d'importance, au-delà du principe de zoner, à une meilleure utilisation des bons sols du Québec. A votre avis, est-ce que la loi 90 contient suffisam- ment de dispositions qui nous garantissent une véritable utilisation à son maximum, des bons sols au Québec?

M. Roy (Léonard): Bon! Ne pensez pas que vous allez me faire dire que la loi consacre le maximum de bonnes utilisations des terres, mais nous tenons pour acquis que si ce n'est pas la loi elle-même qui contient la technique du zonage, ce sont les lois qui vont l'entourer, y compris cette nouvelle loi sur l'urbanisme, qui touche à l'amé- nagement du territoire, qui, toutes ensemble, à notre sens, vont contribuer à cela.

Vous me faites disserter sur un aspect où je n'ai pas pu prendre le pouls de l'ensemble de l'industrie pour répondre à une question spécifi- que comme celle que vous me posez. Cependant, quand je vous dis que l'ensemble de l'industrie est satisfait de ce qu'il y a au plan des principes dans cette loi, et au plan de la plupart des modalités d'application, c'est ce qu'on veut dire. On est satisfait mais on est satisfait en pensant, encore une fois, qu'il a fallu attendre, M. le député, 1978

— et je dis cela avec toute la déférence...

Au cours de ma carrière, j'ai travaillé en collaboration avec sept ministres de l'Agriculture au Québec, alors cela fait 27 ans; il y en a qui ont duré longtemps, alors, il a fallu attendre et cela, je peux le dire — si certaines personnes autour de la table sont liées par le jeu de la démocratie, je le comprends très bien et personne ne va vous en blâmer, mais, moi, par exemple, au nom de l'industrie, de ceux qui vous regardent faire de l'extérieur, je dois vous dire ceci: II a fallu attendre 1978, dans tout ce long procédé de réadaptation, de mise en valeur de cette richesse naturelle à nulle autre pareille qui s'appelle les six pouces de terre qui nous font manger, pour avoir quelque chose. Vous allez comprendre qu'on n'est pas de ceux qui vont dire: II faudrait avoir la perfection, trois étoiles du premier coup. On

trouve que c'est déjà beaucoup ce coup de barre qui est donné et on anticipe qu'avec les années, avec la participation active de tous ceux qui représentent chaque région économique du Qué- bec ici, cela va s'améliorer.

C'est ma réaction à votre question et vous comprendrez que vous posez une question très délicate parce que je ne fais pas de politique partisane, excusez-moi. J'aime à faire de la grande politique, par exemple, mais pas de politique partisane. Ce n'est pas mon rôle. Si jamais j'avais des vélléités de le faire, cela me ferait plaisir de me ramasser sur les banquettes avec vous autres.

Une Voix: Vous êtes invité.

Une Voix: II est bien parti.

M. Garon: Si vous faites de la grande politi- que, vous ne faites pas de la politique libérale.

M. Roy (Léonard): M. le ministre...

Le Président (M. Boucher): S'il vous plaît!

M. Roy (Fabien): Ne gâtez rien, ça va bien!

M. Giasson: Vous avez indiqué, M. Roy, à un moment donné que... Vous avez fait référence à des articles dans le projet de loi, l'article 12 que vous ne trouvez pas assez précis dans ses indica- tions; est-ce que vous pourriez nous indiquer quelles seraient les précisions mieux formulées que vous auriez espérées vis-à-vis la rédaction de l'article 12?

M. Roy (Léonard): Encore une fois...

M. Giasson: C'est une référence à la nécessité de décentraliser...

M. Roy (Léonard): Oui, avoir des normes pour que cette commission, qui va avoir à trancher, à rendre des jugements à l'année longue, puisse les rendre quand cela sera nécessaire, à la lumière de principes de développement industriel qui au- raient été prévus par le législateur parce que je vous soumets respectueusement — aux législa- teurs — qu'en lisant l'article 12 qui me semble être le seul article auquel dans toute la loi, on se réfère toujours quand on parle de normes, il n'y en a pas de cela. On dit: En tenant compte des nécessités économiques qui suivent — et les nécessités économiques qui suivent sont l'utilisation des lots à certaines fins — c'est pour cela qu'on trouve que c'est trop général. Encore une fois, ce n'est pas une critique destructive qu'on fait.

M. Garon: Je pourrais peut-être donner des explications sur l'article 12, ce qui aiderait à la compréhension.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Montmagny-L'Islet, est-ce que vous permettez que M. le ministre donne des explications?

(11)

M. Giasson: J'aimerais entendre M. Roy, notre visiteur, et ensuite le ministre.

M. Roy (Léonard): Je vais essayer de donner un exemple: Deux choses, à mon sens: soit dans cet article 12 ou ailleurs — le législateur avec ses conseillers mettra cela où il voudra — il devrait y avoir quelque chose dans la loi qui dise: II y a des décisions administratives ordinaires d'application de la technique du zonage qui sont prévues dans la loi 90 mais, comme on ne peut appliquer cette technique sans penser que cela prend place dans un contexte économique, il faudrait qu'il soit dit quelque part dans la loi: Premièrement, qu'on devra tenir compte de l'importance ou de la nécessité de permettre le développement indus- triel dans les milieux agro-alimentaires de toutes les entreprises qui sont normalement collées à l'agriculture. Je vous donne, d'une façon générale, ce qu'un légiste pourra mettre dans des mots plus précis.

(21 h 45)

Deuxièmement, il faudrait que cela soit aussi une norme dans les décisions de la commission en question, qu'elle doit faire attention, quand elle rend ses décisions, de ne pas rendre des décisions qui ont un caractère exclusivement provinciale. Qu'elle rende des décisions ou qu'elle ait la souplesse nécessaire pour rendre les déci- sions qui s'ajustent avec souplesse aux exigences de certaines régions, toujours compte tenu de la vocation des sols. Ce n'est pas nous qui devrons décider cela.

Depuis de longues années, on sait au Québec quelle est la vocation des sols dans tel comté, dans tel comté; dans tous les comtés, on le sait.

Alors, compte tenu de cette vocation des sols, il faudrait qu'il soit clairement indiqué dans le texte de la loi, d'après nous, comme normes, qu'il faudra qu'à un moment donné cette commission rende des décisions qui protègent cela ou qui ouvrent la porte à une certaine expansion indus- trielle pour le bénéfice des producteurs agricoles qui sont dans les alentours. Je pense aux intrants de ferme. C'est ce que j'ai dans l'esprit quand on vous parle de normes, à l'article 12 ou ailleurs.

Est-ce que cela répond à votre question?

M. Giasson: Oui, M. Roy.

Le Président (M. Boucher): Est-ce que M. le ministre...

M. Giasson: M. le Président, quitte à revenir un peu plus tard, j'aimerais permettre à d'autres collègues de continuer la tournée de table avec au moins un représentant de chacune des forma- tions.

Le Président (M. Boucher): M. le ministre avait demandé de donner des explications sur l'article 12, est-ce que vous acceptez?

M. Giasson: Très bien, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): M. le ministre.

M. Garon: Je pense que, pour tenir compte de l'ensemble de la situation de chacune des régions, il fallait que les conditions soient un peu généra- les. Il y a même des experts qui disaient qu'on serait mieux de ne pas en mettre du tout, pour qu'à ce moment-là la commission ait toute la souplesse voulue d'agir en tenant compte de chacune des régions lorsqu'elle va rendre des décisions. Parce qu'ils ont dit: Si vous mettez des conditions trop précises, cela va amener des aberrations. A ce moment-là, on a dit: On va prendre en considération les conditions biophysi- ques du sol et du milieu, c'est-à-dire les conditions du sol, les unités thermiques, la valeur du sol, les types de productions qu'il y a là, qui vont avec ce sol, les possibilités d'utilisation du lot à des fins d'agriculture et les conséquences économiques qui découlent de ces possibilités. Alors, il peut arriver, par exemple, que si on soustrait du milieu un certain nombre de lots, l'infrastructure agricole ne peut plus vivre. Ce que vous disiez tantôt, par exemple, les intrants, les engrais, tout cela, la meunerie, cela va s'en aller, à un moment donné, s'il n'y a pas assez d'agriculture pour la faire fonctionner, une "run" de lait, par exemple, va arrêter de se faire, parce qu'il n'y a pas assez de cultivateurs dans le rang. C'est tout cela quand on dit: les possibilités de l'utilisation du sol à des fins d'agriculture, les conséquences économiques qui découlent de ces possibilités, l'effet d'accorder la demande sur la préservation du sol agricole dans la municipalité et la région. Qu'est-ce que cela va faire, cette demande, par rapport à cette région, cette municipalité, l'homogénéité de la commu- nauté et de l'exploitation agricole. Dans certains cas, par exemple, le fait de distraire une partie de la municipalité pour une fin autre que l'agricul- ture va avoir pour effet... Les effets de déstructura- tion sont très connus, pour ceux qui connaissent cela. C'est évident qu'il y a des gens qui ne connaissent pas cela, mais, pour ceux qui con- naissent comment la déstructuration d'un territoi- re se fait, ce sont des phénomènes connus. Quand il se passe tel phénomène, cinq ans après, c'est là et, dix ans après, c'est là, et, quinze ans après, il n'y a plus d'agriculture du tout. Alors, c'est ce qu'on a voulu dire par ces notions, lorsqu'on établit la zone agricole, tandis qu'à l'article 65, il se réfère lorsqu'il y a une demande d'exclusion de la zone agricole. C'est pour cela qu'on dit, à l'examen de la demande: La commission peut considérer l'effet du projet sur le développement économique de la région et la disponibilité d'em- placements autres que ceux qui font l'objet de la demande.

Ce qui arrive, en tenant compte des critères prévus à l'article 12, c'est que l'article 12 se trouve inclus dans l'article 65. Vous disiez tantôt qu'il faudrait tenir compte plus de l'article 12 que de l'article 65. Par cette phrase-là, il en est tenu compte dans l'article 65, vous avez raison de le dire, mais cela y est. Pourquoi? Parce que, si on

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exclut, à un moment donné, d'une région, deux ou trois emplacements, c'est la fin des autres. Je pense, par exemple, à des "runs" de lait ou des choses comme cela. Il y a toutes sortes de facteurs qui vont jouer. C'est pour cela qu'on doit tenir compte, lors d'une exclusion, de l'effet que va avoir l'exclusion sur le groupe de cultivateurs de cet endroit-là. Ce sont ces facteurs dont va tenir compte la commission en s'adaptant à la situation économique de chacune des municipalités ou des régions. C'est ce qu'on a voulu dire par cela.

M. Roy (Léonard): C'est cela, M. le ministre, mais, simplement, encore une fois, c'est peut-être seulement une question de morphologie, cela doit aller un petit peu plus loin. Je trouve que le contexte général qui a amené la présentation de cette loi et qui vous a donné un appui, sem- ble-t-il — à nous de l'extérieur, qui pouvons juger par ce qui s'écrit dans les journaux et ce qui se dit partout — cela devrait se refléter, et ces normes et ces raisons qui vous ont donné cet appui vous les avez déclinées durant toute votre tournée, on devrait les retrouver en quelques mots, quelque part dans la loi. C'est cela que je veux faire comprendre.

J'admets avec vous que c'est une question de technique; les techniciens qui vont appliquer cette loi savent comment on procède. Mais, pour le grand public, pour le public non averti, non trop initié, ce serait peut-être bon qu'on sente ça dans la loi, que c'est tout de même... que ça s'appuie sur une préoccupation de développement de l'agro-alimentaire, quelque chose comme ça.

M. Garon: C'est clair. Je vais vous dire le problème. C'est que les légistes ne veulent plus mettre, dans les lois, les objectifs des lois. J'ai voulu les faire mettre dans différentes lois, mais les légistes disent que c'est très difficile de mettre ça dans les lois. Quand ils écrivent les lois, ils demandent d'enlever ces éléments, parce qu'ils disent que c'est inutile. Ils disent de le mettre parfois dans le préambule de la loi, les attendus par exemple, parce qu'on veut le développement économique, telle chose, telle chose, voici telle loi.

Ils ne veulent plus mettre ça dans les lois. C'est plus de la rédaction juridique qu'autre chose.

M. Roy (Léonard): Alors...

M. Garon: Parce que ce que vous dites, je voulais le mettre moi-même dans la loi, mais, à ce moment-là, on disait: Vous allez faire de la propa- gande avec votre loi. Ils enlèvent ça.

M. Roy (Léonard): C'est pour ça qu'on vous suggère, au moins, d'avoir des règlements d'appli- cation pratique, au moins un qui fera référence à cette nécessité du développement industriel en milieu agricole.

Le Président (M. Boucher): Merci. M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Giasson: Une autre question avant de céder la parole aux représentants de l'Union Nationale.

Dans le mémoire que vous aviez soumis le 20 septembre, vous aviez indiqué l'avantage d'avoir des mesures fiscales incitatives à l'endroit des producteurs agricoles qui conservent la vocation agricole à leur ferme. Mais vous aviez également donné une autre indication, et je vous cite, vous parliez de "mesures compensatoires pour certains inconvénients découlant des règlements", etc.

Qu'est-ce que vous aviez à l'esprit, à ce moment- là?

M. Roy (Léonard): C'est encore à la fois au plan des principes et de leur application immédia- te. C'est pour faire respecter un principe d'appli- cation générale comme celui qui semble avoir rallié tout le monde à l'Assemblée nationale, c'est- à-dire la nécessité de protéger notre sol arable; il n'y a personne qui veut discuter de ça, tout le monde est d'accord. On dit: Faites-le appliquer, ce principe, simplement; si cela a pour effet, s'il y a des retombées qui se trouvent à pénaliser, d'une façon indue, quelque catégorie de producteurs agricoles, même, par extension, je dirais quelques genres d'entreprises de transformation qui sont encore au niveau artisanal, en milieu agricole, qu'il y ait une manière de compensation pour ces gens, temporairement, en prenant toujours pour acquis que, par le jeu des forces économiques qui sont là, éventuellement, ceux qui ne sont pas capables de faire face à cette situation vont s'éliminer graduellement. Qu'est-ce que vous vou- lez, c'est la loi fondamentale du régime dans lequel on vit, c'est la survivance de ceux qui sont capables de résister au régime qu'on a.

C'est ce qu'on avait à l'esprit, de compenser;

une fois qu'on a appliqué le principe, s'il soulevait des choses qui sont réellement injustes, inéquita- bles pour certaines catégories de personnes, que, temporairement, on les compense.

M. Giasson: Merci, merci, M. Roy.

M. Roy (Léonard): D'ailleurs, cela se fait dans certaines législations. J'hésite à citer un cas, parce que je ne sais plus si c'est Ottawa ou Québec et je ne voudrais pas apporter ça ici, pour faire plaisir à bien des gens.

Je crois qu'il y a des lois, actuellement, où on dit: On va appliquer la loi telle qu'on la veut, pour les principes de bien commun qu'on vise. S'il y a des retombées qui sont malheureuses pour certai- nes classes, on les compensera en cours de route.

C'est un principe qui semble aujourd'hui accepté.

Le Président (M. Boucher): Merci. M. le député de Huntingdon.

M. Dubois: Je voudrais vous saluer, M. Roy, et vous remercier d'avoir bien voulu présenter un mémoire au nom du Conseil de l'alimentation du Québec. Je suis très heureux de constater que

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vous êtes très préoccupé d'obtenir une meilleure autosuffisance dans la production agro-alimentai- re. Moi aussi, je suis très préoccupé de ce côté.

J'aimerais connaître votre opinion; première- ment, jusqu'où le Québec devrait-il aller, quand il n'y a pas d'avantages comparatifs à produire ici?

J'aimerais connaître votre opinion. Jusqu'où le Québec doit-il aller, au niveau des taxes des Québécois, quant aux productions où il n'y a pas d'avantages comparatifs à produire ici? A titre d'économiste, je pense que vous auriez peut-être un point de vue à soumettre à la commission ici.

M. Roy (Léonard): M. le député, au moment où on parle, c'est évident qu'au Québec, en industrie laitière, ce serait réellement une folie furieuse que de vouloir encore développer des fermes laitières, ou multiplier les fermes laitières.

Nous sommes précisément dans un milieu où il faut spécialiser à tout prix.

Il faut spécialiser. Il faut ramener d'une façon progressive notre volume de production laitière le plus proche possible de ce dont on a besoin, pour faire face à la demande du marché domestique, plus ce qu'on peut exploiter avantageusement en exportation. Dans le moment, on n'a pas beau- coup de produits laitiers spécialisés qui peuvent se traduire comme un bénéfice pour nous, en exportation. On fait de la poudre de lait, on envoie cela et c'est supporté par les taxes des contribua- bles du Canada. A un moment donné, on ne sait plus quoi en faire et on enterre cela. Je ne veux pas charrier, mais c'est pas mal le portrait de l'expérience qu'on a eue des politiques laitières nationales depuis des années. Ce n'est pas le temps, en industrie laitière, de continuer à multi- plier les entreprises.

Mais dans d'autres secteurs, compte tenu de la vocation de nos sols, compte tenu de l'expérien- ce de nos entrepreneurs immédiats que sont les cultivateurs et les entreprises industrielles, il y a des secteurs où on pourrait mettre l'accent pour avoir un développement plus accentué. A ce moment-ci, sans arrière-pensée, je pense à la viande rouge. Je ne vous dis pas qu'il faut faire comme l'Ouest ou qu'il faut penser, qu'on va devenir comme l'Aberta. Jamais de la vie. Mais quant à la valeur des fonds de terres, la différence est tellement considérable que pour celui qui entre dans ce domaine de l'élevage du boeuf, pour une terre qui peut coûter $100 l'acre ici, dans l'Ouest, cette même terre coûte beaucoup moins.

En partant, tout de suite, votre entrepreneur est déjà perdant.

Mais il y a bien des moyens de contourner cela pour des développements non outranciers, progressifs, ne pas jeter les cultivateurs en masse dans des entreprises, avec des promesses de réalisation, alors qu'on n'a aucune assurance.

C'est pour cette raison que j'emploie le mot

"progressif", s'assurer des débouchés solides, mais par la spécialisation.

Je vous donne un exemple. On a appris après coup dans le Québec qu'on avait des entreprises d'abattage de porc à nulle autre pareille au

Canada. Et au hasard d'un voyage d'expertise au Japon, j'ai vu, dans le livre qu'on appelle les

"normes d'importation de porc au Japon" quelque chose qui, en anglais, disait "Saint-Jean Cuts".

Saint-Jean Cuts, messieurs, c'est une de vos entreprises du Québec à Saint-Hyacinthe, les frè- res Saint-Jean, qui vend actuellement au Japon pour des millions de dollars par année de produit coupé, apprêté pour les consommateurs, mais qui a eu l'esprit de servir les Japonais de la manière qu'ils veulent être servis. Ce sont des gens qui mangent comme des oiseaux. Alors, nous ne devons pas leur présenter un quartier de porc. On leur vend du porc coupé, tout prêt, sous vacuum.

Ils appellent cela Saint-Jean Cuts. Et quand les Américains font des propositions pour vendre du porc au Japon, il faut que ce soit à la manière de Saint-Jean Cuts. Je ne parle pas à travers mon chapeau, je l'ai vu.

Il y a des choses comme cela qu'il faut réaliser à un moment donné. Quand vous me demandez jusqu'où on peut aller, il y a des secteurs qui sont prometteurs chez nous. D'autres, on les a exploi- tés au coton et on ne devrait peut-être plus les toucher. Ils ont donné ce qu'ils pouvaient donner.

N'essayons pas de jouer le rôle de la grenouil- le qui voudrait ressembler au boeuf. Jouons à la possibilité de nos capacités, pas plus, pour le moment. Et faisons des succès avec des entrepri- ses de $5 millions et contentons-nous de cela. Ne visons pas $50 millions. Quand on aura les reins forts, on fera $50 millions, facilement. Mais on ne fera pas prendre de risque au cultivateur.

M. Dubois: La question, je l'ai posée pour amener la discussion vers les céréales et le boeuf.

M. Roy (Léonard): Oui.

M. Dubois: Je pense qu'on sait tous que cela coûte quand même beaucoup plus cher ici pour produire du boeuf, étant donné que nous sommes à court de céréales, et que cela coûte aussi plus cher de produire des céréales ici que dans l'Ouest canadien.

M. Roy (Léonard): Oui.

M. Dubois: La question que je me pose et que je veux vous poser en même temps, c'est jusqu'à quel point l'Etat doit subventionner les fermiers, pour pouvoir produire du boeuf et aussi produire les céréales pour nourrir ce boeuf.

(22 heures)

M. Roy (Léonard): M. le député...

M. Dubois: Je pense qu'on peut aller jusqu'à un certain degré d'autosuffisance, mais il y a peut- être un point où on dit que cela prend trop de dollars de l'Etat pour arriver à cette suffisance. Il faut peut-être avoir un barème quelque part.

M. Roy (Léonard): M. le député, je crois qu'il faut que l'Etat regarde d'abord ceux qui font le travail dans les champs. A ce moment-là, je pense

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aux cultivateurs et aux transformateurs ainsi qu'à ceux qui font le marketing. Si ce sont des gens raisonnables, instruits, qui ont la connaissance, si ce ne sont pas des gens qui font tout au pifomètre, l'Etat peut les aider, mais non pas avoir ce genre d'aide qui s'applique à la fois, grosso modo, à ceux qui ne connaissent rien et à ceux qui sont capables de faire quelque chose. Que ce soit sélectif.

A ce moment-là, vous ramenez le rôle de l'Etat à un rôle juste de suppléance, non pas à un rôle de "subventionneur" à outrance pour faire des choses pour lesquelles, des fois, on n'est pas encore préparé. Mais regardez dans le champ d'abord et si vous rencontrez dix Saint-Jean, comme nos amis de Saint-Hyacinthe, dans l'en- semble du Québec, dans différents secteurs de production alimentaire, qui sont entourés de gens de même capacité que ceux que vous trouvez dans ces usines, accompagnés d'un ensemble de cultivateurs qui sont réellement coopérateurs avec eux pour leur apporter la qualité et la régularité des approvisionnements, n'ayez pas peur de les aider, d'une façon sélective.

Justement, cela va se faire par le marché lui- même. On nous a dit que, dans nos études, il faudrait que nous indiquions les secteurs priori- taires. Non, on n'a pas indiqué nos secteurs prioritaires. On préfère que le marché, que l'en- semble de toutes les lignes de force du marché nous les fasse, nous les montre. Je ne veux pas dire par là qu'on veut absolument laisser aller et tout, ce n'est pas cela qu'on veut dire. Mais, précisément pour répondre à votre question, au lieu d'avoir un genre d'Etat qui est présent partout et qui veut que tout le monde embarque dans toutes sortes d'affaires, on dit: Regardez faire ceux qui sont dans le champ. Quand vous vous apercevrez que ce sont des gens sérieux et qui sont organisés pour faire quelque chose et qui ont fait leurs preuves, appuyez-les. Est-ce que cela répond à votre question?

M. Dubois: Oui, je vous remercie. M. le Président, vous avez soulevé, concernant l'article 12 tout à l'heure, peut-être une préoccupation au niveau de la centralisation qui sera effectuée par la commission. Personnellement, j'aimerais quand même voir une certaine décentralisation vis-à-vis les verdicts qui seront rendus. Dans cet ordre d'idées, j'aimerais quand même, étant donné qu'il y a douze régions agricoles au Québec, voir douze commissions pour qu'elles soient plus près du centre où s'établiront soit des industries, soit du développement domiciliaire, soit des industries de la ferme. J'aimerais quand même voir les commis- sions plus près du centre de décision. J'aimerais connaître votre opinion là-dessus. Ne pensez-vous pas qu'on rendrait peut-être mieux service à ces régions si les commissions étaient décentralisées et s'il y en avait une par région?

M. Roy (Léonard): Quant à nous, on regarde ce qui existe dans le moment. Vous avez un ministère de l'Agriculture qui, d'après nous, à le

regarder faire, tend à se décentraliser dans son administration propre.

Deuxièmement, vous avez actuellement toute une batterie d'organismes professionnels qui tien- nent à la fois des agronomes et des CRD, des organismes de développement régionaux, tous ces groupes. Je ne dis pas que c'est la perfection, mais c'est déjà beaucoup que vous ayez des gens sensibilisés qui s'unissent pour essayer de déve- lopper chacune des régions. Vous avez d'autres corps publics qui sont reconnus, des gens qui oeuvrent dans leur milieu, qui veulent un dévelop- pement et qui vont s'y pencher — peut-être qu'ils n'ont jamais eu la chance de se pencher sur les problèmes agro-alimentaires chez eux — davanta- ge. Je pense aux chambres de commerce locales.

Je ne pense pas à la Chambre de commerce de Montréal, mais je pense à la Chambre de commer- ce de Champlain, je pense à la Chambre de commerce de Rimouski. Vous avez des corps publics qui peuvent répondre de leurs gestes devant la population et qui sont là tout près dans des régions. A notre sens, on croit que c'est déjà beaucoup. C'est pour cela qu'on se contente de dire: Que cette commission provinciale, qui va surveiller l'utilisation du sol arable, ait le souci de rendre des décisions qui tiennent compte des besoins des régions et se structure par ses règle- ments — ce n'est peut-être pas nécessaire dans la loi — en groupes consultatifs dans chaque région qui existe dans la province de Québec. Notre conception va dans ce sens, quand on parle de décentralisation.

M. Dubois: Le ministre a ouvert la porte tout à l'heure, au niveau de la concentration dans l'in- dustrie laitière, surtout au niveau industriel, dans le lait industriel. J'aimerais seulement faire une remarque, ce n'est pas une question que je pose.

Si la Coopérative de Granby s'appelait Kraft ou General Foods, je pense qu'on dénoncerait quand même le cartel qui existe là. Ce n'est pas dénoncé présentement par le ministère de l'Agriculture, mais je pense que cela se ferait, si c'était une multinationale. C'était seulement une remarque que je voulais faire au ministre. C'est tout.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Beauce-Sud.

M. Roy (Fabien): Merci, M. le Président. A mon tour, je veux remercier...

M. Garon: Est-ce que le député de Shefford est d'accord avec cela?

M. Verreault: Je ne suis pas d'accord avec cela. Tu lui diras tantôt que je...

Le Président (M. Boucher): M. le député de Beauce-Sud, vous avez la parole.

M. Roy (Fabien): A mon tour, je veux remercier M. Roy, du Conseil de l'alimentation du Québec, pour l'excellence du mémoire qu'il nous présente

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