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journal des Débats Commission permanente de la Justice Projet de loi no 10 Loi de l'aide juridique (4) Le 24 mai N 36

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journal des

Débats

Commission permanente de la Justice

Le 24 mai 1972 - N° 36

Projet de loi no 10 — Loi de l'aide juridique (4)

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Chambre des huissiers de justice du Québec B-2345 Fédération des avocats du Québec B-2346 Association des cliniques légales du Québec B-2360

PARTICIPANTS M. Robert Lamontagne, président

M. Jérôme Choquette M. Rémi Paul M. Marcel Léger M. Guy Bacon M. Denis Hardy M. George Springate

* M. Maurice Jacques, Chambre des huissiers de justice du Québec

* M. François Chapados, Fédération des avocats du Québec

* M. Michel Robert, idem

* Mlle Louise Dulude, Association des cliniques légales du Québec

* M. Réal Langlois, idem

* M. Robert Guimond, idem

* M. Claude Lamarche, idem

* Témoins interrogés par les membres de la commission parlementaire.

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Commission permanente de la Justice Projet de loi no 10

Loi de l'aide juridique Séance du mercredi 24 mai 1972 (Neuf heures trente-huit minutes)

M. LAMONTAGNE (président de la commis- sion permanente de la justice): A l'ordre, messieurs !

Avant de commencer les travaux, je voudrais indiquer la procédure pour ce matin. Comme à l'ordinaire, le mercredi, les travaux ajourneront à midi. Nous avons invité pour ce matin trois organismes, soit la Fédération des avocats du Québec avec Me Chapados qui continuera son exposé, l'Association des cliniques légales et la Chambre des huissiers de justice du Québec.

Nous espérons qu'il sera possible à ces trois orga- nismes de compléter la présentation de leur mé- moire dès ce matin.

En premier lieu, d'accord avec ceux qui ont été invités, ce matin, j'inviterais M. Maurice Jacques, procureur de la Chambre des huissiers de justice du Québec.

Chambre des huissiers de justice du Québec

M. JACQUES: M. le Président, MM. les membres de la commission, je représente la Chambre des huissiers. La Chambre des huis- siers est un organisme sans structure corporative distincte qui groupe cependant les quelque 600 huissiers qui oeuvrent dans la province de Québec.

A la lecture du projet de loi no 10, nous avons constaté que les huissiers étaient rémuné- rés à 60 p.c. du tarif normal. Ceci est peut-être valable dans les centres urbains comme Québec et Montréal, mais ne peut être soutenu dans les centres ruraux où la majorité de la clientèle de l'assistance judiciaire se situera. La plupart des huissiers, 475 sur 600, oeuvrent à temps partiel, mais doivent cependant être disponibles 24 heures par jour. Je vois difficilement qu'un huissier, avec même le tarif actuel, à la campa- gne, puisse abandonner sa ferme pour aller faire une signification qui lui rapporte 60 p.c. du taux régulier. Quand on pense qu'ils ont $0.50 le mille double, et si on en enlève 60 p.c, il ne reste pas grand-chose pour payer l'automobile.

Les honoraires sont tellement bas, à l'heure actuelle, qu'on ne peut même pas recruter des personnes compétentes.

M. le ministre de la Justice, même si la loi prévoit que la seule qualification requise d'un huissier est d'écrire et de lire l'orthographe anglaise ou française, — on ne dit même pas les deux, on dit l'une ou l'autre — il n'en demeure pas moins que le rôle du huissier dans l'appareil judiciaire est très important, parce que c'est lui qui va exécuter le jugement de la cour, c'est lui

qui est le bras du tribunal pour aller mettre en vigueur les ordonnances du tribunal. En consé- quence, le choix de la personne appelée à rendre ce rôle est d'importance capitale. Dans le domaine des huissiers, comme dans n'importe quel domaine, on ne sera jamais capable d'avoir des gens compétents, des gens qui se dédient à leurs fonctions, si on ne les paye pas. La dernière révision du tarif remonte à 1967. Or, depuis 1967, le coût de la vie a augmenté d'environ 25 p.c. et on veut aujourd'hui le baisser à 60 p.c. C'est dire que ça ne couvre même pas les dépenses d'automobile mainte- nant. Il n'y a rien à faire, on n'est même pas capable d'arriver. C'est pourquoi nous suggé- rons que le tarif soit rétabli à 100 p.c.

On ne voit pas pourquoi un huissier qui travaille pour une corporation d'assistance judi- ciaire, qui est en fait un prolongement de l'Etat, soit, dans ce cas, payé à 60 p.c. tandis que, lorsqu'il signifie un bref pour le procureur général, il soit alors rémunéré à 100 p.c. Il n'y a pas de raison que l'on puisse déceler dans le texte du bill; le législateur en a peut-être une mais nous aimerions qu'il nous la dise pour que nous puissions la débattre. Je soumets respec- tueusement que le tarif, si vous ne voulez pas créer une autre classe de défavorisés parmi les huissiers, devrait être porté à 100 p.c. Mainte- nant, je suis disponible pour répondre à quelque question que ce soit.

M. LE PRESIDENT: Merci beaucoup.

M. CHOQUETTE: Nous allons considérer sérieusement cette demande, M. Jacques.

M. PAUL: M. le Président, vous permettrez d'apporter de très brèves remarques aux propos tenus par Me Jacques. Je comprends parfaite- ment le point de vue qu'il nous expose, d'autant plus que l'entrée en vigueur de la loi 70 va frapper durement les huissiers. Je suis sûr que le ministre de la Justice tiendra compte des représentations qui sont faites ce matin par M.

Jacques, tout en mettant de côté cependant, pour le moment, les dispositions du deuxième paragraphe de la page 3 du mémoire où Me Jacques prétend que l'on devrait augmenter les tarifs des huissiers plutôt que de les réduire.

Ce n'est que par incidence, sans doute, qu'il a tenu ces propos, sachant, avec toute l'expé- rience que je lui connais pour l'avoir entendu maintes fois devant les commissions, que l'on ne pourrait, par la présentation du projet de loi, changer le tarif des huissiers. Mais personnelle- ment, M. le Président...

M. JACQUES: Je suis absolument d'accord avec vous M. Paul; l'intention, derrière ce paragraphe-là, c'est de souligner qu'il faudrait faire quelque chose pour les huissiers. Peut-être pas ici aujourd'hui mais éventuellement, il faudrait que le ministre de la Justice accepte de recevoir les huissiers pour que ces problèmes-là

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puissent être discutés avec lui en toute fran- chise.

M. CHOQUETTE: M. Jacques, ce n'est pas la première fois que le problème des huissiers est soulevé et nous avons actuellement une nou- velle loi à l'étude, relativement aux huissiers, mais le temps a évidemment manqué pour faire avancer les travaux. Mais je pense bien que l'automne prochain il sera possible d'apporter des améliorations et, dans l'intervalle, il est sûr que nous vous consulterons.

M. JACQUES: Merci, M. le ministre. Dans ce domaine-là, les huissiers avaient présenté, je pense en 1969 ou même antérieurement, un projet de loi les constituant en corporation professionnelle. Je ne sais pas ce qu'il est advenu de ce projet de loi. Cela a été mis sur les tablettes.

M. PAUL: La difficulté, c'est qu'il y a double chapelle: il y a les huissiers de Montréal et les huissiers du reste du Québec.

M. JACQUES: Ils sont tous unis.

M. PAUL: Alors, tant mieux, aujourd'hui, s'ils ont fait l'union, ça faciliterait énormément le travail des légistes du ministère de la Justice.

Mais, en 1969, c'était le problème.

M. JACQUES: On peut assurer aujourd'hui, M. Paul, que tous les huissiers sont unis pour former une corporation professionnelle et, de plus, acceptent volontiers d'être compris dans l'annexe du bill 250 comme corporation profes- sionnelle.

M. PAUL: M. Jacques, je suis sûr que le ministre — il a une dialectique extraordinaire depuis deux, trois jours, un raisonnement fan- tastique — va retenir vos arguments.

M. CHOQUETTE: Il y a un raisonnement que je pourrais tenir pour votre taux de 60 p.c, c'est qu'il ne faudrait pas qu'en payant les huissiers seulement 60 p.c. du tarif on fasse en sorte qu'ils deviennent des gens économique- ment défavorisés qui pourraient se prévaloir de la Loi de l'aide juridique.

M. JACQUES: C'est ce que j'ai souligné dans le mémoire; il y aura deux autres classes qui vont être obligées de se prévaloir de l'assistance juridique pour présenter des mémoires à la commission parlementaire.

M. LE PRESIDENT: Merci, M. Jacques.

M. JACQUES: Merci beaucoup.

M. LE PRESIDENT: J'inviterais maintenant Me Chapados à continuer la présentation du mémoire de la Fédération des avocats du Québec.

Fédération des avocats du Québec M. CHAPADOS: A ce que je vois, M. le Président, la situation économique des huissiers n'est guère plus reluisante que celle des avocats.

M. le Président, suite au voeu que vous avez émis...

M. HARDY: Vous n'êtes pas sérieux quand...

M. CHAPADOS: C'est peut-être une carica- ture mais comme toute caricature, elle contient beaucoup de vrai.

M. le Président, me référant à ce que vous avez dit en début de commission, savoir que vous espériez pouvoir entendre plusieurs parties ce matin, j'entends pour ma part prendre des résolutions fermes et faire ma quote-part et abréger dans la mesure du possible ce qu'il me reste à dire afin de permettre à Me Robert, qui a quelques remarques à faire relativement au projet de loi que nous avons déposé, de le faire pleinement.

Lorsque nous nous sommes quittés mercredi dernier, j'en étais rendu à parler de certains mythes et — pour employer les termes que j'ai employés à ce moment-là — j'avais dit qu'il importait "de crever certains mythes".

J'ai parlé de la spécialisation. A propos de l'impossibilité du libre choix, j'aimerais tout simplement faire quelques commentaires, parce qu'en fait l'impossibilité du libre choix est un des grands arguments qui sont mis de l'avant par les tenants des cliniques juridiques.

Si l'on se réfère à la géographie du Québec, on s'aperçoit que la région métropolitaine de Montréal compte pour à peu près 40 p.c. ou 45 p.c. de la population de l'ensemble du Québec. Si j'exclus Montréal, j'ai peine à croire que, dans des villes telles Valleyfield, Hull, Sherbrooke, Alma, Arvida, Rimouski, la popu- lation, même économiquement favorisée, ne connaît aucun avocat; ce qui est quand même le lot, si on exclut Montréal, d'à peu près 50 p.c.

ou 55 p.c. de la population québécoise. Au départ, je tiens pour acquis que, dans les régions rurales, semi-rurales et urbaines, à l'exception de Québec et de Montréal, l'ensemble des gens qui sont là connaissent effectivement des avo- cats.

Deuxièmement, quant à la région de Mont- réal, puisque lorsque nous touchons à cet argument, nous nous référons presque automati- quement à Montréal, je dirai ceci. L'an dernier, le service de références du Barreau de Montréal a eu à se pencher sur 700 cas de personnes qui se sont référées au Barreau, afin de se faire informer, de connaître le nom de certains avocats qui pouvaient s'occuper de leurs affaires. Si nous prenons acte de ce nombre d'environ 700 cas et si nous le comparons à l'ensemble de la population du milieu urbain de Montréal, je trouve, somme toute, qu'il s'agit là d'une statistique qui corrobore d'une certaine façon ce que j'avance, à savoir que, dans une

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ville comme Montréal qui n'a pas, au sens américain du terme, de ghettos, qui est une ville où dans tous les quartiers il y a des avocats, les gens connaissent, en règle générale, des avocats, soit directement soit par l'intermédiaire de membres de leur famille ou de leurs proches.

C'est simplement un commentaire que je voulais faire quant à l'impossibilité du choix. Il y a également l'accessibilité. Je viens d'y tou- cher indirectement et, encore là, je me réfère à ce que j'ai déjà dit. Je comprends que, dans certains ghettos américains, comme à Los Ange- les, voire à New York ou à Détroit, l'on doive constater que, dans plusieurs quartiers de ces grandes villes, nous avons à faire face à une situation particulière en ce sens que ces quar- tiers que l'on nomme ghettos se trouvent totalement dépourvus de tout type de services y compris les services juridiques. Et, encore une fois, par référence à ce que je viens de dire, je dis que tel n'est pas le cas d'une ville comme Montréal puisque partout, qu'il s'agisse de l'est, de l'ouest, du nord ou du sud de la ville, y compris Pointe-Saint-Charles, Verdun et La- chine, dans tous ces endroits, il y a des bureaux d'avocats, il y a des avocats qui pratiquent là et qui sont connus de la population.

On a également souvent insisté — ici je me réfère à la première et à la deuxième séance de la commission, le témoignage de Mme Harper est également à cet égard — sur une réalité nouvelle, savoir que les cliniques s'imposaient à cause des besoins particuliers à satisfaire.

J'ai fait une mise au point lors de la dernière séance à propos des études, des recherches ou des enquêtes qui avaient été faites pour identi- fier ces besoins. J'aimerais me référer ce matin au document qui a été présenté par Mme Harper où, à la page 2 — c'est le document 8M — elle dit ce qui suit et je cite in extenso :

"Les problèmes de cette population sont non seulement complexes, mais dans une grande proportion non définis. L'identification de ces problèmes socio-légaux est nécessairement un prérequis afin d'assurer un service approprié. En conséquence — et j'abonde en ce sens — la fonction de recherche est un point crucial".

Voilà ce qu'elle dit à la page 2 de son mémoire.

Si l'on se réfère à la page 4 de ce même mémoire, paragraphe 2, on y lit ce qui suit : "Le système Judicare ne saura en aucune façon éliminer l'inégalité ence sens, et seul un système de services juridiques localisé dans une région définie selon les besoins de la population pourra assurer et l'accessibilité et la qualité des servi- ces, étant donné que les services juridiques sont un droit et non un privilège. En conséquence, l'établissement de programmes d'information à la population concernée est un point crucial".

Ce qu'il importe de retenir dans tout ceci, c'est que dans son mémoire d'une part, Mme Harper se sert des besoins de la population pour dire dans un premier temps, "écarter le Judica- re" et c'est la dernière citation que je viens de faire et pour préconiser l'établissement de

services particuliers, d'un réseau de cliniques juridiques. D'autre part, elle admet dans ce même mémoire que les besoins en question sont très complexes, qu'ils n'ont pas été définis et qu'il s'agit là d'un point qui devra faire l'objet d'une recherche approfondie. Je pense qu'il s'agit là d'un point à retenir. Si l'on fait reposer la nécessité d'un réseau de cliniques juridiques sur des besoins et que d'autre part on admet que les besoins en question ne sont pas encore identifiés, d'où l'importance de la recherche, à ce moment-là je pense que le législateur se doit de tenir compte d'une telle réalité et, le cas échéant, comme je le proposerai tout à l'heure, remettre à plus tard l'adoption d'un projet de loi visant à établir certains services juridiques.

Je n'ai pas à revenir non plus sur la participa- tion des avocats ontariens au système d'aide juridique qui existe là-bas. C'est un point qui a été soulevé ici devant la commission. Je réfère les membres de cette commission à l'exposé ou à la mise au point qui a été faite sur les sujets par Me Loranger.

Autre point que je voudrais toucher, M. le Président. Lors des représentations qui ont été faites devant cette commission, on a beaucoup parlé en termes d'éducation et d'information des milieux populaires. Je pense qu'il s'agit là d'une démarche qui s'impose. D'autre part, on a laissé sous-entendre qu'une telle éducation et qu'une telle information ne se faisait pas actuellement.

Je pense que tous les avocats qui sont dans la pratique au Québec fournissent leur quote-part en matière d'information, en matière d'éduca- tion du milieu. On n'a qu'à se référer aux conférences qui sont prononcées et l'on n'a qu'à se référer soit aux conférences, soit à la participation d'avocats à certains ateliers dans leur milieu soit au niveau municipal, soit au niveau civique pour réaliser que cette éduca- tion-là actuellement se fait.

Je n'aime pas, M. le Président, me citer en exemple — on dira peut-être que je suis une exception, mais il y a beaucoup d'exceptions au Québec — mais il m'arrive régulièrement dans ma pratique de me rendre entre autres à Pointe-Saint-Charles pour assister à des réunions syndicales", à la suite de quoi, durant des périodes d'une heure ou d'une heure et demie, je réponds à des questions de l'assistance sur une foule de sujets touchant tout aussi bien la Régie des loyers que la nouvelle loi des Affaires sociales, en passant par la loi du consommateur, en passant par la loi sur la sécurité de la vieillesse et j'ai la certitude que je ne suis pas le seul avocat à le faire.

Enfin, M. le Président, dernière remarque avant de conclure, l'on s'est souvent référé, en parlant d'éducation, à l'animation et à la recherche qui se devaient d'être faites. J'ai déjà souligné devant cette commission et c'est une crainte que j'ai émise, que l'on s'apprêtait à créer de nouvelles structures qui, comparées aux CLSC, les centres locaux de services com-

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munautaires, feraient qu'à un moment donné il y aurait un dédoublement de structures qui pèserait lourd et que, somme toute, le contri- buable québécois aurait à payer. Je pense, M. le Président, que l'on doit distinguer, d'une part les services juridiques auxquels la population a droit, et dissocier cela de l'animation d'ordre juridique que l'on peut faire, de l'éducation d'ordre juridique que l'on peut faire, ainsi que des recherches que l'on peut faire. Si l'on prend toutes ces données et qu'on les dépose dans le même panier, je soumets en toute déférence qu'on va se retrouver éventuellement devant un méli-mélo indescriptible et ce d'autant plus que, depuis plusieurs années, les différents gouverne- ments qui se sont succédé ont, chacun à sa manière, essayé de mettre un peu d'ordre dans des sujets analogues à celui-ci.

A titre d'exemple, je dirai qu'il y a quelques années il y avait au Québec trois ou quatre instituts de recherche en eau. Le ministère des Richesses naturelles en avait un et le finançait;

l'université Laval en avait un et le finançait;

l'Université du Québec en avait un et le finançait; et enfin, il y avait l'Institut national de recherche scientifique. Avec le résultat que, dans bien des cas, avec des deniers qui éma- naient ou qui émargeaient du gouvernement du Québec, on faisait des recherches sur les mêmes problèmes. Il y avait dédoublement de struc- tures, il y avait dédoublement des sommes qui étaient consacrées, en fin de compte, pour faire exactement les mêmes recherches.

Ce que je suggérerai bientôt tiendra compte de ces distinctions que l'on se doit de faire.

J'avais dit que c'était la dernière remarque; il y a enfin, M. le Président, la question du coût. Si l'on se réfère au document qui a été déposé devant la commission sous la cote 2 M, le document de M. Loranger, à l'annexe B, l'on s'aperçoit qu'au budget du bureau de l'assistan- ce judiciaire de Montréal, il y a un montant de

$901,628 qui apparaît. De toute façon, c'est sensiblement $900,000. Lorsque l'on invoque la création d'un réseau de cliniques juridiques, on invoque l'argument du coût moindre. Si l'on prend acte du fait que, d'après le document 2 M qui est devant vous, annexe B, le budget du bureau de l'assistance judiciaire de Montréal est de l'ordre $900,000 et si l'on prend acte également du fait qu'il y a de 30 à 32 avocats qui exercent à temps plein, qui ont exercé durant cette période-là, on arrive quand même à des montants qui ne sont tout de même pas des montants aussi bas qu'on le laisse sous-enten- dre. J'aimerais souligner, puisque l'on parle du bureau de l'assistance judiciaire de Montréal, une autre chose.

A l'annexe B, on a dressé des statistiques où l'on dit que le coût moyen par cas depuis la création du Bureau d'assistance judiciaire est de l'ordre de $24.28 et que le coût moyen pour l'année 1972 est de l'ordre de $42.65.

Ce sont de très belles statistiques, mais je voudrais dire quand même, M. le Président,

qu'il s'agit de statistiques qui, à mon sens, ont une valeur extrêmement relative, en ce sens que l'on doit tenir compte des milliers de causes qui sont actuellement étudiées par les avocats en pratique privée, travail gratuit grâce auquel on en arrive à un coût aussi bas. Je dis que, dès lors que l'on institutionnalisera un tel système, il faudra prévoir des coûts de beaucoup supé- rieurs. Lorsque le gouvernement prévoit un budget de l'ordre de $6 millions à $8 millions pour le réseau de cliniques juridiques, je dis

— c'est une prévision, c'est peut-être une pro- phétie, on pourra le prendre comme on veut — qu'on va le dépasser.

Il y a des loustics qui disent que les prévisions gouvernementales sont faites pour être dépassées. Il y a malheureusement des précédents qui aident à conclure dans ce sens.

Mais je dis quand même, M. le Président, que, au niveau du coût, le système que l'on veut instaurer coûtera sensiblement la même chose aux contribuables québécois qu'un système Judicare. D'autant plus que, si le gouvernement du Québec instaurait un régime d'assistance juridique reconnaissant le droit ou permettant à l'économiquement défavorisé de faire un libre choix, je n'ai aucun doute que le gouvernement central, après négociation avec le gouvernement du Québec, s'empresserait, comme il le fait dans des domaines analogues, de fournir sa quote- part. Celle-ci pour le Québec, serait de l'ordre d'environ $6 millions, si l'on se réfère à certaines rumeurs ou à certaines données qui veulent que le gouvernement central, advenant l'adoption d'une législation qui reconnaîtrait ce droit, serait prêt à contribuer jusqu'à concur- rence de $1 par tête d'habitant au Québec.

Et autre chose que je voudrais souligner — et ici je ne veux faire aucun reproche particu- lier — mais je pense, M. le Président, que le gouvernement du Québec doit, en matière d'assistance juridique, imiter, en quelque sorte, l'exemple du gouvernement ontarien. En effet, au moment où je vous parle, le gouvernement du Québec — et je tiens compte des contingences financières — dépense des montants de l'ordre de $2 millions pour l'assistance judiciaire alors que le gouvernement ontarien dépense, quant à lui, des montants de l'ordre de $12 millions.

Ce que je veux dire, c'est que je n'ai aucune remarque particulière à adresser au gouverne- ment actuel ou aux gouvernements passés et je pense que les gouvernements que nous avons eus à cet égard ont reflété très fidèlement notre société; il y avait à ce moment-là d'autres priorités, on s'y est arrêté. Actuellement, à cause du projet de loi qui est devant la Chambre, nous avons l'occasion de réfléchir sur cette priorité que doit être la justice, par référence aux économiquement faibles.

Je dis qu'en la matière le gouvernement du Québec se doit lui aussi de fournir son effort financier. M. le Président, je le soumets en toute déférence, si la justice est une priorité, si elle doit se concevoir en termes de droit strict, il est

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quand même inconcevable que l'on limite la contribution financière — et je me réfère à ce qui est actuellement un montant de l'ordre de

$2 millions — alors qu'au moment même où je vous parle, le gouvernement actuel a établi un système d assurance-santé animale qui engage, quant à lui, des montants de l'ordre de $3 millions à $4 millions.

M. le Président, le temps est maintenant venu de conclure. De façon générale, la Fédéra- tion des avocats demande au gouvernement, en premier lieu, le rappel inconditionnel du bill 70, parce qu'à ses yeux il s'agit là d'une mesure législative qui, de toute façon, sera couverte par l'éventuel bill 10 à être adopté, par l'éventuel système d'aide juridique à être adopté.

Je suis ici devant une commission parlemen- taire qui est chargée d'étudier le bill 10, je n'ai pas envie de faire le procès du bill 70. Mais, quand même, je dis qu'il s'agit d'une disposition juridique où l'on a interdit même à titre gratuit à un individu de se faire représenter par un avocat. A ce seul titre, elle est inacceptable.

Nous demandons ce matin le rappel de cette loi à cause de ce que je viens de dire mais aussi parce que le bill 10 couvrira précisément un champ qui a été en partie couvert par le bill 70.

Pour ma part, j'accorde la préférence à la loi générale, au régime général qu'instaurera le bill 10. Je pense, M. le Président, que l'honorable ministre de la Justice devrait, je le soumets en toute déférence, comme un juge de la cour d'Appel, présenter en Chambre un petit docu- ment tout simple mais en vertu duquel le bill 70 serait purement et simplement aboli.

Deuxièmement, toujours de façon générale

— et cette fois-ci quant au bill 10 — la Fédéra- tion des avocats du Québec, relativement au projet de loi que nous étudions, demande aux membres de l'Assemblée nationale, au gouver- nement et au ministre de la Justice en particu- lier d'avoir le courage de la fidélité par rapport aux grandes législations qui, dans des domaines analogues ont été adoptées au Québec depuis près de dix ans et ce indépendamment des régimes des titulaires et des partis politiques.

Bref, ce que nous demandons, M. le Prési- dent, à l'honorable ministre de la Justice, par rapport à ces pièces de législation valables, c'est qu'il fasse adopter des lois qui assurent une pérennité par rapport à la Loi de l'assurance- maladie, à la Loi de la régie de l'assurance-mala- die, qui, elles, à tous égards, ont reconnu, premièrement, le libre choix du client, deuxiè- mement, la séparation des organes administra- tifs, les distances à établir entre les organes administratifs et le pouvoir exécutif et, enfin, qui ont reconnu, elles aussi, le droit d'associa- tion, avec ce qu'il implique, c'est-à-dire, le droit de représentation et le droit de négociation.

De façon plus spécifique, la Fédération des avocats du Québec, quant à la procédure à suivre relativement au bill 10, recommande ce qui suit: d'une part, que l'on adopte une approche méthodique et rationnelle en scindant

deux types de problèmes qui sont les suivants:

dans un premier temps, un problème d'accessi- bilité et, dans un deuxième temps, un problème d'organisation de services juridiques à être rendus. Ce problème d'accessibilité sera résolu, si par une loi à être adoptée, le gouvernement assure à l'économiquement défavorisé son sou- tien financier en lui permettant d'avoir recours à l'avocat de son choix. Si le gouvernement agissait de cette façon, il agirait exactement de la même façon que les gouvernements anté- rieurs l'ont fait et que le gouvernement actuel l'a fait en matière d'assurance-maladie où, dans un premier temps, on a voté la Loi de l'assuran- ce-maladie, mieux connue sous le nom de bill 8, et dans un deuxième temps, suite à l'adoption de cette loi, suite à l'instauration d'un régime général, on s'est dit: Maintenant, nous allons déposer et présenter une loi d'organisation des services de santé, ce qu'on a fait, et je me réfère à ce moment-ci, au bill 65.

Et si nous recommandons, M. le Président, au gouvernement de procéder en deux temps, nous pensons qu'il s'agit là de la façon la plus sage, à tous les points de vue. Prenons, par exemple, le plan économique.

Lorsque Mme Côté-Harper a comparu devant la commission parlementaire, elle a bien indiqué que l'expérience qu'elle avait acquise aux Etats-Unis, plus particulièrement dans le Massa- chusetts, à Boston, avait été acquise dans une clinique médicale qui existait là-bas. Je me demande, par référence précisément à cet as- pect services juridiques si le gouvernement au lieu de procéder à l'adoption de nouvelles structures qui coûteront extrêmement cher et qui, somme toute, à plusieurs égards, double- ront les structures des CLSC, je me demande donc si le gouvernement n'aurait pas intérêt en ce domaine — et je pense en particulier à l'information, à l'aspect de l'éducation, à l'as- pect de la recherche — à étudier attentivement la situation avant précisément de créer ce que j'appelle un réseau de services juridiques, soit en les intégrant à certains CLSC, soit en répartis- sant les tâches entre les universités, ce qui est sûr pour les fins de la recherche. Les universités ont également des services communautaires et elles pourraient assumer certaines charges en matière d'éducation communautaire. Je me demande s'il n'y aurait pas moyen non plus de les répartir en profitant des organes qui existent actuellement, et je pense au ministère des Affaires sociales, au lieu de créer de toutes pièces, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, une deuxième structure qui coûtera, somme toute, extrêmement cher aux contribuables québécois.

Il y a également un autre argument, M. le Président, c'est que ça permettrait à tout le monde d'y voir un peu clair avant de marquer un tournant. Le deuxième argument que j'ai est d'ordre professionnel. Avec le bill 10 tel que présenté en Chambre, la profession juridique se trouve à un tournant en ce sens qu'elle passe de

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but en blanc à la pratique juridique telle qu'on l'a connue, libérale, à une pratique institution- nelle, à savoir que dorénavant les services seront fournis non plus par les avocats, mais par les cliniques. Je pense que cet aspect-là de la question mérite de faire l'objet de certaines recherches et d'être étudié attentivement quant à ses implications et quant à sa portée.

Enfin, M. le Président, ce sont les recomman- dations spécifiques que nous avions à faire au gouvernement en lui demandant de procéder en deux temps. Dans un premier temps, régler le problème d'accessibilité; dans un deuxième temps — et la fédération ne veut pas renvoyer aux calendes grecques le projet de loi qui est ici devant cette commission — je vois très bien que, dès l'année prochaine, aux environs de Noël de préférence ou dès l'automne prochain, l'on puisse étudier une loi d'organisation de services juridiques qui pourraient peut-être à ce mo- ment-là répondre à certains besoins particuliers qu'entre-temps on aurait pu étudier davantage.

Je conclus, M. le Président, en disant qu'au début des séances de la commission, l'honorable ministre de la Justice, parlant des objectifs de la loi, a mentionné qu'il voulait par le bill 10 que le Québec se dote d'une justice qui soit contem- poraine, moderne et efficace. La Fédération des avocats du Québec soumet que cette justice, ce système d'aide que l'on entend instaurer, sera une justice contemporaine si l'on reconnaît certaines libertés et certains droits fondamen- taux de la même façon que la chose a été faite dans d'autres lois. Je pense entre autres au libre choix. Cette justice serait également moderne si elle consacre la séparation qui doit exister entre le domaine judiciaire ou tout ce qui s'y rappor- te et le domaine exécutif.

Enfin, elle sera efficace si le gouvernement consent à assumer entièrement ses responsabili- tés en matière de coût, puisque, somme toute, toute priorité se paie. Je vous remercie, M. le Président. A moins que certains membres de cette commission n'aient des questions particu- lières à me poser, j'inviterais Me Robert à faire la présentation du projet de loi, des principaux points.

M. CHOQUETTE: M. Chapados, j'aurais une question à vous poser. Est-ce qu'en vertu des principes que vous avez soumis, ainsi que des recommandations que vous avez présentées à la fin de votre discours, vous recommanderiez l'abolition des bureaux d'assistance judiciaire de Montréal ou de Québec?

M. CHAPADOS: C'est une excellente ques- tion, M. le Président. J'aimerais, à ce sujet, répondre au ministre de la Justice ce qui suit:

Nous recommandons au gouvernement de gar- der le statu quo sur ce point, étant donné l'étape que nous avons suggérée, d'ici à ce que l'on ait fait une étude plus approfondie de la situation. Mais, je pense — et ceci est extrême- ment important — que le ministère de la Justice

et tous les organismes intéressés devraient, d'ici là garder le statu quo et ne pas favoriser ou permettre la création de cliniques juridiques à droite et à gauche avant qu'au niveau du ministère et qu'au niveau juridique, on ait arrêté une politique définie. Comme je l'ai mentionné tantôt, pour autant que je suis concerné, je dis qu'actuellement le gouverne- ment, au lieu de se hâter avec lenteur...

M. CHOQUETTE: Vous dites qu'il est ur- gent d'attendre!

M. CHAPADOS: Je dis, M. le Président, en réponse à l'honorable ministre de la Justice, que le gouvernement devrait se hâter avec lenteur comme le dit Boileau ou le fabuliste La Fontai-

ne, et non pas agir avec fébrilité, avec hâte, avec risque d'improvisation. Je reviens — ceci est important, à ce que j'ai dit tantôt — au mémoi- re de Mme Côté-Harper où l'on se fonde sur des besoins spécifiques à satisfaire pour dire du même coup que ce sont des besoins très complexes qui sont mal définis actuellement. A ce moment-là, moi je dis que, dans ces circons- tances-là on devrait peut-être attendre cinq ou six mois, auparavant, faire enquête, faire les recherches nécessaires pour présenter ensuite un projet de loi. Actuellement, on agit en pleine hâte, avec fébrilité et non seulement on risque d'improviser, mais on risque de créer de toutes pièces des structures qui vont coûter cher et qui vont doubler, dans bien des cas, le rôle des centres locaux de services communautaires, dont la création a été arrêtée par le gouverne- ment auquel appartient l'honorable ministre de la Justice.

M. CHOQUETTE: Vous devriez avoir une opinion sur ce sujet-là, parce qu'après tout, le bureau d'assistance judiciaire de Montréal existe depuis quinze ans et vous pratiquez dans la ville de Montréal au moins depuis dix ans. Je remarque que les avocats autour de vous sont de jeunes avocats, mais ils ont quand même dix ans de pratique. Alors, vous devriez avoir une opinion sur l'abolition ou le maintien du bureau d'assistance judiciaire de Montréal.

M. CHAPADOS: Mon opinion est la suivante.

Je procède de façon scientifique et, lorsque j'ai devant moi des études qui me démontrent qu'il y a peut-être des besoins mais que ces besoins-là ne sont pas définis, alors — et j'espère que c'est l'attitude qu'adoptera le gouvernement — je me dis: Attendons qu'il y ait des recherches plus scientifiques pour que nous définissions les besoins à satisfaire et pour que, partant de là, étant donné qu'il y a une demande dans un domaine, je crée les services juridiques requis.

Mais, pour le moment, je dis que l'on se doit de garder le statu quo et qu'avant de procéder à l'organisation ou à l'établissement d'un réseau de services juridiques, si besoin il y a, on règle le problème de l'accessibilité. Parce qu'on ne peut

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pas et on ne doit pas opposer nécessairement le Judicare qu'on fait aux cliniques juridiques.

Comme le ministre l'a souvent dit, ce sont des cliniques ou des organismes qui auront à répondre à des besoins nouveaux. D'ailleurs, c'est ce que vous dites, M. le ministre, dans votre petite plaquette bleue "Justice", des besoins nouveaux. Le seul problème est que les besoins ne sont pas définis et je pense qu'on devrait les définir avant d'aller plus loin. Ceci n'a pas empêché le gouvernement auquel vous appartenez de dire: Très bien, en matière d'assurance-santé, nous allons régler le problè- me d'accessibilité en instaurant un régime géné- ral d'assurance-maladie. Et ceci fait, une fois le régime instauré, qui, entre parenthèses marche très bien, M. Castonguay, après des études également approfondies, après avoir acquis une vue d'ensemble de la situation, a présenté son bill 65, la loi d'organisation des services de santé, qui est justement un bill par lequel le gouvernement voulait mettre de l'ordre dans toute une série, une kyrielle de services partant des centres hospitaliers en passant par les hôpitaux, les centres d'accueil, etc.

M. CHOQUETTE: Je vais vous dire quelque chose. Si M. Castonguay avait écouté les gens qui ont comparu à la commission parlementai- re, il n'aurait jamais présenté son bill.

M. CHAPADOS: M. le Président, je soumets en toute déférence que j'ai comparu devant cette commission, j'ai certains clients qui ont présenté des mémoires et ce n'est pas tout à fait ce qu'on a dit.

M. PAUL: Le ministre ne se réfère pas aux bons mémoires.

M. CHOQUETTE: En tout cas, M. Chapa- dos, je pense qu'on comprend très bien votre point de vue. Vous l'avez expliqué avec, en somme, beaucoup de précision et d'éloquence, je dirais. Vous pouvez être sûr que nous allons porter une attention sérieuse aux arguments que vous avez soulevés.

M. LE PRESIDENT: Le député de Lafontai- ne.

M. LEGER: Je voudrais simplement poser une question â Me Chapados. A un moment donné, il a parlé du besoin pour l'inculpé d'avoir accès à un avocat de son choix. Je voudrais lui demander s'il pourrait préciser sa pensée dans ce domaine d'abord au niveau des honoraires. Il y a des avocats qui sont très recherchés, d'autres qui sont moins connus, qui commandent des honoraires différents. Est-ce que vous prévoyez que les honoraires de l'avocat qui serait choisi par l'inculpé devraient être fixés? Et si ce n'est pas fixé...

M. LE PRESIDENT: Le député de Trois- Rivières.

M. BACON: Je voudrais soulever un point de règlement. Je pense que ces questions ont été déjà abordées à la commission.

M. PAUL: M. le Président, si on avait une certaine logique dans le Parti québécois, ce seraient toujours les mêmes qui seraient pré- sents et on ne viendrait pas ici ce matin poser des question auxquelles a brillamment répondu Me Chapados lors de la séance du 17 mai dernier.

M. BACON: J'en appelle au règlement, M. le Président.

M. LEGER: Si on a déjà répondu à cette question, je retire ma question.

M. LE PRESIDENT: ... Me Chapados, la semaine dernière, a traité longuement de cette question.

M. CHAPADOS: Je l'ai traitée longuement, mais j'aimerais redire que ces tarifs seraient négociés.

M. LE PRESIDENT: En vertu de nos règles de pratique, vous savez qu'un mémoire doit être présenté en 20 minutes. Cela fait deux journées que nous consacrons au vôtre, nous espérons que vous tiendrez compte de ce fait, compte tenu que Me Robert doit vous remplacer.

M. CHAPADOS: Non seulement nous en tenons compte, M. le Président, mais nous vous en sommes extrêmement reconnaissants.

M. LE PRESIDENT: Me Robert.

M. ROBERT: M. le Président, MM. les mem- bres de la commission, j'aimerais d'abord, avant d'examiner le projet de loi que nous avons déposé sous la cote 5MA, faire quelques remar- ques sur les effets que pourrait avoir l'adoption du bill 10 sur les modalités de pratique des avocats dans le Québec dans leur ensemble. Je pense que c'est cela qui est le noeud et le fond du débat. Je ne crois pas qu'il faille nécessaire- ment opposer un système Judicare à un système de cliniques juridiques. Je pense que ce qui est à la base du débat, c'est un système qui prévoit d'une part une rémunération à l'acte, garantis- sant ainsi un statut de travailleur autonome à l'avocat et d'autre part un système qui prévoit une rémunération à salaire pour un avocat qui a un lien de subordination avec un organisme parapublic qui l'emploie à titre d'employeur.

Je pense que c'est cela le fond de la question.

Nous croyons, à la Fédération des avocats du Québec, qu'il est important de maintenir, pour l'avocat, son statut de travailleur autonome, rémunéré à l'acte et exerçant sa profession, de façon autonome et sans employeur. Nous croyons que c'est important pour garantir le rôle dynamique, indépendant et le rôle social de

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l'avocat, dans une société libre et démocratique.

Je pense que c'est cela, fondamentalement, que nous défendons.

Or, avec le bill 10, nous voyons que ce principe est complètement écarté et que nous nous dirigeons vers un système où les avocats seraient rémunérés à salaire et seraient em- ployés par un employeur qu'on voudra peut- être le plus indépendant possible de l'Etat, mais qui demeurera quand même un organisme parapublic. Ce lien de subordination entre cet organisme parapublic et l'avocat est incompati- ble avec son statut d'indépendance vis-à-vis de l'Etat, vis-à-vis des tribunaux, vis-à-vis de tous les organismes et vis-à-vis de tous les citoyens.

Je pense que c'est cela, fondamentalement, le point crucial.

Que restera-t-il, M. le Président, de la prati- que privée, comme telle, de la profession d'avocat, lorsque le bill 70 aura été promulgué et mis en vigueur, lorsqu'un réseau de cliniques aura été installé dans la province, et lorsque, éventuellement, si le gouvernement donne suite à ses projets, un régime d'assurance automobile sans faute sera institué avec commission gouver- nementale et réclamation? A ce moment-là, que restera-t-il exactement de la profession d'avocat, dans les milieux régionaux et dans certaines parties des milieux urbains? Je pense que la profession ou la pratique privée sera amputée d'un marché très important.

Prenons des exemples. A Montréal, vous parliez tout à l'heure du bureau d'assistance judiciaire qui existe depuis quinze ans. Je pense que tout le monde, ici, a contribué à son succès en ce sens que nous avons fourni nos services gratuitement, pendant plusieurs années. On me dit que de 60 p.c. à 75 p.c. des individus qui comparaissent devant les tribunaux criminels à Montréal sont actuellement représentés par des avocats de l'assistance judiciaire.

M. CHOQUETTE: Je me permets de mettre cela en doute. On m'a dit récemment que c'était 20 p.c. à 25 p.c.

M. ROBERT: Evidemment, peut-être qu'on tient nos renseignements de sources différentes, mais on me dit que 60 p.c. à 75 p.c. des inculpés qui comparaissent devant les tribunaux criminels sont représentés par des avocats de l'assistance judiciaire. D'ailleurs, c'est bien com- préhensible, parce que les gens qui sont poursui- vis devant les tribunaux criminels n'ont pas, dans la plupart des cas, des moyens connus ou connaissables. A ce moment-là, il devient extrê- mement facile de se faire représenter par l'assistance judiciaire. Et je n'hésiterais pas à croire que la très vaste majorité des gens qui comparaissent devant les tribunaux criminels, pour des infractions criminelles, sont effective- ment éligibles à l'assistance judiciaire, telle que formulée actuellement. Cela veut dire, à toutes fins pratiques, que la pratique du droit criminel, dans son ensemble, disparaît, quant à la prati-

que privée et sera, dorénavant, exercée par des salariés de l'Etat. Nous croyons, nous, que ce n'est pas bénéfique, à long terme.

Autre exemple, la question des relations domestiques. Il est bien évident, à mon point de vue, qu'actuellement le bureau d'assistance judi- ciaire fournit énormément de services dans ce domaine. Il est bien évident que si on met en place un régime de cliniques juridiques, à ce moment-là, dans quelques années, la population va demander que tout le problème des relations domestiques au fond soit administré par ce réseau de cliniques juridiques. Parce que les citoyens, à ce moment, n'auront pas à débour- ser directement d'argent pour payer les honorai- res d'un avocat. Ils le feront en payant leurs impôts, mais cela est une autre question.

Nous, nous croyons qu'à court terme c'est la disparition de ce que j'appelle la pratique individuelle, c'est-à-dire du service rendu à un individu, un problème de locateur et locataire, un problème de relations matrimoniales, problè- me de droit criminel.

Il restera évidemment la pratique corporati- ve, les avocats ou les grandes études de Mont- réal qui représentent les grands clients, mais je pense que c'est loin d'être la majorité des avocats qui se trouvent dans les grandes études de Montréal. Il y a à peine 400 ou 500 avocats dans le Québec qui exercent dans des grandes études à Montréal. Tous les 3,500 autres prati- quent, soit individuellement ou dans des cabi- nets formés de deux avocats ou de trois avocats, et la très vaste majorité d'entre eux ont un statut de travailleurs autonomes.

Etant donné tous ces facteurs, nous croyons que ce régime proposé dans le bill 10 n'est pas bénéfique à long terme parce que, justement, il va faire perdre à l'avocat son statut de travail- leur autonome et il va devenir un salarié de l'Etat, directement ou par personne interposée.

Nous croyons que l'avocat doit quand même jouer un rôle dans la société et que, pour jouer ce rôle, il faut qu'il demeure indépendant.

Ceci dit, j'aimerais ajouter tout de suite que, dans un tel système où le mode de rémunéra- tion demeure à l'acte et où le statut de l'avocat demeure autonome, il n'est pas impensable que des avocats se groupent pour exercer leur profession dans ce qu'on appelle des cliniques d'aide juridique dans un milieu défavorisé, si le besoin existe. A ce moment-là, évidemment, ils seront rémunérés à l'acte, comme l'ensemble de tous leurs autres confrères de la province et ils rendront des services aux défavorisés.

D'ailleurs, ces cliniques existent même à l'intérieur du régime d'assurance-maladie actuel- lement. Ces cliniques existent dans certains quartiers de Montréal et je crois que les médecins à l'emploi du centre hospitalier de l'Université de Sherbrooke sont également re- groupés dans cette formule. Vous aviez une question?

M. CHOQUETTE: M. Robert, je trouve que

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c'est tout à fait légitime de votre part d'attirer notre attention sur les répercussions du projet de loi sur l'exercice de la profession, tel qu'il existe. Evidemment, cette tendance à ce que les avocats deviennent salariés ne s'exprime pas seulement au niveau de l'Etat. Vous allez admettre avec moi que, par la création des contentieux dans les grandes sociétés, c'est un peu le même phénomène auquel on assiste, dans les grandes villes aussi.

M. ROBERT: On a fait une sorte d'étude bien sommaire de l'ensemble des avocats du Québec et on s'est aperçu que le nombre de salariés à l'emploi de l'entreprise privée, si je puis dire, est extrêmement restreint et marginal par rapport à l'ensemble des avocats salariés de l'Etat. Si vous faites la liste des contentieux à Montréal, vous allez vous apercevoir que, au fond, il y a très peu d'avocats qui travaillent dans ces contentieux. A mon point de vue, à ma connaissance, il n'y a que deux ou trois gros contentieux.

Et souvent, les avocats qu'on trouve dans ces entreprises et qui sont quand même membres du Barreau — ils sont dans le livre bleu, si je puis dire — n'exercent pas pour la plupart des fonctions d'avocats, enfin un bon nombre.

Nous les retrouvons par exemple secrétaires d'une corporation, exerçant des fonctions, au fond, administratives et ils demeurent membres du Barreau pour des fins de prestige et d'autres raisons qui leur sont personnelles.

Mais de gros contentieux comme tels, il n'y en a pas tellement à mon point de vue. Je connais les compagnies de chemin de fer, les banques et peut-être la compagnie Bell Canada.

Mais si on additionne tous ces avocats, on s'aperçoit que c'est très peu par rapport aux procureurs de la couronne, par rapport aux employés ou aux avocats à salaire dans les bureaux d'assistance judiciaire et par rapport aux employés de l'Etat fédéral. Là, vous allez avoir un bon nombre d'individus, peut-être à peu près 500 avocats dans le Québec.

M. CHOQUETTE: Vous attirez aussi notre attention sur les conséquences économiques de certaines mesures qui ne sont pas annoncées mais dont on parle, comme l'assurance-automo- bile, le bill 10. Je tiens à vous dire que le bill 10, même s'il devait garder sa structure actuelle, n'aura pas entièrement des effets défavorables sur l'avocat travailleur autonome, dans ce sens que l'économiquement défavorisé aujourd'hui, qui n'a pas les moyens de se défendre devant le tribunal ou de faire valoir ses droits, si on le dote de ces moyens, va entretenir des procès avec des gens qui, eux, ne sont pas des économiquement défavorisés.

Par conséquent, le niveau de l'activité juridi- que va nécessairement être plus élevé après l'adoption du projet de loi qu'avant. Donc, même pour l'avocat travailleur autonome, il ne faudrait quand même pas dire que les effets en sont entièrement négatifs.

M. ROBERT: Je serais peut-être...

M. PAUL: Si vous me permettez, Me Robert.

Le ministre aurait peut-être raison s'il était capable de nous donner la preuve qu'il y aura de moins en moins d'assistés sociaux au Qué- bec.

M. CHOQUETTE: Je veux dire que ça prend deux personnes pour faire un procès.

M. ROBERT: Ce serait vrai, ce que vous dites, à condition que tous les défavorisés aient essentiellement et seulement, ou presque majo- ritairement, des problèmes économiques. Or, la plupart du temps — et c'est démontré par les statistiques de l'assistance judiciaire — ce sont des problèmes de relations matrimoniales. Et les problèmes de relations matrimoniales sont entre gens eux-mêmes défavorisés. Il est bien rare, je pense, qu'on ait un mari économiquement faible avec une femme économiquement forte;

ou le contraire.

M. CHOQUETTE: Cela arrive.

M. ROBERT: Généralement, ce sont des gens qui sont économiquement faibles des deux côtés. Et, à ce moment-là, je ne vois pas comment cela pourrait créer un marché addi- tionnel pour l'ensemble des avocats engagés dans la pratique privée. Quant à la pratique criminelle, c'est vis-à-vis de l'Etat; d'un côté, les procureurs de la couronne et, de l'autre côté, les avocats salariés des bureaux d'assistance judiciaire.

Il reste les problèmes entre locateurs et locataires où, peut-être, cela pourrait apporter des causes à certains avocats en pratique privée.

Protection du consommateur, je ne pense pas que... Peut-être. Mais, je ne pense pas que l'effet secondaire que vous venez de décrire soit un peu comparable à l'effet négatif que j'ai men- tionné.

M. CHOQUETTE: Il y a aussi le fait que

— on parle de causes matrimoniales — si une des parties s'adresse à l'aide juridique, au bureau, il va de soi que la partie adverse ne peut pas être représentée par un avocat du même bureau.

Alors, nécessairement, la cause est référée à l'extérieur.

M. ROBERT: Pas nécessairement à l'exté- rieur, parce qu'il y aura, semble-t-il, dans le projet, plusieurs cliniques juridiques dans un même territoire. Et j'imagine qu'à Montréal il n'y aura pas qu'un seul bureau d'assistance juridique. Il pourra y avoir quatre ou cinq cliniques. Rien n'empêchera le directeur d'une des cliniques de référer l'opposant de son client à une autre clinique située dans une autre section de la ville. Il ne se référera pas nécessai- rement à un avocat de l'extérieur. Ce sera peut-être vrai dans un milieu régional où il y aura une seule clinique dans une région, peut-

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être, de 50 milles, 60 milles à la ronde, mais à Montréal et à Québec et même dans d'autres villes, je n'ai pas l'impression que cela va être le cas.

Evidemment, à la lumière des principes qui ont été exposés par Me Chapados, nous avons préparé un projet de loi qui est le document 5 MA qui s'inspire d'une philosophie très diffé- rente de celle qui anime le projet de loi 10 qui est actuellement devant l'assemblée. J'aimerais simplement, brièvement, signaler les articles ou les dispositions importantes de ce projet de loi qui consacrent les principes que nous avons énumérés.

D'abord, l'article 2 consacre le libre choix qu'a le client de son professionnel et aussi le libre choix du professionnel quant à un client.

Parce que je pense que cela aussi est important.

Il est important que l'avocat puisse refuser de représenter quelqu'un ou puisse accepter de le représenter, quelle que soit la situation. Et cela, c'est consacré par l'article 2 qui est inspiré, évidemment, des dispositions correspondantes qu'on retrouve dans les autres projets de loi.

Egalement, l'article 4 prévoit la création de la commission d'assistance juridique qui serait une commission administrative chargée d'orga- niser la distribution des services juridiques par des praticiens engagés dans la pratique privée.

L'article 6 prévoit la composition de la commission. Cette commission est composée de douze membres nommés par le lieutenant- gouverneur en conseil et selon des recommanda- tions qui sont énumérées dans les divers para- graphes de l'article 6.

L'article 10 du projet de loi prévoit que le traitement ou les indemnités des membres de la commission ne peuvent être réduits ou dimi- nués une fois déterminés.

C'est une sorte de protection ou de sécurité d'emploi pour les membres de la commission de façon à garantir leur indépendance.

L'article 17 prévoit également la nomination d'un certain nombre d'avocats dans chacune des régions de la province en vue d'exercer les pouvoirs administratifs de la commission. Il est bien évident qu'une commission centrale qui se trouverait, soit dans le territoire de la commu- nauté urbaine de Québec, soit à un autre endroit dans la province, ne pourrait pas admi- nistrer de Montréal ou de Québec l'ensemble de tout le système. Il faudrait qu'il y ait des représentants régionaux.

L'article 18 définit les bénéficiaires. Dans l'article 18 nous avons tenté de laisser le moins de discrétion possible à la commission adminis- trative de façon que le droit soit garanti par la législation et non pas discrétionnaire de la part d'une commission administrative. Or, nous avons défini, par exemple, que le bénéficiaire d'aide sociale à titre de chef de famille a le droit ou l'accessibilité aux services. Deuxièmement, le bénéficiaire de prestation en vertu de la Loi des accidents du travail. Troisièmement, le con- joint. Quatrièmement, les enfants mineurs.

Evidemment, nous avons aussi ajouté un

tempérament parce qu'il peut exister des cas où une personne ne réponde pas aux exigences prévues par l'article 18 mais doive quand même recevoir l'aide juridique. Alors, nous avons prévu l'article 33 g) qui donne à la commission le pouvoir de définir les cas où les services juridiques pourraient être accordés même si la personne ne remplit pas les critères déterminés par a) b) c) et d) de l'article 18.

Vous verrez, également, l'article 23 qui consacre le principe de la négociation des ententes et de la conclusion des ententes par le ministre quant à la rémunération des profes- sionnels engagés dans le système.

L'article 24 définit les organismes représen- tatifs. Evidemment, nous nous sommes men- tionnés et l'article 25 prévoit le droit au désengagement. La formule que nous avons suggérée est la suivante: L'entente lie tous les professionnels qui sont membres de l'organisme qui l'a conclue. Ensuite, un professionnel peut se désengager en expédiant, lui, une lettre de ministre dans la forme prévue par les règle- ments.

L'article 26 prévoit que le professionnel qui s'est désengagé peut se rengager par la suite.

L'article 29 définit le contenu de l'entente à être négociée entre les organismes représentatifs d'une part et le gouvernement d'autre part.

Comme vous avez vu, nous n'avons pas plafon- né au départ à 60 p.c. du tarif généralement observé ou, pour reprendre le vocabulaire de la fonction publique, de la moyenne généralement observée. Nous ne croyons pas que ceci devrait être inscrit dans la loi. Je pense que c'est là une matière de négociation et nous ne voyons pas pourquoi le gouvernement, au départ, détermi- nerait son plafond par la législation.

L'article 30 garantit la juridiction du Barreau quant à la qualité du service. En d'autres mots, si la qualité d'un service est mise en cause, à ce moment-là c'est le Barreau ou la Chambre des notaires qui, en vertu de sa loi constituante, a juridiction pour examiner le problème.

L'article 32 prévoit le principe que les honoraires payés en vertu du système sont limitatifs, c'est-à-dire qu'il ne peut pas y avoir de supplément d'honoraires ou de dépassement d'honoraires comme les médecins l'ont réclamé, je pense, à une époque. L'article 32 consacre le principe du non-dépassement d'honoraires si je peux dire, sauf, évidemment, la question des frais judiciaires perceptibles de la partie adverse parce que, évidemment c'est consacré par ail- leurs par la Loi du Barreau.

L'article 33 prévoit les pouvoirs de réglemen- tation de la commission administrative. Nous les avons fait élaborer comme le gouvernement a l'habitude de le faire maintenant dans toutes ses lois organiques...

M. CHOQUETTE: Au grand... en tout cas.

M. ROBERT: ... au grand désespoir de cer- taines personnes.

M. CHOQUETTE: Bien oui!

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M. ROBERT: Parfois on se demande si, au fond, le projet de loi ne dit pas simplement que le cabinet peut faire un projet de loi après.

Les articles 34 et 35 combinés prévoient le droit à la consultation quant aux arrêtés en conseil à être adoptés en vertu de l'article 33.

D'ailleurs, ce sont des dispositions qu'on re- trouve actuellement dans la Loi de l'assurance- maladie.

Et la dernière section, la section VI parle du conseil d'arbitrage. Si un différend s'élève entre un professionnel engagé dans le système et le gouvernement payeur d'autre part, il faut pré- voir un mécanisme d'arbitrage. Il existe déjà, d'ailleurs, dans la Loi de l'assurance-maladie.

Alors, c'est l'article 38 et les suivants qui prévoient ce mécanisme d'arbitrage des comptes ou des différends d'ordre pécuniaire entre d'une part, le gouvernement, et d'autre part, les professionnels engagés dans le système. Il ne s'agit pas d'un différend sur la qualité de l'acte professionnel, parce qu'à ce moment-là cela relève du Barreau, mais d'un différend d'ordre pécuniaire qui relèverait de ces conseils d'arbi- trage créés par les articles 38 à 45.

Et finalement, les articles 46 et 47 prévoient le droit au secret professionnel et la garantie donnée que le secret professionnel ne sera pas violé à l'intérieur de l'administration du régime.

Et les articles 48 et 49 prévoient les pénalités et les dispositions diverses et transitoires.

Je pense que c'est un projet de loi qui s'inspire, évidemment, d'une philosophie très différente de celle qui anime le bill 10 mais qui consacre les principes que nous avons voulu élaborer devant vous.

Je vous remercie. Est-ce qu'il y a des questions?

M. LE PRESIDENT: Il n'y a pas de ques- tion. Je vous remercie beaucoup Me Robert.

M. HARDY: Il y a une question qui me hante depuis le début des auditions de cette commission parce que, je dois l'avouer, je l'ai déjà dit et je continue à dire que je suis extrêmement sensible, pour ne pas dire davanta- ge, à ce principe défendu et par le Barreau et par la fédération, à savoir la liberté de choix de l'avocat qui est le corollaire de ce système Judicare que vous proposez. Au même niveau, me préoccupe également la question du coût de ce système. Et là, je pense que je rejoins les préoccupations et du ministre de la Justice et peut-être encore davantage, du ministre des Finances. Je ne sais pas si, pendant mon absence, vous avez abordé ce sujet-là...

M. PAUL: Oui, il l'a été.

M. HARDY: Il a été abordé. Alors, je reti- re...

M. PAUL: Me Chapados a parlé d'une possi- bilité de participation du gouvernement fédéral de l'ordre de $6 millions. C'est une possibilité...

M. HARDY: Si c'est seulement de cela que Me Chapados a parlé, cela ne m'impressionne pas beaucoup.

M. PAUL: Vous demeurez hanté.

M. CHOQUETTE: Cela ne résorbe pas sa hantise.

M. HARDY: Cela ne m'impressionne pas beaucoup de toujours ouvrir des portes au gouvernement fédéral pour venir nous aider.

M. PAUL: Le gouvernement fédéral les ouvre seul.

M. HARDY: J'aimerais mieux, si cela n'a pas déjà été fait, parce que j'avais retiré ma ques- tion, je ne veux pas faire perdre de temps à la commission... Est-ce que vous avez réfléchi à un moyen de contrôle pour empêcher que ce système — parce que nous allons tous l'admet- tre, il ne s'agit pas de se conter des peurs — qui au niveau des principes est excellent, pourrait ouvrir des portes à des abus considérables?

Est-ce que le Barreau ou la Fédération des avocats se sont penchés sur cet aspect du problème? Et est-ce que vous avez des sugges- tions à faire au législateur pour trouver des moyens d'empêcher que les fonds publics soient dilapidés — peut-être est-ce un peu fort — mais qu'il y ait une certaine hémorragie des fonds publics avec le système que vous proposez?

M. ROBERT: Sur la question des coûts, j'aimerais répondre à votre question. D'abord, j'aimerais faire un certain nombre de remarques préliminaires sur le coût comme tel. Il est bien évident, à première vue et pour un premier temps, qu'un régime complet de Judicare coû- terait plus cher qu'un réseau de cliniques juridiques.

M. HARDY: De quel ordre, selon vos évalua- tions?

M. ROBERT: Cela dépend du nombre de cliniques qui seraient instaurées et cela dépend du genre de services qu'on veut donner à la population. On sait que le système ontarien a coûté... à mon point de vue, un système Judicare pourrait coûter environ $8 millions ou

$9 millions par année.

M. HARDY: Sur quoi s'appuie ce montant?

M. ROBERT: Il s'appuie sur l'expérience ontarienne ou à peu près.

M. HARDY: Est-ce que vous tenez compte de la psychologie du Québécois en regard de la psychologie de l'Anglo-Canadien?

M. ROBERT: Je vous avoue que je n'ai pas tenu compte de ce facteur. Il y a des francopho- nes en Ontario, il y a trois comtés complets.

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M. SPRINGATE: Heureusement qu'il y a des francophones au Québec, aussi!

M. LE PRESIDENT: Le député de Lafon- taine.

M. ROBERT: Si vous me le permettez, il est bien évident qu'à court terme, ça coûtera plus cher; est-ce qu'à long terme, cela va coûter plus cher? J'en doute, parce qu'un réseau de clini- ques juridiques qui va s'étendre va se fonction- naliser jusqu'à un certain point. A ce moment- là, je pense que c'est passablement plus cher à long terme et il faut toujours apprécier le coût en regard de la quantité de services parce qu'il y a le coût global, le coût absolu et le coût relatif.

M. HARDY: Il s'agit de payer avec les ressources dont on peut disposer comme collec- tivité.

M. ROBERT: Comme collectivité, si on n'a pas les moyens de se payer un système complet maintenant, à ce moment-là il ne faut pas sacrifier les principes. Instaurons un système limité et augmentons-le graduellement, comme on l'a fait pour l'assurance-maladie. Le régime d'assurance-maladie, que je sache, n'était pas complet et ne l'est pas encore. On ajoute graduellement des services d'après les ressources dont on dispose. Si, comme collectivité québé- coise, on n'a pas les huit, neuf ou dix millions nécessaires, je pense que ça devient une ques- tion de priorité — je pense qu'on l'a — si on a

$3 millions pour l'assurance-santé animale qu'on distribue aux vétérinaires en vertu d'une entente, je pense qu'on aurait peut-être $8 ou

$9 millions pour la justice et pour les citoyens.

C'est une question de priorité que vous, du gouvernement, aurez à décider mais, si nous n'avons pas les ressources, nous répondons à ce moment-là: Ne sacrifions pas les principes que nous défendons. Instaurons un régime limité et augmentons-le graduellement pour le rendre de plus en plus complet.

M. HARDY: Dans votre esprit, si on allait dans la voie que vous venez de tracer, qu'est-ce que vous verriez comme service primordial?

Quels seraient les premiers services...

M. ROBERT: Ce serait le droit criminel parce que la liberté des gens est eu danger; ceci serait prioritaire à mon point de vue. Le deuxième aspect serait peut-être les relations matrimoniales. C'est une opinion personnelle, on n'a pas fait de recherche là-dessus. Quant à votre deuxième question, à savoir comment éviter les abus, je tiens à dire immédiatement qu'il est vrai qu'un tel système peut engendrer des abus. Il est vrai que l'autre système aussi peut engendrer des abus.

M. HARDY: Il en engendre actuellement.

M. ROBERT: Cela dépend du rôle que l'avo-

cat a dans une société. Est-ce que l'avocat doit être l'animateur socio-culturel ou s'il doit ren- dre des services juridiques? Je n'ai rien contre le fait que des gens pensent qu'un avocat doit avoir un rôle plus grand que celui de rendre des services juridiques. Personnellement, je n'ai rien contre ça, mais je dis qu'à ce moment-là ils vont pratiquer leur profession dans un système égal ou équivalent à celui dans lequel nous vivons de sorte que nous serons au moins des concurrents égaux sur le plan du marché. Les abus sont possibles, c'est évident. Cela devient une ques- tion de négociations, de l'entente. En d'autres mots, c'est l'entente qui prévoira des mécanis- mes précis pour réprimer le plus possible les abus en question.

M. HARDY: Des avocats et des justiciables.

M. ROBERT: Exactement. Il y a des conseils d'arbitrage qui sont créés par le projet de loi.

M. HARDY: Les premiers abus qui me vien- nent à l'esprit ne sont pas tellement encore pour la question du coût mais plutôt pour le nombre de cas, c'est-à-dire que beaucoup de gens, — c'est le spectre qui me hante — qui ne sont pas éligibles à l'assistance judiciaire trou- vent le moyen d'y aller un peu comme... Vous savez l'expérience que nous avons avec l'assis- tance sociale nous rend, moi en tout cas, très craintif.

M. ROBERT: Là, ça devient une question administrative. Est-ce que vous croyez qu'ac- tuellement les bureaux d'assistance judiciaire vérifient vraiment? On leur demande: Est-ce que vous avez un emploi et est-ce que vous gagnez un revenu? Si la personne répond non, elle devient admissible. On n'a pas le temps, on l'a dit à plusieurs reprises, de faire des enquêtes.

Il ne faut pas blâmer ces gens, ils n'ont pas l'appareil administratif.

M. HARDY: Justement, c'est à partir de cela: en constatant que des gens qui sont à salaire n'ont aucun intérêt à augmenter leur volume de travail.

Je pense qu'on admettra cela. Les gens qui sont dans les cliniques, en ce moment, sont payés à salaire. Ils n'ont pas nécessairement d'intérêt à augmenter leur volume de causes.

Même dans cette situation-là, on constate, je pense, qu'il y a des abus, qu'il y a des gens qui se prévalent des services de ces cliniques, alors qu'ils n'y sont pas admissibles. A plus forte raison, la nature humaine étant ce qu'elle est, les avocats faisant partie de l'ensemble de l'humanité, lorsque les avocats seront payés à l'acte, il y aurait une certaine possibilité que des gens qui ne sont pas nécessairement admissibles soient acceptés. Et j'irai plus loin; je ne voudrais pas être injuste à l'endroit de la profession, mais peut-être aussi que ce système Judicare pourrait entrafner des avocats à prendre des causes qui sont plus ou moins valables. Il y a toujours le principe.

(15)

M. ROBERT: C'est possible. Je vous répon- drai là-dessus que, dans le projet de loi que nous proposons, ce ne sont pas les professionnels qui déterminent qui est admissible ou qui ne l'est pas; c'est la commission administrative qui émet, si l'on veut, des cartes d'assistance juridi- que. En d'autres mots, on a divorcé l'aspect administratif de l'aspect de service juridique. La commission administrative est formée de douze membres nommés par le lieutenant-gouverneur en conseil et, à ce moment-là, il appartiendra au gouvernement et à l'appareil administratif de voir à ce que les gens ne bénéficient pas des services, parce qu'ils n'ont pas droit d'en bénéficier. La commission administrative n'est pas administrée par les professionnels, elle est administrée par le gouvernement, celui qui paie.

Le professionnel, lui, rend les services. Il est bien évident, comme vous le dites, qu'un professionnel pourrait, par exemple, prendre une cause alors que cette cause à première vue n'est pas valable. Là, cela devient un problème de qualité de l'acte professionnel. Il y a le Barreau et je pense que le Barreau s'est assez bien discipliné au cours des années comparative- ment à l'ensemble des professions du Québec.

C'est mon opinion et je suis prêt à la défendre passablement devant n'importe quelle commission parlementaire. Avec le nombre de radiations, de suspensions et d'instances discipli- naires que nous avons, je pense que nous avons assez bien fait notre travail depuis plusieurs années et même, certains avocats ont pensé que nous l'avions trop bien fait. Mais je pense que vous avez le Barreau qui peut discipliner, par l'intermédiaire de la qualité de l'acte profession- nel. Et si c'est une question de coût, la commission refusera de payer si elle trouve que c'est exagéré et, à ce moment-là, ce sera déféré à un arbitrage.

M. HARDY: C'est très habile.

M. ROBERT: Ce n'est pas habile, c'est vrai.

M. HARDY: Je ne dis pas que ce n'est pas vrai ce que vous dites, mais justement, cela a été présenté de façon très habile. Vous savez, dans la société dans laquelle on vit, les gens qui défendent des principes, on en a tous les jours;

on reçoit cela... Oui. Ce qu'on trouve moins, parmi tous les grands défenseurs de principes, souvent, ce sont des moyens pratiques d'incar- ner les principes. Vous vous défendez très bien;

vous dites: Nous, nous présentons un projet de loi et les principes, ce sera à la commission de déterminer le contrôle. Justement, vous devriez

— et je pense que c'est votre responsabilité si vous voulez être logique — en plus de présenter un projet de loi qui contient des principes, poursuivre votre réflexion, votre exercice de cogitation. Et vous devriez suggérer — je com- prends bien que ce sera la commission qui administrera cela — je pense si vous voulez qu'on puisse se pencher davantage sur les

magnifiques principes que vous nous présentez, des moyens pratiques qui pourraient être ins- crits dans une réglementation, pour atteindre ou pour contourner les craintes qui m'assaillent et qui assaillent le gouvernement vis-à-vis de la réalisation de ce principe du libre choix de l'avocat et du paiement à l'acte professionnel.

M. CHAPADOS: Avec votre permission, M.

le Président, j'aimerais tout simplement faire des commentaires de trois ordres. Premièrement

— et ceci, je crois, est susceptible d'intéresser énormément le ministère de la Justice — relati- vement au problème que vous soulevez, problè- me de coûts, je pense que la première chose à clarifier et à préciser, Me Robert l'a dit tantôt, c'est la couverture du régime. Quels types de soins vont être couverts et surtout quelles catégories de gens vont être couvertes. Et à cet égard, je pense que le projet de loi que nous vous avons présenté est extrêmement positif, puisque d'une certaine façon, même aux yeux de certains, il est limitatif.

Autrement dit, auront droit, en règle généra- le, aux services juridiques et ce, à titre: a) les détenteurs de cartes du ministère des Affaires sociales. Alors c'est précis quant aux bénéficiai- res et il faut également que ce soit précis quant aux types de services à être rendus. Je pense que c'est la première condition à remplir, pour éviter ce que vous soulignez à bon droit, une hémorragie des fonds publics. A cet égard, je soumets en toute déférence — et je me réfère à l'annexe B du document Loranger 2M — qu'il est quand même anormal que, dans une région comme Montréal, en l'espace d'un an, alors que les conditions économiques sont demeurées sensiblement les mêmes, l'on ait assisté à une hausse de services juridiques dispensés de l'or- dre de 57.5 p.c. Quant à moi, je pense que c'est le premier prérequis.

La deuxième chose, qui, d'après moi, est fondamentale, c'est que la loi ait des dents.

Quiconque enfreint la loi est passible de pour- suite.

M. HARDY: Même de prison?

M. CHAPADOS: Justement — nous le propo- sons — dans le projet de loi, il y a des articles à cet effet. L'article 48 d) dit que quiconque se rend coupable d'une infraction peut être pour- suivi en vertu de la Loi des convictions sommai- res.

M. HARDY : Apparemment, il y en a qui aiment ça aller en prison.

M. CHAPADOS: Oui. Mais ceci dit, j'ajoute pour ma part qu'une loi qui n'a pas de dents est une loi qui est inobservée et dont tout le monde va essayer de profiter au maximum. C'est le pourquoi des dispositions quasi pénales que nous vous suggérons.

Et enfin, troisièmement, il existe des moyens

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