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Article pp.321-334 du Vol.7 n°2 (2009)

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Formation professionnelle et TIC

Point de vue d'un dirigeant de grand organisme de formation

Jacques Bahry, Directeur Général du groupe CESI et président du FFFOD a répondu avec franchise et spontanéité aux questions que Claude Debon, enseignant-chercheur à la Chaire de formation des adultes du Cnam lui a proposées au nom de Distances et savoirs le - 28 mai 2009.

CLAUDE DEBON (CD) — Jacques Bahry, vous êtes président du FFFOD (forum français de formation ouverte et à distance) et Directeur Général du groupe CESI (centre d’études supérieures industrielles). En fonction de vos engagements et de votre pratique quelle place donnez-vous aux technologies numériques dans le développement de la formation professionnelle des adultes, à quels enjeux répondent-elles, et à quels objectifs concrets ?

JACQUES BAHRY (JB) — Je vais dire cela un peu dans le désordre. Une première chose c’est que je pense que l’acte de formation, ou d’enseignement d’ailleurs, c’est un peu pareil, doit être en harmonie avec son époque. Pendant des siècles la transmission du savoir se faisait oralement. Quand l’écriture est apparue, on a utilisé ce que l’on avait comme écriture. Evidemment, quand il y a eu l’imprimerie on a utilisé l’imprimerie. Aujourd’hui, il y a Internet, il y a les technologies, c’est impossible d’avoir un système où les gens, dans tout le reste de leur vie, seraient en permanence branchés et où lorsqu’ils seraient en transmission de savoir ils ne le seraient pas. Cela n’a pas de sens. D’autant plus que toutes ces technologies ne sont que des aides à l’efficacité de la transmission du savoir. C’est dissonant aujourd’hui, surtout pour des publics jeunes, de ne pas utiliser des outils technologiques, des outils de communications auxquels ils ont à « faire avec » dans tout le reste de leur vie.

Il y a un grand professeur américain qui s’appelle Prensky je crois, qui a dit – il devait avoir à peu près mon âge – « notre génération sera toujours celle d’émigrés dans le monde numérique, alors que les jeunes sont des autochtones dans le monde numérique ». Et je crois que par rapport à ces autochtones du monde numérique c’est simplement impensable que le dispositif de formation n’utilise pas aussi les possibilités du numérique.

Ce que je vous dis a l’air très général, mais à mes yeux est tout de même très important. Cela veut dire que ce n’est pas simplement céder à un phénomène de mode, c’est mettre les moments de formation au diapason du reste de la vie.

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Ensuite je dirais que pendant les vingt dernières années le développement des outils technologiques, pour aider à la formation, s’est fait avec des objectifs de formation qui restaient les mêmes. Et la technologie avait surtout comme but de pouvoir répondre à des besoins de plus en plus massifs. Je crois qu’une des caractéristiques de ces vingt dernières années, est que l’on a assisté à une augmentation extraordinaire des besoins de formation, et que par rapport à ce phénomène on ne pouvait pas avoir une augmentation proportionnelle des financements de la formation. On a besoin de former les jeunes, de les former davantage, on a besoin de former les seniors, ceux qui ne sont ni jeunes ni vieux, on a besoin de former ceux qui sont au chômage, ceux qui sont salariés, ceux qui sont sortis trop tôt de l’enseignement initial, ceux qui sont sortis entre deux, enfin on a besoin de former tout le monde, et en permanence… Cela a constitué un grand défi auquel il fallait répondre et pour lequel les technologies ont été sollicitées. Elles ont apporté des solutions peu satisfaisantes parce qu’une sorte de mensonge s’est répandu : cela devait coûter moins cher, et l’on ferait des économies d’échelle. Le problème c’est que pour faire des économies d’échelle il faut avoir des centaines de milliers de stagiaires, en tout cas beaucoup. Et qu’en réalité la situation de formation se décompose en une multitude de petites séquences de formation et on a rarement cent mille personnes, ou mille personnes à former à la même chose, et on n’a pas assez vu qu’avec l’utilisation de ces nouvelles technologies ce n’était pas tant l’économie qu’elles représentaient qui était intéressante, mais l’amélioration du processus d’acquisition des savoirs, autrement dit, la performance pédagogique.

L’élément nouveau depuis deux ou trois ans, c’est qu’à ce phénomène de massification des besoins s’est ajouté un phénomène de besoin d’individualisation.

Par rapport à ce besoin, l’utilisation des nouvelles technologies en matière de formation rend possible ce qui sans cela était impossible. Jusque là, lorsqu’on parlait d’individualisation de la formation on avait l’idée du précepteur, du cours particulier. Grâce aux nouvelles technologies on a la possibilité de combiner des parties communes et des parties très individualisées. Et cela ça redonne une raison supplémentaire et essentielle de faire évoluer tous les dispositifs de formation, en s’appuyant sur les nouvelles technologies… « nouvelles »… je n’aime pas le terme parce qu’elles ne sont pas si nouvelles que cela… à propos des NTIC !

En fait il y a deux approches de la formation. Il y a une approche que j’appellerai

« séculière », celle dont je parle, c'est-à-dire que l’on fait la formation dans le monde ouvert, tel qu’il est, en s’appuyant sur cet environnement. Et il y a une autre approche qui d’ailleurs est une tradition aussi, une tradition monastique : on coupe l’apprenant du reste du monde. On l’entoure, on le préserve, et c’est pour cela que je l’appelle monastique - cela a d’ailleurs souvent été pratiqué par des courants religieux - et on le formera d’autant mieux qu’il sera coupé du monde pendant sa formation. C’est ce que l’on trouve dans un certain nombre d’institutions actuellement. Evidemment, ce dont je parle, ce à quoi je me réfère, c’est la première approche – sans entrer d’ailleurs dans le débat de la seconde qui a aussi certaines

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vertus d’évidence, mais qui est autre chose et qui dans l’ensemble ne prétend pas répondre à des besoins de masse, mais peut répondre à des besoins d’élite.

CD — Est-ce que vous allez jusqu’à l’idée que l’on peut supprimer les murs de la formation ? Quand on parle de formation ouverte et à distance, on peut se demander quelle place on maintient ou non au centre de formation, à la formation intra, à l’intérieur des murs.

JB — Pour ma part, je crois très profondément à la pertinence des formules mixtes. Je crois très profondément qu’il ne faut pas être sectaire : il faut rechercher un bon équilibre entre les deux, qui varie selon les sujets, qui varie selon les domaines, selon les profils de l’apprenant… les deux ont de l’intérêt. On comprend bien quand on voit la société d’aujourd’hui telle qu’elle est, le risque, pour une formation qui est trop « dans le monde », de tomber dans le zapping. Et je pense que pour se former il y a des moments où il faut savoir être concentré et être un peu à l’abri. Cela me paraît très important. Si l’on se trouve devant son ordinateur il faut rester sur son sujet, il ne faut pas profiter du fait que l’on est devant son ordinateur pour aller voir les sites sociaux, Google et tout ce que l’on veut – il faut de la concentration. On s’aperçoit aujourd’hui que la concentration devient une vertu difficile, parce que nous sommes complètement dans une société de zapping.

CD — Venons-en plus précisément au CESI, organisme de formation d’ingénieurs, de cadres, de techniciens. Les technologies y sont présentes dans différents types de formation. Pouvez-vous donner un ou deux exemples de leur usage, de leur intérêt dans les pratiques ?

JB — Il faut rappeler que le CESI est un organisme qui propose très majoritairement des formations longues et des formations qualifiantes. Tout ce que je vais dire par la suite ne convient pas forcément pour des formations courtes.

Parmi les formations du Cesi, de nombreux domaines sont abordés : aussi bien des formations en ressources humaines que des formations d’ingénieur bien sûr, que des formations en gestion de production que, maintenant, énormément de formations en informatique, et pour chacun de ces domaines les choses sont un peu différentes.

A la différence d’un certain nombre de nos concurrents, nous avons décidé pour l’instant de ne pas devenir nous-mêmes producteurs de ressources pédagogiques, de ne pas devenir éditeur. Aujourd’hui des organismes éminents, membres de la FFP, que je respecte complètement, ont racheté des maisons d’édition de ressources pédagogiques. Nous, nous essayons plutôt d’être dans des opérations de partenariat avec des éditeurs dont c’est le métier.

Chez nous, nous avons abordé les technologies par l’informatique, au travers de notre offre de formation en informatique.

Le e-learning est un secteur où nous avons la chance de disposer d’outils assez remarquables, élaborés par Cisco par exemple. Le Cesi est « Académie Cisco ». Ainsi on a tous les outils pédagogiques développés par les ingénieurs de Cisco. Cela implique d’avoir dans chacun de nos centres un certain type de matériel qui nous est imposé, cela

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implique aussi que nos formateurs aient suivi une formation chez Cisco pour devenir formateur sur les outils Cisco. Nous disposons maintenant de la même chose avec Microsoft, avec la mise à disposition de tous leurs outils e-learning pour apprendre le

« Microsoft », de même avec Oracle et d’autres, sans parler du logiciel libre.

Cela se passe de deux manières, et ces deux manières, nous les retrouvons un peu partout. Ce sont à la fois des outils d’animation de présentiel, et des outils de travail solitaire, et pour moi la notion de travail solitaire est plus importante que la notion du « à distance », parce que très souvent cela se passe simplement dans un centre de ressources qui est à côté de la salle de formation. Les apprenants ne sont pas nécessairement chez eux, ils ne sont pas forcément en dehors du CESI. Mais il s’agit de temps libre.

De même, par exemple en langue, nous travaillons avec AURALOG, nous avons mis à disposition dans tous nos centres les outils « Tell me more », qui permettent à nos stagiaires de travailler autant qu’ils veulent, tout seul, pour se perfectionner.

Cela peut aussi être fait chez eux. Mais il y a un peu une mythification de la formation à domicile… je ne suis pas certain que la formation à domicile soit tellement essentielle. Il ne faut pas oublier que pour faire de la bonne formation à domicile il faut avoir un domicile qui s’y prête. Il faut un mode de vie assez riche si j’ose dire, pour pouvoir organiser sa vie chez soi de manière à pouvoir s’y former tranquillement, sans parler du problème de l’équipement qui aujourd’hui n’est plus le problème majeur d’ailleurs – parce qu’on arrive à faire des choses tellement fantastiques avec les portables… mais ce n’est pas si simple de travailler chez soi.

Quand on arrive chez soi en réalité, on est immédiatement sollicité par une multitude de choses. Et effectivement, si vous êtes un père de famille avec une femme qui ne travaille pas pour s’occuper de tout, si vous avez des chambres séparées, où les enfants sont tenus, c’est autre chose. Mais pour la plupart des gens ce n’est pas exactement comme cela lorsqu’ils rentrent du bureau.

Il y a des limites à ce que je dis ; et il est vrai par exemple que beaucoup de personnes ont installé un bureau chez eux, travaillent chez eux, pratiquent le télétravail. Bien évidemment, si le domicile est organisé pour du télétravail, on peut très facilement s’organiser pour de la téléformation. Mais ce n’est quand même pas le cas pour la majorité d’entre nous.

En revanche, et c’est pour cela que j’insiste plus sur la formation en solitaire, en centre de ressources ; je ne sais pas s’il faut l’appeler de l’autodidaxie.

Je m’aperçois aussi que d’autres mythes ont la vie dure dans les entreprises. C’est le mythe du « travail à domicile », le mythe de la « formation sur son poste de travail ».

D’ailleurs les employeurs n’apprécient pas ces modalités, même si certains racontent autre chose dans les tables rondes. Dans la pratique, ils préfèrent que lorsque le salarié est sur son poste de travail, il travaille, et quand il est en formation il va dans la salle de formation ou dans le centre de ressources. Cela permet de mieux discerner les moments où il est en formation, de telle heure à telle heure, et ceux où il travaille.

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CD — Vous voyez bien un travail qui n’est pas forcément à distance chez soi, mais un travail en centre de formation, où la personne est confrontée à sa formation avec des outils mis à disposition, qui sont à disposition pour elle.

JB — Ce qui est formidable dans la FOAD, c’est quoi ?

C’est l’individualisation : vous pouvez suivre une formation que vous serez seul à suivre, où il n’est pas nécessaire qu’il y ait dix personnes avec le même besoin, au même moment. Et le deuxième élément, qui est aussi un élément fondamental, c’est que si vous êtes lent, vous prenez du temps, et si vous êtes rapide vous ne perdez pas de temps. Parce que quand vous êtes dans un groupe, et cela tous les gens qui font de l’enseignement ou de la formation le savent, vous avez une durée de la formation et vous avez toujours 20% du groupe qui perd son temps parce qu’il a fini avant, et 20% du groupe qui aurait besoin de plus de temps parce qu’il est plus lent.

L’énorme avantage de la formation ouverte et à distance, ou du e-learning, c’est justement de répondre à ces différences de rythmes J’aurais tendance à défendre les personnes lentes, parce que nous vivons dans une société qui privilégie tellement la rapidité aujourd’hui… ça va avec le zapping d’ailleurs ! Les qualités qui sont appréciés c’est la vitesse, celui qui comprend vite, qui pige vite, qui fait tout vite quoi… qui apprend vite. Je crois que c’est donc très important aussi de revaloriser la lenteur qui souvent est aussi accompagné d’un peu plus de profondeur. Hélas, le regard des rapides sur les lents achève de les handicaper. Et le fait d’être seul, de pouvoir prendre son temps si l’on n’a pas bien compris, de pouvoir revoir, ou de recommencer, cela me paraît très positif.

Je viens de parler des formations longues, mais nous proposons aussi des formations plus courtes, pour lesquelles, dans notre prochain catalogue, nous avons dû rajouter quelques modules en e-learning, permettant d’aborder une spécialisation supplémentaire dans tel ou tel domaine. Dans une formation au management, si quelqu’un veut rajouter un peu de « qualité » par exemple, il y aura un module e-learning de qualité. Si ce n’est pas cette année, ce sera certainement l’année prochaine.

Cela constitue un complément qui permet d’avoir à la fois des formations en groupe en présentiel et des compléments individuels. Là-aussi, ce sera grâce à un partenariat avec un éditeur, ce ne sera pas en étant nous-mêmes éditeurs.

Il y a un élément de base, il est tellement connu, c’est le « à distance », l’intérêt du « à distance ». Par exemple, nous avons des stagiaires Guyanais qui ont suivi des préparations de formation d’ingénieur. Si on n’avait pas mis en place un système à distance dans le domaine des préparations de formation d’ingénieur permettant de les suivre de Kourou, ils n’auraient pas pu. Je ne vous en ai pas parlé parce que c’est basique.

CD — Cela leur permet de se préparer et ensuite ils viennent suivre une formation sur place.

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JB — Oui, ce que l’on a mis en place, parce que cette fois-ci nous avons été nous-mêmes producteurs de la formation concerne la préparation à nos formations d’ingénieur, qui n’est pas la formation d’ingénieur elle-même. Dans la formation d’ingénieur elle-même il y a des modules qui sont individualisés, mais ce qui est mis à distance, qui existe aussi en présentiel depuis toujours, c’est le cycle préparatoire.

CD — Pouvez-vous préciser en quoi les technologies transforment votre métier ? Vous n’êtes pas éditeurs, vous utilisez des ressources produites par d’autres. En quoi cela transforme les dispositifs de formation et le rôle des formateurs ?

JB — Cela transforme beaucoup le métier de « mauvais formateur ». Celui qui fait semblant de tout savoir, et qui considère que sa compétence professionnelle est basée sur le fait qu’il sait tout et que ses élèves ne savent rien… Quand on est devant un public d’adultes, le public du CESI… nous avons des gens qui arrivent tous avec une expérience, sachant déjà beaucoup de choses. Et ce n’est pas honteux pour le formateur, au moins d’en savoir moins que ses stagiaires. Donc un bon formateur d’adultes a passé cette étape d’orgueil et il sait où il doit mettre son professionnalisme. Le problème c’est qu’ils ne sont quand même pas tous comme ça et que ce qui passe plus ou moins bien avec le présentiel, surtout si le formateur a quand même du charisme et est bon animateur, brillant- je disais

« rapide » tout à l’heure je dis maintenant « brillant » - il répond du tac au tac etc. en e- learning, cela ne marche pas.

En e-learning il faut une attitude plus humble et il faut une attitude d’accompagnement.

Pour moi il y a quelqu’un qui a tout compris dans la formation, notamment la formation d’adultes c’est Aristote. Voici une citation fort intéressante d’Aristote. Il dit dans « la Physique » qu’il y a deux formes de transformation. Il y a le mode de transformation du potier, et il y a le mode de transformation du jardinier. Le potier prend la matière inerte, et il lui donne la forme qu’il veut. La transformation du jardinier est d’un autre ordre, parce que dit-il : « le vivant se forme de lui-même », et donc lui, crée l’environnement favorable pour que la fleur fleurisse. Et il conclut en disant : « l’éducation est de ce deuxième type ». C’est formidable ! non ?

De même, je trouve que l’on ne dit pas assez que les anglais et les américains ont parlé d’emblée de e-learning ; ils n’ont pas parlé de e-teaching ni de e-training, seulement de e-learning, ce qui renvoie précisément à ce que dit Aristote. Autrement dit l’acte, c’est l’acte de celui qui apprend, le formateur l’aide à apprendre.

L’intérêt du e-learning, c’est justement la possibilité de ne pas être en e-training.

Ce n’est pas la machine qui vous forme, c’est vous qui vous formez, et la machine vous aide, qui vous donne des ressources.

CD — Ce travail du tuteur, vous parlez du jardinier… vous voyez plutôt un travail en collectif avec un formateur présent et des temps où les apprenants travaillent seuls…

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JB — Il y a quelqu’un avec qui je suis en plein accord c’est Philippe Carré, et tout ce qu’il a écrit sur « l’apprenance ». Le mot apprentissage, hélas en français, a été réquisitionné par le code du travail, le code de l’éducation, et maintenant le mot apprentissage cela définit les dispositifs d’apprentissage, le financement de l’apprentissage… c’est autre chose. Si on veut prendre le mot au sens propre du fait d’apprendre c’est vrai que le mot « apprenance » permet d’éviter la confusion avec le mot apprentissage, et je crois que ça c’est très important.

Lorsqu’on est dans le domaine du e-learning et de la formation ouverte et à distance on est complètement dans cette logique-là.

CD — Comment définiriez-vous peut-être plus précisément le rôle du formateur, dans ce contexte là ?

JB — Alors, c’est d’aider. En fait, lui aussi c’est un homme ressource, mais pas un homme ressource sur tous les contenus de la terre que l’on peut imaginer, c’est de l’accompagnement d’auto-formation. C’est l’accompagnateur de l’auto-formation.

Le stagiaire s’auto-forme, avec les outils qu’il a, et il y a quelqu’un qui l’accompagne, un peu comme un bon bibliothécaire peut le faire. J’appelle un bon bibliothécaire celui qui connaît les livres qu’il a dans sa bibliothèque. Avec Internet on ne peut pas connaître tous les livres, alors on peut connaître les endroits où chercher… c’est une sorte de coach.

CD — Et vous le voyez même quand il y a des temps collectifs ? Où il peut y avoir des outils, des ordinateurs à disposition ? Dans un certain nombre de cours magistraux qu’assurent les formateurs, on peut utiliser les technologies. Voyez-vous cette dimension-là ou voyez-vous seulement le stagiaire qui a son ordinateur ?

JB — Je suis contre toutes les visions uniformes. Je crois vraiment qu’il faut adapter chaque situation pédagogique… je n’ai absolument rien contre un cours didactique… c’est un moment, mais évidemment il faut que le formateur en question soit bon, que ce soit intéressant. Si c’est pour lire son polycopié comme c’est le cas trop souvent en faculté, ce n’est pas très intéressant. On peut très bien le faire sur Internet.

Je crois surtout qu’il n’y a pas de règle générale. Il y a aujourd’hui, notamment grâce aux technologies, toute une panoplie de moyens différents. Le bon formateur c’est celui qui va choisir dans cette panoplie de moyens ceux dont a besoin cet apprenant-là, compte-tenu du domaine, compte-tenu de son profil d’apprentissage, compte-tenu de son parcours, compte-tenu de la réalité de ce qui est à disposition…

s’il n’y a plus d’électricité il faut allumer des bougies. A chaque fois c’est très concret finalement.

C’est d’ailleurs une des lectures qu’on peut faire de ce qui a été réalisé au FFFOD il y a cinq ans : un référentiel de bonnes pratiques du e-learning. On l’a fait avec l’AFNOR, et globalement c’est cela qui est dit.

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Il ne faut pas être sectaire, tout peut être utile. Le plus difficile pour le formateur c’est de choisir le plus utile compte-tenu de la situation concrète dont il s’agit. Et cela ça implique quand même qu’il sache pas mal de choses.

CD — Dans vos propos vous prenez surtout la référence d’un individu qui apprend. Un formateur peut aussi avoir un collectif avec lui. Il y a des limites à l’individualisation et le collectif peut avoir des vertus pédagogiques importantes.

On peut souligner avec Philippe Carré les limites de l’auto-formation, les risques de solo-formation.

JB — Souvent au CESI on est amené, et de plus en plus, à mixer des publics, et notamment des publics adultes et des publics jeunes, et ce que j’essaye d’impulser c’est d’utiliser les adultes, qui savent toujours quelque chose… pour l’enseigner eux- mêmes.

Il y a avait dans le temps les écoles à maître unique dans les villages, regroupant des enfants de tous âges, ceux de 9 ans apprenant à ceux de 6 ans – c’est aussi la meilleure manière d’apprendre d’avoir à apprendre quelque chose à quelqu’un.

Par exemple nous proposons des formations en ressources humaines. Dans ces formations on a à la fois des jeunes qui sortent de l’université et des expérimentés qui ont déjà été en entreprise, même si ce n’est pas toujours dans un service de ressources humaines. Il est évident que ces personnes-là, si on les met toutes sur le même plan, vont regretter d’être là, et vont avoir l’impression à certains moments de perdre leur temps. Si au contraire on utilise leurs savoirs pour aider les autres ça leur fait faire de grands progrès. Et ça, nous l’avons également par la technologie, parce que l’une des choses que l’on constate au CESI, ce que l’on dit depuis longtemps dans les colloques pédagogiques et qui maintenant s’avère concret, c’est le fait que dans la performance pédagogique il y a la relation maître-élève, il y a la relation élève-maître, et il y a la relation élèves entre eux. Celle-là, nous la développons aujourd’hui beaucoup grâce aux TIC qui font par exemple que tous nos élèves ingénieurs sont en réseau. On encourage cela. Et on voit bien qu’ils se posent des questions s’ils n’arrivent pas à faire quelque chose, celui qui sait apporte la réponse.

C’est le principe que nous appliquons aussi dans notre école d’informatique l’Exia.Cesi… Et l’on y mesure à quel point ce type d’approche est très important.

CD — Vous venez de présenter des développements de l’usage des technologies notamment dans le cadre du CESI. Vous apparaissez comme très positif par rapport à ces usages qu’il faut contrôler mais qui contribuent fortement pour vous à l’efficacité des apprentissages des adultes que vous formez. Est-ce que nous pouvons prendre une autre perspective et regarder du point de vue des problèmes qui peuvent se poser, du côté des formateurs, ou des stagiaires, ou du côté de la réinsertion professionnelle de la personne, de l’environnement professionnel… ? Comment voyez-vous cela ?

JB — Par rapport à la réinsertion professionnelle il n’y a pas de problème particulier. Au contraire, tant qu’on améliore la performance pédagogique on

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améliore la réinsertion professionnelle. Par exemple, dans notre école d’informatique qui s’appelle l’EXIA CESI, Ecole supérieure d’informatique appliquée, nous avons mis en place toute une pédagogie qui est basée sur ce que les anglais appellent

« problem based learning » - PBL, en français on appelle ça APP, l’analyse par problème. On a bâti toute une pédagogie sur cinq ans qui est fondée là-dessus. Ca veut dire qu’on fait travailler nos étudiants en groupe sur des problèmes, pour lesquels, ensuite, ils vont chacun de leur côté, ou ensemble mais sur Internet, chercher des informations, des ressources et des solutions. Le résultat c’est que cette approche pédagogique connaît un énorme succès de la part des entreprises, parce que c’est, je crois, une des rares formations d’informaticiens qui met à leur disposition une race recherchée d’informaticiens : des informaticiens qui savent travailler en groupe, des informaticiens qui savent communiquer.

Parce qu’on le voit quand ils arrivent ! Quand ils entrent dans cette école ce n’est jamais innocemment. Ce sont déjà des jeunes qui sont fanas d’informatique, qui restent toute leur vie devant leur écran… ils sont autistes devant leur écran… ce sont des gamins, ils ont 18 ans, après le bac, et c’est évident que même en se spécialisant en informatique lorsqu’on reste comme ça autiste devant son écran, dans un collectif de travail - parce l’entreprise c’est toujours un collectif de travail - là on pose des problèmes. Et justement pour nous un des apports des utilisations de cette pédagogie PBL c’est d’avoir réussi à faire des informaticiens qui savent communiquer et qui savent travailler en groupe, qui savent s’insérer dans un groupe de travail où chacun a un rôle différent. Mais tout se fait dans un environnement totalement

« technologies de l’information »… Par exemple dans cette école, on a du didactique, pas beaucoup, mais évidemment le didactique il est à distance. C'est-à- dire qu’on prend un conférencier de haut niveau, il n’y en a pas beaucoup, on peut les payer assez cher, on choisit de grosses pointures, et leurs interventions sont diffusées simultanément dans nos douze centres - on met en œuvre une formation synchrone, sur le modèle napoléonien : ils font tous la même chose dans les douze centres au même moment. Cela permet d’avoir des moments où on les met tous en réseau. Je ne sais pas s’ils sont toujours tous parfaitement synchrones, mais peu importe… De la même façon, on les alimente en études de cas.

CD — Ils reçoivent individuellement ou collectivement ? Il y a un formateur qui accompagne ?

JB — Il y a un formateur, oui, mais le formateur est plus le garant d’une méthode que celui qui doit tout savoir. D’autant plus que ces diables de gamins, ils en savent des choses ! C’est impossible pour un formateur aujourd’hui de savoir plus de choses que l’ensemble d’un groupe de gamins qui passent leur vie sur l’ordinateur.

On a beaucoup progressé aujourd’hui pour dépasser les problèmes techniques qui peuvent se poser avec les technologies. On a aussi amélioré l’ergonomie sur les quinze dernières années, Par exemple au début du FFFOD, l’un des grands sujets c’était le formateur qui avait peur : ils avaient peur de perdre leur job, ils avaient peur de ne pas savoir utiliser la machine, ils avaient peur. On parle de moins en moins de cela. On a

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presque le problème inverse, c'est-à-dire qu’ils croient tellement que c’est simple… il y a quand même à mes yeux un professionnalisme du formateur avec l’e-learning. Je retiens ce que disait Jacques Naymark, il est à l’AFPA maintenant, et l’un des vices présidents du FFFOD, à partir de notre travail sur le référentiel de bonnes pratiques :

« dans le fond la FOAD c’est la même chose que la formation mais poussée à son paroxysme », il voulait dire en termes d’exigence de méthode.

Qu’est-ce qu’on demande par exemple ? On demande d’avoir bien défini le profil de l’apprenant : entre-nous cela ne ferait pas de mal, dans toute formation, de bien définir le profil de l’apprenant ! Mais à distance, etc. c’est impératif. C’est cela qu’il veut dire en disant que c’est paroxystique. Et je crois que de ce point de vue là, le bon formateur capable d’exploiter toutes les possibilités du e-learning c’est le vrai professionnel de la formation. Le e-learning rend nécessaire un professionnalisme complet, alors que le présentiel permet beaucoup de rattrapage « par les branches », parce qu’on a du charisme, parce qu’on a de l’humour, parce qu’on parle bien, parce qu’on a de la présence etc. ! A distance cela ne marche pas ! Donc il faut vraiment être rigoureux - en présence aussi d’ailleurs.

CD — Je rebondis sur la question du professionnalisme : comment l’accompagnez-vous, comment formez-vous vos formateurs, comment les aidez-vous à devenir ces professionnels performants ? Puisque justement l’usage des technologies doit les amener à être encore meilleurs.

JB — Je mets une autre de mes casquettes : je suis président de l’Observatoire des métiers de la formation, qui est une structure qui dépend de la Commission paritaire nationale de l’emploi, du secteur de la formation. Là on est en train de faire une grande étude, qui est menée par des gens de Centre Inffo, et par des gens d’Interface. On réalise une cartographie des métiers de la formation aujourd’hui, avec quelques approches prospectives. On n’a pas encore les résultats. Je pense qu’on les aura à la fin de l’année. Il y a deux hypothèses, deux modalités.

L’une c’est l’enrichissement et la professionnalisation des formateurs, l’autre, c’est le recrutement de spécialistes différents. Ou bien ce seront les formateurs qui se transformeront, en s’améliorant, ou bien on recrutera des gens autres. Et ce mouvement-là n’est pas propre au e-learning, il est propre à toute l’évolution des métiers de la formation des quinze dernières années. Par exemple, il y a quinze ans on disait des formateurs qu’ils devaient être commerciaux, parce qu’on avait besoin de développer du chiffre d’affaire. Dans bien des cas maintenant on s’aperçoit qu’on a un peu renoncé… on a recruté des commerciaux à côté. On disait que les formateurs devaient être gestionnaires… dans bien des cas on a renoncé, on a recruté des gestionnaires à côté. Et on commence à avoir un peu la même chose avec les centres de ressources, avec l’animateur de centre de ressources. C’est un métier. Ce peut être un formateur qui l’anime, mais cela peut aussi constituer un nouveau métier. Et là, je n’ai pas de réponse. D’après moi il n’y aura pas de réponse définitive.

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CD — Donc vous pensez qu’il peut, pourrait, y avoir disparition des formateurs ?

JB — Non, réduction. Sûrement pas disparition. Je ne crois pas à des formules uniformes. Nous sommes définitivement dans le « blended », et on va être de plus en plus « blended ». Ca dépend des sujets.

En ce moment nous préparons un nouvel événement, les Huitièmes Rencontres du FFFOD, qui se dérouleront du 13 au 15 janvier 2010 à Strasbourg, à la Maison de la Région Alsace. Cela peut intéresser votre revue [D&S], le Cned est quand même très présent dans ces instances – et un des sujets c’est le « serious game », avec les petits personnages que l’on appelle des avatars…

En réalité, pour moi, ce que j’ai vu de ces « serious games », enfin lors de rencontres nationales, c’est que cela se rapproche de tout un grand volet de l’histoire de la formation qui a été un peu oublié ces derniers temps, qui est la simulation. Ce qui est différent du e-learning, même si cela fait appel aussi aux TIC, ce n’est pas du même ordre… Le e-learning reste beaucoup autour de la transmission de savoir plus ou moins pédagogiquement présentée. Le « serious game » cela ressemble aux simulations, cela ressemble aux études de cas aussi. Les études de cas, ça existait bien avant toute technologie. Cela ressemble évidemment au jeu, au jeu pédagogique. Les simulations ont toujours été de la technologie, mais souvent de la haute technologie beaucoup trop coûteuse quand on faisait des simulateurs de vol pour Airbus, quand on fait des simulateurs de tirs de tank… c’est de la technologie lourde. On n’a jamais pensé à utiliser cela dans des formations plus classiques.

Là, avec le « serious game » on est quand même dans les mêmes principes, on simule une situation. On voit que les technologies ont permis ces « serious games » qui restent encore un peu coûteux. C’est plus coûteux que le e-learning classique, mais ça va l’être de moins en moins. C’est une nouvelle ouverture sur une famille d’outils pédagogiques extrêmement intéressante.

Tout cet ensemble, simulation, jeu pédagogique, étude de cas, est extrêmement performant.

C’est un mode d’apprentissage qui est extrêmement intéressant puisque on vous met en situation d’essayer. Le dernier « serious game » que l’on regardait c’était de la technique d’entretien : avec un bonhomme, un autre petit bonhomme et puis on envoyait des instructions et en fonction des instructions il y avait telle ou telle réaction de l’autre petit bonhomme…

CD — Finalement vous n’observez pas vraiment d’usages problématiques de ces technologies, hormis peut-être la question du professionnalisme des formateurs.

Vous voyez plutôt des développements possibles, intéressants, notamment avec les serious games.

JB — Ce qui est problématique, c’est l’erreur humaine, et c’est la tendance générale à croire que quelque chose peut être uniforme et général ou généralisée. Et

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bien non, il y a des formations que l’on n’a pas besoin de faire comme cela. Ce serait idiot. On ne peut pas tout faire comme ça.

Il y a des enseignements que l’on peut très bien laisser en didactique. L’objectif c’est d’apprendre, de transmettre du savoir. On a la chance aujourd’hui d’avoir beaucoup plus de possibilités, il y a plus de manettes, de dispositifs, d’outils pour améliorer cette transmission du savoir - le savoir c’est évidemment le savoir, le savoir faire, le savoir être, toutes les sortes de savoirs. Le risque que je vois ce sont les gens qui, parce qu’ils ont aimé une modalité, ne font plus que cela. Et alors ils vont réfléchir… « est-ce que ça marche dans tous les cas », puis ils vont tricher, et dire oui ça marche dans tous les cas, parce qu’il y a des ayatollahs de cela, alors que ce n’est pas vrai. Il y a des cas où c’est plus simple de faire autrement.

CD — Maintenir la diversité des pratiques en fait…

JB — Le pragmatisme. Une des rencontres du FFFOD dont je suis le plus fier : en pleine bulle Internet nous avions organisé des rencontres nationales dont le thème étaient « les e-illusions ». Nous avons été les premiers à dénoncer les illusions qu’il y avait autour du e-learning. Et ensuite quand il y a eu retour de bâton, parce qu’après les illusions il y a toujours retour de bâton, on a été de ceux qui ont dit « il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain ». Ce n’est pas parce que vous y avez donné trop d’importance, que vous avez fantasmé dessus, que maintenant il faut dire que cela ne vaut rien du tout. Il faut essayer de garder un peu la tête froide.

CD — Dernière question : vous avez parlé d’une direction de la recherche.

Contribuez-vous au développement de recherches sur ces questions ? Pourquoi et si oui de quelle nature sont-elles ?

JB — Cela paraît naturel pour le CESI de participer à ce genre de choses.

Le travail que l’on lance, et que Bernard Blandin dirige, est un travail que nous menons avec Philippe Carré, et Paris X, une université leader en France…autour des environnements de l’apprentissage. Autrement dit, qu’est-ce qui, dans l’environnement, permet de motiver à apprendre, de faciliter le fait d’apprendre ? C’est une approche de recherche peu fréquentée. Il ne paraît pas grand-chose dans ce domaine. Voilà, nous en sommes là au niveau recherche.

CD — En quoi c’est important d’avoir cette orientation, ce type de recherche ? JB — Je pense avec Philippe Carré qui a écrit des ouvrages importants là-dessus, que la motivation à la formation est le vrai problème. A la limite, si on arrive à motiver les gens à s’auto-former, 80% du chemin est fait. Si on a des gens qui ne sont pas motivés, on pourra déployer tous les zinzins informatiques que vous voudrez… ce sera bien difficile.

Et donc la question de l’environnement favorable - je sors un petit peu de ce que sera ce labo et ces études, pour ça il faut vraiment interroger Bernard Blandin - il y a des gens qui ont travaillé en Amérique latine sur l’alphabétisation, et justement ils avaient pris pour motiver à l’éducation des sujets autour de l’exploitation quotidienne que vivaient tous ces paysans au Brésil. On leur a reproché de faire de la lutte des classes, mais en réalité c’était

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simplement pour adapter, pour motiver des enfants à apprendre. On vit aussi dans l’espèce de ségrégation sociale qu’on a aujourd’hui en France… on voit bien que c’est par le biais de la motivation que les différenciations se font, et dès très jeune. Je pense que Bernard fera surtout des études sur ce qui se passe en France, mais on parle de guerre de civilisation, est-ce qu’il y a effectivement des cultures qui prédisposent plus que d’autres à la motivation à apprendre ? Quelles différences entre les nations… ?

Pour ma part, je suis d’origine arménienne, je sais que dans ma famille la motivation à apprendre, de même que la motivation au travail, ça va souvent ensemble, ce n’était pas discutable, c’était naturel, dans un environnement familial qui secrétait de la valeur éducative. C’était magique !

CD — Vous pensez sur cette question de la motivation à apprendre que l’usage des technologies peut être un facteur favorable ?

JB — Si elles sont bien accompagnées, oui. En revanche, dans les familles où l’on mélange le jeu vidéo, le bling bling zappé, etc. un enfant peut parfaitement rester devant un écran qui fait plein de choses, de Facebook à Twitter, toute la journée, sans accompagnement, et ce sera nuisible. Il y a eu des études faites, à l’époque c’était sur la télévision. On croyait que c’était mauvais pour les enfants. Or ces études ont montré qu’aux enfants des classes cultivées la télévision faisait du bien, et qu’aux enfants des classes défavorisées la télévision faisait du mal. Parce qu’effectivement, quand l’enfant regarde une émission à la télévision, que ses parents présents en discutent avec lui, lui expliquent, complètent avec leur point de vue, c’est intéressant et interactif… et cela lui apprend des choses que l’on ne peut savoir si l’on n’a pas la télévision, mais ça peut aussi être complètement abrutissant dans un autre contexte familial. Et je pense que c’est la même chose, mais là aussi à son paroxysme, avec Internet. Exactement. Et ça renvoie à l’environnement.

CD — Merci

Note de Bernard Blandin en complément de l’entretien avec Jacques Bahry A l’origine du projet évoqué par Jacques Bahry se trouve la volonté exprimée par le CESI de développer des recherches sur la pédagogie et sur des problématiques en relation avec ses finalités, la formation post-baccalauréat des jeunes et des adultes.

Cette volonté s’est traduite, depuis fin 2006, par un rapprochement avec l’équipe Apprenance et formation des adultes du Centre de recherches Education Formation (CREF, EA 1589) de l’Université Paris-Ouest Nanterre La Défense où je suis chercheur associé, la création d’une activité de recherche sur les environnements d’apprentissage au CESI, et le lancement de travaux de recherche en partenariat, au départ sur les terrains offerts par les formations d’ingénieurs, et progressivement sur d’autres formations.

Ces recherches s’inscrivent dans un champ commun au CESI et à l’équipe Apprenance et formation des adultes du CREF : l’écologie de l’apprenance.

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L’hypothèse de base pour ces travaux, c’est que l’apprenance, en tant qu’ensemble de dispositions favorables à l’action d’apprendre, selon la définition de Philippe Carré, ne peut se construire et perdurer, que dans un environnement favorable, où le désir d’apprendre est encouragé et reconnu socialement, où les savoirs considérés comme socialement utiles sont valorisés et rendus désirables. Ceci – et c’est notre principale ambition – suppose donc de construire et de mettre à l’épreuve des faits un cadre conceptuel permettant de penser une « écologie de l’apprenance », c’est-à- dire les conditions (matérielles, psychiques, sociales…) qui favorisent ou qui inhibent le développement et la persistance d’une envie d’apprendre (motivation) et permettent sa mise en œuvre effective (dispositions à apprendre).

Comme l’a indiqué Jacques Bahry, les modalités pédagogiques utilisées au CESI, ainsi que les environnements d’apprentissage dans lesquelles elles sont mises en œuvre sont très variés. Nos travaux de recherche ne sont donc pas centrés exclusivement sur la FOAD, bien que les environnements dans lesquels elle se déploie fassent l’objet d’une attention particulière.

A titre d’exemples, voici quelques problématiques de recherche qui sous-tendent les travaux actuellement en cours (indiqués entre parenthèses) :

– Identifier les dynamiques d’apprentissage informel, les processus de régulation de l’apprentissage, et les moments-clés du développement de compétences ; à la fois d’un point de vue psychologique, mais aussi d’un point de vue sociologique (étude longitudinale du développement des compétences des élèves ingénieurs) ;

– Identifier, en fonction de la nature des savoirs, ce qui peut faire obstacle à leur apprentissage, et notamment ce qui contrecarre des dispositions à apprendre chez certains apprenants, et pourquoi (étude de l’activité des élèves et de l’enseignant au cours de sessions d’apprentissage par problèmes en thermodynamique) ;

– Identifier les composants des environnements d’apprentissage (considérés comme écosystèmes complexes observables à différents niveaux) qui ont un effet sur la motivation et les dispositions à apprendre, sur les comportements et les interactions interindividuelles (expérimentation d’un environnement numérique de travail en 3D permettant différentes activités individuelles ou collaboratives).

Seule cette dernière problématique porte explicitement sur des environnements d’apprentissage permettant la mise en œuvre de certaines formes de FOAD. Toutefois, les deux autres y seront utiles indirectement : le travail sur les obstacles à l’apprentissage est un préalable à l’expérimentation de la démarche « apprentissage par problèmes » en ligne (online PBL), nécessaire pour identifier dans les recherches ultérieures les effets spécifiques à la modalité « en ligne » ; le travail sur le « curriculum caché » de la formation d’ingénieurs est tout aussi nécessaire pour permettre d’y envisager, en connaissance de causes, l’introduction des modalités différentes, dont la FOAD.

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