Universit´e Claude Bernard–Lyon I CAPES de Math´ematiques : Oral Ann´ee 2005–2006
Th´ eor` eme de Thal` es, etc.
Id´ees fortes
Le th´eor`eme de Thal`es estessentiellement ´equivalent`a la distributivit´e du produit d’un scalaire par un vecteur sur l’addition des vecteurs.
Une des difficult´es de la le¸con est de mettre en ´evidence son unit´e, et d’´eviter d’avoir deux parties autonomes, Thal`es d’un cˆot´e et projections de l’autre. On le fait de trois fa¸cons :
• en choisissant une preuve du th´eor`eme de Thal`es dont l’id´ee sous-jacente est la projection, ce qui a pour avantage suppl´ementaire la concision ; (noter la similitude entre les preuves de 1◦a), 3◦c) (premi`ere version)
• en d´emontrant le caract`ere affine des projections grˆace au th´eor`eme de Thal`es, via la conservation du barycentre ;
• en reformulant le th´eor`eme de Thal`es en termes de projections (2◦c)).
Approches possible et impossible On a en gros deux approches envisageables :
• soit on part d’un syst`eme d’axiomes faible, dans la lign´ee d’Euclide, et on se retrouve avec des preuves incompl`etes ou inextricables ; c’est l’approche de Bettinelli-Schubnel, qui au passage ne prennent pas des axiomes assez forts pour d´emontrer leurs th´eor`emes...
• soit on s’autorise l’alg`ebre lin´eaire, auquel cas le th´eor`eme de Thal`es est une banalit´e ; la situation est comparable `a la relation de Bezout avec le PGCD.
Au bilan, afin que la le¸con ne soit pas insurmontable, et pour lui donner une validit´e plus grande (on pourrait prendre d’autres corps que R), je pr´econise sans h´esiter l’approche vectorielle, mˆatin´ee de remarques qui montrent qu’on voit l’hypocrisie de la manœuvre.
Evidemment, du point de vue historique ou p´edagogique, cette approche est absurde. Cepen- dant, au plan conceptuel, elle sert au moins `a se convaincre qu’un syst`eme d’axiomes abstrait comme celui de l’alg`ebre lin´eaire est, selon le mot de Daniel Perrin, un “elixir de pens´ee”.
0◦ Pr´erequis
• notion d’espace vectoriel, base, dimension :
– on sait additionner deux vecteurs, multiplier un r´eel par un vecteur, et on sait que ce produit est distributif sur la somme ;
– une droite est un sev engendr´e par un vecteur non nul ; sa dimension est 1 ;
– cons´equences : position relative deux deux droites vectorielles dans un plan (suppl´ementaires ou ´egales), d’une droite et d’un plan vectoriels dans l’espace (ils sont suppl´ementaires ou la droite est contenue dans le plan) ;
• notion d’espace affine, d’application affine ;
• mesure alg´ebrique
– ´etant donn´e une droite affine dirig´ee paru, la mesure alg´ebrique d’un couple de points (A, B) de cette droite dans la baseuest l’unique scalairektel que −−→
AB=ku; on la noteAB ; – il est int´eressant de noter qu’un rapport de deux mesures alg´ebriquesAB/CD ne d´epend
pas du vecteur directeur de r´ef´erence (on supposeC6=D).
On fixe une fois pour toutes un espace affine E dirig´e par un espace vectoriel (r´eel) E, qu’on suppose le plus souvent de dimension 2 ou 3.
1◦ Th´eor`eme de Thal`es
a) Enonc´e direct dans le plan : dimE= 2
Th´eor`eme Soit (d) et (d0) deux droites affines, (δa), (δb) et (δc) trois droites distinctes coupant respectivement (d) en A, B, C et (d0) en A0, B0, C0. On suppose les droites (δa), (δb) et(δc) parall`eles. Alors :
AC
AB = A0C0 A0B0 .
D´emonstration. Les hypoth`eses font que A 6=B et A0 6=B0, si bien que les rapports ´ecrits sont bien d´efinis. Soitkl’unique r´eel tel que−→
AC=k−−→
AB. Il suffit de montrer que−−→
A0C0=k−−→
A0B0. Pour cela, on calcule−−→
A0C0−k−−→
A0B0 “en passant par les points non prim´es” ;
−−→A0C0−k−−→
A0B0 = −−→
A0A+−→
AC+−−→
CC0−k−−→
A0A+−−→
AB+−−→
BB0
−−→A0C0−k−−→
A0B0 = −→
AC−k−−→ AB+−−→
A0A+−−→
CC0−k−−→
A0A−k−−→
BB0
(∗) −−→
A0C0−k−−→
A0B0
| {z }
∈direction de (d0)
= −−→
A0A+−−→
CC0−k−−→
A0A−k−−→
BB0
| {z }
∈direction de (δa)
.
Comme (d0) et (δa) ne sont pas parall`eles, l’intersection de leurs directions est r´eduite au vecteur nul. On en d´eduit : −−→
A0C0−k−−→
A0B0=−→ 0 .2 b) Digression relative `a la distributivit´e
Remarque Le point-cl´e de la preuve pr´ec´edente est la distributivit´e du produit d’un scalaire par un vecteur sur l’addition des vecteurs. On va voir une esp`ece de r´eciproque.
Corollaire Avec les hypoth`eses du th´eor`eme de Thal`es, on suppose de plus A=A0. Alors : AC
AB = AC0
AB0 = CC0 BB0 .
D´emonstration. Cela a un sens de comparer BB0 etCC0, car les quatre points B,B0,C et C0 sont situ´es sur deux droites parall`eles.
Il suffit alors de reprendre la preuve ci-dessus `a (∗) : commeA=A0, on a :−−→
CC0=k−−→
BB0. Variante : Introduisons le pointD, intersection de (CC0) et de la parall`ele `a (AB) passant par B0. Comme BB0DC est un parall´elogramme, on a : −−→
BB0 =−−→
CD, donc BB0/CC0 =CD/CC0 Deux applications du th´eor`eme de Thal`es donnent alors :
AC
AB = AC0
AB0 = CC0
CD = CC0 BB0 . A
C D C0
B B0
u+v
u v
ku+kv=k(u+v) ku
kv
On r´einterpr`ete le corollaire de fa¸con “structurelle”. Supposons disposer d’un syst`eme d’axiomes, `a la Euclide, qui permettrait de d´efinir et d’additionner les vecteurs, et de mul- tiplier un scalaire par un vecteur.
Fixons deux vecteurs u et v, non colin´eaires (s’ils le sont, on consid`erera que la situation est claire), et un scalairek6= 0. Fixons un pointB, soitAtel que−−→
BA=u, soitB0 tel que−−→
AB0 =v, soit C tel que−→
AC =−ku et soitC0 tel que−−→
AC0 =kv. Alors, par construction, on a :
−−→BB0 =u+v, −−→
CC0=ku+kv.
Or, le corollaire exprime que : CC0
BB0 = AC
AB =k, ou encore −−→
CC0=k−−→
BB0. En d’autres termes :
ku+kv=k(u+v).
Interpr´etation Ceci signifie que le th´eor`eme de Thal`es est essentiellement ´equivalent `a la distributivit´e : le th´eor`eme de Thal`es rend naturels les axiomes de l’alg`ebre lin´eaire.
c) Une r´eciproque dans le plan : dimE = 2
Remarque Noter que l’hypoth`ese du th´eor`eme de Thal`es est double : (δa)(δb)et(δa)(δc).
Si on ´enon¸cait “la r´eciproque” sans r´efl´echir, on dirait que l’´egalit´e des rapports entraˆıne ces deux parall´elismes : c’est bien sˆur faux. Ainsi, appeler la proposition qui suit lar´eciproque du th´eor`eme de Thal`es est un abus de langage consacr´e par l’usage.
Proposition Soit (d) et (d0) deux droites affines, (δa), (δb) et (δc) trois droites distinctes coupant respectivement (d) en A, B, C et (d0) en A0, B0, C0. On suppose que les droites (δa) et(δb) sont parall`eles, et que :
AC
AB = A0C0 A0B0 . Alors, la droite (δc) est parall`ele `a (δa) et (δb).
D´emonstration. Soit (δ1) la parall`ele `a (δa) passant parC. Comme (δa) et (d0) ne sont pas parall`eles, (δ1) coupe (d0) en un pointC1. Pour montrer la proposition, il suffit de montrer que C1 =C0. Or, une application du th´eor`eme de a) et l’hypoth`ese donnent :
A0C1
A0B0 = AC
AB = A0C0 A0B0 . On en tireA0C1=A0C0, et on conclut.
Remarque Il est spectaculaire (et rare) que la preuve de “la” r´eciproque du th´eor`eme de Thal`es soit essentiellement une application du th´eor`eme direct.
d) Th´eor`eme de Thal`es dans l’espace : dimE = 3
Th´eor`eme Soit (d) et (d0) deux droites affines, (πa), (πb) et (πc) trois plans parall`eles dis- tincts, coupant respectivement(d) enA, B,C et (d0)enA0,B0,C0. On suppose les plans(πa), (πb) et(πc) parall`eles. Alors :
AC
AB = A0C0 AB .
A
B
C
A0 B0
C0
(πa) (πb)
(πc)
(d) (d0)
D´emonstration. La preuve de a) s’appliquemot pour mot, en rempla¸cant (δa) par (πa).2 e) Question de “la” r´eciproque dans l’espace
Remarque L’analogue dans l’espace de la proposition de c) est faux : en effet, si on remplace le plan (πc)par un autre plan(πc0), qui contient la droite(CC0), on aura : (πa)(πb)et l’´egalit´e des rapports, mais pas (πc0)(πa).
Proposition (pas prioritaire) Soit (d) et (d0) deux droites affines non coplanaires, A, B, C trois points distincts de (d) et A0, B0, C0 trois points distincts de (d0). On suppose que
AC
AB = A0C0 A0B0 .
Alors, il existe trois plans parall`eles (πa), (πb) et (πc) contenant respectivement (AA0), (BB0) et(CC0). De fa¸con ´equivalente, la famille de vecteurs −−→
AA0,−−→
BB0,−−→
CC0
est li´ee.
2◦ Projections (version pi´etonne)
a) Id´ee. Dans cette version, on reste en dimension 2 ou 3 et on distingue diff´erents cas.
Cette pr´esentation est celle qui fait le mieux apparaˆıtre le lien entre le th´eor`eme de Thal`es et le caract`ere affine d’une projection.
On s’appuie sur la position relative de deux droites dans le plan, et celle d’une droite et d’un plan dans l’espace, connues par une le¸con de num´ero strictement plus petit.
b) On fixe deux sous-espaces affinesnon parall`eles1 F etG de E, de sorte `a ˆetre dans l’un des cas suivants :
E plan espace espace F droite plan droite G droite droite plan
On d´efinit alors la projection sur F parall`element `a G comme l’application p qui, au point M ∈ E, associe le point d’intersection deF et de la droite (ou du plan) parall`ele `aG contenant M. Dans la suite, on noteraM0 l’image du pointM par p.
M M0
F G
M M0
G
F
M
M0
F G
1S’il y a une droite et un plan, cela signifie que la direction de la droite n’est pas contenue dans celle du plan.
Proposition Soit F et G deux sous-espaces affines dont les directions sont suppl´ementaires.
Alors la projection sur F parall`element `a G est une application affine.
D´emonstration.Il suffit de d´emontrer quep conserve le barycentre (voir appendice). SoitA et B deux points distincts (siA =B, rien `a d´emontrer) et t∈R,t6= 1. Soit C le barycentre de{(A,1−t),(B, t)}. Alors, par d´efinition du barycentre,C est le point de (AB) tel que
AC AB =t.
Si A0 = B0, alors A et B sont sur la mˆeme droite/plan2 G0, parall`ele `a G contenant A0. Par suite, la droite (AB) est contenue dansG0, donc C0 =A0. On suppose d´esormais queA0 6=B0. SiF est une droite, les pointsA0,B0 etC0 sont ´evidemment align´es. SiF est un plan, les trois pointsA0,B0 etC0 appartiennent au plan contenant (AB) et la droite parall`ele `a G contenant A, et au planF, donc ils sont align´es.
A B C
A0 B0
C0 F
A A0
B B0
C C0
F
A B C
A0 B0
C0 F Par le th´eor`eme de Thal`es (dans le plan si G est une droite, dans l’espace siG est un plan) :
A0C0
A0B0 = AC AB =t.
Par suite,C0 est le barycentre de{(A0,1−t),(B0, t)}. Il en r´esulte quep est affine.2
c) Reformulation des th´eor`emes de Thal`es (d’o`u : Thal`es ⇔ projections affines) Proposition Dans le plan ou l’espace, soit pune projection comme ci-dessus,A,B etCtrois points align´es. Alors leurs images sont align´ees, et on a (si p(A)6=p(B)) :
p(A)p(C)
p(A)p(B) = AC AB .
3◦ Projections (version trop g´en´erale, pour une question ´eventuelle du jury)
Dans ce paragraphe,E est un espace affine de dimension finie quelconque. On fixe deux sous- espaces affinesF etG de E, dont les directions F et G sont suppl´ementaires : rappelons que cela signifie queF ∩G={0}, et F+G=E.
a) Lemme pr´eliminaire utile
Lemme L’intersection de deux sous-espaces affines F et G d’un espace affine E, dont les directions F et G sont suppl´ementaires, est un singleton.
D´emonstration. Soit A ∈ F et B ∈ G, de sorte queF =A+F etG =B+G. Le vecteur
−−→
AB s’´ecrit de fa¸con unique sous la forme v+w, avec v∈F etw∈G.
Si l’intersection F ∩ G contient un pointM, on a :
−−→AM+−−→
M B=v+w, d’o`u −−→
AM −v
| {z }
∈F
=−−−→
BM +w
| {z }
∈G
∈F ∩G={0}.
On en d´eduit que−−→
AM =v est bien d´etermin´e, i.e. queM est unique.
Inversement, soit M le point tel que−−→
AM =v. Par construction, M ∈A+F =F. De plus, le
“calcul” ci-dessus montre que l’on a −−→
BM =−w, ce qui donneM ∈B+G=G.2 b) D´efinition d’une projection
On d´efinit la projection surF parall`element `a G comme l’application p qui, au point M ∈ E, associe le point d’intersection deFet du sous-espace parall`ele `aGcontenantM. C’est le lemme pr´ec´edent qui donne un sens `a cette d´efinition. Dans la suite, on notera M0 l’image du point M parp. Si Gest la direction de G, on peut ´ecrire (est-ce ´eclairant ?) :
{M0}={p(M)}=F ∩(M +G).
Remarquer quep ne d´epend que deF et deG: remplacerG parG0G ne change pasp.
Remarquer ´egalement que pour tout M ∈ E, −−−→
M M0 ∈ G car M0 et M sont dans un mˆeme sous-espace dirig´e parG, et pourM, N ∈ E,−−−→
M0N0 ∈F carM0, N0 ∈ F. c) Caract`ere affine d’une projection
Premi`ere version : Supposons que pour A, B, C, D ∈ E, on ait : −−→
AB = −−→
CD. En notant A0 =p(A), etc., on a :
−−→A0B0+−−→
AA0+−−→
B0B =−−→ AB=−−→
CD=−−−→
C0D0+−−→
CC0+−−→
D0D,
d’o`u −−→
A0B0−−−−→
C0D0
| {z }
∈F
=−−→
CC0+−−→
D0D−−−→
AA0−−−→
B0B
| {z }
∈G
∈F∩G={0}, si bien que −−→
A0B0 = −−−→
C0D0. Cela a donc un sens de d´efinir une application π : E → E par : π(−−→
AB) =−−→
A0B0, et elle est additive (cf. appendice).
A pr´esent, on montre que pour k∈R etA, B,∈ E, on a : π(k−−→
AB)−kπ(−−→ AB) =−→
0 . Soit C tel que−→
AC =k−−→
AB, on a :
−−→A0C0+−−→
AA0+−−→
C0C=−→
AC=k−−→
AB=k−−→
A0B0+k−−→
AA0+k−−→
B0B,
d’o`u −−→
A0C0−k−−→
A0B0
| {z }
∈F
=k−−→
AA0+k−−→
B0B−−−→
AA0−−−→
C0C
| {z }
∈G
∈F∩G={0}.
Deuxi`eme version : Par d´efinition (ou presque) de ce que sont deux espaces suppl´ementaires, tout vecteuru ∈ E s’´ecrit de fa¸con unique comme une somme : u= u1+u0, avec u1 ∈ F et u0 ∈G. On pose alors : π(u) =u1. Il est facile de montrer que π est une application lin´eaire (cf. amphi d’alg`ebre lin´eaire).
SoitO ∈ F, alors f(O) =O. V´erifions que pourM ∈ E, on a : −−−−−→
Of(M) =π(−−→
OM). En notant M0 =p(M), on a : −−→
OM =−−−→
OM0+−−−→
M0M, ce qui suffit, puisque−−−→
OM0 ∈F (car O, M ∈ F) et
−−−→M0M ∈G(car M0 et M sont dans un mˆeme sous-espace dirig´e parG).
4◦ Quelques applications
a) Interpr´etation g´eom´etrique de la tangente
Ici, on se place dans un plan affine euclidien orient´e, et on sait presque tout des angles. On lit, fort classiquement, la tangente d’un angleθ sur la tangente au cercle `a son origine (placer cosθ, sinθ sur la figure et voir comment appliquer le th´eor`eme de Thal`es...) :
tanθ
b) Th´eor`emes de Menela¨us et Ceva
Proposition (Menela¨us) Soit ABC un triangle non aplati, A0 ∈ (BC), B0 ∈(CA), C0 ∈ (AB) distincts des sommets.3 Ces trois points sont align´es si, et seulement si on a4
A0B
A0C · B0C
B0A · C0A C0B = 1.
A B
C B0
A0
C0 K
Id´ee On choisit un cˆot´e du triangle de r´ef´erence, par exemple (AC). Pour comparer les rapports A0B/A0C, qui concernent des droites diff´erentes, on projette sur le cˆot´e de r´ef´erence, parall`elemement `a la droite (A0B0C0).
D´emonstration. On suppose A0,B0 etC0 align´es. Par hypoth`ese, la droite qui les contient n’est parall`ele `a aucun cˆot´e. Soit pla projection sur (AC) parall`element `a cette droite, on a :
A0B
A0C = p(A0)p(B)
p(A0)p(C) = B0K
B0C , B0C
B0A = B0C
B0A ... C0A
C0B = p(C0)p(A)
p(C0)p(B) = B0A B0K . Il est `a pr´esent ´evident que le produit de ces trois rapports vaut 1. La r´eciproque est un bon test pour voir si on a compris “la” r´eciproque du th´eor`eme de Thal`es du plan. Il faudrait aussi parler du th´eor`eme de Ceva.2
c) Un probl`eme d’optimisation (source : J.-L. Dorier)
On suppose savoir mesurer les aires dans un plan affine E. Soit ABC un triangle non aplati, M un point de [AB], P le projet´e de M sur (BC) parall`element `a (AC), N le projet´e de P sur (AC) parall`element `a (AB). On se demande pour quel pointM l’aire du parall´elogramme AM P N est maximale.
Notons x=AM /AB ety =AN /AC. Avec le th´eor`eme de Thal`es, on montre que x+y = 1, doncx ou y est ≤ 1/2. Quitte `a permuter (M, B) et (N, C), on peut supposer que y ≤ 1/2.
On trace le point Q de [AC] tel que AQ/AC = 2y, on note R le projet´e de Q sur (BC) parall`element `a (AB) et S le point tel que−→
QS=−−→
AM.
A B
C
M
N P
Q R S
A B
C
Q R
Avec des notations ´evidentes, on a (pourquoi ?) :
2A(AM P N) =A(AM SQ) =A(ABRQ), d’o`u A(CQR) =A(ABC)−2A(AM P N).
La positivit´e deA(CQR) montre que l’aire deAM P N vaut au plus la moiti´e de l’aire deABC, avec ´egalit´e si et seulement siQ=R, i.e. M est le milieu de [AB].2
3Noter la sym´etrie circulaire des notations.
4Voir comment ce produit est fait : on forme un rapport avec un point “avec prime” et les deux points “sans
5◦ Appendice : caract`ere affine d’une application
Proposition Soit E un espace affine dirig´e par E et f :E → E. Il est ´equivalent de dire : 1. il existeϕ:E →Elin´eaire telle que pour tout(A, B)∈ E ×E, on a : −−−−−−→
f(A)f(B) =ϕ(−−→ AB); 2. ´etant donn´eO ∈ E, l’application ϕ:E →E, d´efinie par ϕ−−→
OM
=−−−−−−−→
f(O)f(M)pour tout M ∈ E, est lin´eaire ;
3. f conserve le barycentre.
On dit que f est affine lorsqu’elle satisfait ces conditions. Cette proposition conduit `a trois strat´egies diff´erentes pour prouver le caract`ere affine d’une application :
1. D’abord,on montre queϕest bien d´efinie, c’est la moiti´e du travail. Pour cela, il suffit de montrer que siA, B, C, D∈ E sont tels que−−→
AB=−−→
CD, alors : −−−−−−→
f(A)f(B) =−−−−−−−→
f(C)f(D). En effet, pour un vecteuru∈E, on choisit A, B∈ E tels que u=−−→
AB ; on vient de montrer que−−−−−−→
f(A)f(B) ne d´epend pas du choix deA etB, donc on peut poserϕ(u) =−−−−−−→
f(A)f(B).
L’additivit´e deϕ en d´ecoule : ´etant donn´eu, v ∈E, on veut calculer ϕ(u+v). On fixe A∈ E arbitraire, puisBtel que−−→
AB=u, et enfin,Ctel que−→
AC =v. Alors, d’apr`es ce qui pr´ec`ede, on a : ϕ(u+v) =ϕ(−→
AC) =−−−−−−→
f(A)f(C) =−−−−−−→
f(A)f(B) +−−−−−−−→
f(B)f(C) =ϕ(u) +ϕ(v).
Il reste `a montrer que ϕ est compatible avec la produit d’un scalaire par un vecteur, c’est-`a-dire queϕ(ku) =kϕ(u) pour toutk∈Retu∈E.
2. Par d´efinition d’un espace affine, pour O ∈ E fix´e, l’application E →E, M 7→ −−→
OM est bijective, donc cela a un sens de d´efinirϕcomme dans la proposition. Il faut alors montrer queϕest lin´eaire.
3. (la meilleure ?) On montre que pour tous A, B ∈ E et tout t ∈ R, l’image par f du barycentre de{(A,1−t),(B, t)} est le barycentre de {(f(A),1−t),(f(B), t)}.
Ajoutons une quatri`eme strat´egie, qui peut ˆetre rentable `a l’occasion :
4. On choisit un rep`ere, et on montre que les coordonn´ees de l’image d’un pointM sont des fonctions affines des coordonn´ees (x1, . . . , xn) deM, i.e. de la formea1x1+· · ·+anxn+b poura1, . . . , an, b r´eels fix´es.
D´emonstration.On montre que sifconserve le barycentre, alors la condition 1. est satisfaite, car le reste est plus facile. Si −−→
AB = −−→
CD, alors [AC] et [BD] ont le mˆeme milieu, donc l’hypoth`ese entraˆıne que [f(A)f(C)] et [f(B)f(D)] ont le mˆeme milieu, donc que−−−−−−→
f(A)f(C) =
−−−−−−−→
f(B)f(D). D’o`u l’existence deϕet son additivit´e.
Soit alors u ∈ E, u 6= 0, et k ∈ R. Soit A, B ∈ E tels que −−→
AB = u, et C tel que −→
AC = ku.
AlorsC est le barycentre de{(A, k),(B,1−k)}, donc, avec l’hypoth`ese, f(C) est le barycentre de{(f(A), k),(f(B),1−k)}, donc−−−−−−→
f(A)f(C) =k−−−−−−→
f(A)f(B), doncϕ(ku) =kϕ(u).2