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Le mécanisme de l'accession. Eléments pour une théorie de la revendication en valeur.

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Academic year: 2021

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Le mécanisme de l’accession. Eléments pour une théorie

de la revendication en valeur.

William Dross

To cite this version:

William Dross. Le mécanisme de l’accession. Eléments pour une théorie de la revendication en valeur.. Sciences de l’Homme et Société. Université Nancy II, 2000. Français. �tel-00457621�

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UNIVERSITE NANCY II

(Droit – Sciences économiques – Gestion)

THESE

Pour obtenir le grade de

DOCTEUR DE L’UNIVERSITE NANCY II Droit – Sciences économiques – Gestion

Discipline : Droit privé

présentée et soutenue publiquement par

William DROSS

Le 18 novembre 2000

LE MECANISME DE L’ACCESSION

Eléments pour une théorie de

la revendication en valeur

Directeur de thèse

Monsieur Gilles GOUBEAUX, Professeur à l’Université de Nancy II

JURY

Monsieur Hervé CROZE, Professeur à l’Université de Lyon III

Mademoiselle Mélina DOUCHY, Professeur à l’Université de Bourgogne

Monsieur Jean-Michel GASSER, Maître de conférences à l’Université de Nancy II

Monsieur Gilles GOUBEAUX, Professeur à l’Université de Nancy II

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SOMMAIRE

Partie I / L’EVICTION DU PROPRIETAIRE DE

L’ACCESSOIRE

Titre I / L’ACCESSION COMME PHENOMENE

Chapitre I / Le rapprochement de deux biens Chapitre II / L’amélioration d’un bien

Titre II / L’ACCESSION COMME REGLE JURIDIQUE

Chapitre I / L’accession, évitement d’un conflit de propriétés Chapitre II / L’accession, règlement d’un conflit de propriétés

Partie II / L’INDEMNISATION DU PROPRIETAIRE DE

L’ACCESSOIRE

Titre I / LE FONDEMENT DE L’INDEMNITE

Chapitre I / Existence de la revendication en valeur

Chapitre II / Pertinence de la revendication en valeur en matière d’accession

Titre II / LE REGLEMENT DE L’INDEMNITE

Chapitre I / Les principes d’indemnisation

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L’Université n’entend accorder aucune approbation, ni improbation, aux

opinions émises dans les thèses : ces opinions doivent être considérées comme

propres à leurs auteurs.

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Un homme s’en vint rire aux galeries de pierre des Bibliothécaires. – Basiliques du livre !… Un homme aux rampes de sardoine, sous les prérogatives du bronze et de l’albâtre. Homme de peu de nom. Qui était-il, qui n’était-il pas ?

Et les murs sont d’agate où se lustrent les lampes, l’homme tête nue et les mains lisses dans les carrières de marbre jaune – où sont les livres au sérail, où sont les livres dans leurs niches, comme jadis sous bandelettes, les bêtes de paille dans leurs jarres, aux chambres closes des grands Temples – les livres tristes, innombrables, par hautes couches crétacées portant créance et sédiment dans la montée du temps…

A quelles fêtes du Printemps vert nous faudra-t-il laver ce doigt souillé aux poudres des archives – dans cette pruine de vieillesse, dans tout ce fard de Reines mortes, de flamines – comme aux gisements des villes saintes de poteries blanches, mortes de trop de lune et d’attrition ?

Ha ! qu’on m’évente tout ce lœss ! Ha ! qu’on m’évente tout ce leurre ! Sécheresse et supercherie d’autels… Les livres tristes, innombrables, sur leur tranche de craie pâle…

S’en aller ! s’en aller ! Parole de vivant !

SAINT-JOHN PERSE

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INTRODUCTION

1- Curieux objet de réflexion que l’accession, saisie par le Code civil en une formule

lapidaire : « tout ce qui s’unit et s’incorpore à la chose appartient au propriétaire »1. Elle partage le

juriste en deux sentiments contraires, l’intérêt et le mépris.

Mépris pour une matière désuète. Deux vins qui se mêlent, la pierre précieuse adjointe au diadème d’un tiers, le lapin qui change de garenne ou l’avulsion, « partie considérable et

reconnaissable d’un champ riverain »2 qu’un fleuve porte par une force subite vers un champ

inférieur ; autant d’images d’Epinal tirées d’un recueil poussiéreux qu’on sera pressé de refermer. On voudra pourtant trouver au moins trois raisons de ne pas céder à ce premier mouvement.

2- D’une part, si certaines de ses figures semblent surannées, l’accession conserve une

actualité réelle dans un domaine précis, celui des constructions sur le sol d’autrui. Nombreux sont ceux qui, à la faveur d’un droit de jouissance personnel ou réel, élèvent des ouvrages sur un terrain qui ne leur appartient pas. A l’échéance de la jouissance, la contradiction d’intérêts entre le propriétaire du sol et le constructeur sera réglée grâce à l’accession. Dans d’autres cas, elle est un mécanisme que l’on cherchera à évincer. Ainsi, pour échapper au régime contraignant du lotissement, certains notaires proposent-ils de renoncer à toute division du sol, tant en propriété qu’en jouissance. Le but demeure cependant de permettre à chaque copropriétaire d’élever un bâtiment qui lui soit propre, alors que son assiette est le sol tout entier dont par définition il n’aura ni la propriété ni la jouissance exclusive3. L’obstacle auquel se heurte ce montage est de maintenir

un caractère privatif aux constructions en dépit du principe d’accession.

3- D’autre part, si bon nombre d’hypothèses d’accession ont vieilli, c’est pour avoir été

directement empruntées par les codificateurs au droit romain. Les exemples que détaille le Code

1 Article 551.

2 Article 559 du Code civil.

3 Sur ces montages, cf. A. Koenig, « Lotissement ou copropriété horizontale. Un beau débat téléologique », RD imm. 1996 p. 321 et suiv. et F. Bouyssou, « La copropriété horizontale sans division en jouissance :

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civil proviennent de ceux qui avaient alimenté la controverse entre les Prudents. De cet ancrage historique de l’accession au sein du droit romain, sur lequel il sera indispensable de revenir tant il l’a façonnée, une observation peut être dès à présent tirée. Si le peu d’actualité des exemples d’accession repris par le Code civil peut laisser croire au premier abord que son principe même a perdu tout intérêt, on doit en réalité relever que ni la difficulté à laquelle l’accession a pour but de répondre, celle de l’union de deux biens, ni la solution de principe qu’elle lui donne, l’unification de la propriété de l’ensemble sur une seule tête, n’ont réellement varié au cours des siècles. Du point de vue historique, l’accession est une technique juridique qui fait preuve d’une remarquable permanence et qui, comme telle, mérite qu’on s’y attarde.

De surcroît, l’origine romaine de la règle permet qu’à cette continuité historique réponde une continuité géographique. On ne s’étonnera certes pas que les pays qui ont adopté le Code civil français aient repris sur ce thème ses solutions. Mais d’autres Etats européens connaissent aussi du principe d’accession. En Allemagne, les articles 946 à 951 du BGB énoncent des règles qui, pour être moins détaillées que celles du Code civil, n’en sont pas moins identiquement construites4. En

droit anglais, les traités relatifs à la personal property font mention, au chapitre « Alteration,

accession and intermixture », du principe au terme duquel « the right of accession gives the property in the whole to the owner of the principal chattel, which is probably that which is the greater in value »5. Même si les règles pratiques diffèrent sur certains points de celles retenues par

le droit français, qui seront les seules étudiées dans le cadre de ce travail, l’esprit du droit romain apporte aux systèmes juridiques européens une cohérence certaine quant à la matière de l’accession.

4- Enfin, on aurait tort de penser que les incidences de l’accession se limitent au seul droit

des biens. Elle joue un rôle non négligeable en matière contractuelle, notamment en cas de nullité ou de résolution d’un contrat translatif de propriété. En effet, dès lors que la chose vendue a été livrée à l’acheteur, celui-ci aura pu y adjoindre ou mélanger une chose à lui propre. Il est ainsi fréquent en pratique que l’acquéreur d’un terrain à bâtir y élève un édifice. Si le contrat, pour une raison quelconque, est ultérieurement résolu ou annulé, la restitution de la chose vendue devient problématique. Devra-t-elle s’opérer dans son état initial, dans sa configuration actuelle, ou pourra-t-elle être conservée en nature par l’acquéreur, à charge d’en rendre seulement la valeur au vendeur ? La seule façon de répondre de manière satisfaisante à ces interrogations est de se référer aux règles gouvernant l’accession, lesquelles ont pleine vocation à s’appliquer, « la disparition

rétroactive du lien contractuel conduisant à appréhender le comportement des parties en termes

4 Sur ce point, voir M. Fromont et A. Rieg, « Introduction au droit allemand (République fédérale) », T. III, Cujas 1994 p. 183 et suiv.

5 « Le droit d’accession confère la propriété de l’ensemble au maître du bien principal, lequel est généralement celui dont la valeur est la plus grande » : « Crossley Vaines’ personal property », fifth ed., London Butterworths 1973, Chap. 19, p. 430 et suiv.

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extra-contractuels »6. C’est d’ailleurs ainsi qu’en décide la jurisprudence en matière de construction

sur le terrain d’autrui7. Quant aux règles de l’accession mobilière, on a cru pouvoir penser que « les

seules hypothèses dans lesquelles (ces) dispositions du Code civil pourraient trouver à s’appliquer relèvent de la nullité. Le droit des restitutions, à travers la nullité ou la résolution, pourrait ainsi contribuer à réveiller une théorie qui, jusqu’alors, restait presque lettre morte »8. Généralement,

l’accession jouera au profit du vendeur qui se verra restituer le bien amélioré, mais elle peut aussi profiter à l’acquéreur qui conservera alors la chose vendue, malgré l’anéantissement du transfert de propriété, sur le fondement de l’acquisition originaire que provoque l’accession. La nullité débouchera alors sur une restitution en valeur, la Haute juridiction considérant en effet que « les

restitutions réciproques, conséquences nécessaires de la nullité, déclarée, du contrat de vente,

(peuvent) lorsqu’elles portent sur des corps certains, être exécutées en nature ou en valeur »9.

5- On doutera cependant que les observations précédentes suffisent à réhabiliter l’accession

et à lever les réticences dont la doctrine témoigne à l’égard de la matière. Si ce ne sont plus les hypothèses où elle intervient qui sont perçues comme d’intérêt médiocre, c’est plus profondément la règle juridique elle-même qui est méprisée. « L’accession est une règle à demi barbare qui remonte

au droit primitif » écrivait Planiol. « Elle tranche d’une façon un peu brutale le conflit né de la fusion matérielle de deux choses appartenant à des propriétaires différents »10. Et l’éminent auteur

d’ajouter : « on devrait saisir avec empressement l’occasion qui s’offre de régler ce conflit par

d’autres principes et d’une manière tout à la fois plus scientifique et plus conforme à nos mœurs ».

Cette perception de l’accession est au cœur de la faible considération dont elle jouit parmi les juristes, même auteurs d’ouvrages consacrés au droit des biens. On peut, sans crainte de se tromper beaucoup, reprendre aujourd’hui l’observation emportée que faisait P. Lévie en 1950 : « Pressés

d’en terminer avec un chapitre qui ne les intéresse pas, poursuivis par une idée toute faite et un a

priori qu’un siècle de plagiat juridique a érigé en dogme, bon nombre de nos auteurs font plier les

textes quand ils les examinent et au mépris des erreurs, des lacunes, et des contradictions, les soumettent tant bien que mal à leur théorie préconçue qui n’est qu’une mauvaise répétition de formules latines »11. Désaffection donc pour la matière, mais qui n’est en réalité pas véritablement

totale. Pour peu que l’on prenne le temps de s’y arrêter en acceptant de se défaire des préjugés qui encombrent le sujet, l’accession interpelle le juriste et le mépris cède alors à l’intérêt. Fuyante, elle se dérobe sans cesse à l’analyse.

6 Th. Revet, « La force de travail. Etude juridique », préface F. Zenati, Litec 1992 n° 412. 7 Par exemple, Civ. 3e, 16 décembre 1978, Gaz. Pal. 1979, 1, Somm. p. 122.

8 M. Malaurie, « Les restitutions en droit civil », Cujas 1991 p. 233. 9 Com., 11 mai 1976, Bull. civ. IV n° 162.

(9)

6- Qu’est-ce en effet que l’accession ? Sans trop s’avancer, et pour s’en tenir à une simple

description de ses effets, on peut dire qu’elle engendre, par suite de l’union de deux choses, l’éviction du propriétaire de la chose accessoire au profit du maître la chose principale. Sans trop s’avancer mais sans rien expliquer non plus. Le mécanisme à l’origine de ce mouvement patrimonial demeure essentiellement mystérieux. « Inintelligible accession » s’écriait Acollas12 et

Beudant lui fait écho : « si, entrant dans le détail, on se demande, d’une manière plus précise, ce

qu’est au juste l’accession, il est difficile de donner une réponse rigoureuse. Ni en droit romain, ni dans l’ancien droit, ni sous le Code civil, on ne l’a jamais su exactement »13. On n’a pas vraiment

avancé depuis, et l’on souligne aujourd’hui encore que « le phénomène d’accession est l’un des plus

obscurs et des plus controversés de notre droit »14. Tenter de démonter le mécanisme de

l’accession, afin d’en comprendre les rouages et d’en expliquer les effets, tel est l’objet de cette recherche.

7- Bien évidemment, le sujet est loin d’être vierge de toute tentative en ce sens.

Schématiquement, l’accession a suscité l’intérêt de la doctrine à deux périodes distinctes. Dans la seconde moitié du XIXe siècle, outre les réflexions menées dans les traités fondamentaux de droit

civil, de nombreuses études spécifiques y ont été consacrées : l’accession offrait un sujet de comparaison commode entre le droit romain et le Code civil, à une époque où les thèses articulaient ainsi leurs développements. De la confrontation de la casuistique romaine et de la théorie du Code sont nées, plus ou moins abouties, les premières tentatives modernes d’explication du mécanisme fondant l’éviction du propriétaire de l’accessoire au profit du maître de la chose principale. Suivit une période de relatif désintérêt pour la matière qui prit fin au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, à un moment où « la séparation de la propriété et de l’exploitation crée une situation

nouvelle. Le propriétaire est obligé de se défendre, et dans cette lutte il est vaincu par ceux qui ont la faveur du législateur parce qu’ils sont exploitants »15. Ces derniers se voyant reconnaître le droit

d’investir sur un fonds qui ne leur appartient pas vont tout naturellement être amenés à y élever les ouvrages nécessaires à leur en assurer la meilleure jouissance possible. Ils donnent ainsi naissance à une situation identique à celle qu’envisage l’article 555, celle de la construction sur le terrain d’autrui, disposition qui figure dans une section du Code civil intitulée on ne peut plus clairement « Du droit d’accession relativement aux choses immobilières ». La quasi totalité des études doctrinales consacrées à l’accession à partir de cette époque se limitent alors à l’étude de ce seul

11 P. Lévie, « Traité théorique et pratique des constructions érigées sur le terrain d’autrui », thèse Louvain 1951 n° 36 p. 106.

12 E. Acollas, « Manuel de droit civil. Commentaire philosophique et critique du Code Napoléon », T. I, 2e éd., Paris 1874 p. 577 et 591.

13 Ch. Beudant et P. Voirin, « Cours de droit civil français », T. IV, « Les biens » 1938 n° 337. 14 M.-Cl. Fayard, « Les impenses », LGDJ 1969 n° 6. Dans le même sens, Ch. Goyet, « Le louage et la

propriété à l’épreuve du crédit-bail et du bail superficiaire », LGDJ 1983 n° 221.

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article. Et puisque s’intéressant aux situations d’accession on ne peut qu’être interpellé par le mystère qui entoure son mécanisme, c’est à la faveur de ces études spécifiques qu’on a parfois tenté d’en renouveler l’analyse fondamentale.

Pourquoi serait-il temps aujourd’hui de se pencher à nouveau sur le mécanisme de l’accession ? Deux raisons plaident en ce sens.

8- La première est évidente : il faut bien constater que, malgré les travaux qui y ont été

consacrés, le mystère de l’accession ne s’est pas dissipé. Et la question est d’autant plus intéressante que le renouveau que connaît la théorie de la propriété, sous l’impulsion des travaux de S. Ginossar16 et de F. Zenati17, ne la règle pas véritablement. L’importance de ce dernier débat mérite

que l’on s’y arrête quelques instants.

L’accession s’insère au cœur de la théorie de la propriété, au début du livre deuxième du Code civil consacré aux biens et aux différentes modifications de la propriété. Elle a pour origine l’union de deux biens appropriés. Dès lors, il ne semble pas douteux que la conception qu’on peut avoir de la nature même du droit de propriété influence nécessairement la compréhension de l’accession. Puisque l’ensemble des analyses de l’accession proposées jusqu’alors par la doctrine l’a été dans le cadre d’une approche classique de la notion de propriété, il devient tentant de voir dans le renouveau de la compréhension de la notion même de propriété l’occasion inespérée d’éclairer mieux qu’il ne le fut jamais le mécanisme de l’accession.

Dans sa conception traditionnelle, la propriété se confond avec la chose sur laquelle elle porte, chose qui, de surcroît, ne saurait avoir qu’un caractère strictement corporel : « le droit de propriété

impliquant un pouvoir sur une chose, son objet est nécessairement une chose, c’est-à-dire un objet corporel, matériel » écrit-on18. Le triptyque usus, fructus, abusus auquel elle est presque

systématiquement réduite trahit la manière qu’a la doctrine de saisir la propriété avant tout par les utilités que procure son objet. Or, a-t-on fait observer, « ces utilités pratiques ne sont pas

essentielles à la compréhension de la propriété »19. Si l’on en revient à son sens premier de

dominium, la propriété n’est en réalité rien d’autre que « la relation par laquelle une chose appartient à une personne, par laquelle elle est à lui, elle est sienne »20. Meum esse disaient les

Romains. Clairement distinguée de son objet, relation entre le sujet et les biens qui composent son patrimoine, la propriété peut alors porter sur des choses tant corporelles qu’incorporelles. Elle prend

16 « Droit réel, propriété et créance, élaboration d’un système rationnel des droits patrimoniaux », LGDJ 1960.

17 « Essai sur la nature juridique de la propriété. Contribution à la définition du droit subjectif », thèse Lyon 1981.

18 H., L., J. Mazeaud et F. Chabas, « Leçons de droit civil », T. II, vol. 2, « Biens » Montchrestien 1994 n° 1351.

19 F. Zenati « Pour une rénovation de la théorie de la propriété », RTD civ. 1993 p. 305 et suiv., spéc. p. 315. 20 S. Ginossar, op. cit. n° 12 p. 33.

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une ampleur qui la rapproche du droit subjectif lui-même21 : lorsque Dabin caractérise ce dernier

par l’appartenance maîtrise, « c’est-à-dire la faculté d’agir en maître sur la chose qui fait l’objet du

droit »22, il est difficile de ne pas reconnaître ici le paradigme de la propriété23.

9- Si ce renouveau de l’analyse de la nature même du droit de propriété est éminemment

séduisant, il n’en a pas moins – le contraire eut étonné – suscité la critique24. Prendre position dans

un débat d’une telle importance requiert que soient examinés les tenants et les aboutissants de chacune de ces théories, examen dont l’effet immédiat serait de nous éloigner de la tâche que nous nous sommes assignée dans la présente étude. Aussi doit-on vérifier, avant que de se lancer dans l’entreprise, si la nature juridique que l’on pourra prêter au droit de propriété informe véritablement la compréhension du mécanisme de l’accession.

A suivre l’approche classique, la propriété se confondant avec la chose sur laquelle elle porte, l’union de deux biens, caractéristique de l’accession, provoquerait de facto la fusion des deux droits de propriété en une figure dont il faut avouer la singulière complexité au plan théorique, dans la mesure où elle ne peut être confondue avec celle de l’indivision. Au contraire, une simplification considérable du problème résulte de l’analyse renouvelée de la propriété. En dissociant nettement la propriété de la chose sur laquelle elle porte, la propriété n’est pas réellement affectée par la modification que subit son objet lors de l’adjonction d’un bien accessoire. Il n’y aurait qu’une modification de son objet, la propriété continuant, identique à elle-même, à s’exercer sur une chose plus étendue25. Sans entrer plus avant dans cette analyse, il suffira de constater qu’une telle

approche de l’accession a été défendue dès le XIXe siècle dans le cadre d’une compréhension

classique de la nature juridique de la propriété26. Ce qui laisse à penser qu’au fond, le changement

d’analyse proposé quant à la nature du droit de propriété ne commande pas une approche véritablement nouvelle du problème qui nous intéresse ici.

10- Par ailleurs, partir d’une conception de la nature juridique de la propriété pour bâtir une

analyse de l’accession amènerait inévitablement à s’interroger sur la nature juridique de l’accession elle-même. Est-elle une simple utilité de la chose à l’instar du fructus, et comme telle susceptible d’être conférée à un autre que le propriétaire, participe-t-elle de la structure même du bien, est-elle

21 Voir à cet égard le sous-titre de la thèse de F. Zenati et les développements n° 548 et suiv. 22 J. Dabin, « Le droit subjectif », Dalloz 1952 p. 90.

23 En ce sens, J.-L. Bergel, M. Bruschi et S. Cimamonti, « Traité de droit civil. Les biens », LGDJ 2000 n° 102. Ce que reconnaît implicitement d’ailleurs J. Dabin lorsqu’il emploie « appartenance », « droit » et « propriété » pour synonymes (op. cit. p. 80).

24 Voir ainsi J. Ghestin, G. Goubeaux et M. Fabre-Magnan, « Traité de droit civil », « Introduction

générale », LGDJ 1994 n° 232 ; ainsi que J. Dabin, « Une nouvelle définition du droit réel », RTD civ. 1962

p. 20 et suiv.

25 Voir F. Zenati, « Essai sur la nature juridique de la propriété. Contribution à la définition du droit

subjectif », thèse Lyon 1981 n° 519 a) et 331.

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une composante du droit de propriété, peut-on l’élever au rang de droit réel – si tant est que la notion ait un sens –, constitue-t-elle un droit subjectif véritable ? Autant de difficultés largement théoriques que ce travail n’a pas pour ambition d’élucider. La question posée ici n’est pas celle de la

nature juridique de l’accession mais plus modestement celle de son mécanisme. Il s’agit de tenter

de fonder juridiquement l’éviction du propriétaire du bien accédé ainsi que l’indemnité à laquelle il peut prétendre. A cette fin, à un raisonnement purement déductif prenant pour point de départ une conception donnée de la propriété, sera préférée une approche pragmatique de la difficulté. Le droit poursuit avant tout un objectif concret d’organisation des rapports entre les hommes et d’apaisement des conflits qui peuvent surgir entre eux. Or l’accession est couramment décrite comme permettant « de résoudre les conflits relatifs à la propriété d’une chose issue de l’union de choses appartenant

à des propriétaires différents »27. C’est donc dans une optique pratique que nous tenterons de

replacer les termes du débat, faisant ainsi l’économie d’une discussion sur la nature de la propriété qui, pour intéressante qu’elle soit, n’apparaît pas comme le préalable nécessaire à la compréhension du mécanisme de l’accession.

La seconde raison justifiant un réexamen de la question du mécanisme de l’accession est qu’il doit être possible d’échapper à certains travers des théories soutenues jusqu’alors. Anciennes ou partielles, souvent partiales, telles apparaissent-elles en effet.

11- L’ancienneté qui caractérise les premières analyses, objectera-t-on, n’est nullement la

marque d’une moins-value. Elle justifie pourtant que la question soit réexaminée. Certes l’accession n’est pas un domaine où l’actualité se fait brûlante, néanmoins certaines évolutions en modifient la compréhension. Le développement des biens incorporels permet ainsi d’en envisager l’extension à de nouveaux domaines et incidemment d’en mieux percevoir le mécanisme. Mais là n’est pas l’élément déterminant justifiant un réexamen. Les premiers travaux consacrés à ce sujet demeuraient sous l’emprise d’un respect certain pour l’œuvre codificatrice. Or celle-ci, en proposant de bâtir une véritable théorie de l’accession destinée à se substituer à l’incertaine casuistique romaine, a fait preuve d’un syncrétisme peu convaincant en voulant subsumer des réalités profondément divergentes. Seule la remise en cause préalable de l’approche des codificateurs, remise en cause qui a nécessité plus que de nombreux travaux, une révolution des mentalités, pouvait permettre de percevoir suffisamment clairement les situations relevant véritablement de l’accession, afin que l’explication de son mécanisme puisse se faire sur des bases fiables. De ce point de vue, leur réexamen se justifie.

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12- Plus insidieux est en revanche le défaut des approches actuelles. La doctrine récente

restreint en effet l’accession à la seule hypothèse de la construction sur le sol d’autrui. Les monographies consacrées à ce seul aspect des choses sont légion et ce sont elles qui, confrontées au mystère du mécanisme de l’accession, en proposent incidemment l’explication. Au motif donc que les difficultés concrètes que soulève l’accession se limitent souvent à ce seul cas de figure, les vingt-cinq autres articles que le Code lui consacre sont ignorés au profit d’un seul. Il est notamment classique de stigmatiser l’impéritie des rédacteurs du Code qui n’ont traité de la question de la responsabilité du fait personnel que dans un seul article mais en ont consacré treize à ce droit mort qu’est l’accession mobilière. « Ce développement extraordinaire des règles sur l’accession

mobilière est de tradition en France ; il est pourtant inutile, leur intérêt pratique étant à peu près nul » écrivait Planiol28. On ne se joindra pas à cette critique. L’accession mobilière mérite une

attention toute particulière. La clause de réserve de propriété, les propriétés intellectuelles, redonnent aujourd’hui à ces textes une actualité véritable. Qu’importe d’ailleurs, la question n’est pas là. Vouloir appréhender le mécanisme par lequel opère l’éviction du propriétaire de l’accessoire au profit du maître de la chose principale requiert de tenir compte de l’ensembles des règles que le droit lui consacre, sans en occulter aucune sous le fallacieux prétexte qu’elle serait peu ou pas mise en œuvre en pratique. Même « pratiquement négligeable, la matière est théoriquement

intéressante »29. Qu’il y ait union de deux biens meubles ou d’un bien meuble à un immeuble, la

problématique est la même. Et la réponse donnée par le droit est généralement identique. Généralement, mais pas systématiquement. Observation essentielle qui permet de condamner les idées les mieux reçues quant à l’automaticité du mécanisme par lequel opère l’accession et dont on perd définitivement le profit à s’en tenir à l’étude du seul article 555. Il faudra donc renoncer à tout ostracisme irréfléchi à l’égard des textes que le codificateur a cru devoir consacrer à l’accession si l’on veut se ménager l’espoir d’en comprendre le mécanisme. Mais pour autant, il serait tout aussi critiquable de s’en tenir à une approche strictement formaliste du problème, en prenant en considération pour l’analyse que nous entendons mener l’ensemble des articles que le Code range sous le chapitre intitulé « Du droit d’accession sur ce qui s’unit et s’incorpore à la chose ». Certains n’ont en effet rien à voir avec le mécanisme de l’accession proprement dit. On veillera donc préalablement à soumettre le Code à une lecture critique. Dans une approche de l’accession qui prend pour point de départ le Code civil, il faudra naviguer entre deux écueils majeurs, celui de l’ignorance de certaines de ses dispositions comme celui d’un trop grand respect de sa lettre.

13- Qu’en est-il du reproche de partialité ? Celle-ci est évidente chez les auteurs qui

n’envisagent l’accession qu’à titre d’illustration d’un mécanisme dont ils entendent démontrer que

28 M. Planiol et G. Ripert, « Traité pratique de droit civil français », T. III, « Les biens », par M. Picard 1952 n° 284.

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le droit positif le consacre30. L’analyse est alors nécessairement contrainte par l’objectif. Mais dans

combien de travaux entièrement dédiés à l’étude de l’accession, les auteurs, pour parler avec Cl. Bernard, « partent d’une idée fondée plus ou moins sur l’observation et qu’ils considèrent comme

une vérité absolue. Alors ils raisonnent logiquement et sans expérimenter, et arrivent, de conséquences en conséquences, à construire un système qui est logique, mais qui n’a aucune réalité scientifique »31. Il faudra donc se défier des « idées toutes faites », des « théories préconçues » que

stigmatisait P. Lévie, si courantes en la matière et qui prétendent étayer les théories de l’accession. Ne pas reconstruire les règles de l’accession en fonction d’un principe de départ, qu’une formulation latine aura paré de respectabilité, accessio cedit principali, superficies solo cedit,

accessorium sequitur principale, mais en revenir, par l’étude des règles même du Code civil, à sa

signification essentiellement pratique. Voilà quelle sera la méthode de travail. Il est temps maintenant d’en venir au fond du problème.

14- A quoi les théories soutenues à propos du mécanisme de l’accession ont-elles abouti ? Il

n’est évidemment pas question de reprendre dans leur diversité, et dans le cadre de cette introduction, l’ensemble des thèses défendues par la doctrine. Mais il est cependant facile d’en dégager les lignes de force. A l’origine de l’éviction du propriétaire du bien accessoire se trouve un phénomène matériel, qu’il soit naturel ou artificiel, d’union de son bien avec la chose principale d’autrui. C’est dans ce phénomène qu’est recherché le fondement de l’accession. Le phénomène d’union des biens et sa conséquence, l’éviction du propriétaire de l’accessoire au profit du propriétaire du principal, sont à ce point indissociables qu’il finissent par se confondre pour la doctrine : « l’accession n’exprime qu’un fait auquel manque précisément tout caractère juridique » écrit Acollas32. Et Planiol reprend cette conception : « le droit d’accession n’est pas susceptible

d’opérer à terme. C’est un phénomène naturel qui produit ses effets immédiatement. Il consiste à devenir propriétaire par le seul fait de l’incorporation au sol ou à un bâtiment préexistant de matériaux ou d’objets divers appartenant à autrui, et cela indépendamment de la volonté de celui qui les incorpore, et même contre sa volonté »33, conception que l’on tient toujours pour

l’expression d’une évidence34. L’éviction du propriétaire de l’accessoire au profit du propriétaire du

principal est nécessairement automatique : le droit ne peut que prendre acte d’un phénomène qui s’est passé en dehors de lui, dans le théâtre de la nature. On ne peut alors que légitimement déplorer que « la matière commande le droit : des rapports qu’elle pose, toute considération sociale,

30 Ainsi H. Aberkane a-t-il vu dans le mécanisme de l’accession le simple jeu de l’obligation réelle, objet de sa recherche (« Essai d’une théorie générale de l’obligation propter rem en droit positif français », LGDJ 1957, n° 147 et suiv.).

31 « Introduction à l’étude de la médecine expérimentale », Flammarion, coll. Champs, 1998, p. 70. 32 E. Acollas, « Manuel de droit civil. Commentaire philosophique et critique du Code Napoléon », T. I, 2e éd., Paris 1874 p. 577.

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économique, toute pensée d’équité sont exclues. La solution est proposée et imposée par les choses. Elle ne découle pas des sources vraies et humaines du Droit »35. Pour autant, le droit ne s’avoue pas

définitivement vaincu. S’il n’est pas en son pouvoir d’éviter l’union ni l’éviction d’un des propriétaires qui en découle, il peut en revanche en compenser les effets patrimoniaux. Tout comme le mécanisme de la responsabilité civile vise à revenir sur la répartition naturelle des dommages entre les hommes, en en faisant peser le poids financier non sur la victime mais sur une autre personne qui pourra, au terme de mécanismes divers, être désignée responsable, les règles de l’accession ont aussi pour objectif, dans une moindre mesure, d’organiser les modalités d’indemnisation du propriétaire évincé par celui qui bénéficie de l’accession. La consécration jurisprudentielle du principe général de répétition des enrichissements non causés à la fin du XIXe

siècle a alors permis de lever le voile sur une partie essentielle du mécanisme de l’accession. Si le propriétaire du bien principal est tenu d’indemniser le propriétaire de l’accessoire, c’est parce qu’il s’est enrichi à ses dépens. L’accession n’est donc sous cet aspect qu’une application de l’action de

in rem verso. La loi du 17 mai 1960, en neutralisant les effets de l’érosion monétaire pour le calcul

de l’indemnité d’accession, a marqué l’étape ultime de ce que pouvait faire le législateur dans la protection des intérêts du maître de la chose accessoire.

Il y a donc en définitive un point de rupture très net dans le mécanisme de l’accession tel qu’il est perçu par la doctrine. Dans un premier temps se produit une modification patrimoniale, reflux dans le patrimoine du propriétaire de la chose accessoire, flux dans le patrimoine du propriétaire du bien principal. Modification patrimoniale qui est la conséquence nécessaire et automatique du phénomène matériel, qu’il ait une origine naturelle ou artificielle, d’union des deux biens. Dans un second temps, le droit intervient pour compenser les conséquences pécuniaires de ce mouvement de flux et de reflux. La thèse soutenue ici consistera à déplacer ce point de rupture en amont.

15- Trois phases peuvent être distinguées dans le mécanisme de l’accession. Se produit

d’abord un phénomène, celui de l’union ou plus exactement, le terme étant plus neutre quant à sa nature véritable, du rapprochement de deux biens différemment appropriés. Dans un second temps, le propriétaire de la chose faisant figure d’accessoire est évincé au profit du maître de la chose principale. Enfin, et c’est là le troisième temps, ce dernier est tenu d’indemniser le propriétaire du bien accessoire. La doctrine amalgame les deux premières phases du mécanisme. L’éviction du propriétaire de l’accessoire est perçue comme la conséquence nécessaire et automatique du phénomène de rapprochement des biens, elle s’y confond. C’est cet amalgame que l’on doit pouvoir éviter de manière à faire apparaître que le rapprochement de deux biens différemment appropriés

34 J.-P. Bertrel, « L’accession artificielle immobilière. Contribution à la nature juridique du droit de

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n’est en réalité qu’une condition parmi d’autres, même si c’est une condition sine qua non, de la règle juridique de l’accession. Ce qui commande alors une certaine rigueur terminologique. Le terme d’accession devrait être réservé à la règle juridique dont l’effet est d’évincer le propriétaire de la chose accessoire au bénéfice du maître du bien principal, sans qu’il désigne un phénomène d’union entre deux biens comme il le fait trop souvent36. Il n’y a pas à proprement parler de

« phénomène d’accession »37. A ne pas s’y tenir on risque de devoir concéder que « la clarté des

idées pourrait gagner à ce que le mot d’accession disparût de la loi »38.

Quels sont alors les effets d’une telle dissociation entre les deux premières phases du mécanisme de l’accession ?

16- D’une part, la critique de Planiol, qui voyait dans l’accession un mécanisme barbare, et

qui fonde la défiance de nombreux auteurs à l’égard de cette matière, n’a plus lieu d’être. La solution n’apparaît en effet pas tant dictée par les choses que voulue par le législateur. Même si cela est commode, le droit ne peut se décharger à aussi bon compte sur la nature de la responsabilité d’une expropriation qu’elle ne commande nullement mais qu’il choisit d’imposer. On se gardera cependant de critiquer le choix ainsi opéré par le droit positif. L’examen des autres modes de solution théoriquement possibles démontre que l’accession, c’est-à-dire l’éviction du propriétaire de l’accessoire, est, dans l’immense majorité des cas, la meilleure option possible.

17- D’autre part, et c’est là l’essentiel, si le point de rupture est déplacé en amont, inséré

entre le phénomène d’union et l’éviction qui s’ensuit, il devient possible de défendre en retour l’unité profonde des deux effets juridiques engendrés par l’accession, éviction mais aussi indemnisation du propriétaire de l’accessoire. La clé du mécanisme de l’accession se trouve, croyons-nous, dans la mise en évidence du lien indissoluble qui existe entre éviction et indemnisation du propriétaire de l’accessoire. Pour l’apercevoir il faut quitter tout a priori condensé en de respectables formules latines, pour s’attacher à envisager le problème de l’accession d’une manière avant tout concrète. Or que voit-on ? Deux propriétaires qui s’opposent parce que leurs biens, suite à un accident ou à l’initiative de l’un d’entre eux, ont été réunis. A l’origine de l’accession existe donc un conflit entre deux propriétaires. Cette observation permet alors de faire apparaître l’accession sous son jour véritable : elle n’est rien d’autre qu’un mode de solution

35 P. Lévie, « Traité théorique et pratique des constructions érigées sur le terrain d’autrui », thèse Louvain 1951 p. 18.

36 La confusion est extrêmement courante. Par exemple, topique, Ch. Paulin : « La chose résultant de

l’accession peut exceptionnellement être commune aux propriétaires des matières employées (…) » (J.-Cl.

Civil art. 565 à 577, n° 18). Au vrai, en lieu et place du mot « accession », faut-il entendre « union » ou « rapprochement ». La règle juridique de l’accession n’aura précisément pas joué si la chose est déclarée indivise entre les propriétaires.

37 Pourtant, M.-Cl. Fayard, op. cit. n° 6.

38 E. Acollas, « Manuel de droit civil. Commentaire philosophique et critique du Code Napoléon », T. I, 2e éd., Paris 1874 p. 578.

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juridique à ce conflit. Partant, s’il est vrai que c’est d’une manière pratique et non théorique que la difficulté doit être posée, peut-être sera-t-il plus fructueux de raisonner en termes d’action en justice plutôt que de droit subjectif. C’est en effet toujours en se plaçant au plan substantiel que les auteurs ont tenté de dénouer la problématique du fondement de l’éviction du propriétaire de l’accessoire par le maître du bien principal. Dans cette optique, on peut alors proposer l’idée suivante. Lorsque le propriétaire de l’accessoire va réclamer la restitution de sa chose, le droit objectif va autoriser le propriétaire du bien principal à refuser de déférer à cette demande, soit parce que la restitution est matériellement impossible, soit afin que soit évitée une dissociation antiéconomique. Le moyen de défense opposé à l’action en restitution produit alors au plan substantiel à la fois la perte de son droit par le propriétaire de l’accessoire et une acquisition de propriété dans la personne du propriétaire du principal. Mais ce rejet de la revendication n’aura pas un effet trop radical. Si la demande du propriétaire de l’accessoire est écartée, ce n’est qu’autant qu’elle vise à obtenir la restitution en nature du bien. Seule cette dernière commande une dissociation qu’on ne veut ou ne peut éviter. Elle demeure en revanche recevable quant à l’obtention de la valeur de la chose accessoire. L’indemnité d’accession ne serait alors nullement l’application du principe prétorien d’enrichissement sans cause au fondement évanescent. Elle apparaîtrait comme la restitution en valeur de l’accessoire à son propriétaire, pis-aller à une restitution en nature impossible ou simplement indésirable.

Voilà l’idée, dont nous voudrions à présent montrer qu’elle permet tant d’expliquer les solutions du droit positif en la matière que de les compléter utilement.

A cette fin, les deux effets juridiques majeurs de l’accession devront être tour à tour examinés, l’éviction du propriétaire de l’accessoire d’une part et son indemnisation d’autre part, en gardant à l’esprit, malgré leur dissociation à des fins didactiques, leur indéfectible unité.

Première partie : L’éviction du propriétaire de l’accessoire Seconde partie : L’indemnisation du propriétaire de l’accessoire

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PREMIERE PARTIE

L’EVICTION DU PROPRIETAIRE DE

L’ACCESSOIRE

18- Le terme même d’accession est indubitablement amphibologique. Il désigne pour la

doctrine aussi bien le phénomène d’union de deux biens que sa principale conséquence juridique, l’éviction du propriétaire de l’un d’entre eux. Au vrai, la polysémie du mot ne dérange guère dans une approche classique de la question. Dès lors que la survenance d’une union de biens est perçue comme devant nécessairement et automatiquement provoquer l’éviction de l’un des propriétaires concernés, et plus encore, en constituer à elle seule l’explication et le fondement, l’effet ne se distingue plus véritablement de sa cause et un seul terme, celui d’accession, peut servir à les désigner l’un l’autre.

Si en revanche l’éviction du propriétaire de l’accessoire cesse d’être perçue comme le résultat nécessaire de l’union de son bien avec la chose principale d’autrui, une certaine rigueur terminologique doit alors être observée, conduisant à distinguer nettement l’accession en tant qu’elle désigne un simple phénomène (Titre I), de l’accession en tant que règle juridique provoquant l’éviction du propriétaire du bien accessoire (Titre II).

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TITRE I

/

L

ACCESSION COMME PHENOMENE

19- A première vue, l’accession suppose l’union de deux biens distincts. Il faut pourtant

remarquer que « l’accession ne se limite pas à l’union de deux choses : l’industrie développée sur

une chose peut donner lieu à accession, par spécification »1. L’observation semble exacte : l’article

570 du Code civil envisage en effet l’hypothèse où « un artisan ou une personne quelconque a

employé une matière qui ne lui appartenait pas à former une chose d’une nouvelle espèce » pour

décider de l’attribution de cette chose nouvelle au propriétaire de la matière et exceptionnellement au spécificateur2. En vérité, bien que figurant formellement dans une section du Code civil traitant

« Du droit d’accession relativement aux choses mobilières », on doit reconnaître, sinon que « la

spécification n’est pas intrinsèquement un cas d’accession »3, du moins qu’elle n’a pu y être

rattachée qu’au moyen d’un raisonnement analogique, en procédant à une véritable réification de la prestation de travail accomplie relativement à la chose : « la loi considère fictivement la

main-d’œuvre comme une composante du produit au même titre que la matière »4. Si l’industrie

développée sur une chose peut donner lieu à accession, c’est à condition de considérer que l’industrie elle-même, objectivée en une prestation de travail déterminée, revêt une valeur patrimoniale certaine qui la rapproche d’un bien5. La situation née de la spécification peut alors

évoquer le mélange de deux biens meubles. Apprécier la légitimité d’un tel raisonnement requerrait une recherche fondamentale sur la nature même de la prestation de travail, de son appartenance au patrimoine et par delà de son appropriation, recherche qui dépasse notre propos6. Aussi se

contentera-t-on d’observer une certaine défiance vis-à-vis des articles 570 à 572 du Code civil dans

1 Ch. Paulin, J.-Cl. Civil art. 565 à 577, n° 13.

2 Article 571, pour le cas où « la main d’œuvre était tellement importante qu’elle surpassât de beaucoup la

valeur de la matière employée ».

3 F. Zenati et Th. Revet, « Les biens », PUF 1997 n° 151 c). Adde. G. Marty et P. Raynaud, « Les biens » par P. Jourdain, Dalloz 1995 n° 412 « Il s’agit d’une hypothèse voisine de l’accession proprement dite (…) » ; F. Pérochon, « La réserve de propriété dans la vente des meubles corporels », thèse dactylographiée Montpellier 1987, n° 226 p. 96 (ces développements n’étant pas reproduits dans l’édition Litec 1988) ; Th. Revet, « La

force de travail. Etude juridique », préface F. Zenati, Litec 1992 n° 417 et suiv., procédant à une analyse

historique critique du rattachement de la spécification à l’accession par le Code civil. Selon ce dernier auteur, « la spécification se distingue bien de l’accession : elle est un mode originaire d’attribution d’une chose

entièrement nouvelle parce que le travail a fait naître une chose nouvelle par la transformation d’une matière première ; le droit de propriété dont elle était l’objet a disparu ; la propriété nouvelle n’est pas l’émanation de la propriété ancienne. Là est la rupture avec la théorie de l’accession » (n° 417).

4 F. Zenati et Th. Revet, ibidem.

5 En ce sens, A. Colin et H. Capitant, « Traité de droit civil » T. II par L. Julliot de la Morandière, Dalloz 1959 n° 73 : « A aller au fond des choses, on se trouve bien en présence de l’union, de l’incorporation sinon

de deux choses, du moins de deux valeurs, la matière et le travail » (souligné par nous). Adde., reprenant les

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une étude consacrée au mécanisme de l’accession pour retenir que son déclenchement requiert fondamentalement l’union de deux choses.

20- Ce n’est pas à dire pour autant que, hors de l’hypothèse de la spécification, l’industrie

n’ait aucun rôle à jouer dans le mécanisme de l’accession, même s’il n’y est plus explicitement fait référence7. Paradoxalement, l’hypothèse principale d’accession, celle sur laquelle se focalise la

doctrine et qu’envisage l’article 555 du Code civil, la construction sur le sol d’autrui, ne participe qu’indirectement au schéma type de l’accession, celui de l’union de deux biens distincts. Il n’y a pas en effet en pratique dans ce cas de figure union de deux biens préexistants, le sol d’une part et la construction d’autre part. Il y a amélioration d’un bien, le sol, au moyen de l’incorporation de matériaux par le biais d’une prestation de travail, laquelle revêt souvent une importance majeure. L’irruption du facteur travail conduit alors à rattacher l’hypothèse à la théorie des impenses plutôt qu’à celle de l’accession où il n’est normalement pas pris en compte.

Aussi faudra-t-il envisager d’abord les occurrences indiscutables de rapprochement de deux biens (Chapitre I), pour envisager ensuite en quoi la construction sur le sol d’autrui, si elle est avant tout une hypothèse d’amélioration d’un bien, participe en réalité exactement du mécanisme de l’accession (Chapitre II).

6 Voir sur cette question la thèse précitée de Th. Revet. Adde., M. Fabre-Magnan, « Le contrat de travail

défini par son objet » in « Le travail en perspective », LGDJ 1998 coll. Droit et société, p. 101 et suiv., spéc.

p. 110 et suiv.

7 Ainsi pourrait-on se demander, en cas d’adjonction ou de confusion, si, dès lors qu’elle aura nécessité le déploiement de l’activité de l’un des propriétaires concernés, la valeur de l’industrie doit être prise en compte pour la détermination de l’accessoire et du principal. Le Code civil ne le prévoit pas expressément, mais on pourrait penser à première vue que le renvoi à l’équité opéré par l’article 565 al. 1 autorise le juge à le faire. En revanche, lorsque l’activité est déployée par un tiers, « il suffit à l’équité d’imposer aux copropriétaires

d’indemniser l’opérateur pour son travail : les règles de l’accession servent en principe à trancher un conflit entre propriétaires. En l’absence de disposition contraire, on peut donc estimer qu’il n’y a pas lieu de traiter le simple opérateur comme titulaire d’un droit réel » (F. Pérochon, thèse précitée note 233 p. 99).

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CHAPITRE I

/

LE RAPPROCHEMENT DE DEUX BIENS

21- L’article 546 du Code civil énonce à titre de principe que « la propriété d’une chose, soit mobilière, soit immobilière, donne droit sur tout ce qu’elle produit, et sur ce qui s’y unit accessoirement, soit naturellement, soit artificiellement ». Les rédacteurs du Code civil, en voulant

présenter de manière rationnelle la collection disparate de règles héritées du droit romain8, ont fait œuvre nouvelle et tenté de rassembler sous le nouveau vocable d’accession9 les diverses solutions

héritées de la casuistique romaine10. Le dénominateur commun en fut trouvé dans l’idée

d’acquisition d’une chose accessoire par le propriétaire d’un bien qui au regard de celle-ci fait figure de bien principal. Mais l’œuvre unificatrice des rédacteurs n’a pas tenu devant la diversité des hypothèses qu’elle entendait fédérer. La doctrine a eu tôt fait de distinguer l’accession par production de l’accession par incorporation et même de les opposer, en soulignant que la première relève d’un phénomène de « discession » précisément contraire au phénomène d’union qui caractérise la seconde11. Puisqu’il a été fait justice de l’assimilation hasardeuse entre deux règles

étrangères l’une à l’autre12, il est inutile d’y revenir et il faut considérer avec G. Marty, P. Raynaud

et P. Jourdain que « la véritable accession » est celle que déclenche l’union de deux biens13.

8 Sur ce caractère disparate, cf. G. Goubeaux, « La règle de l’accessoire en droit privé », LGDJ 1969 n° 179 et suiv. et P. Lévie, « Traité théorique et pratique des constructions érigées sur le terrain d’autrui », thèse Louvain 1951 n° 34.

9 Le terme d’accessio désignait à Rome la chose accessoire elle-même. C’est à Pothier que l’on doit l’emploi du terme accession dans l’acception que nous lui connaissons aujourd’hui (« Traité du droit de domaine de

propriété » n° 156). Sur ce point, E. Larcher, « Des constructions élevées sur le terrain d’autrui », thèse Paris

1894 n° 14.

10 Le tribun Grenier soulignait ainsi que « le projet de loi a été amélioré respectivement aux lois Romaines.

Elles contenaient une foule de distinctions qui ne pouvaient que jeter de l’embarras. On a remarqué la possibilité d’exprimer tous les différents modes, soit de production, soit de réunion, soit d’incorporation, sous une seule expression générique qui les rend également, celle d’accession. Cette expression se trouvant très propre, le plan du projet de loi en est devenu plus simple » (P. A. Fenet, « Recueil complet des travaux préparatoires du Code civil », T. XI, 1827 p. 160).

11 Ch. Demolombe, « Cours de Code napoléon », T. IX, 1875 n° 573. Adde. E. Larcher, op. cit. p. 81 ; R. de la Grasserie, « De l’accession», thèse Caen 1865, p. 99 : « C’est une accession éloignée, si éloignée qu’il y a

précisément séparation ».

12 Certains auteurs critiquent ouvertement le caractère artificiel de la construction opérée par le Code civil : « L’utilisation du concept d’accession pour désigner deux institutions aussi disparates que le jus fruendi et

l’accessio proprement dite porte la confusion à son comble. » F. Zenati et Th. Revet, « Les biens », PUF 1997

n° 160 ; dans le même sens, J. Brissé Saint Macary, « De l’accession artificielle immobilière », thèse Bordeaux 1929 p. 9 et 10, P. Lévie, op. cit. n° 34 p. 103 : « on n’unifie pas aussi légèrement des problèmes

qui, bien que semblables, restent profondément différents ».

Mais la critique est implicite chez les auteurs qui renoncent à traiter de la production des fruits au titre de l’accession : F. Zenati et Th. Revet, op. cit. n° 149 et suiv. ; H., L., J. Mazeaud et F. Chabas, « Leçons de droit

civil », T. II, vol. 2, « Biens » Montchrestien 1994 n° 1588 et suiv. ; J. Carbonnier, « Droit civil », T. III, « Les biens », PUF 2000 n° 60 et 212 et sur le lien entre ces deux hypothèses, n° 63 a) 1° ; Ch. Beudant et P. Voirin,

« Cours de droit civil français », T. IV, « Les biens » 1938 n° 337 et suiv. ; M. Planiol et G. Ripert, « Traité

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22- En cette matière, le chapitre II du titre II du livre II du Code civil intitulé « Du droit d’accession sur ce qui s’unit et s’incorpore à la chose », est inauguré par l’article 551 qui énonce à

titre de principe que « tout ce qui s’unit ou s’incorpore à la chose appartient au propriétaire ». Le ton est donné : c’est un phénomène physique qui est à l’origine de la modification du statut juridique de la chose accessoire ; ce que confirme à première vue l’ensemble des hypothèses visées par le législateur dans les articles subséquents. En se contentant de distinguer, en matière immobilière, l’accession naturelle de l’accession artificielle, le législateur accrédite l’idée que ces deux séries d’hypothèses participent d’un phénomène identique, l’union de deux biens auparavant distincts, dont seule la cause effective diverge. La doctrine s’y laisse prendre qui continue à voir dans l’accession naturelle un véritable cas d’accession, se distinguant seulement de l’accession immobilière artificielle en ce que la main de l’homme n’y a pas pris part. En réalité, les cas d’accession naturelle visés par le Code ne relèvent nullement de l’accession, faute que s’y retrouve un quelconque phénomène d’union entre deux biens. Le but assigné à ce travail – expliquer le mécanisme de l’accession – oblige alors à défaire un peu plus l’œuvre unificatrice des rédacteurs du Code pour, dans une section préliminaire, rejeter hors de l’étude les hypothèses habituellement visées sous le vocable d’accession naturelle. Cet ostracisme est fondé, dès lors que l’exigence d’une union entre deux biens distincts, caractéristique de l’accession, fait ici défaut.

En revanche, lorsque celle-ci existe réellement, il est nécessaire d’envisager plus avant les caractères de cette réunion de deux biens. L’étude du mécanisme de l’accession ne saurait faire l’économie de l’analyse des cas où il se déclenche. Le Code civil, par les termes qu’il emploie et les hypothèses qu’il recense, fonde indubitablement l’accession sur un phénomène d’union matérielle entre deux biens. Cette exigence cantonne l’accession dans un domaine restreint, l’ancre dans une matérialité pesante et justifie les critiques de la doctrine qui dénonce son caractère primitif14. Il n’est

pas sûr cependant que cette approche résiste à l’analyse. L’étude des cas ou l’accession joue suite à l’union matérielle de deux biens démontre que ce n’est pas l’intensité du lien physique entre les choses qui commande l’éviction du propriétaire de l’accessoire au profit du propriétaire du principal mais bien plutôt le souci de préserver l’unité qu’ils constituent l’un avec l’autre. Ce constat est d’importance car, dès lors que ce n’est pas tant l’union que l’unité que le Code civil cherche à protéger lorsqu’existe un lien matériel entre deux biens, il devient légitime de se demander s’il ne peut se rencontrer d’occurrences où l’accession se produit en dehors de toute attache matérielle, par

Rau, « Droit civil français », T. II, par P. Esmein 1961 n° 203 et suiv. ; G. Marty et P. Raynaud, « Les biens » par P. Jourdain, Dalloz 1995 n° 121 et suiv., spéc. n° 124.

Cependant, pour une présentation suivant le Code : F. Terré et Ph. Simler, « Droit civil. Les biens », Dalloz 1998 n° 227 et suiv. ; Ch. Larroumet, « Droit civil », T. II, « Les biens, droits réels principaux », Economica 1997 n° 654 et suiv.

13 P. Jourdain, op. cit. n° 124. Dans le même sens, Ph. Malaurie et L. Aynès « Les biens. La publicité

foncière », Cujas, 4e éd. 1998 par Ph. Théry n° 440. 14 Notamment M. Planiol, note au D.P. 1892, II, p. 402.

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le seul fait que principal et accessoire forment une unité. L’examen de l’intensité de l’union matérielle (Section I) débouche donc sur une question plus fondamentale, celle de la matérialité même de l’union à l’origine de l’éviction du propriétaire du principal (Section II).

Se justifie alors au regard de cette dernière interrogation l’intitulé de ce chapitre : visant le simple rapprochement de deux biens plutôt que leur réunion véritable, la matérialité du lien qui les unit n’est pas postulée.

SECTION PRELIMINAIRE

/

NECESSITE D

UNE UNION

:

LES HYPOTHESES

D

ACCESSION NATURELLE

23- L’accession, entendue comme une règle juridique entraînant l’éviction du propriétaire

de l’accessoire, suppose pour sa mise en œuvre que se soit produit au préalable un fait matériel. Ce fait consiste dans le rapprochement de deux biens, auparavant distincts, entre lesquels pourra être établi un rapport d’accessoire à principal.

Lorsqu’il traite de l’accession, le Code civil distingue l’accession mobilière de l’accession immobilière et au sein de celle-ci, l’accession artificielle de l’accession naturelle. Les neuf articles consacrés à cette dernière catégorie sont présentés comme réglant l’attribution d’un bien nouveau – île, alluvion, animal – adjoint à un immeuble préexistant qui, faisant figure de principal, en emporte la propriété par le jeu de l’accession. Accession qui présente cependant la particularité de ne donner lieu à aucune indemnisation, ce que la doctrine justifie par son origine naturelle15. En réalité, si

aucune indemnité n’est due dans ces hypothèses, c’est tout simplement parce que la règle juridique de l’accession ne se produit pas. Le phénomène d’union de deux biens qui la déclenche fait ici défaut, aussi bien quand les eaux (§ I) que les animaux (§ II) se déplacent.

§

I

/

LE MOUVEMENT DES EAUX

24- Le Code civil consacre plus d’articles aux conséquences du mouvement des eaux qu’à

celles de la construction sur le terrain ou avec les matériaux d’autrui. La doctrine rétablit l’équilibre en concentrant presque exclusivement son attention sur l’article 555 et en se contentant parfois de

15 « Si l’on peut admettre qu’un propriétaire soit dépouillé de son bien par l’effet de l’accession naturelle

sans recours possible, parce qu’elle est le résultat d’un phénomène dont personne n’est responsable, il n’en est plus de même quand l’accession est l’œuvre d’une personne connue » : M. Planiol et G. Ripert, « Traité pratique de droit civil français », T. III, « Les biens », par M. Picard 1952 n° 262. L’argument ne convainc

nullement dans la mesure où l’indemnité est, pour ces auteurs et pour une doctrine presque unanime, fondée sur l’enrichissement sans cause et non sur la responsabilité civile. Elle devrait donc être due dès lors que peuvent être constatés un enrichissement et un appauvrissement corrélatifs.

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traiter de l’accession naturelle en renvoyant simplement à la lecture du Code civil16. Ce désintérêt

annihile toute analyse critique de l’intégration de ces dispositions au sein du chapitre consacré à l’accession par le législateur napoléonien17, d’autant que l’analyse des conséquences du mouvement

des eaux en termes d’accession paraît pouvoir se réclamer d’une certaine logique. Raisonnant sur l’alluvion, il semble bien que l’on soit en présence d’une union de deux biens. L’agrégat de terre, de cailloux et de boue que forme l’alluvion vient s’unir à la parcelle riveraine et s’y incorporer. Il est alors tentant d’y voir l’union d’un meuble – les éléments constituant l’alluvion ne devenant immeuble par nature que suite à leur incorporation à la rive – à un immeuble. Le propriétaire de l’immeuble, bien principal, deviendrait alors, en vertu de l’accession, propriétaire de l’alluvion.

En réalité, l’analyse démontre que nulle accession n’est ici en cause. L’ensemble des dispositions relatives aux alluvions, avulsions, lais et relais que le Code rattache à ce mécanisme relèvent d’une autre problématique, celle de la délimitation de la propriété foncière (A). Quant aux articles 560 à 563 traitant du statut des îles et du lit des cours ou pièces d’eau, ils ne font que tirer les conséquences logiques de l’appropriation du terrain qui supporte les eaux, sans qu’aucune question d’accession n’intervienne (B).

A

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LA DELIMITATION DE LA PROPRIETE FONCIERE

25- Le raisonnement généralement tenu en matière d’alluvion et qui semble fonder le

rattachement de la matière au mécanisme de l’accession, n’est guère transposable en présence de relais. Le relais consistant en effet en l’abandon d’une fraction du lit accolé à la rive par l’eau, il n’y a plus incorporation d’un meuble à la rive mais simple juxtaposition d’un terrain à un autre. Si le terrain antérieurement couvert par les eaux appartient à un tiers – qui sera le plus souvent l’Etat –, l’accession ne pourra jouer sur cette parcelle découverte au profit du riverain. Il n’a jamais été admis, comme nous le verrons ultérieurement18, que l’accession puisse opérer de manière

horizontale entre deux terrains limitrophes. Jamais le propriétaire d’une parcelle qui en jouxte une autre de plus faible superficie n’a pu, au titre de l’accession, s’en prétendre devenu propriétaire. L’accession joue verticalement, nullement horizontalement19. Pourtant, l’article 557 du Code civil énonce que les relais deviennent la propriété du maître du fonds riverain20.

16 Ch. Larroumet, « Droit civil », T. II, « Les biens, droits réels principaux », Economica 1997 n° 656. 17 Il faut cependant excepter R. de la Grasserie, qui rattache la problématique de l’alluvion à celle du bornage et non à celle d’une acquisition de propriété (« De l’accession», thèse Caen 1865, p. 20 et suiv.) et G. Goubeaux qui considère qu’en matière d’accession naturelle la difficulté est résolue sans le secours de la maxime accessorium sequitur principale et que ces questions ont trait à la délimitation de la propriété

foncière (op. cit. n° 242 et suiv.). Sur l’évolution du rattachement de ces règles à la théorie de l’accession, voir Ph. Kaigl, J.-Cl. Civil art. 556 à 564, n° 8.

18 Cette question sera abordée à propos des régimes matrimoniaux : infra n° 75 et suiv.

19 Ainsi l’explication ingénieuse de A. Plancqueel pour faire admettre l’accession horizontale en cas

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