DES PARTENAIRES ET DES ACTIONS
L’Abbaye de Fontevraud, entre mémoire, éducation et création
Xavier KAWA-TOPOR
Directeur de l’Abbaye de Fontevraud
L’abbaye de Fontevraud, lieu patrimonial majeur de la région des Pays de la Loire est à la fois un sujet de mémoire, d’histoire et un lieu de création pour des artistes, mais également pour des jeunes et leurs enseignants, notamment des lycées agricoles. Son directeur nous livre quelques réflexions sur l’utilité d’un lieu patrimonial en matière d’éducation artistique, entendue comme le moyen de partager collectivement des ex- périences sensibles.
Quelle chance pour l’Abbaye de Fon- tevraud d’être aujourd’hui un lieu où les jeunes se projettent vers le futur et imaginent la vie de demain ! Que leurs projets relèvent de l’utopie, tant mieux ! Nous avons plus que jamais besoin de rêves qui dépassent le prévisible pour nous projeter vers un avenir désirable et trouver en nous les ressources indispen- sables pour construire quelque chose de neuf. L’utopie, selon les mots d’Henri Michaux est cet horizon qui sans cesse recule, un appel à se mettre en marche, avec, en nous, ce quelque chose qui nous dépasse, ce souffle, cette exaltation qui nous vient probablement de l’enfance et que la jeunesse porte en elle. On peut lui donner le nom d’idéal, ou de poésie, tout simplement.
L’éducation artistique : un dialogue
intergénérationnel
Je crois, pour cela, que travailler avec des jeunes est toujours, et avant tout, un engagement. Avec eux, nous nous enga- geons sur le terrain des valeurs morales.
Quels sont les principes qui guident nos actions ? Comment nous y tenons- nous ? Que faisons-nous, nous-mêmes de la poésie du monde dans lequel nous
vivons ? C’est sous cet angle que les deux credo de l’éducation artistique, prennent, à mon avis, toute leur valeur.
Oui, la pratique artistique est favo- rable à l’apprentissage de la créativité, concept dont notre société en crise use et abuse. Mais la créativité ne se décrète pas : elle se nourrit de culture, de savoir- faire, d’imagination et d’envie.
Oui, la création artistique permet aussi une expérience de la citoyenneté : créer, c’est agir sur le monde et être agi par lui. L’éducation artistique est un dialogue.
Plus encore qu’un devoir de transmis- sion de connaissances, nous sommes engagés, à travers elle, dans une relation intergénérationnelle à double sens : ce que les jeunes nous apprennent du monde dans lequel nous vivons a aussi un prix.
De l’utilité d’un lieu patrimonial pour penser hier et débattre
aujourd’hui
C’est la raison pour laquelle les pro- jets menés à l’Abbaye de Fontevraud, notamment avec les élèves des lycées
agricoles de la Région des Pays de la Loire, relèvent d’un enrichissement mu- tuel qui donne tout son sens, et même sa raison d’être, à ce grand monument hérité du passé.
L’utilité d’un tel lieu patrimonial n’est pas seulement, pour la société contem- poraine, de remémorer le passé. Elle est aussi de l’ordre de « l’appel à vivre » se- lon l’expression de Daniel Sibony. Chargé d’histoire certes, mais aussi disponible pour autre chose, vacant, comme un bateau échoué sur la grève où peuvent se projeter tous les rêves de voyage.
Fontevraud, que son fondateur Ro- bert d’Arbrissel avait imaginé au XIIème siècle comme une cité idéale, garde cette formidable disposition initiale de lieu d’élévation et de lieu laboratoire.
Les expérimentations qu’y mènent les élèves du lycée agricole Edgar Pisani à Montreuil-Bellay, créant pour l’abbaye un « jardin des ondes », comme celles engagées, avec le réseau Art’ur sur le projet « Rêve de cités ou les territoires de l’utopie », grâce à l’engagement de leurs enseignants, sont précieuses en ce qu’el- les mettent ces jeunes, futurs acteurs essentiels de nos territoires, en situation collective de faire vivre ce lieu pour ce qu’il peut être : un lieu où la société contemporaine se réfléchit dans le mi- roir de l’histoire, se pense dans le débat d’idées, se projette et s’invente par la création. Qu’ils en soient remerciés.
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