ONCOLOGIE 508
Nous avons lu pour vous…
Dieu aime-t-il les malades ? Les religions monothéistes face à la maladie
Nicolas Martin, Antoine Spire (2004) Éditions Anne Carrière, Paris, 326 p., 18
€(ISBN : 2-84337-252-6)
Voici un livre qui constitue une très bonne, voire une excellente revue de la littérature sur différents aspects éthiques de la pratique médicale dans les domaines qui sont source de tension quelle que soit l’optique de réflexion choisie, laïque ou religieuse.
Dans la première partie, Antoine Spire et Nicolas Martin font une revue intéressante des grandes théma- tiques de la santé en montrant les apports historiques et actuels des grandes religions monothéistes au débat éthique éclairant un certain nombre d’attitudes et de prises de position actuelles.
Dans une seconde partie de loin la plus longue, ils rapportent des interviews qu’ils ont recueillies auprès de personnalités diverses : directrice d’études à l’école des hautes études en sciences sociales, rabbin, jésuite ou imam. Ces échanges très riches montrent l’importance qu’attachent les trois religions monothéistes au monde de la santé et leurs tentatives pour comprendre et soulager les souffrances des malades et de leurs proches.
Au total un excellent ouvrage avec d’innombrables références bibliographiques, qui devrait à la fois nous aider à approfondir notre réflexion personnelle face aux difficultés quotidiennes aux- quelles l’exercice quotidien de la cancérologie nous confronte et aussi nous ouvre des pistes de lecture.
Deux remarques très personnelles :
– je voudrais tout d’abord souligner l’intérêt que j’ai pris aux efforts d’Antoine Spire et de Nicolas Martin pour réaffirmer la nécessité d’une réflexion laïque (basée sur la connaissance des apports historiques des 3 religions monothéistes) dans les pratiques médicales à une époque où la réappa- rition du fait religieux voire de certains phénomènes sectaires dans notre quotidien médical commence à poser des questions pratiques ;
– en second lieu sur le titre : Dieu aime-t-il les malades ? Cette interrogation ne trouve pas de réponse claire dans le livre et je suis resté sur ma faim (fin) théologique. J’aurais aimé voire débattre de quelques questions que je soumets aux Auteurs :
Aime-t-on plus ceux qu’on aime malades que bien portants ?
Qu’est-ce que Dieu peut bien connaître de la maladie ? Dieu a-t-il jamais été malade ? Si la Maladie ne doit rien à Dieu alors comment Dieu peut-il être concerné par les malades ? Ce sera peut être le sujet d’un autre livre…
Guérir du cancer où s’en protéger
P
rDominique Belpomme (2005) Fayard, Paris, 456 p., 22
€(ISBN : 2-213-62420-8)
Du livre écrit par Dominique Belpomme : « Guérir du cancer ou s’en protéger » je retiendrais les 100 pages qui couvrent les chapitres VII, VIII, IX consacrés à l’impasse de la recherche thérapeu- tique et le chapitre X dévolu aux hypothèses environnementales sur l’origine des cancers qui sont très chers à l’auteur. Dans ces pages D. Belpomme fait œuvre de scientifique mais aussi d’acteur de santé publique engagé. Il s’interroge sur le passé, le présent et le futur de la recherche fonda- mentale en cancérologie, sur les données épidémiologiques et leurs interprétations actuelles et leurs conséquences en terme de politique de santé publique.
Insister comme il le fait par exemple sur la stagnation des résultats thérapeutiques malgré des progrès lents mais constants que l’on constate régulièrement (hors cancer du poumon) lui permet de conclure à la vanité de nos efforts actuels et la nécessité de repenser notre approche du cancer tant dans les domaines épidémiologique et biologique que dans les axes nouveaux dans lesquels la recherche fondamentale et la recherche clinique devraient s’engager.
Oncologie (2005) 7: 508-509
© Springer 2005
DOI 10.1007/s10269-005-0271-4
Cet article des Editions Lavoisier est disponible en acces libre et gratuit sur archives-onco.revuesonline.com
ANALYSES DE LIVRES 509 Ces lignes intrigantes, dérangeantes, pionnières, un rien polémiques intéresseront, étonneront, irriteront le
lecteur et pourront amener soit son adhésion soit le rejet mais rarement de l’indifférence.
Si ces quelques lignes ne peuvent pas être le lieu où les opinions, les hypothèses et les conclusions de Dominique Belpomme puissent faire l’objet d’une analyse en profondeur, elles devront à l’évidence subir les feux d’une critique scientifique rigoureuse afin de ne pas dérouter un public non scientifique.
Enfin le risque de récupération politicienne n’est pas un des moindres risques qu’a pris Dominique Belpomme en écrivant ce livre qui étaie l’Appel de Paris dont les médias ont abondamment parlé en 2004.
Risque ou parti pris volontaire de prendre à contre-pied les tenants de la pensée unique ? de la certitude temporaire ? de la langue de bois ?
À lire certainement ! mais en gardant une certaine distance vis-à-vis de l’enthousiasme de Dominique Belpomme dont la plume est très agréable et le style très vivant.
