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Academic year: 2022

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ACTUALITÉS

Nous avons lu pour vous

Rodolphe Charles

Département de médecine générale, Faculté de médecine Jacques Lisfranc, Université Jean Monnet, Campus Santé Innovations, 42270 Saint-Priest-en-Jarez. rodolphe.charles@univ-st-etienne.fr

202 MÉDECINE • Mai 2018

ACTUALITÉS

Ce petit livre [1] a été écrit par deux sociologues grâce à des fonds de l’Agence mondiale antidopage.

En effet, aux États-Unis, dans un contexte de fort accroissement des morts par overdoses liées aux consom- mations d’antalgiques et de médica- ments opiacés (tramadol, fentanyl, etc.), certaines catégories de la popu- lation sont beaucoup plus vulnérables que d’autres. Par exemple, le National Institute on Drug Abuse suit de très près les mésusages d’antidouleurs par- mi les adolescents sportifs [2], plus ex- posés aux douleurs et aux blessures : ceux-ci consomment très tôt des antal- giques de différents paliers pour faire

disparaître ou gérer les douleurs [3]

pour rester compétitif.

Ce phénomène n’a pas la même am- pleur en France où ce n’est pas encore le problème numéro un de santé pu- blique [4]. Mais l’ouvrage, basé sur des récits de jeunes sportifs, de leur en- tourage (parents, staff, médecins) et d’athlètes de haut niveau, nous alerte sur ce phénomène émergent situé à la frontière entre la thérapeutique, la drogue, et le dopage. Il s’intéresse aux normes de santé que les sportifs transgressent, à leur perception de la douleur considérée comme le signe de la performance ou du dépasse- ment de soi. Le livre se penche aussi

sur leurs parcours de soins et leurs pratiques thérapeutiques, les risques qu’ils prennent et qu’on leur autorise à prendre au nom du sport et de la performance.

1. Bujon T, Mougeot F. Le sport dans la douleur.

De l’automédication au mental training. Fon- taine : Presses universitaires de Grenoble. Sports, cultures, sociétés ; 2017. 107 p.

2. National Institute on Drug Abuse (NIDA/NIH).

NIDA painkillers: Get back in the game – use painkillers safely. 2009 : https ://www.youtube.

com/watch?v=w2M3CxmJggs

3. Bujon T, Mougeot F, Ginhoux B. La consomma- tion d’antalgiques chez les adolescents sportifs : une étude exploratoire. Le Courrier des Addic- tions 2016 ; 18 (3) : 15-9.

4. Le Bars S. Des médecins se mobilisent contre les opioïdes, nouveau fl éau de la société améri- caine. Le Monde ; 23 janvier 2018.

Sport et douleur : de l’antalgie au dopage

• Mots clés : analgésie; dopage sportif [analgesiae; doping in sports]

Que retenir pour notre pratique ?

• Le médecin généraliste est sou- vent amené à prescrire des antal- giques à des sportifs blessés. Ces antalgiques visent à un retour ra- pide à l’entraînement et peuvent constituer, souvent à l’insu du praticien qui les ordonne, un mode d’entrée dans les pra- tiques addictives. Le terrain de l’enquête se place autour de la pratique intensive et du sport de haut niveau, mais cet ouvrage incite le généraliste à la réfl exion

sur le sport amateur où addic- tions, blessures et automédica- tions ne s’avèrent pas moindres.

• Ce livre explique par exemple comment des clubs et entraîneurs demandent parfois à leurs jeunes champions de ne plus consulter un médecin généraliste trop sus- ceptible d’arrêter provisoirement ou défi nitivement le sportif. Plus ils avancent dans leurs carrières, plus le médecin généraliste est mis sur la touche et disparaît du

paysage au profi t des médecins du sport ou d’autres spécialistes.

• La consultation pour obtenir le certifi cat médical pour la pratique sportive pourrait être l’occasion pour les médecins généralistes de prévenir des risques fi nalement non pas du dopage, mais des risques sanitaires liés à des usages ou mésusages réguliers voire quotidiens d’antalgiques.

• Le sport ne rime pas toujours avec santé.

En 1939, Aimé Césaire, repris par Léo- pold Sédar Senghor, face au racisme et à la colonisation, introduit le concept de « négritude (Negrohood) » . Au sein de la majorité entendante, l’iden- tité « Sourde » peine à se construire.

Avec le « réveil Sourd » dans les an- nées 1970, la communauté parle de ce mouvement en employant le concept de « surditude (deafhood) ».

Deux petits livres, sortis début 2018, devraient être lus par tous les méde- cins amenés à soigner de temps en temps un patient sourd. Ces livres pourraient d’ailleurs fi gurer au pro- gramme des humanités en santé du PACES, ainsi que dans celui des di- verses unités d’enseignement « dire la santé en langue des signes française » des facultés de médecine. Ils nous

interrogent, en dehors de la question Sourde, sur l’altérité, le handicap, les interactions sociales ; qu’est-ce que le langage, la pensée ?

Celui de Diane Bedoin [1], Sociologie du monde des Sourds, permet aux médecins de comprendre qui sont les Sourds au-delà de leur défi cience auditive par laquelle ils sont décrits

Surditude

• Mots clés : sourd, langue des signes française, handicap [deaf; French sign language; disability]

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ACTUALITÉS

Lu pour vous

MÉDECINE • Mai 2018 203

dans les cours de médecine. L’auteure détaille les caractéristiques de la com- munauté, l’histoire des courants phi- losophiques et éducatifs (gestuels, oralistes, réveil Sourd, inclusion, bilin- guisme), les représentations de la sur- dité (intra- et extra-communautaire).

Comment les entendants voient-ils les Sourds ? L’audisme constituerait la forme paroxystique de négation- nisme de la question Sourde centrant le débat autour du pivot de l’audi- tion. Comment les Sourds se voient-ils entre eux ? Le renversement du stig- mate en avantage décrit par Goffman [2] prend avec les Sourds le nom de

« deafgain » ou « gain de la surdité ».

Le deuxième livre Paroles de Sourds, à la découverte d’une autre culture, sous la direction de Patrick Belisssen [3], rassemble des témoignages émou- vants, traduits de la langue des signes française (LSF) vers le français écrit.

Six auteurs Sourds racontent leur douloureuse éducation oraliste et la renaissance qui suit leur découverte de la Langue des signes. La préface du Dr Benoît Drion, responsable de l’Unité d’accueil et de soins aux Sourds de Lille aborde, comme Diane Bedoin, les questionnements de la commu- nauté face à la médicalisation de la

question Sourde : dépistage néonatal de masse, programme d’implantation, éducation oraliste en inclusion… et du risque d’ethnocide de la culture sourde. Ces lectures « décentrées » n’excluent pas les données factuelles montrant l’évidence d’un rôle béné- fi que de l’implantation cochléaire dans l’éducation oraliste [4].

1. Bedoin D. Sociologie du monde des sourds.

Collection Repères. Paris : Ed La Découverte, 2018. 127 p.

2. Goffman E. Stigmates : les usages sociaux des handicaps. Paris : Minuit, 1975.

3. Belissen P. Parole de Sourds, à la découverte d’une autre culture. Paris : Ed La Découverte, 2018. 270 p.

4. HAS. Le traitement de la surdité par implants cochléaires ou du tronc cérébral. 2007. Actualisé 2012.

5. Charles R, Bonnefond H. Le généraliste et les Sourds : première partie culture Sourde et médecins. Médecine 2009 ; 5 (9) : 401-3.

6. Charles R, Bonnefond H. Le généraliste et les Sourds : deuxième partie dépistage et prise en charge. Médecine 2009 ; 5 (10) : 451-5.

7. Laubreton J, Morvan R, Roblot P. Développons les consultations hospitalières pour les sourds.

Presse Med 2013 ; 42 (11) : 1427-9. http://dx.doi.

org/10.1016/j.lpm.2013.05.002 (consulté le 20/04/2018).

Que retenir pour notre pratique ?

• Les patients Sourds relèvent de la Loi 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.

• Notre attention doit se concen- trer sur ce handicap linguistique particulier. Peu de Sourds at- teignent véritablement le bilin- guisme et l’usage en consultation courante de questions-réponses sur post-it participe d’une double illusion : le médecin, animé de bienveillance, cherche à com- prendre et le patient, conscient de l’attention qui lui est portée, cache son désarroi par des ré- ponses prêtes-à-porter polies.

• Un suivi généraliste ordinaire obéit à quelques règles pratiques [5,6]. L’annonce diagnostique, une décision éthique, un suivi psychologique doivent s’effec- tuer grâce à un interprète profes- sionnel ou passe par une « unité d’accueil et de soins aux Sourds » [7] ambulatoire ou hospitalière.

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Liens d’intérêts : l’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêt en rapport avec l’article.

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