ONCOLOGIE 312
L’auteur ne limite pas son analyse au seul cancer. Il l’étend aux autres pathologies aux- quelles les occidentaux payent un lourd tri- but (cardiovasculaires, stérilité, obésité), mais aussi aux maladies des pays que l’on disait naguère constituer le tiers-monde.
L’homme dégrade son environnement, pol- lue l’eau et l’air par un usage irraisonné et
aveugle de pesticides, désherbants et autres gaz à effet de serre. Placé en bout de chaîne alimentaire, il est exposé à une concentration plus importante de polluants et cela dès la vie intra-utérine. Le résultat ? Les Inuits sont lourdement exposés, alors qu’ils n’ont jamais utilisé le moindre pesticide ou désherbant ! Plaidoyer pour un usage renforcé du principe de pré- caution.
Si le ton est parfois polémique, bon nombre d’arguments des auteurs méritent attention : quelle politique en matière de prévention primaire (entendons ici réduction de l’expo- sition aux risques) ? La lutte est, pour de multiples raisons allant des plus nobles aux plus mercantiles, tournée essentiellement
vers la maladie cancéreuse avérée et non vers une réduction de son incidence hormis la lutte contre le tabac.
Les médecins ne vivent pas hors la société et le discours des auteurs reflète les préoccupations de beaucoup de nos concitoyens. À défaut de partager les opinions exprimées, sachons au moins les écouter.
Nous avons lu pour vous…
L
e nombre de cancers augmente dans notre société, les pouvoirs publics s’en émeuvent et le président de la république fait de la lutte contre le cancer un des grands chantiers de son quinquennat.Il n’est guère de famille qui ne puisse reprendre à son compte la fable de Jean de Lafontaine des Animaux malades de la Peste : « un mal qui répand la terreur », « ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient touchés ».
On se souvient qu’il fallut trouver un coupable et que ce fut l’âne qui fit les frais de l’histoire.
Aujourd’hui, les épidémiologistes, les médecins et les médias nous indiquent qu’un cancer sur trois est lié au tabac. L’une des conséquences est claire : il faut absolument tout faire pour réduire la consommation de tabac. L’autre est une interrogation : à quoi sont dus les deux autres cancers non imputables au tabac ?
Le vieillissement de la population, la régression des autres causes de mortalité, l’amélioration des diagnostics constituent des éléments de réponse, mais ils ne paraissent pas en mesure d’expliquer l’augmentation constatée.
La société est-elle cancérigène ? L’homme crée-t-il des maladies ? À ces interrogations deux ouvrages récents tentent d’apporter des réponses.
La société cancérigène. Lutte-t-on vraiment contre le cancer ?
Geneviève Barbier & Armand Farrachi (2004) La Martinière, Paris, 180 p, 14
€(ISBN : 284675103X)
Oncologie (2004) 6: 312© Springer 2004
DOI 10.1007/s10269-004-0074-z
Ces maladies créées par l’homme. Comment la dégradation de l’environnement met en péril notre santé
Dominique Belpomme, en collaboration avec Bernard Pascuito (2004) Albin Michel, Paris, 300 p, 19,50
€(ISBN : 2226142231)
Alors amis cancérologues que vous partagiez ou non les craintes de ces deux auteurs, vous ne pouvez pas légitimement escamoter les questions posées ici. Ces deux livres sont à lire car ils apportent des éléments importants de nature à enrichir la réflexion. Puissent leurs auteurs ne pas être des Cassandre !
DrPierre MARTI
