• Aucun résultat trouvé

Préférences individuelles envers la stabilité des marges : de la théorie à la pratique

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "Préférences individuelles envers la stabilité des marges : de la théorie à la pratique"

Copied!
133
0
0

Texte intégral

(1)

Préférences individuelles envers la stabilité des marges

De la théorie à la pratique

Mémoire

Simon Doré-Ouellet

Maîtrise en agroéconomie

Maître ès sciences (M.Sc.)

Québec, Canada

© Simon Doré-Ouellet, 2017

(2)

Préférences individuelles envers la stabilité des marges

De la théorie à la pratique

Mémoire

Simon Doré-Ouellet

Sous la direction de :

(3)

Résumé

La volatilité des marges accroit la vulnérabilité des entreprises agricoles. Certains doutes subsistent néanmoins quant à l’attitude réelle des agents économiques, tels que les producteurs agricoles, envers l’incertitude inhérente aux marchés libéralisés. À cet effet, il semble que les comportements observés chez plusieurs agents économiques lors de situations incertaines ne correspondent pas aux prédictions de la théorie de l’utilité espérée. Afin d’identifier les préférences d’agents économiques ciblés à l’égard de la stabilisation des marges et de mesurer la capacité des individus à réagir aux incitatifs réels du marché de manière cohérente avec ces préférences, une expérience économique impliquant 143 participants a été menée en laboratoire. Deux phases composaient l’expérience. Lors de la première phase, les répondants ont été invités à effectuer des choix entre différentes loteries ordonnées (Multiple Price List) de manière à révéler leur préférence envers l’incertitude. Lors de la deuxième phase, les participants ont été appelés à sélectionner des couvertures d’assurance dans un marché dynamique où des pertes et des gains réels étaient possibles. L’analyse économétrique des résultats suggère que les participants sont, selon le Multiple Price List, défavorables envers l’incertitude (coefficient relatif d’aversion envers le risque de 0,55), mais que les préférences individuelles ne sont pas en mesure de prédire les comportements adoptés par les répondants dans un contexte de marché dynamique. Les décisions individuelles sont largement influencées par des ancrages exogènes et les comportements observés sur le marché fictif sont incohérents avec les préférences révélées.

(4)

Abstract

Although margin volatility increases farms’ vulnerability, doubts remain regarding the real preferences of farmers, and of other economic agents, towards market derived uncertainty. Documented cases suggest that, in an uncertain environment, the behaviors of several economic agents are not supported or explained by the expected utility theory. In order to unveil the uncertainty preferences of targeted economic agents and to measure the ability of individuals to respond to real market incentives in a manner that is consistent with their preferences, an economic experiment involving 143 participants was conducted in two phases. In the first phase of the experiment, individuals were asked to choose between ordered lottery options (Multiple Price List) as to reveal their own preference towards uncertainty. In the second phase of the experiment, participants were asked to repeatedly select insurance coverage in a dynamic market where real gains and losses were possible. The econometric analysis of the experimental data indicates that participants are – according the Multiple Price List – uncertainty averse (coefficient of relative risk aversion of 0.55). It however also suggests that individual preferences are unable to predict how one behaves in an uncertain market. Individual decisions are influenced by irrelevant anchors and the actions of participants are inconsistent with their revealed preferences towards uncertainty.

(5)

Table des matières

Résumé ... iii

Abstract ... iv

Table des matières ... v

Table des tableaux ... vii

Liste des figures ... viii

Liste des encadrés ... ix

Remerciements ... x

La volatilité des prix et des marges agricoles ... 1

L’état de la situation ... 1

L’attitude des entrepreneurs agricoles à l’égard de la volatilité ... 5

Les entrepreneurs sont défavorables à la volatilité des marges ... 5

Les entrepreneurs sont favorables à la volatilité des marges ... 6

L’évolution des préférences ... 10

Les objectifs de recherche ... 12

Le plan du document ... 14

L’approche privilégiée et la théorie de l’utilité espérée ... 15

Survol des approches pertinentes ... 15

Choix du cadre d’analyse du mémoire ... 18

Les critères de validité sociale des résultats expérimentaux ... 21

Utilisation d’incitatifs financiers réels ... 21

Absence d’incitatifs de nature morale ... 22

Neutralité des institutions expérimentales ... 22

Ampleur des gains et des pertes conséquente avec la réalité ... 23

Absence de tromperie ... 23

Réduction du «house money effect» ... 24

Les préférences individuelles à l’égard de la volatilité sur les marchés agricoles ... 25

Le processus décisionnel et la théorie de l’utilité espérée ... 26

L’aversion à l’incertitude et au risque chez les agriculteurs ... 31

L’impact de l’ambigüité sur les préférences ... 34

La notion d’ancrage ... 35

La vente de couverture d’assurance ... 37

Les hypothèses de recherche ... 39

La démarche expérimentale ... 41

Les indices recherchés ... 41

Le recrutement et l’échantillon ... 42

Population à l’étude et échantillon... 42

(6)

Procédure expérimentale ... 44

Phase A. Choix incertains de type MPL ... 45

Phase B. Mises en vente de couvertures d’assurance dans un contexte de périodes multiples ... 48

Description des couvertures d’assurance offertes et hypothèses spécifiques ... 50

Présentation des résultats ... 52

Description de l’échantillon ... 52

Profil socioéconomique ... 52

Profil de risque préliminaire ... 54

Identification des préférences individuelles à l’égard de la stabilisation des marges par l’entremise de la première phase expérimentale ... 58

Classification des participants selon leurs préférences envers l’incertitude ... 58

L’impact du profil sociodémographique de l’échantillon sur les préférences et la logique rationnelle (l’incohérence) ... 65

Discussion sur les stratégies incohérentes ... 68

Sommaire ... 71

Vérification de la présence ou de l’absence d’effets d’ancrage lors de l’évaluation des préférences personnelles en matière de stabilité des marges ... 71

Impact des traitements sur les choix de couverture d’assurance ... 71

Ancrages liés à l’évolution des gains ... 76

Changement de comportement lors d’une perte ... 79

Sommaire ... 81

Mesure de la capacité des agents économiques ciblés à réagir aux signaux du marché de manière cohérente avec leurs préférences à l’égard de l’incertitude ... 82

La relation entre les préférences à l’égard de l’incertitude et les comportements assurantiels présentés sous forme multinomiale ... 82

Sommaire ... 92

La relation entre les préférences à l’égard de l’incertitude et les comportements assurantiels présentés sous forme binomiale ... 93

Sommaire ... 100

Retour sur les hypothèses ... 102

Conclusion ... 107

Bibliographie ... 110

Annexe 1. Formulaire de consentement ... 117

Annexe 2. Questionnaire sociodémographique ... 120

(7)

Table des tableaux

Tableau 1. Structures des préférences en fonction des changements dans le niveau de richesse ... 30

Tableau 2. Neuf choix de loteries certaines et incertaines, coefficients d’aversion relative au risque et indicateurs d’aversion à l’incertitude ... 46

Tableau 3. Indices de Jaccard pour les séquences de choix des individus lors des mises en situation ... 57

Tableau 4. Séquences de choix cohérentes et incohérentes selon la théorie de l’utilité espérée ... 59

Tableau 5. Préférences des participants envers l’incertitude, générées par l’entremise d’un MPL ... 62

Tableau 6. Résultats de la régression de type probit portant sur l’impact des facteurs sociodémographiques sur l’incohérence rationnelle ... 66

Tableau 7. Résultats de la régression de type logit ordonné portant sur l’impact des facteurs sociodémographiques sur les préférences envers l’incertitude ... 67

Tableau 8. Résultats d’un logit ordonné à effets aléatoires mené à l’aide des catégories de préférences envers l’incertitude ... 85

Tableau 9. Résultats d’un logit ordonné à effets aléatoires mené à l’aide des catégories modifiées de préférences envers l’incertitude ... 91

Tableau 10. Résultats du probit à effets aléatoires pour la sélection de l’option A ... 94

Tableau 11. Résultats du probit à effets aléatoires pour la sélection de l’option B ... 96

(8)

Liste des figures

Figure 1. Évolution des indices de volatilité des prix agricoles entre 1990 et 2015 (2002-2004=100) ... 1

Figure 2. Évolution des prix américains du lait et des intrants laitiers sur la période 2000-2015 ... 2

Figure 3. Schéma des méthodes de recensement et d’analyse applicables à l’objet de la recherche ... 16

Figure 4. Design expérimental de la phase 2... 45

Figure 5. Distribution des niveaux de revenu chez les participants ... 53

Figure 6. Proportions cumulatives de l’échantillon ayant préféré le gain certain à la loterie incertaine ... 63

Figure 7. Impact des traitements sur le premier choix assurantiel des participants ... 72

Figure 8. Résultats de trois régressions de type probit portant sur l’impact des traitements expérimentaux sur les premiers choix assurantiels des participants ... 74

Figure 9. Participants classés en fonction du nombre de choix identiques effectués pour les quatre paires de scénarios identiques ... 77

Figure 10. Évolution des gains moyens par décision et des gains cumulés moyens ... 78

(9)

Liste des encadrés

(10)

Remerciements

La réalisation de ce projet de recherche n’aurait pas été possible sans les précieux conseils et les encouragements de mon directeur de mémoire, Maurice Doyon. Son humanisme, son dévouement et son expertise ont largement contribué à l’avancement des travaux et au développement de mes propres habiletés de recherche. Je me considère privilégié d’avoir pu me dépasser sous sa direction. Je souhaite également remercier l’ensemble du corps professoral du Département d’économie agroalimentaire et des sciences de la consommation pour leurs enseignements et leur générosité. Je suis particulièrement reconnaissant envers Lota Dabio Tamini pour ses judicieux conseils. Nos conversations m’auront permis d’approfondir mes réflexions à l’égard du secteur agricole et de mon projet de mémoire.

Il est aussi impératif de souligner les apports extraordinaires du CIRANO, de la Commission canadienne du lait et des Producteurs d’œufs du Canada. Ces organisations ont rendu possible – par l’entremise de contributions en espèces, en expertise et en soutien technique – la conduite de mes travaux de recherche. Je vous remercie pour votre confiance et vos investissements dans la recherche.

Enfin, je souhaite exprimer toute ma gratitude à ma famille et ma conjointe pour leur soutien. Vos encouragements et votre écoute auront su faire fondre mes doutes et mes angoisses.

À tous ceux qui ont contribué – de près ou de loin – à la réalisation de ce mémoire, je vous offre mes plus sincères remerciements.

(11)

La volatilité des prix et des marges agricoles

L’état de la situation

Les marchés agricoles dépourvus d'interventions publiques adaptées sont généralement instables; les prix des denrées y fluctuent largement et spontanément à l'intérieur de courts intervalles (FAO, IFAD, UNCTAD, & WFP, 2011; Roache, 2010). Bien qu'elle soit considérée comme inhérente à l'agriculture, cette volatilité des prix a semblé s'accentuer – jusqu'à l'excès – au cours des récentes décennies (FAO, 2012). À titre indicatif, aux États-Unis, l’amplitude des fluctuations de prix pour le maïs et le lait a presque triplée entre la période allant de 1980 à 1990 et celle allant de 2005 à 2015 (UIUC-farmdoc, 2015a, 2015b). Cette tendance à la hausse de la volatilité n’est pas spécifique aux deux commodités nommées, elle est observée dans la totalité des secteurs agricoles. Au niveau international, les cours des viandes, des produits laitiers, des céréales, des huiles végétales et du sucre, utilisés afin de déterminer l’indice global de volatilité des prix (figure 1), sont tous plus instables aujourd’hui qu’ils l’étaient il y a 25 ans (FAO, 2015).

Figure 1. Évolution des indices de volatilité des prix agricoles entre 1990 et 2015 (2002-2004=100)1

Source : (FAO, 2015)

La tendance à la hausse des prix agricoles, observée dans la figure 1, ne doit pas être interprétée comme la preuve d’une hausse généralisée des marges agricoles. En fait, tout comme les prix des denrées agricoles, les coûts de production moyens ont crû au cours de la période étudiée. Cette

(12)

hausse de coûts est le résultat de plusieurs facteurs, tels que les améliorations techniques dispendieuses à acquérir et les prix croissants des terres et des intrants (Briggerman & Mikkelsen, 2013). Ainsi, les acteurs du secteur agricole n’ont pas tous bénéficié d’une hausse de prix constante; leurs marges apparaissent aujourd’hui largement volatiles. La figure 2 illustre cette situation pour le secteur laitier américain.

Figure 2. Évolution des prix américains du lait et des intrants laitiers sur la période 2000-2015

Source: (UIUC-farmdoc, 2015a; 2015b)

Au cours des quinze dernières années, les prix volatils du lait à la ferme et des intrants alimentaires laitiers (maïs-grain, soya, fourrages) ont augmenté de manière tendancielle (NMPF, 2016; UIUC-farmdoc, 2015b). La marge laitière – définie comme le prix du lait à la ferme moins le coût de la ration alimentaire standardisée nécessaire à sa production – n’a pas augmenté au même rythme que les cours d’intérêt; elle a connu des chutes historiques sans connaître de sommets d’envergure similaire. À de nombreuses reprises au cours de la période étudiée, les producteurs ont dû composer avec des marges laitières inférieures à 8 $US par quintal2 afin de couvrir leurs autres coûts de

production. Puisque, aux États-Unis, l’ensemble de ces autres dépenses s’élève en moyenne entre

(13)

11 $US et 12 $US par quintal de lait, de nombreux producteurs ont connu des pertes économiques significatives malgré la croissance du prix du lait à la ferme (USDA, 2015a). En fait, lors de certaines périodes de marges défavorables, les coûts de production unitaire moyen étaient supérieurs de plus de 30 % aux prix offerts sur les marchés (NMPF, 2016). Le ratio inverse fût également observé lors de périodes favorables.

À la lumière des figures présentées précédemment, la croissance de la volatilité des prix et des marges agricoles apparaît indéniable. L’essor de marchés agricoles hautement volatils coïncide par ailleurs avec l'intégration croissante des économies mondiales, ainsi qu'avec le désengagement institutionnel et idéologique des États envers l’agriculture. Alors que les effets néfastes des amples fluctuations des cours ont justifié, au cours du vingtième siècle, le recours à des politiques de stabilisation des prix, des marges ou des revenus, ces politiques interventionnistes sont actuellement largement remises en cause par les économistes favorables au libre-marché (Anderson, Rausser, & Swinnen, 2013). Cette volteface est motivée par le fait que, dans de nombreux pays, les politiques de soutien agricole engendrent des dépenses étatiques substantielles, limitent certaines opportunités commerciales et provoquent des distorsions dans les signaux du marché (OCDE, 2001). Malgré le caractère louable de ces justifications, la présence d'une relation causale entre la convergence des marchés et l'instabilité des prix agricoles s'avère impossible à ignorer (Boussard, 2010; FAO et al., 2011). Ainsi, étant donné les nombreuses démarches entamées – à l'échelle internationale – afin de libéraliser les marchés, le secteur agricole doit s'attendre à composer avec davantage de volatilité au cours des prochaines années (FAO, 2012).

La volatilité excessive et croissante des prix agricoles ne constitue pas une réalité bénigne pour le secteur. Elle représente un enjeu majeur pour le présent et le futur de ce dernier. Il apparaît toutefois nécessaire de rappeler que des fluctuations de prix modérées ne doivent pas toujours être perçues négativement; elles sont souvent symptomatiques d'un marché concurrentiel fonctionnel. En effet, l'utilité des prix réside dans leur capacité à transmettre des informations relatives à l'offre et à la demande aux agents économiques. Lorsque l'offre d'un produit est réduite, et que les autres variables demeurent inchangées, il est attendu que le prix pour ce bien augmente. Simultanément, il est tout à fait normal que le prix d’un bien augmente si les coûts requis pour le produire sont croissants. L'efficacité du système de prix repose ainsi sur la capacité du marché à transmettre

(14)

adéquatement toutes les informations nécessaires aux agents économiques. Dans ces circonstances, une volatilité modérée des prix peut être souhaitable.

Au cours des dernières années, la volatilité des prix agricoles s'est toutefois accentuée au-delà du niveau modéré. Les mouvements de prix sont aujourd'hui démesurés; ils n'apparaissent plus en mesure de remplir leur rôle signalétique (FAO et al., 2011). En fait, la volatilité excessive des prix est d'abord pernicieuse par l'entremise de l'éloignement qu'elle provoque entre la valeur marchande d'une denrée et les coûts associés à sa production. Lorsque le prix d'un bien ne reflète plus adéquatement sa valeur, celui-ci ne remplit plus son rôle marchand, son utilité en est ainsi réduite. Puisqu'il est improbable, voire impossible, que les coûts de production d'une denrée fluctuent aussi fréquemment et aussi largement que le font les prix sur les marchés mondiaux, il semble que la volatilité excessive soit bel et bien le principal symptôme d'une déconnection entre la valeur marchande d'un produit et les ressources – physiques et financières – nécessaires à sa production (Boussard, 2010).

En plus de réduire l’utilité signalétique des marchés, l’instabilité des cours engendre des implications néfastes pour les agents qui composent la chaine d'approvisionnement agroalimentaire. Entre autres, les épisodes de volatilité extrême haussent la vulnérabilité des producteurs agricoles. Ces agents voient leurs marges et leurs revenus fluctuer significativement à mesure que les prix des intrants et des extrants évoluent de façon imprévisible (Tothova, 2011). Il est alors complexe pour les entrepreneurs du secteur de planifier adéquatement leurs investissements et de prendre des décisions d'affaires éclairées. Certains entrepreneurs agricoles doivent même, lors d’une chute fortuite des marges, se retirer indéfiniment des marchés au sein desquels ils évoluaient avec aisance quelques mois auparavant (Goetz & Debertin, 2001; Nicholson & Stephension, 2014; Norton, 2005). Économiquement, cette réalité fait peu de sens. En effet, la compétitivité d’une structure de coûts ne devrait pas être amenée à fluctuer annuellement.

En outre, les incitatifs issus des mouvements de prix inattendus étouffent le développement des entreprises actives en favorisant l'émergence de réactions et de comportements inadéquats d’un point de vue sectoriel. Par exemple, certains agriculteurs aux prises avec des conditions de marché très instables sacrifient une part de leur travail productif sur la ferme afin d’obtenir une source de revenus hors-ferme ou dans le but de réduire leur dépendance aux marchés (Foster & Rausser,

(15)

futurs décourage les investissements agricoles et amène les producteurs et les transformateurs du secteur à prendre des décisions non cohérentes (Demeke, Dawe, Teft, Ferede, & Bell, 2012; FAO et al., 2011; Foster & Rausser, 1991). En somme, d’un point de vue sectoriel, il est clair que la volatilité excessive des prix agricoles s’avère nuisible à court- et à long-terme pour les groupes y étant soumis; elle est un vecteur d’inefficacité pour l’ensemble des filières de l’industrie.

L’attitude des entrepreneurs agricoles à l’égard de la volatilité

Puisque la forte volatilité des marges accroit – objectivement – la vulnérabilité des entités agricoles, il est logique de présumer que les entrepreneurs du secteur accordent une valeur positive à la stabilité des marchés; qu’ils sont prêts à s’affranchir volontairement de ressources financières ou temporelles substantielles afin d’obtenir des marges relativement constantes. Alors que certaines données empiriques confirment cette supposition concernant les préférences des agents économiques ciblés, d'autres informations suggèrent le contraire. La sous-section qui suit présente un survol des indices opposés. La notion d’ancrage, essentielle à la bonne compréhension des préférences sur les marchés agricoles, est subséquemment définie.

Les entrepreneurs sont défavorables à la volatilité des marges

Tel que souligné précédemment, les entrepreneurs agricoles ne peuvent se soustraire entièrement à l’incertitude inhérente aux marchés. Cette incertitude, qui touche le niveau des marges, les rendements futurs, le développement technologique et l’évolution des politiques publiques, est intégrée dans une certaine mesure au processus décisionnel de tous les producteurs et les transformateurs agricoles. Puisque la notion de volatilité est en partie fondée sur l’incertitude relative à l’évolution future des prix, et que cette évolution, lorsqu’elle est caractérisée par d’amples mouvements, véhicule d’importants risques pour la santé économique des entreprises agricoles, le postulat logique suivant peut être avancé : les entrepreneurs agricoles ayant une aversion marquée pour le risque préfèrent les marchés peu volatils. En contrepartie, le discours inverse apparait également plausible: les marchés volatils sont favorisés par les entrepreneurs qui préfèrent encourir des risques.

Au cours des dernières décennies, plusieurs auteurs ont étudié les préférences des agriculteurs en matière de risque et d’incertitude à l’aide de méthodes expérimentales et économétriques. Alors que certains auteurs ont observé un large spectre de préférence à l’égard du niveau de risque chez les

(16)

agents économiques évoluant sur des marchés agricoles (Dillon & Scandizzo, 1978; Maertens, Just, & Chari, 2011; Vieider, Truong, Martinsson, & Pham Khanh, 2013) d’autres ont obtenus des résultats qui soutiennent l’hypothèse voulant que les agriculteurs soient majoritairement défavorables au risque (Binswanger, 1980; Harrison, Humphrey, & Verschoor, 2010; Menapace, Colson, & Raffaelli, 2013; Reynaud & Couture, 2012; Yesuf & Bluffstone, 2009). À titre comparatif, les auteurs étudiés ont relevé peu d’indications à l’effet que la majorité des entrepreneurs du milieu agricole préféraient le risque à l’absence de risque (Henrich & McElreath, 2002). La littérature sur les préférences à l’égard du risque appuie donc, de façon générale, l’idée voulant que les producteurs agricoles, lorsqu’ils sont appelés à effectuer un choix, optent majoritairement pour des situations de stabilité accrue. Cette préférence dominante envers l’absence de risque est également observée chez les individus qui n’œuvrent pas dans le milieu agricole (Eckel & Grossman, 2008).

À l’instar de la majorité des résultats issus de la littérature sur les préférences des entrepreneurs agricoles en matière de risque, les comportements actuels de nombreux producteurs appuient l’hypothèse voulant que les producteurs et les transformateurs agricoles préfèrent obtenir des prix ou des marges stables. Entre autres, l’utilisation croissante des marchés de contrats à terme – à des fins stratégiques – par les acteurs du milieu agricole et les changements de pratiques observés chez les agriculteurs démontrent l’intérêt de ces derniers pour une diminution de l’instabilité et de l’incertitude associées aux marchés (Haile, Kalkuhl, & von Braun, 2015; Hardaker et al., 2015; Maynard, Wolf, & Gearhardt, 2005; Wolf, 2012). Également, il semble que les producteurs et les transformateurs agricoles délaissent les marchés libéralisés afin d’obtenir des conditions transactionnelles et des marges plus stables (Doyon, Proulx, Morisset, Gouin, & Frigon, 2001; Royer & Vézina, 2012). Entre 2000 et 2012, au Québec, la part des producteurs de porcs intégrés verticalement ou faisant l’utilisation de contrats à forfait a augmenté de 16%; celle des producteurs de veaux de lait, de 10%; et celle des producteurs de veaux de grain, de 15% (Royer & Vézina, 2012).

Les entrepreneurs sont favorables à la volatilité des marges

À ce point, le volume d’évidence soutenant l’hypothèse de l’aversion des entrepreneurs agricoles à la volatilité des marges apparait sans appel. Pourtant, de nombreuses observations empiriques mettent en doute la véracité de cette hypothèse. En effet, les comportements de certains groupes de producteurs suggèrent que ces derniers ne sont pas toujours en faveur de la stabilisation du niveau

(17)

des cours agricoles. Notamment, les réactions de certains agriculteurs aux différentes politiques de soutien mises en œuvre récemment démontrent que les entrepreneurs préfèrent parfois privilégier d'importants gains à court-terme et ce, même s'ils courent le risque d’être fortement pénalisés dans le futur (Balagtas & Sumner, 2011). Certaines études soulignent également l’intérêt marqué des agents économiques pour les larges gains associés aux flambées de prix (Hardaker et al., 2015; Pennings & Garcia, 2001; Proulx, 2012). Cinq exemples de ces situations sont présentés dans cette sous-section.

Il semble toutefois d’abord nécessaire de rappeler que de nombreux agriculteurs évoluent volontairement au sein de marchés volatils. Ainsi, les choix professionnels effectués par ces entrepreneurs suggèrent que ce groupe d’agents économiques n’est pas aussi défavorable à la volatilité qu’il peut le laisser entendre. À ce titre, les comportements des agriculteurs sont comparables à ceux de nombreux entrepreneurs issus d’autres secteurs où des conditions de marché instables sont enregistrées. Ainsi, l’attitude des producteurs agricoles envers l’incertitude ne doit pas être mise en opposition avec les préférences envers la volatilité retrouvées au sein de la population en général. Dans l’ensemble des secteurs d’activité, des groupes d’individus choisissent de s’exposer à de l’incertitude économique (Storrud-Barnes, Reed, & Jessup, 2010). Au final, puisque la volatilité des marges agricoles est un phénomène largement documenté et que, malgré les informations qu’ils possèdent, les entrepreneurs ne délaissent pas le secteur agricole, le constat suivant peut être posé : l’aversion à la volatilité des agriculteurs n’est pas toujours suffisante pour inciter ces derniers à explorer d’autres alternatives commerciales3. En d’autres termes, la production

de denrées aux prix instables demeure plus intéressante, aux yeux des entrepreneurs agricoles, que la conversion de l’entreprise à un autre champ d’activité.

Exemple A. Une étude menée par Pennings & Garcia en 2001 indique que 60% des producteurs de porc néerlandais préfèrent prendre des risques financiers afin d’obtenir de larges gains, au lieu d’évoluer au sein de marchés stables. Les auteurs rapportent que ces agriculteurs sont majoritairement favorables au libre-marché, puisque cet environnement institutionnel est propice à l’adoption d’innovations, récompense les entreprises les plus compétitives et offre plus de flexibilité. Pour les entrepreneurs sondés, la volatilité excessive ne semblait pas être un enjeu particulièrement

(18)

important; la majorité des agriculteurs percevait plutôt cette dernière comme une opportunité d’affaires.

Exemple B. Afin de répondre à la hausse de volatilité des marges laitières, de nombreux programmes ont été mis en œuvre par le gouvernement américain par le passé. Ces programmes, volontaires et fortement subventionnés, limitent les fluctuations du revenu. Ils apparaissent donc, à première vue, très intéressants pour les producteurs agricoles. Malgré tout, les taux d'inscription aux programmes de protection des marges sont parfois anémiques. Par exemple, seuls 3% des producteurs laitiers américains s'étaient inscrits, en 2010, au programme fédéral de protection des marges «LGM-Dairy», présenté en 2008 (Gould & Cabrera, 2011; Wolf, Roy Black, & Hadrich, 2009). Le manque d’intérêt envers la stabilisation des marges laitières dénote une préférence pour l’absence de stabilisation qui ne peut être ignorée. Il apparaît toutefois nécessaire de mentionner que les agroéconomistes sont divisés par rapport au ratio coûts/bénéfices du programme (Burdine, Mosheim, Blayney, & Maynard, 2014; Novakovic, 2012).

Il est à noter que le taux d’inscription au nouveau programme américain de protection des marges, le «Margin Protection Program» est beaucoup plus élevé que celui du défunt «LGM-Dairy». Il fut de 50,4% pour 2015 (USDA, 2015b). Cette augmentation est attribuable à l’élargissement de la population visée par le programme (inclusion des plus grandes fermes), ainsi qu’à la générosité et à l’absence de contraintes significatives imposées par le programme (Nicholson & Stephension, 2014). Malgré l’augmentation du nombre d’adhérents au programme et la nature favorable de celui-ci, plusieurs producteurs laitiers américains refusent de s’y inscrire (Bozic, Wolf, & Yang, 2014). L’attitude défavorable des producteurs laitiers envers la volatilité ne doit donc pas être assumée à partir des nouvelles données. Ces dernières soulignent, cette fois, la présence d’un groupe d’irréductibles qui ne sont pas intéressés par la stabilisation des marges, peu importe les conditions associées avec les couvertures d’assurance. Tel que mentionné par Newton (2015) et Reid (2016), il est aussi possible que les performances décevantes des couvertures assurantielles les moins dispendieuses, ainsi que des convictions idéologiques opposées à l’intervention étatique en agriculture, aient contribué aux difficultés rencontrées par le programme au niveau du taux d’adoption.

(19)

recherche démontrent qu’environ 85% des agriculteurs sollicités préfèrent acheter des semences offrant des rendements plus volatils, par rapport à des semences qui offrent des rendements plus stables. Les producteurs de coton sont prêts à courir le risque d’obtenir des rendements très faibles lorsque ce dernier est contrebalancé par l’opportunité d’obtenir d’excellentes récoltes.

Exemple D. Contrairement à de nombreux résultats issus de la littérature sur les préférences à l’égard du risque des producteurs agricoles, les agriculteurs du Vietnam ne semblent pas défavorables au risque. Vieider et al. (2013) rapportent que ces derniers sont plutôt neutres à l’égard des risques et ce, même si les gains potentiels non-risqués sont équivalents à leurs revenus hebdomadaires moyens. Par extension, il est fort possible que les producteurs sondés soient tolérants envers la volatilité des marges. Les auteurs expliquent l’observation d’un exemple contraire à la tendance issue de la majorité de la littérature par les limites imposées par les chercheurs aux producteurs agricoles lors des études. Selon Vieider et al. (2013), les chercheurs (Binswanger, 1980; Yesuf & Bluffstone, 2009) empêchent parfois les individus d’exprimer leurs réelles préférences à l’égard du risque.

Exemple E. Tel qu’indiqué précédemment, les comportements des agriculteurs dans un contexte incertain ne divergent pas significativement de ceux des entrepreneurs œuvrant dans d’autres secteurs, ni de ceux de la population générale (Storrud-Barnes et al., 2010). Les travaux effectués par Lensink et Sterken (2005) au Pays-Bas démontrent que, bien que de nombreux entrepreneurs préfèrent évoluer au sein d’un marché stable (Caliendo, Fossen, & Kritikos, 2010), certains chefs d’entreprise ont une préférence pour la volatilité des marchés. Selon les chercheurs, l’instabilité encourage les investissements de taille moyenne. Les individus sondés apparaissent donc enclins à prendre des risques additionnels lors de situations incertaines.

À la lumière des observations et des travaux répertoriés dans cette section, la conduite d’une étude portant sur les préférences d’agents économiques ciblés à l’égard de la stabilité des marges apparait justifiée. Alors que cette étude doit s’attarder à la situation observée au sein du milieu agricole, elle ne doit pas nécessairement s’y limiter. En effet, il est clair que la volatilité enregistrée dans le secteur agricole peut également être notée dans d’autres domaines économiques. Dans l’ensemble, bien qu’une part significative de la littérature souligne l’aversion des individus envers la volatilité des prix lorsque des incitatifs associés aux marchés agricoles instables sont étudiés, la présence d’une

(20)

volonté à contribuer financièrement afin de réduire les fluctuations des cours ne devrait pas être assumée d’emblée.

L’évolution des préférences

Certains indices suggèrent que les préférences des individus à l’égard de la volatilité ne sont pas toujours stables. En fait, étant donné la nature dynamique des marchés, il est probable qu’une fluctuation momentanée des marges – qu’elle soit positive ou négative – affecte la valeur accordée par les acteurs du milieu agricole à la stabilisation. À cet effet, de nombreux auteurs ont démontré que le processus décisionnel des agents économiques était parfois influencé de manière démesurée par des évènements récents (par ex. Menapace et al., 2013; Ackert et al., 2006). Il semble que des individus, généralement qualifiés de rationnels, accordent une importance proportionnellement trop élevée à certains éléments appartenant au passé – ci-après nommés ancrages – lorsqu’ils forment leurs attentes à l’égard du futur. Au sein de filières agricoles, la présence d’effets d’ancrage est notamment inférée lorsque les taux d’inscription aux programmes de stabilisation des marges, des prix ou des revenus fluctuent en fonction de l’évolution des cours. Au Québec, de telles observations ont récemment été effectuées dans les marchés du bœuf, du canola et du maïs-grain (FADQ, 2015). L’émergence d’un double discours à l’égard de la stabilisation des marges lorsque les tendances de prix se renversent est aussi symptomatique de l’existence d’ancrages psychologiques. En effet, les producteurs manifestent de façon plus soutenue leur intérêt pour la stabilisation des prix lorsque ces derniers sont descendants (p. ex. TDC, 20 août 2015, Les producteurs du Vermont en arrachent). Les acteurs du milieu agricole sont toutefois moins revendicateurs lorsque cette volatilité leur offre un avantage comparatif momentané (p. ex. Western Producer, 13 septembre 2007, Markets jittery over Aussie drought).

Par ailleurs, la théorie des attentes rationnelles – développée par John Muth – soutien également l’hypothèse voulant que les décisions des entrepreneurs soient davantage affectées par des évènements récents. Cette théorie suggère que les agents économiques ne fondent pas leurs décisions sur des éléments appartenant au passé lointain, mais bien sur les informations actuellement disponibles au sein des marchés (Muth, 1961). Ainsi, les attentes seraient le produit d’une réflexion basée sur la situation actuelle et les évènements récents, et non pas sur l’ensemble des facteurs pertinents liés au problème d’intérêt. Cette position a été confirmée dans de nombreux travaux (Haile et al., 2015). Ainsi, bien que la fourniture d’une preuve concrète quant à l’existence

(21)

d’ancrages psychologiques dans le processus décisionnel des acteurs du milieu agricole ne soit pas requise, la nature et les impacts de ces ancrages pourraient être davantage définis. Notamment, l’identification des facteurs les plus à même d’influencer la valeur accordée par les agents économiques à la stabilisation des marges apparait d’intérêt.

(22)

Les objectifs de recherche

Deux objectifs de recherche émanent directement de la problématique formulée; ils s'articulent autour du thème suivant : les préférences des agents économiques à l'égard de la stabilisation des marges sur les marchés de type agricole. Précisément, les deux premiers objectifs de recherche proposés, dans le cadre de ce projet de mémoire, sont :

1. Identifier la nature des préférences individuelles à l’égard de la stabilisation des marges sur un marché représentatif d’un marché agricole;

2. Vérifier la présence (ou l’absence) d’effets d’ancrage lors de l’évaluation des préférences personnelles en matière de stabilité des marges;

Un troisième objectif, de nature théorique, est intégré au projet de recherche. Puisque, tel que souligné précédemment, de nombreux auteurs utilisent aujourd’hui des mécanismes expérimentaux afin d’identifier les préférences des individus en matière de risque ou d’incertitude, il apparaît nécessaire d’étudier la capacité de ces mécanismes – et de la théorie économique à partir de laquelle ils sont dérivés – à prédire les comportements des agents économiques sur les marchés. En d’autres termes, il est pertinent d’évaluer la cohérence entre les préférences révélées des participants et leurs réponses à l’égard d’incitatifs réels. Ainsi, le troisième objectif du mémoire est défini comme suit :

3. Mesurer la capacité des agents économiques ciblés à réagir aux signaux du marché de manière cohérente avec leurs préférences pour l’incertitude.

La pertinence du projet de mémoire réside dans sa valeur théorique et sa contribution potentielle en matière de politiques publiques. Bien que le projet ne se concentre pas uniquement sur le secteur agricole, ce dernier constitue le premier champ d’application des résultats attendus. Alors que la poursuite du premier objectif permet de mesurer l’intérêt des individus à l’égard de la stabilisation des marges, la démarche académique associée au deuxième objectif met en lumière la nature des ancrages qui influencent le processus d’évaluation des préférences chez les entrepreneurs de différents secteurs. Par l’entremise de la poursuite des deux premiers objectifs de recherche, le présent mémoire constitue également un ajout pertinent à la littérature économique portant sur les

(23)

préférences des agents économiques envers l’incertitude, un champ de recherche dynamisé par de nombreux travaux récents.

En outre, la poursuite du troisième objectif permet d’évaluer la pertinence d’un outil fréquemment utilisé pour mesurer les préférences envers le risque des individus, ainsi que d’étudier la validité des prédictions comportementales dérivées de la théorie économique relativement à l’aversion envers l’incertitude. À ce niveau, le projet permet de poser un regard critique sur la relation qui prévaut entre le courant économique dominant et les phénomènes observés sur les marchés volatils. Dans un contexte de valorisation des outils privés de gestion des risques au sein des politiques agricoles canadiennes, ce document pose des constats pertinents à l’égard de l’habileté des agents économiques individuels à agir de manière cohérente et efficace sur les marchés. Les enjeux soulevés dans ce rapport constituent donc des mises en garde destinées aux concepteurs des prochaines politiques agricoles structurantes (ex. Cultivons l’avenir III). À cet effet, il pourrait être mal avisé d’ignorer certaines failles de la théorie économique néoclassique lors de la création et de la mise en œuvre des nouveaux outils de gestion des risques. Dans l’ensemble, il semble donc que le troisième objectif ait une valeur significative aux niveaux théorique et pratique. Les pistes de conclusion tirées de l’étude combinée des trois objectifs de recherche pourraient être employées et approfondies lors de la conception de politiques agricoles et d’outils de gestion des risques.

Ce projet de mémoire s’inscrit par ailleurs dans une mouvance relativement nouvelle en économie, qui s’attarde à l’étude des comportements économiques lors d’expériences structurées réelles. Les procédures utilisées, par leur habileté à répliquer partiellement certaines méthodes mises au point récemment, ainsi que par leur design novateur, sont des contributions intéressantes au domaine scientifique auxquelles elles appartiennent. Dans le cadre de ce projet de recherche, l’expérience économique en laboratoire était entre autres composée de marchés volatils où des couvertures d’assurance étaient mises en vente.

Finalement, il est nécessaire de préciser que les individus invités à participer à cette étude provenaient de nombreux milieux distincts; l’échantillon n’est donc pas composé d’agriculteurs. En conséquence, les comportements précis des agriculteurs sur les marchés volatils ne constituent pas l’objet à l’étude. Ce mémoire s’intéresse plutôt aux comportements des agents économiques soumis

(24)

à différents incitatifs basés directement sur ceux retrouvés sur les marchés agricoles4. Bien que les

problèmes soulevés soient tirés du milieu agricole, le domaine d’étude a été élargi de manière à ce que les résultats soient pertinents pour l’ensemble des marchés qui présentent des caractéristiques similaires à celles des marchés agricoles. Puisque de nombreux travaux de recherche démontrent que l’utilisation d’individus n’étant pas issus d’un secteur économique particulier ne diminue pas la qualité et la valeur des résultats obtenus, des conclusions intéressantes peuvent être posées à l’égard du milieu agricole malgré l’absence d’agriculteurs au sein de l’échantillon (Belot, Duch, & Miller, 2015; Depositario, Nayga, Wu, & Laude, 2009; Lusk, Jamal, Kurlander, Roucan, & Taulman, 2005). Il peut en fait être attendu que tout individu soumis à des incitatifs propres aux marchés agricoles réagisse de la même façon qu’un entrepreneur évoluant dans ce secteur. De plus, les économistes s’entendent généralement sur le fait qu’il existe plus de variations de préférences ou de comportements au sein d’un même ensemble constitué d’individus similaires, voire chez un seul participant, qu’entre deux groupes issus de milieux distincts (Andersen, Harrison, Lau, & Rutström, 2010; Shupp & Williams, 2008). En conséquence, l’utilisation d’agents économiques aux profils variés ne peut pas être considérée comme une limite majeure au niveau de la pertinence des résultats. Bien que les producteurs agricoles ne soient pas l’unique clientèle cible de ce mémoire, le secteur agricole constitue le premier champ d’application des résultats générés. De plus amples détails seront fournis sur l’échantillon dans la section portant sur le recrutement des participants.

Le plan du document

Le présent mémoire est divisé en plusieurs sections distinctes. Alors que l’approche théorique privilégiée est d’abord expliquée et comparée aux modèles non retenus, les critères de validité sociale des résultats expérimentaux et les postulats économiques posés sont subséquemment survolés. A posteriori, les trois hypothèses générales de recherche sont posées. Se succèdent ensuite dans le document la procédure expérimentale mise sur pied, différents détails opérationnels et les hypothèses spécifiques du projet. Pour poursuivre, les résultats sont présentés, de même que les méthodes d’analyse employées pour les générer. Des conclusions sont tirées en dernier lieu.

(25)

L’approche privilégiée et la théorie de l’utilité

espérée

Survol des approches pertinentes

Plusieurs approches peuvent être employées afin de mesurer les préférences des entrepreneurs envers la stabilité des marges dans un contexte de marché agricole. Les modèles pertinents recensés sont majoritairement issus d’articles ou de documents portant sur l’attitude des agents économiques à l’égard du risque ou de l’ambigüité. D’autres approches fréquemment utilisées en agroéconomie – et conséquentes avec l’objet d’étude – ont également été considérées. Les méthodes répertoriées se distinguent les unes des autres par leurs implications méthodologiques divergentes, ainsi que par la forme des résultats qu’elles entrainent. Il est à noter que certaines approches s’avèrent davantage appropriées pour l’étude de l’évolution temporelle des préférences à l’égard de la volatilité. Cette observation est intégrée au processus de sélection de l’outil de mesure empirique, mais n’a aucune incidence sur la valeur fondamentale des approches. En effet, d’un point de vue strictement théorique, les modèles proposés reposent majoritairement sur des fondements économiques communs. Bien que la forme des résultats générés puisse varier, ces derniers sont en mesure de cibler les préférences des individus envers l’incertitude. Ainsi, une volonté à payer positive afin d’éliminer l’incertitude peut signifier une aversion envers l’incertitude au même titre qu’un choix arbitraire entre deux loteries.

Le cadre de classification des approches – présenté dans la figure 3 – s’embranche en fonction des différentes méthodes de collection des données recensées. Les approches peuvent d’abord être divisées en deux groupes distincts, les méthodes déclaratives et les méthodes fondées sur les préférences révélées. Alors que le premier sous-groupe est constitué d’enquêtes, qui sollicitent les individus afin qu’ils dévoilent leurs préférences ou la valeur qu’ils accordent à un bien ou un service précis, le deuxième sous-groupe englobe les démarches qui indiquent ces éléments à l’aide de données portant sur les échanges (List, Sadoff, & Wagner, 2011; Louviere, Hensher, & Swait, 2000). Ces données peuvent être générées à l’aide d’expériences menées par des chercheurs ou être compilées sur des marchés sélectionnés. Les différentes méthodes de recensement et d’analyse applicables au projet de recherche sont brièvement définies dans l’encadré 1. Elles sont par la suite comparées dans la sous-section qui succède à l’encadré.

(26)
(27)

Encadré 1. Survol des approches recensées

Méthode déclarative : Cette approche repose sur la conduite d’enquêtes afin d’évaluer les préférences des

individus ou la valeur accordée à certains biens et services publics par des répondants.

Questions directes : Les questionnaires directs invitent les individus à spécifier, de manière explicite et volontaire, leur consentement à payer ou leurs préférences pour un bien, un service ou un phénomène économique donné (Louviere et al., 2000).

Questions indirectes : Les enquêtes de nature indirecte encouragent les individus à ordonner ou à évaluer, à une ou plusieurs reprises et en fonction de leurs préférences, différentes alternatives proposées. Les classements obtenus sont ensuite analysés afin d’en tirer des indications relatives aux préférences, aux attentes ou au consentement à payer des répondants (Louviere et al., 2000).

Méthode des préférences révélées : Ce groupe d’approches incite les individus à divulguer, à travers

l’échange, leurs préférences ou la valeur qu’ils accordent à un bien. Pour être révélé, un choix doit invariablement être exprimé implicitement. Ainsi, les préférences ou le consentement à payer sont déduits à partir d’observations et non pas de déclarations (Varian, 2006).

Analyse de données issues des marchés : Cette approche est fondée sur l’étude statistique ou économétrique de données portant sur les pratiques réelles des agents économiques (p. ex. sur les habitudes de consommation). Elle repose sur l’existence de données précises; la méthode ne peut être employée lorsque les données disponibles ne permettent pas de répondre directement aux questions de recherche posées (Breidert, Hahsler, & Reutterer, 2006).

Expériences en laboratoire5 : Cette méthode s’attarde, lors de séances expérimentales dans un

environnement contrôlé, à l’étude des comportements économiques des individus et des groupes. Les expériences en laboratoire simulent les conditions observées au sein de marchés réels et sont utilisées afin d’inciter les participants à révéler des informations relatives à leurs préférences, leurs attitudes et leur consentement à payer (Smith, 1994).

Mécanismes d’enchère : Les enchères sont largement utilisées en économie

expérimentale afin de mesurer le consentement à payer des individus. Elles impliquent la mise en vente de biens ou de services dans un contexte prédéfini. Lorsqu’une expérience doit être menée avec des participants qui misent simultanément afin d’obtenir un bien dont la consommation n’est pas rivale, comme c’est le cas avec une assurance stabilisatrice, deux types d’enchères peuvent être mises en œuvre : l’enchère de type BDM et l’enchère de nième prix (Davis & Holt, 1993).

Mises en situation de type «loterie» : La reproduction d’incitatifs réels à l’aide de

mise en situation est fréquemment utilisée en économie expérimentale (Davis & Holt, 1993). Cette approche permet de cibler et d’étudier les comportements des agents économiques lorsqu’ils sont soumis à différentes institutions ou conditions de marché. Les mises en situation peuvent prendre plusieurs formes, notamment celles de loteries. Lorsque des loteries sont présentées, les individus sont invités à choisir entre des alternatives qui présentent des structures de gain différentes.

5 L’identité de l’objet à l’étude, la stabilité des marges, fait en sorte qu’une expérience hors-laboratoire (field experiment) fut écartée d’emblé. En fait, les chercheurs ne possèdent ni le budget ni la légitimité pour offrir, de

(28)

Choix du cadre d’analyse du mémoire

Bien que toutes les méthodes d’analyse définies ci-haut exhibent des bénéfices et des inconvénients, certaines d’entre elles s’avèrent mieux adaptées à la poursuite des objectifs de ce mémoire. La sous-section suivante présente une brève revue des motifs ayant mené au rejet de plusieurs approches. Entre autres, les questionnaires directs et indirects, l’analyse de données issues du marché et les mécanismes d’enchère n’ont, contrairement aux mises en situation expérimentales, pas été retenus afin de répondre aux questions de recherche.

D’abord, des questionnaires détaillés sur les pratiques quotidiennes des agriculteurs auraient pu être utilisés afin d’évaluer l’attitude de ces derniers à l’égard de la volatilité des marges. Ces questionnaires auraient fait état des actions entreprises par les producteurs lors de situations d’instabilité commerciale; des indications sur les comportements auraient donc pu en être inférées (Reynaud, Couture, Duruy, & Bergez, 2010). Les indicateurs les plus couramment utilisés lors de l’étude combinée des pratiques agricoles et des comportements en situation risquée sont la diversité des activités (Chavas & Holt, 1996), les couvertures d’assurance sélectionnées (Goodwin, 1993) et l’obtention d’un revenu hors ferme (Harwood, Heifner, Coble, Perry, & Somwaru, 1999). Puisque les questionnaires indirects doivent être remplis fréquemment et sur de longues périodes afin d’engendrer des résultats valides sur les préférences (Bougherara & Piet, 2014), cette méthode de collection des données n’a pas été retenue dans le cadre du projet. Le choix des chercheurs est également motivé par la subjectivité inhérente à la sélection des questions et à l’interprétation des comportements (Lagerkvist, 2005).

L’approche directe, qui requiert l’énonciation par le répondant du montant qu’il est prêt à débourser afin d’obtenir des marges plus stables, n’est également pas retenue dans le cadre de ce projet de mémoire. Cette décision est motivée par le fait que, lorsque cette méthode est utilisée, les participants n’ont aucun incitatif à révéler la valeur réelle qu’ils accordent à la stabilité des conditions de marché. Ils peuvent donc être amenés à répondre de manière stratégique ou en fonction de leurs croyances à l’égard de l’objectif de l’étude. Ce faisant, les résultats issus de telles enquêtes hypothétiques sont généralement traités comme invalides ou incomplets par la communauté scientifique (Murphy, Allen, Stevens, & Weatherhead, 2005). De même, plusieurs études suggèrent que les intentions déclarées se manifestent rarement dans la réalité. Par exemple, Breidert et al. (2006) et Bard et Barry (2001) rapportent que malgré le fait que certains participants se déclarent

(29)

prêts à payer un montant précis pour obtenir un produit d’assurance; ils le font rarement. Ce constat d’incohérence est également appuyé par Hellerstein, Higgins et Horowitz (2013), au sujet du lien entre les pratiques agricoles et les attitudes déclarées. En outre, l’évaluation individuelle d’un bien non tangible – qui fluctue en fonction du contexte environnemental et institutionnel – est généralement considérée complexe par les participants qui ne sont pas familiers avec cette pratique. En conséquence, les économistes s’entendent sur le manque de fiabilité des questionnaires directs distribués à une seule reprise (McMahon-Beattie, 2002).

Tout comme les approches déclaratives directe et indirecte, certaines méthodes associées aux préférences révélées ne sont pas retenues dans le cadre de ce projet de mémoire. L’analyse de données commerciales est l’une d’entre elles. Le rejet de cette méthode est attribuable à la faible disponibilité de données pertinentes concernant les préférences des producteurs agricoles à l’égard de la volatilité des marges. En effet, les rares données agrégées disponibles sont anonymisées, de sorte qu’il est impossible de connaitre les couvertures d’assurance sélectionnées par un même individu lors de plusieurs périodes subséquentes. Les préférences personnelles des individus qui composent le groupe d’intérêt – et les facteurs qui affectent l’identité de ces dernières – ne peuvent donc pas être dégagés à l’aide de ces données (Bozic et al., 2014; Novakovic et al., 2015; Wolf et al., 2009). Également, l’exclusion de l’approche économétrique est motivée par la tendance de cette méthode à confondre les comportements à l’égard du risque – ou dans le cas d’intérêt, à l’égard de la volatilité – avec d’autres comportements (Eswaran & Kotwal, 2006; Lybbert & Just, 2007). En effet, puisqu’elles sont issues d’un environnement non contrôlé, les données offrent un volume d’informations valides limité. Il aurait donc été complexe d’identifier avec certitude les incitatifs qui affectent les préférences des individus en matière de stabilité des marges. Ces préférences agrégées auraient pu être influencées, à l’insu des chercheurs, par des évènements exogènes à l’environnement étudié.

En outre, des enchères auraient pu être tenues afin de mesurer la valeur accordée par les producteurs agricoles à la stabilisation des marges. Dans ce scénario, les participants auraient été amenés à miser afin d’obtenir une assurance garantissant un prix stabilisé, ou des prix moins volatils, sur plusieurs périodes. La procédure utilisée aurait incité les individus à indiquer – sans préoccupation stratégique – la valeur réelle qu’ils accordent à la stabilité des marges agricoles. Ainsi, une mise supérieure à un montant tiré au hasard (enchère de type Becker-DeGroot-Marschak) ou au

(30)

nième prix recensé aurait permis aux participants d’obtenir l’assurance stabilisatrice désirée. Malgré

son habileté à générer des résultats concrets, cette approche n’est pas sélectionnée pour deux raisons. D’abord, dans un contexte de périodes multiples, les mécanismes d’enchère ne permettent pas toujours de pénaliser adéquatement les participants qui prennent des décisions incohérentes. Ainsi, un individu pourrait recevoir une assurance stabilisatrice après avoir misé, de manière stratégique et malgré son attitude défavorable à l’égard de la volatilité, une somme extrêmement faible pour l’obtenir. L’erreur cognitive effectuée serait donc involontairement encouragée et les résultats de l’expérience pourraient être altérés. En outre, les mécanismes d’enchère n’ont pas été retenus dans le cadre de ce projet de recherche par soucis de parallélisme. En effet, lorsqu’ils participent à des enchères, les individus ne sont pas toujours appelés à évoluer au sein d’institutions similaires à celles observées dans le domaine du réel. Par exemple, les producteurs agricoles, lorsqu’ils souhaitent faire l’achat d’une assurance stabilisatrice, n’ont jamais à miser afin de l’obtenir. Ils sont simplement invités à payer en fonction de leurs choix de couverture d’assurance. Ce faisant, la conduite d’une expérience inspirée du mécanisme observé sur les marchés agricoles est préférable (Denant-Boemont, 2003).

En somme, l’approche privilégiée afin de mesurer les préférences des agents économiques à l’égard de la stabilité des marges est fondée sur la conduite de traitements expérimentaux répétés de type «loterie». Cette méthode, qui repose sur la transmission d’incitatifs économiques par l’entremise de mises en situation préalablement définies, permet d’observer et d’analyser l’évolution temporelle des comportements individuels des participants. Lorsqu’ils sont invités à participer à de telles expériences en laboratoire, les agents économiques sont amenés à effectuer des choix parmi différentes alternatives présentées sous forme de loteries (Davis & Holt, 1993). Précisément, l’expérience proposée permet aux participants de se doter de différentes couvertures d’assurance afin de se protéger contre des fluctuations de marge incertaines. Elle se déroule sur plusieurs périodes de façon à rendre possible l’identification et l’étude des facteurs qui influencent les préférences dynamiques des participants.

Contrairement à certaines approches recensées, les mises en situation expérimentales rémunératrices n’engendrent pas de résultats hypothétiques ou fortement subjectifs. Cette méthode permet de cibler et d’isoler les comportements à l’étude, ce qui favorise l’obtention de conclusions fermes et ouvre la porte à l’utilisation de participants provenant de milieux distincts (Harrison, 2005).

(31)

La collecte de données est également facilitée lorsque cette méthode est utilisée, puisque celle-ci se déroule dans un environnement contrôlé (Levitt & List, 2007). Outre son habileté à générer rapidement des données précises dans un environnement contrôlé, l’économie expérimentale présente l’avantage de permettre la réplication du processus de collecte et d’analyse des informations pertinentes (Davis & Holt, 1993). Finalement, ce procédé est empreint de parallélisme avec la situation empirique qu’il entend étudier. Afin de produire des résultats généralisables, les expériences en laboratoire doivent néanmoins satisfaire certains critères. Ces critères sont énoncés dans la section présentée ci-après.

Les critères de validité sociale des résultats expérimentaux

Une bonne expérience économique en laboratoire cible et réplique de manière assidue les incitatifs observés dans les marchés réels qu’elle s’attarde à étudier; elle fait preuve de parallélisme. Son design doit invariablement lui permettre de mener à l’obtention de résultats généralisables au domaine du réel (Friedman & Sunder, 1994). Lorsqu’ils sont combinés, le contrôle de l’environnement expérimental et la qualité des institutions mises en place permettent la tenue d’une l’expérience en laboratoire bien structurée. Plus la différence entre les incitatifs réels et ceux développés en laboratoire est mince, plus la validité externe des données générées par l’expérience est grande (Denant-Boemont, 2003). L’extrapolation directe des résultats au domaine du réel repose toutefois sur le respect de critères additionnels, tels que l’utilisation d’incitatifs financiers réels, l’absence d’incitatifs de nature morale, la neutralité des institutions, la taille suffisante des incitatifs financiers et le respect des participants. Une brève revue des critères en question est offerte ci-dessous.

Utilisation d’incitatifs financiers réels

Plusieurs études soutiennent que l’utilisation de conséquences monétaires tangibles – lors de séances expérimentales en laboratoire – permet l’obtention de résultats plus facilement applicables aux situations réelles (Camerer & Hogarth, 1999; Hellerstein et al., 2013). Lorsque des gains ou des pertes ne sont pas associés aux décisions prises en laboratoire, les participants font preuve d’une implication cognitive plus faible lors de la séance (Camerer & Hogarth, 1999; Denant-Boemont, 2003), agissent de manière stratégique (Harrison & Rutström, 2008), sont moins sensibles aux incitatifs de l’expérience (Friedman & Sunder, 1994) et ont parfois l’impression qu’ils ne sont pas compensés pour leurs efforts (Camerer & Hogarth, 1999). Les résultats obtenus lors d’expériences

(32)

hypothétiques ne reflètent donc pas toujours de manière réaliste les préférences des agents économiques à l’égard des alternatives proposées (List & Gallet, 2001; Murphy et al., 2005).

Le biais qui distingue les expériences hypothétiques de celles qui font l’utilisation d’incitatifs monétaires est observé lorsqu’une comparaison entre les résultats de chacune des méthodes est effectuée. À titre d’exemple, le consentement à payer hypothétique, pour un bien ou un service, est généralement significativement différent du consentement à payer réel (Blumenschein, Johannesson, Blomquist, Liljas, & O'Conor, 1997; List & Gallet, 2001; Murphy et al., 2005). L’importance empirique de la rémunération est aussi démontrée par le large écart-type ou la variance supérieure qui caractérisent les résultats des expériences d’évaluation hypothétique (Johannesson, Liljas, & O'Conor, 1997; List et al., 2011). Afin de favoriser la validité externe des résultats expérimentaux, les participants à l’étude auront l’opportunité d’effectuer des gains tout au long de la séance expérimentale. Ces gains découleront des choix individuels effectués, ce qui devrait optimiser la motivation cognitive des agents (Denant-Boemont, 2003; Friedman & Sunder, 1994).

Absence d’incitatifs de nature morale

Lorsqu’ils participent à des expériences en laboratoire, les sujets sont conscients du fait que leurs gestes sont surveillés, enregistrés et analysés. Ils adoptent ainsi parfois des comportements fondés non pas sur leurs propres préférences, mais bien sur ce qu’ils considèrent comme étant socialement acceptable. Les participants souhaitent plaire ou mettre en évidence leurs dispositions altruistes (Levitt & List, 2007). Dans ces circonstances, lorsque les objectifs de la recherche le permettent, le design expérimental doit encourager les participants à répondre en fonction de leurs préférences personnelles et non pas en fonction de critères moraux. De cette façon, les résultats expérimentaux feront état des comportements réels qu’adopteraient les participants lors de situations empiriques connexes. Puisque, dans l’étude proposée, leurs actions n’ont aucun impact sur le bienêtre des autres participants, les répondants ne devraient pas être influencés par un désir de plaire, au niveau moral, aux chercheurs ou aux autres participants.

Neutralité des institutions expérimentales

Les institutions et les mécanismes expérimentaux mis en place peuvent influencer négativement – par leur formulation – les préférences ou les comportements des participants. Lorsque l’objet à l’étude requiert une absence d’ambigüité au sein du descriptif, les institutions expérimentales doivent

(33)

être neutres et objectives afin de favoriser l’obtention de résultats acceptés par les pairs (Levitt & List, 2007). Par respect pour les règles associées à la démarche scientifique, les indications fournies aux participants ne doivent pas favoriser délibérément l’obtention de résultats prédéfinis par les chercheurs (Friedman & Sunder, 1994).

Ampleur des gains et des pertes conséquente avec la réalité

L’écart financier entre les pertes et les gains pouvant être effectués au cours d’une expérience en laboratoire et ceux observés dans la réalité représente un obstacle à la généralisation des résultats des expériences selon certains chercheurs (Levitt & List, 2007). Cette problématique est pratiquement impossible à outrepasser étant donné les budgets limités avec lesquels travaillent les chercheurs. Il est ainsi attendu qu’un participant ait une perception divergente à l’égard d’un gain faible et d’un gain très élevé (Holt & Laury, 2002; Levitt & List, 2007). Bien que le manque de similitudes entre les gains réels et les gains expérimentaux constituent un biais potentiel non négligeable, Camerer et Hogarth (1999) rapportent dans leur méta-analyse que l’utilisation de sommes plus élevées ne conduit pas à l’obtention de performances largement supérieures de la part des participants. En effet, il semble que la multiplication des incitatifs par 2, 4 ou 20 n’ait qu’un léger impact sur les résultats expérimentaux et donc, par extension, sur les comportements adoptés par les individus. Cette conclusion n’est pas toutefois pas confirmée lorsque les préférences à l’égard du risque sont étudiées (Reynaud et al., 2010). En conséquence, la procédure expérimentale, exposée au biais potentiel, sera conçue de façon à stimuler l’obtention de gains par les participants et à réduire l’attention accordée à cet enjeu par les participants. L’ampleur des gains financiers constitue toutefois une limite de la procédure employée.

Absence de tromperie

Depuis plus de deux décennies, l’utilisation de la tromperie en économie expérimentale est découragée (Davis & Holt, 1993; Friedman & Sunder, 1994). Dans le contexte d’intérêt, la tromperie est définie comme la révélation volontaire d’un fait inexact (Nicks, Korn, & Mainieri, 1997); elle est généralement accompagnée d’un désir de guider les participants dans une direction fautive et elle véhicule un malaise au niveau moral. Il existe néanmoins une différence éthique entre l’action de mentir et celle de ne pas tout révéler. En effet, la majorité des chercheurs s’entend sur le fait qu’une divulgation incomplète des éléments méthodologiques d’une étude ne constitue pas un acte mensonger volontaire (Baumrind, 1985; Hey, 1998).

Figure

Figure 1. Évolution des indices de volatilité des prix agricoles entre 1990 et 2015 (2002-2004=100) 1
Figure 2. Évolution des prix américains du lait et des intrants laitiers sur la période 2000-2015
Figure 3. Schéma des méthodes de recensement et d’analyse applicables à l’objet de la recherche
Tableau 1. Structures des préférences en fonction des changements dans le niveau de richesse
+7

Références

Documents relatifs

Nous avons ensuite mis cette variable au carré afin de modéliser avec le plus de précisions possible l’évolution temporelle de la confiance qui n’apparaît pas strictement

 On remarque toutefois un déclin de la confiance institutionnelle qui concerne principalement les institutions politiques et la. justice, culminant au milieu des années 1990

Quoi qu’il en soit, qu’il soit d’un autre style ou pas, d’abord c’est pas demain la veille le jour où on saura lequel il est, et en tout cas, au moins pour l’instant,

Ce qu’il y a de certain, c’est que tout de même, ce dont il s’agit avec les prophètes, c’est pas de quelque chose qui ait quoi que ce soit à faire, cette fois-ci, avec

Dans un deuxième temps, la maîtresse, à son tour, évalue par le même code couleur (colonne M) et discute avec l'élève des éventuelles différences. Elève

Dans cette dernière rubrique de l’année 2018, j’aimerais aborder ce sujet depuis une position de force et nous rap- peler que faire preuve de compassion envers soi-même est

Créer une Expérience complète commence Créer une Expérience complète commence Créer une Expérience complète commence Créer une Expérience complète commence Créer

En examinant un e´chantillon de me`res de l’E´tude canadienne sur l’incidence des signalements de cas de violence et de ne´gligence envers les enfants, Hovdestad et ses