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Les indicateurs de sévérité de la violence psychologique : analysés à partir du niveau de détresse exprimée par des adolescents utilisateurs du service Tel-Jeunes

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Les indicateurs de sévérité de la violence

psychologique

Analysés à partir du niveau de détresse exprimée par des

adolescents utilisateurs du service Tel-Jeunes

Mémoire doctoral

Sophie Turmel

Doctorat en psychologie

Docteure en psychologie (D.Psy.)

Québec, Canada

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Les indicateurs de sévérité de la violence

psychologique

Analysés à partir du niveau de détresse exprimée par des

adolescents utilisateurs du service Tel-Jeunes

Mémoire doctoral

Sophie Turmel

Sous la direction de :

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Résumé

La violence psychologique couvre un large spectre de comportements parentaux et représente autant les agressions mineures et ponctuelles que les situations de maltraitance intense et chronique. L’objectif de cette étude est d’identifier des indicateurs de sévérité de la violence psychologique vécue par les enfants et les adolescents. Ces indicateurs sont dégagés en fonction du niveau de détresse exprimée par des jeunes âgés de neuf à 17 ans qui dévoilent être victimes de violence psychologique de la part de leur(s) parent(s) à un service d’aide anonyme par courriel. Par l’emploi d’un devis d’analyse mixte, 95 courriels écrits par des jeunes ont été contrastés selon le niveau de détresse exprimée par ces derniers (peu de détresse vs. beaucoup de détresse). L’analyse de contenu suggère des différences en fonction du niveau de détresse exprimée par les jeunes. D’abord, des différences dans les caractéristiques des conduites parentales psychologiquement violentes sont observées par rapport à la chronicité et au cumul des différentes manifestations rapportées. D’autres différences s’observent par rapport à la nature des problèmes de santé des parents, au soutien parental et fraternel et aux stratégies d’adaptation que déploient les jeunes. La fréquence et la nature des conduites parentales psychologiquement violentes, la présence concomitante de violence physique, les problèmes de santé des parents et la présence concomitante de violence physique lorsqu’il y a signalement à la DPJ ne montrent toutefois pas de différence selon le niveau de détresse exprimée par les jeunes. Bien que les présents résultats corroborent avec ceux d’autres études, ils lèvent aussi le voile sur des réalités peu documentées en matière de violence psychologique, plus précisément sur la relation entre la détresse exprimée par les jeunes et (1) la précision avec laquelle les jeunes parlent du caractère chronique de la violence psychologique vécue et (2) la violence fraternelle.

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Table des matières

Résumé ... iii

Table des matières ... iv

Liste des tableaux ... vii

Liste des figures ... viii

Remerciements ... ix

Introduction ... 1

Définition et terminologie ... 2

Définition de la violence psychologique. ... 3

Définition des mauvais traitements psychologiques. ... 5

Prévalence de la violence psychologique ... 6

Conséquences potentielles de la violence psychologique ... 8

Évaluation de la sévérité de la violence psychologique... 10

Modèle par continuum. ... 11

Modèle par critères «diagnostiques». ... 12

Indicateurs de sévérité de la violence psychologique... 13

Les indices temporels relatifs aux CPPV. ... 14

Le nombre et le type de manifestations de violence psychologique rapportés. ... 15

L’intention des parents de nuire à leur enfant. ... 16

Le contexte familial. ... 16

La concomitance avec d’autres formes de violence. ... 17

Les stratégies d’adaptation qu’emploient les jeunes. ... 18

Questions de recherche ... 20

Méthodologie... 21

Corpus de données de la présente étude ... 22

Catégories conceptuelles étudiées ... 24

Question 1.1 : Indices temporels relatifs aux CPPV. ... 24

Fréquence des CPPV. ... 25

Chronicité des CPPV. ... 25

Question 1.2 : Cumul des différentes manifestations de CPPV. ... 25

Question 1.2 : Nature des CPPV. ... 25

Actes commis. ... 26

Négligence des besoins psychologiques. ... 26

(5)

v

Question 2 : Contexte familial. ... 26

Question 3 : Stratégies d’adaptation. ... 26

Procédure d’analyse ... 27

Analyses de nature qualitative. ... 27

Analyses de nature quantitative. ... 31

Résultats et discussion ... 32

Question 1.1: Les indices temporels relatifs aux CPPV ... 32

La fréquence des CPPV. ... 32 Analyses qualitatives. ... 32 Analyses quantitatives. ... 34 La chronicité des CPPV. ... 36 Analyses qualitatives. ... 36 Analyses quantitatives. ... 39

Question 1.2 : Le cumul des différentes manifestations de CPPV et leur nature... 42

Le cumul des différentes manifestations de CPPV rapportées. ... 42

La nature des CPPV. ... 44

Analyses quantitatives. ... 44

Analyses qualitatives. ... 47

Question 2 : Le contexte familial ... 55

Caractéristique 1 : La concomitance avec la violence physique. ... 55

Caractéristique 2 : Les problèmes de santé des parents. ... 56

Caractéristique 3 : Le soutien de la famille. ... 57

Le rôle de la fratrie dans la violence subie. ... 57

Le soutien reçu de la part du parent qui n’est pas l’agresseur. ... 58

Question 3 : Les stratégies d’adaptation que déploient les jeunes face aux CPPV... 60

Stratégies d’approche. ... 60

Caractéristique 1 : La présence concomitante de violence physique lors de signalements à la DPJ. ... 61

Caractéristique 2 : L’inefficacité perçue des stratégies d’approche. ... 61

Caractéristique 3 : La répétition des stratégies d’approche. ... 62

Caractéristique 4 : Le sentiment d’ambivalence des jeunes. ... 63

Stratégies d’évitement. ... 64

Caractéristique 1 : L’attitude du parent. ... 64

Caractéristique 2 : Les schémas de croyances inadaptés. ... 65

Caractéristique 3 : L’isolement et le sentiment de solitude. ... 65

Caractéristique 4 : Le déni émotionnel. ... 65

Synthèse des résultats ... 68

(6)

vi

Conclusion et retombées cliniques ... 73

Références ... 78

Annexe A ... 86

Critères diagnostiques des conduites parentales inadéquates (Wolfe & McIsaac, 2010) ... 86

Annexe B ... 88

Critères diagnostiques de la violence psychologique envers les enfants (Wolfe & McIsaac, 2010) ... 88

Annexe C ... 90

Les neuf manifestations d’actes commis (Gagné et al. 2010) ... 90

Annexe D ... 91

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vii

Liste des tableaux

Tableau 1. Description de l’échantillon (N=95) selon le niveau de détresse exprimée par le jeune ... 24 Tableau 2. Stratégies d’adaptation des jeunes selon leur réponse au stress (éviter/approcher la situation) .... 27 Tableau 3. Matrice réalisée pour étudier le lien entre l’évitement du parent en tant que stratégie d’adaptation et le niveau de détresse exprimée par les jeunes ... 29 Tableau 4. Mots utilisés par les jeunes pour définir la fréquence des CPPV qu’ils subissent selon le niveau de détresse qu’ils expriment ... 32 Tableau 5. Indices de fréquence rapportés par les jeunes exprimant peu de détresse (n=16) et beaucoup de détresse (n=56) ... 34 Tableau 6. Mots utilisés par les jeunes pour définir la chronicité des CPPV qu’ils subissent selon le niveau de détresse qu’ils expriment ... 37 Tableau 7. Indices de chronicité rapportés par les jeunes exprimant peu de détresse (n=13) et beaucoup de détresse (n=31) ... 39 Tableau 8. Combinaison d’indices de fréquence et de chronicité se retrouvant simultanément dans un même courriel pour les jeunes exprimant peu de détresse (n=8) et beaucoup de détresse (n=24) ... 41 Tableau 9. Nombre de manifestations distinctes de CPPV dans les courriels des jeunes selon le niveau de détresse qu’ils expriment ... 43 Tableau 10. Nombre moyen de mots écrits dans les courriels et écart-type selon le niveau de détresse exprimée ... 44 Tableau 11. Manifestations de CPPV selon les grandes catégories de violence psychologique dans les courriels des jeunes exprimant peu de détresse (n=34) et beaucoup de détresse (n=168) ... 45 Tableau 12. Caractéristiques distinguant les courriels des jeunes exprimant peu de détresse de ceux exprimant beaucoup de détresse ... 68

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viii

Liste des figures

Figure 1. Continuum des pratiques parentales ... 1 Figure 2. Échelle de mesure pour la fréquence ... 25 Figure 3. Échelle de mesure pour la chronicité ... 25

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Remerciements

Le chemin menant à la réalisation de ce mémoire fut pavé d’obstacles. Ce dernier, une fois terminé, je tiens à remercier de nombreuses personnes, qui ont su le rendre plus confortable, sécurisant et agréable.

D’abord, je tiens à remercier ma directrice de recherche, Marie-Hélène Gagné, pour sa présence constante, sa rigueur et sa grande capacité de synthèse et d’analyse. Marie-Hélène, je tiens aussi à te remercier pour la confiance que tu m’as accordée dans des projets de recherche sur lesquels j’ai adoré travailler comme auxiliaire de recherche. Je remercie aussi mon comité d’encadrement, Sylvie Drapeau, qui s’est montrée disponible et qui a su me livrer des commentaires tant sur le fond que sur la forme sur mon mémoire qui ont su faire cheminer ma réflexion.

Au cours de ces années, j’ai aussi été accompagnée dans ma formation professionnelle par des psychologues passionnés et dévoués. D’abord, Jean-Yves Vachon, tu as été un modèle de sagesse, de chaleur et d’humanité pour moi. À travers la personne active que je suis, tu as su voir la grande sensibilité que j’ai, et merci pour les outils que tu m’as offerts en ce sens. Maintenant, Richard Couture, je te remercie de m’avoir éveillé à l’existence de mon monde interne, et d’avoir été le parfait modèle d’un bon parent qui sait conjuguer les besoins d’autonomie et de dépendance du stagiaire. Je remercie aussi toute la grande famille du Centre jeunesse de Québec – Institut universitaire qui peut compter sur des intervenants dévoués et empreints d’espoir. Vous êtes touchants. Enfin, je remercie Louis Boivin, grand pédagogue. Tu as une capacité inouïe à partager ton savoir et ce fut enrichissant d’être à tes côtés au cours de cette dernière année. Tu as su me transmettre tes habiletés à évaluer, analyser, synthétiser, prioriser et présenter des cas psychologiques. Tu m’as offert de nombreux outils qui ont solidifié mon identité professionnelle.

Ce parcours a aussi été soutenu par des membres de ma famille et de mon entourage. D’abord, merci à toi, maman, d’avoir été à l’écoute de mes peurs, interrogations et besoins ainsi que d’avoir su m’éclairer d’une manière bienveillante. Je sais ton amour inconditionnel. Papa, merci de m’avoir transmis tes valeurs de persévérance et de travail qui m’ont toujours poussée à aller plus loin. Je remercie profondément ma sœur, celle sur qui je peux toujours compter. La réalisation de ce mémoire n’aurait pas été possible sans l’amitié que nous nous portons. Ton écoute et ton indéniable soutien me sont précieux. Jordan, tu es aussi arrivé juste à point dans ma vie, tu as rendu ce

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parcours beaucoup plus paisible et sain. Merci pour le réconfort et la joie que tu m’as procurés. Ton esprit calme, créatif et ouvert m’a fait du bien.

Un grand merci à vous mes collègues de « lab », Flora, Véronique, Amandine, Christine et Michelle. Avec vous, le mot « communautaire » a su prendre tout son sens. Écoute, disponibilité, partage et authenticité ont toujours été au rendez-vous. Louis-Philippe et Olivia, mes deux acolytes du doctorat, comment vous oublier. Rêver et rire avec vous a été un grand plaisir. Merci aussi pour ces longues et profondes discussions qui ont su mettre en perspective les quelques angoisses que j’ai rencontrées sur ce long parcours. Un dernier grand merci à mes amis de longue date Gab, Cynthia, Dominique, Julie, Marie-Ève, Roseline, Michaël et Sarah qui ont toujours cru en moi.

Je remercie aussi pour le soutien financier la Chaire de partenariat en prévention de la maltraitance et le Centre jeunesse de Québec - Institut universitaire.

Enfin, je remercie tous ces jeunes qui ont écrit ces courriels et qui ont su, malgré les adversités rencontrées, demander de l’aide et croire en l’espoir d’un futur meilleur. Je vous trouve inspirants.

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Introduction

Il est maintenant admis que les conduites parentales psychologiquement violentes (CPPV) ou maltraitantes engendrent des conséquences tout aussi destructrices que les abus physiques et sexuels pour les jeunes qui en sont victimes (Gagné & Bouchard, 2001; Spinazzola et al., 2014; Trickett, Mennen, Kim, & Sang, 2009). En 2012, l’American Academy of Pediatrics a identifié la violence psychologique comme «la forme d’abus et de négligence propre à l’enfance qui implique le plus de défis et qui est la plus prévalente» (traduction libre, Hibbard, Barlow, & MacMillan, 2012, p. 372). Bien que seulement reconnue depuis les années 1980, cette forme de violence est, selon Finkelhor, Turner, Ormrod, & Hamby (2009), celle dont les jeunes de dix ans et plus risquent le plus d'être victime au sein de leur famille. Ces auteurs définissent «l’abus émotionnel» par les situations où un adulte fait peur à un enfant ou amène un enfant à se sentir vraiment mal en le traitant de noms, en lui disant des choses méchantes ou en lui disant qu'il n'est pas désiré.

La violence psychologique peut être vue comme un type de pratique parentale. Comme le montre la figure 1, les pratiques parentales peuvent se retrouver sur un continuum allant de comportements dits «positifs», caractérisés par un apport continu de chaleur humaine, de soutien, d’encadrement et de soins émotionnels, à des comportements dits «psychologiquement maltraitants» (Baker, 2009; Barnett, Manly, & Cicchetti, 1991; Wolfe & McIsaac, 2011), en passant par toute une gamme de comportements plus ou moins adéquats ou violents. Outre les cas sévères de mauvais traitements psychologiques relevant de l’intervention de la protection de la jeunesse, certains enfants peuvent vivre des situations préjudiciables, sans toutefois que leur développement soit considéré comme compromis au sens de la Loi sur la protection de la jeunesse (LPJ). Sur un continuum de sévérité, la violence psychologique couvre un large spectre de comportements parentaux en représentant autant les agressions mineures et ponctuelles que les situations de maltraitance intense et chronique (Gagné & Bouchard, 2000) et sera l’objet de la présente étude.

Pratiques parentales

positives Agression psychologique mineure et ponctuelle Mauvais traitements psychologiques

Figure 1. Continuum des pratiques parentales

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Divers problèmes de développement, d'adaptation, et de santé guettent les jeunes victimes de violence psychologique (Melançon & Gagné, 2011; Sneddon, 2003). Dans une étude réalisée auprès de 497 femmes, celles ayant vécu de l’«abus émotionnel» étaient plus à risque de faire une tentative de suicide que celles qui disaient avoir vécu de la violence physique (Mullen, Martin, Anderson, Romans, & Herbison, 1996). Sachant que la violence psychologique est associée à de lourds problèmes sur ses victimes à l’âge adulte, il est indiqué de s’intéresser aux indices pouvant indiquer le degré de sévérité d’une situation de violence psychologique dès le moment où la situation est vécue. Ainsi, la présente étude tentera, par l’analyse de courriels de jeunes de 9 à 17 ans acheminés à un service d’aide anonyme, d’identifier certains indicateurs de sévérité de la violence psychologique. La connaissance de tels indicateurs pourrait faciliter la détection des situations les plus sévères de violence psychologique, auxquelles les autorités et les différentes personnes de l’entourage du jeune devraient porter une attention plus particulière. Les résultats de cette étude permettront aux intervenants œuvrant au sein des services sociaux, communautaires, scolaires, et de santé de distinguer les situations de violence psychologique les plus sévères et d’ajuster leurs interventions en conséquence.

Définition et terminologie

Parmi les chercheurs, aucun consensus n’a encore été établi quant à la définition de la violence psychologique ou de construits voisins, tel que mauvais traitements psychologiques et donc, un certain nombre de définitions et de terminologies coexistent (Brassard & Donovan, 2006; Gagné & Bouchard, 2000). En effet, des termes tels qu’abus émotionnel, négligence affective, maltraitance psychologique, mauvais traitements émotionnels, cruauté mentale, mauvais traitements psychologiques, violence psychologique, abus psychologique, enfant battu psychologiquement, et même meurtre de l’âme se côtoient dans la littérature sur le sujet (Doyle, 1997; Hart & Brassard, 1987). Dans les écrits scientifiques, diverses classifications des manifestations de la violence psychologique ont été proposées (Baily & Baily, 1986; Garbarino, Guttmann, & Seeley, 1986; Glaser, 2002; Hamarman, Pope, & Czaja, 2002; Hart et al., 2011). Même si ces classifications sont le plus souvent rattachées au construit «mauvais traitement psychologique», cela ne signifie pas qu’elles concernent seulement les cas les plus sévères. En effet, dans la littérature anglo-saxonne, l’expression «mauvais traitement psychologique» est généralement utilisée sans égard au niveau de

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sévérité de la situation en terme d’impact sur l’enfant, et l’expression «violence psychologique» est très peu employée.

En contexte québécois, il est important de distinguer deux principaux construits : la violence psychologique et les mauvais traitements psychologiques. De ce fait, dans le système légal québécois, les mauvais traitements psychologiques à l’endroit des enfants sont un motif de signalement à la protection de la jeunesse qui est entré en vigueur en 2007, au moment où les dernières modifications à la LPJ ont été apportées (Gouvernement du Québec, 2010). Or, le présent projet interpelle des jeunes de la population générale qui font appel à un service d’aide gratuit et anonyme qui offre des services extérieurs à ceux de la protection de la jeunesse. Ils ne sont pour la plupart pas impliqués dans une démarche avec les services de la protection de la jeunesse bien qu’ils témoignent être soumis à un large spectre de CPPV (Gagné, Melançon, Pouliot-Lapointe, Lavoie, & Roy, 2010), ce qui explique pourquoi la violence psychologique est le concept retenu pour la présente étude.

Définition de la violence psychologique. Par opposition aux définitions données pour les

mauvais traitements psychologiques, la violence psychologique se définit généralement d’une façon plus globale, regroupant un ensemble de pratiques parentales comme l’illustrait la figure 1. La violence psychologique est davantage définie à partir des gestes que posent les parents, plutôt qu’à partir des conséquences que ceux-ci occasionnent chez l’enfant. Les définitions de la violence psychologique peuvent être comprises sous un angle relationnel, dans la communication entre le parent et son enfant, le parent communiquant à son enfant, que ce soit de façon directe ou indirecte, qu’il est sans valeur (McGee & Wolfe, 1991) . Ainsi, la majorité des définitions réservées à la violence psychologique incluent tant l’agression psychologique, soit les actes commis par les parents, que la négligence des besoins psychologiques et affectifs du jeune. Diverses formes de violence psychologique indirecte faite aux enfants, telles que l’exposition à la violence familiale et conjugale, y sont également incluses (Comité d’experts sur la révision de la Loi sur la protection de la jeunesse, 2004; Gagné, Lavoie, & Fortin, 2003). Les formes de violence psychologique généralement reconnues sont l’indifférence, le rejet, l’isolement, l’agression verbale, le dénigrement, les menaces d’abus et le fait de terroriser l’enfant, l’exploitation ainsi que la corruption, qui consiste à inciter l’enfant à des comportements criminels ou antisociaux. Dans la présente étude, l’expression «violence psychologique» couvre l’ensemble de ces manifestations qui se présentent à divers degrés

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de sévérité. Toutefois, lorsque les auteurs cités privilégient d’autres terminologies pour référer à cette réalité, celles-ci sont placées entre guillemets. La présente recherche adopte la définition suivante de la violence psychologique :

Ensemble de pratiques parentales (1) qui nuisent au développement global de l’enfant, (2) qui sont interprétées comme une menace à ce développement, ou (3) qui sont jugées inacceptables dans le cadre d’une relation parent/enfant, soit parce qu’elles briment ses droits et libertés d’être humain, qu’elles relèvent de l’abus de pouvoir ou de la malveillance ou qu’elles contreviennent aux normes sociales et aux valeurs culturelles en vigueur. Ces pratiques parentales regroupent des actes commis et des omissions, délibérés ou non. Elles incluent également des habitudes et des modes de vie qui placent l’enfant dans des situations à risque élevé (Gagné & Bouchard, 2000, p. 134).

Cette définition a été choisie en raison de son caractère englobant et exhaustif. En comparaison, l’expression «agression psychologique», utilisée dans de nombreuses enquêtes épidémiologiques comme celle de Clément, Chamberland, Côté, Dubeau et Beauvais (2005), réfère seulement à quelques comportements comme crier, sacrer et menacer l’enfant. D’autres avantages se dégagent de la définition de la violence psychologique de Gagné et Bouchard (2000) : (1) elle tient compte des normes culturelles et sociales généralement admises, (2) elle soutient l’idée qu’une diversité de CPPV coexistent, et (3) elle n’écarte pas les effets éventuels de cette violence sur le développement de l’enfant, englobant aussi les «mauvais traitements psychologiques» qui se situent à l’extrémité du continuum. Cette définition est issue d’une étude qualitative qui a questionné des parents et des intervenants québécois au sujet de leur conception de la violence psychologique. Trois grandes catégories de CPPV ont émergé de cette analyse.

La première catégorie de CPPV proposée par Gagné et Bouchard (2000) concerne les actes commis, i.e. toutes les conduites parentales qui visent directement et délibérément l’enfant, que l’intention soit bienveillante ou non. Les actes commis incluent : (1) l’intimidation, les menaces et les gestes terrorisants, (2) le rejet ou les menaces de rejet, (3) le dénigrement, (4) le contrôle abusif, (5) la dureté et la sévérité excessive, et (6) l’entrave à la réalisation de soi. La deuxième catégorie, les omissions, renvoie à tous les gestes omis par le parent, de façon délibérée ou non. Cela fait appel notamment au manque de sensibilité du parent aux besoins affectifs, cognitifs, et sociaux de son enfant et au manque d’écoute, de considération, de chaleur, d’intérêt, et de disponibilité du parent envers son enfant. Enfin, la dernière catégorie fait référence aux situations où l’enfant n’est pas directement ciblé par la conduite du parent qui, de par son mode de vie et son état de santé mentale,

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expose l’enfant à des conditions familiales pénibles. Ces situations sont qualifiées de violence indirecte et se rapportent aux situations où il y a (1) une exposition à la violence conjugale et familiale, (2) un renversement des rôles parent-enfant, i.e. une «parentification», (3) des conduites faisant appel à l’«aliénation parentale», et (4) une corruption de l’enfant, i.e. être exposé comme enfant à des comportements déviants ou criminels, voire encouragés à y participer.

Définition des mauvais traitements psychologiques. Plusieurs auteurs s’accordent pour dire que l’expression «mauvais traitement psychologique» devrait être limité aux situations de violence psychologique les plus graves (Glaser, 2011; Slep, Heyman, & Snarr, 2011; Wolfe & McIsaac, 2011). Alors que les études sur les CPPV définissent cette problématique sur un continuum, les études traitant de la maltraitance se réfèrent davantage à une définition légale qui sous-entend l’existence d’un seuil à partir duquel l’enfant est considéré «maltraité». La situation est analysée d’une manière qui se veut davantage dichotomique, cherchant à déterminer si l’enfant est maltraité ou non, i.e. si son développement ou sa sécurité sont compromis (Manly, 2005). La différence qui existe entre la définition donnée aux mauvais traitements psychologiques et à la violence psychologique réside dans la valeur accordée aux impacts des comportements parentaux sur l’enfant. En effet, plusieurs définitions des mauvais traitements psychologiques réfèrent aux conséquences que les conduites parentales ont sur les enfants. À partir du moment où «une altération observable et durable des capacités de l’enfant à fonctionner d'une manière conforme à son développement» (Baker, 2009, p. 706) est observée, un mauvais traitement psychologique pourrait être suspecté. Pour un tel type de définition, l’intérêt se limite aux actions posées envers l’enfant susceptibles de l’affecter immédiatement ou éventuellement dans son fonctionnement comportemental, cognitif, émotif, et physique. Au Québec, les termes «abus», «maltraitance» et «mauvais traitement» font appel à des formes de violence ou de négligence suffisamment sévères pour compromettre le développement des enfants, et sont utilisés couramment dans un cadre légal (Gagné & Bouchard, 2000). Ils sont davantage adaptés à une population pour qui l’intervention des services de la protection de la jeunesse est nécessaire, en d’autres mots, aux jeunes dont le développement ou la sécurité est compromis par des sévices psychologiques intenses, fréquents ou chroniques (Clément et al., 2005; Gagné & Bouchard, 2001; Straus & Field, 2003).

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Prévalence de la violence psychologique

Certains comportements parentaux se rapportant à de la violence psychologique ont été étudiés, en 2012, dans la troisième édition de l’Enquête sur la violence familiale dans la vie des enfants du Québec par l’Institut de la statistique du Québec (Clément, Bernèche, Chamberland, & Fontaine, 2013). Cette enquête avait entre autres pour objectif de mesurer pour l’ensemble du ménage l’ampleur du recours aux conduites parentales à caractère violent, autant physique que psychologique, à l’endroit des enfants âgés entre six mois et 17 ans. Quand plusieurs enfants étaient admissibles au sein du ménage, l’enfant sur lequel allait reposer l’enquête était sélectionné aléatoirement. 4 029 mères représentatives de la population québécoise qui habitent avec un enfant au moins 40 % du temps ont été questionnées. Près de 80 % des mères ont rapporté qu’au moins une fois au cours des 12 mois précédant l’enquête, un adulte de la famille a crié ou hurlé, sacré ou juré après leur enfant, a menacé de le placer ou de le mettre à la porte, l’a traité de noms, ou l’a menacé de lui donner la fessée sans la lui donner. De plus, 49 % des mères affirment que leur enfant a été la cible au moins trois fois dans la dernière année d’«agression psychologique» de la part d'un adulte de la famille.Bien que l’expression «agression psychologique» regroupe un nombre limité de comportements parentaux comme crier, jurer, menacer ou traiter de noms dégradants, il importe de reconnaître l’ampleur de ce phénomène (Clément et al., 2005). En effet, au fil des trois enquêtes populationnelles réalisées entre 1999 et 2012 sur la violence vécue par les enfants dans leur environnement familial, alors qu’une baisse du recours à la violence physique envers les enfants a été constatée, une augmentation des agressions psychologiques a été observée (Clément et al., 2013; Clément, Bouchard, Jetté, & Laferrière, 2000).

Du côté des États-Unis, près de 90 % des parents rapportent avoir fait usage d’une de ces conduites au moins une fois dans la dernière année (Straus & Field, 2003). Dans cette enquête populationnelle réalisée auprès des parents états-uniens, le fait de crier ou hurler après son enfant est, comme pour l’étude de Clément et al. (2013), le comportement que le plus grand nombre de parents rapportent que leur enfant subisse. À compter du moment où l’enfant atteint l’âge de 10 ans, près de la moitié des parents états-uniens rapportent avoir recours à un des trois comportements jugés comme de l’agression psychologique sévère, i.e. de jurer ou sacrer après l’enfant, de le menacer de le mettre à la porte ou de le traiter de noms (Straus & Field, 2003). Il s’avère que l’adolescence est la période où les agressions psychologiques sévères et les mauvais traitements

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psychologiques sont les plus importants (Finkelhor et al., 2009; Hélie, Turcotte, Trocmé, & Tourigny, 2012; Sedlak et al., 2010; Straus & Field, 2003; Trocmé et al., 2011). À l’adolescence, pour les formes d’agressions psychologiques dites sévères, la chronicité, i.e. le nombre de fois où le parent a fait appel à un comportement jugé comme de l’agression psychologique, atteint aussi un niveau maximal (Straus & Field, 2003).

Il est pertinent d’intervenir auprès de cette catégorie d’âge, d’autant plus que la plupart d’entre eux ne reçoivent sans doute aucune forme d’aide, à moins d’être aussi victimes d’une autre forme de violence, d’abus ou de négligence. En effet, la nature du problème signalé serait associée à la décision des intervenants de la protection de la jeunesse de retenir un signalement et les cas signalés pour abus physiques et abus sexuels seraient plus fréquemment retenus par les intervenants de la protection de la jeunesse que ceux signalés pour négligence, absentéisme scolaire, troubles de comportements, et conflit familial (Jacob, Laberge, Landreville, & Trottier, 2001). L’objet principal de l’intervention assurée par la protection de la jeunesse reposerait rarement sur la violence psychologique (Chavarria Matamoros, 2015; Gagné, 2001; Manly, 2005). Le nombre de cas de mauvais traitements psychologiques rapporté aux autorités est aussi sous-estimé, notamment en raison des lois qui les omettent, des outils d’évaluation qui échouent à les détecter (Hamarman et al., 2002; Trickett et al., 2009) ou des preuves tangibles qui sont difficiles à obtenir pour appuyer ce type de mauvais traitement (Schneider, Ross, Graham, & Zielinski, 2005; Sheehan, 2006). Par exemple, Trickett et al. (2009) ont examiné les dossiers d’enfants maltraités qui reçoivent des services de la protection de l’enfance de l’état de la Californie aux États-Unis et ont observé des écarts importants entre leurs conclusions et celles des autorités. Alors que dans 50 % des dossiers, les enfants auraient vécu de l’«abus émotionnel» de la part de leurs parents, uniquement 9 % des dossiers sont officiellement reconnus pour ce type de violence par les services de la protection de la jeunesse.

En 2014-2015, 30 093 enfants ont fait l’objet d’au moins un signalement qui a été retenu par les directeurs de la protection de la jeunesse (DPJ) du Québec, ce qui représente un peu moins de 2 % de la population générale âgée de 0 à 17 ans (Association des centres jeunesses du Québec, 2015). Depuis 2007, année où les mauvais traitements psychologiques ont été ajoutés comme motif de compromission, le nombre d’enfants québécois qui ont été pris en charge par les DPJ du Québec pour mauvais traitements psychologiques a augmenté. En 2008-2009, ils étaient 2,4 sur 1000 alors qu’en 2014-2015, ils étaient 3,6 sur 1000 (Association des centres jeunesses du Québec, 2009,

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2015). À la lumière de ces statistiques, il est justifiable de se demander ce qu’il advient des jeunes dont le signalement n’est pas retenu, et qui sont victimes de CPPV comme de sacrer après l’enfant, le traiter de noms ou le menacer de le placer ou de le mettre à la porte.

Conséquences potentielles de la violence psychologique

Il apparaît clair que les CPPV ne sont pas sans conséquence sur l’enfant, et ce sur tous les plans de son développement (Bouchard, Tourigny, Joly, Hébert, & Cyr, 2008; Centre de liaison sur l'intervention et la prévention psychosociales, 2009; Chamberland & Clément, 2009; Gagné, 2001). Divers problèmes de développement, d'adaptation, et de santé guettent les jeunes victimes de violence psychologique (Bouchard et al., 2008; Chamberland & Clément, 2009; Melançon & Gagné, 2011; Sneddon, 2003). La plupart des études présentées ci-dessous sont de nature corrélationnelle et/ou rétrospective.

Au plan affectif, la violence psychologique s’avère être un fort prédicteur de symptômes internalisés (troubles de l’attachement, traumatismes, dépression, anxiété, et troubles alimentaires) (Doyle, 1997; Egeland, Sroufe, & Erickson, 1983; Hamilton et al., 2013; Hart et al., 2011; Melançon & Gagné, 2011; Wolfe & McIsaac, 2011). Au cours de l’adolescence, ces jeunes éprouvent davantage de problèmes de santé mentale, plus particulièrement de dépression (Brown, Cohen, Johnson, & Smailes, 1999; Doyle, 1997; Uhrlass & Gibb, 2007). Cela persiste à l’âge adulte et les individus ayant été victimes de violence psychologique au cours de leur enfance se retrouvent plus fréquemment aux prises avec des troubles psychiatriques (Baker, Brassard, Schneiderman, Donnelly, & Bahl, 2011; Finzi-Dottan & Karu, 2006; J. G. Johnson et al., 2001). Les enfants victimes de violence sont aussi plus souvent aux prises avec des problèmes de régulation émotionnelle, et ces difficultés se maintiendraient à l’âge adulte (Kim & Cicchetti, 2010; Riggs, 2010). Dans l’étude de Burns, Jackson et Harding (2010) réalisée auprès de 912 jeunes femmes étudiantes, l’«abus psychologique» est la forme d’abus vécu dans l’enfance qui est la plus prédictrice des problèmes de régulation émotionnelle à l’âge adulte. La violence psychologique est aussi associée à certains troubles de la personnalité. Une étude longitudinale a évalué chez 793 jeunes l’impact de l’«abus verbal» de la part de la mère vécue durant l’enfance sur leur personnalité à l’adolescence et à l’âge adulte. Des entrevues psychosociales et psychiatriques ont été menées. Les conclusions de l’étude sont que les jeunes qui ont subi de l’«abus verbal» de la part de leur mère durant leur enfance sont trois fois plus à risque de souffrir d’un trouble de personnalité limite, narcissique, obsessionnelle-compulsive, ou

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paranoïde durant l'adolescence et au début de l'âge adulte que les jeunes qui n’ont pas vécu d’«abus verbal» (J. G. Johnson et al., 2001).

En ce qui concerne la sphère relationnelle, les jeunes qui ont vécu de la violence psychologique au cours de leur enfance sont à risque de vivre des difficultés à entretenir des relations intimes à l’âge adulte, comme d’adopter des comportements violents avec leur partenaire de vie. L’agressivité deviendrait alors l’intermédiaire par lequel les émotions négatives, comme la colère sont communiquées (B. Allen, 2011; Crawford & Wright, 2007; Riggs, 2010).

Sous les angles cognitif et neurobiologique, les jeunes confrontés à des CPPV souffrent de divers problèmes scolaires (Doyle, 1997; Gagné et al., 2010; Sneddon, 2003; Solomon & Serres, 1999). Des élévations atypiques dans le niveau de base du cortisol ont également été relevées chez les enfants qui ont subi de la violence psychologique au cours de la première année de leur vie (Bugental, Martorell, & Barraza, 2003). En effet, l’adversité et la qualité des soins parentaux reçus agissent sur le système de réponse au stress de manière à ce que cela puisse affecter l’adaptation et le développement de l’enfant (Bugental et al., 2003; Yates, 2007).

Finalement, au niveau comportemental, la violence psychologique est associée à un ensemble de symptômes externalisés tels que la colère, les comportements agressifs, les difficultés interpersonnelles, l’abus de substance, la délinquance juvénile, et la criminalité (Crittenden & Claussen, 1994; Doyle, 1997; Melançon & Gagné, 2011; Rosenkranz, Muller, & Henderson, 2012). Les jeunes rapportant avoir vécu une situation psychologiquement violente sont plus à risque de réaliser une tentative de suicide (Bifulco, Moran, Baines, Bunn, & Stanford, 2002; Doyle, 1997; Mullen et al., 1996; Thompson et al., 2012), une étude révélant qu’ils seraient 12 fois plus à risque que ceux qui n’ont pas vécu de violence psychologique (Mullen et al., 1996). Gagné et al. (2010) mettent en lumière la détresse et la souffrance que vivent les jeunes victimes de violence psychologique, celles-ci pouvant aller jusqu'aux idéations suicidaires et tentatives de suicide. En effet, parmi 345 demandes d’aide à un service anonyme faites par des jeunes de 9 à 17 ans rapportant de la violence psychologique de la part de leurs parents, 16,5 % comportent des idéations suicidaires, et 3,3 % des tentatives de suicide. Cela vient intensifier l’importance qui doit être accordée à l’étude de la violence psychologique qui, même quand la situation de violence n’est pas connue des services de la protection de l’enfance, peut générer des conséquences négatives sur ses jeunes victimes. Il est davantage important de savoir repérer ces jeunes lorsqu’il est connu que chez

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les jeunes rapportant des conduites suicidaires, autour de seulement 20% d’entre eux révèlent avoir consulté un professionnel à la suite de leurs pensées ou de leur tentative de suicide (Breton, Légaré, Laverdure, & D'Amours, 2002).

En résumé, la violence psychologique peut générer des conséquences importantes sur les jeunes, que ce soit au cours de leur enfance ou au cours de leur âge adulte. La littérature sur le sujet montre que ces conséquences peuvent toucher différentes sphères de vie du jeune : affective, relationnelle, cognitive, neurobiologique et comportementale. Bien que les écrits rapportent que la violence psychologique est le type de violence le plus fréquent en milieu familial (Finkelhor, Ormrod, & Turner, 2007a), des zones d’ombre demeurent dans l’état actuel des connaissances sur les CPPV notamment autour des indicateurs de sa sévérité.

Évaluation de la sévérité de la violence psychologique

La sévérité est un élément important à considérer dans l’évaluation de la compromission du développement de l’enfant. Toutefois, dans l’état actuel des connaissances, un élément autour duquel une confusion demeure dans les écrits sur la violence psychologique est la sévérité, ou la gravité, de la violence psychologique. La plupart des auteurs appuient l’existence d’un continuum pour illustrer l’étendue de la sévérité de la violence psychologique (Gracia, 1995; Hamarman & Bernet, 2000; McGee & Wolfe, 1991; Wolfe & McIsaac, 2010).

McGee et Wolfe (1991) font partie des premiers à avoir affirmé que les comportements des parents ne peuvent être catégorisés comme étant seulement «bons» ou «mauvais». Ils ont plutôt recommandé le développement d’un continuum de sévérité des conduites parentales, et ont proposé pour définir la «maltraitance psychologique» de se baser sur (1) les conduites parentales et sur (2) les conséquences observées sur l’enfant. Ils sont aussi dans les premiers à avoir reconnu que «les mauvais traitements psychologiques» pouvaient ne pas être observables, mais entraîner tout de même des conséquences d’ordre émotionnel chez l’enfant. Sans fournir d’opérationnalisation de ce continuum, ils ont proposé une gradation des comportements parentaux allant de «maltraitants légers», à «inadéquats», et à «inappropriés».

Plus récemment, Wolfe et McIsaac (2010) ont publié un guide qui distingue les conduites parentales acceptables des conduites parentales inacceptables et de la «violence psychologique». Ce guide vise notamment à informer les décideurs en matière de protection de l’enfant et de santé

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publique sur les besoins d’intervention différents selon la sévérité des situations rencontrées. Dans ce guide, Wolfe et McIsaac reconnaissent que les conduites parentales inadéquates et la violence psychologique nuisent tous deux à la relation parent-enfant, mais voient deux éléments qui les distinguent : (1) la répétition et la continuité des gestes et (2) les risques pour l’enfant de sévices psychologiques ou de perturbations dans son développement. Ces critères rejoignent ceux qui sont déjà utilisés par la loi de la protection de la jeunesse québécoise. En effet, à l’état actuel, pour conclure à l’existence de mauvais traitements psychologiques, l’évaluation doit faire (1) la démonstration qu’il y a présence de gravité ou de chronicité dans les comportements des parents et que (2) des risques de préjudice à l’enfant par l’atteinte de son intégrité psychologique et de son développement sur les plans cognitif, affectif ou social y sont associés. Deux modèles conceptuels sont utilisés dans le guide : (1) par continuum et (2) par critères «diagnostiques».

L’originalité de ce guide est de proposer un continuum qui permet de comprendre l’éventail des pratiques parentales acceptables et inacceptables. Il prend une forme semblable au continuum qui a été présenté en page 1 de ce mémoire, qui montre qu’il y a différents niveaux de conduites parentales inadéquates. Toutefois, la définition de la «violence psychologique» qu’utilisent ces auteurs diffère de celle utilisée dans le présent mémoire (Gagné & Bouchard, 2000). Pour Wolfe et McIsaac, la «violence psychologique» est vue comme la classe de pratiques parentales qui représente les méthodes éducatives les plus sévères, insensibles et inefficaces et qui viole les besoins fondamentaux des enfants, alors que pour Gagné et Bouchard (2000), elle regroupe un ensemble de pratiques parentales se situant à différents niveaux d’intensité et de chronicité.

Modèle par continuum. Le continuum de conduites parentales proposé par Wolfe et

McIsaac se partagent en trois catégories : (1) les conduites parentales positives, (2) les conduites parentales négatives et (3) la «violence psychologique». Ce mode d’évaluation peut s’avérer efficace dans le traitement des cas dits modérés, où les parents ont des conduites parentales inadéquates ne compromettant pas le développement de leur enfant. Il est ainsi perçu comme un outil de prévention pouvant être utilisé en santé publique avec les jeunes et les familles de la population générale pour aider à l’identification des frontières entre les méthodes éducatives appropriées et inappropriées. Les conduites parentales négatives reflètent des «degrés de soins de plus en plus irresponsables et potentiellement nocifs» (p. 18), alors que les conduites parentales positives encouragent à différents niveaux un sain développement chez l’enfant, les parents tentant de trouver un accord entre leurs

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propres exigences et attentes et les besoins de leur enfant et ses habiletés. Pour départager les conduites parentales positives des conduites parentales négatives et de la violence psychologique, Wolfe et McIsaac évaluent différentes sphères :

(1) la stimulation et l’expression émotionnelle des parents envers leur enfant (exprimer de la joie/ne montrer aucune sensibilité aux besoins de l’enfant);

(2) les interactions avec l’enfant (interagir amicalement avec l’enfant/rejeter émotionnellement l’enfant);

(3) la cohérence et la prévisibilité du parent (être cohérent et prévisible/être imprévisible, et répondre avec une explosion émotionnelle);

(4) les règles et les limites données à l’enfant (établir des règles conformes à l’âge de l’enfant/établir des règles sporadiques qui sont à l’avantage du parent);

(5) les pratiques disciplinaires des parents (enseigner à l’enfant par le comportement/enseigner à l’enfant par des méthodes de contrôle cruelles et sévères);

(6) le débit et le ton émotionnel (utiliser un débit et un ton ferme qui n’effraie pas/effrayer, menacer, dénigrer, insulter).

Modèle par critères «diagnostiques». Le modèle conceptuel par «critères diagnostiques»

présente quant à lui des critères pour les conduites parentales inadéquates et la «violence psychologique». Ceux-ci ont été élaborés à partir des travaux de Richard Heyman et Amy Slep (Heyman & Slep, 2009; Slep & Heyman, 2006). Les critères empiriques sont basés sur la nature des actes parentaux et sur les impacts observés chez les enfants. La distinction entre les conduites parentales inadéquates et la «violence psychologique» provient essentiellement de la nature des actes des parents plutôt que des effets observés sur les enfants. Les conduites parentales inadéquates seraient empreintes «d’un ou plusieurs types de sous-participation ou de surimplication» et de difficultés marquées dans au moins un aspect de la parentalité (par ex. l’absence de surveillance d’un enfant, une discipline inadéquate, etc.) ». Pour les auteurs, suite à des conduites parentales inadéquates, des écarts sur le développement de l’enfant peuvent être observés (par ex. des symptômes dépressifs), sans que la situation soit jugée comme de la « violence psychologique ». Pour ces derniers, pour conclure à la présence de « violence psychologique », au-delà des effets observés chez l’enfant, un ou plusieurs actes parentaux de violence psychologique tels que critiquer vigoureusement, menacer, contraindre l’enfant doivent être présents.

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Ce modèle conceptuel présente des similarités avec la définition de la violence psychologique que nous avons choisi d’adopter dans le présent mémoire, dans le sens qu’elle reconnaît l’importance qui doit être accordée aux gestes que posent les parents. C’est pourquoi d’ailleurs dans le présent mémoire, une attention est accordée aux caractéristiques des CPPV par une analyse de type mixte. Toutefois, ce modèle conceptuel ne met pas en valeur le caractère englobant et exhaustif que nous reconnaissons à la violence psychologique, que nous conceptualisons comme un ensemble de manifestations qui se présentent à divers degrés de sévérité. Les critères diagnostiques pour les conduites parentales inadéquates et pour la «violence psychologique» sont présentés en annexes A et B.

En bref, connaître les facteurs qui rendent plus ou moins dommageable la violence psychologique que vivent les jeunes demeure un grand défi pour les communautés de chercheurs et de praticiens. À ce jour, aucune étude réalisée auprès des victimes elles-mêmes n’a encore offert de critères précis sur ce qui distingue les situations sévères de celles qui le sont moins, et cela pourrait s’expliquer par les défis méthodologiques qu’amène la mesure de la violence psychologique et par le grand nombre de situations de violence psychologique qui ne sont pas dévoilées (Tonmyr, Draca, Crain, & MacMillan, 2011).

Indicateurs de sévérité de la violence psychologique

Divers paramètres sont proposés pour évaluer la sévérité d’une situation de violence psychologique, la littérature faisant le plus souvent mention de la chronicité, de la fréquence, du nombre et des types de manifestations de violence psychologique vécus, de l’intention des parents, de la concomitance avec les autres formes de violence, et des stratégies d’adaptation du jeune (Claussen & Crittenden, 1991; Glaser, 2011; Gouvernement du Québec, 2010; Malo, 2007; Manly, Cicchetti, & Barnett, 1994; Moran, Bifulco, Ball, Jacobs, & Benaim, 2002; Straus & Field, 2003). Pour mieux comprendre comment les «abus psychologiques» affectent le développement des enfants, Trickett et al. (2009) proposent que les futures recherches explorent de multiples aspects comme les sous-types d’abus psychologique vécus, la concomitance avec les autres formes d’abus, la chronicité de la violence vécue, l’identité des agresseurs, l’intensité des actes de violence, et le stade de développement de l’enfant impliqué.

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Les indices temporels relatifs aux CPPV. La notion de temporalité occupe une place

importante en tant qu’indicateur d’une situation de violence psychologique. Au sens de la LPJ, la fréquence et la chronicité des faits font notamment partie du processus d’analyse du signalement, à savoir si la situation signalée est ponctuelle, sans suites prévisibles, ou si elle est à risque de récidive (Gouvernement du Québec, 2010). La fréquence réfère au nombre de fois qu’un incident de violence psychologique est rapporté sur une période de temps donnée (Barnett et al., 1991; Claussen & Crittenden, 1991; English, Graham, Litrownik, Everson, & Bangdiwala, 2005; Gouvernement du Québec, 2010). La chronicité quant à elle fait référence à la durée de temps, en termes de mois ou d’années pendant laquelle des CPPV surviennent.

Les termes «fréquence» et «chronicité» peuvent être utilisés de manière indivisible dans la littérature, ils sont souvent réunis autour d’un seul et même concept de temporalité. Par exemple, Straus et Field (2003) utilisent une définition combinant la notion de fréquence et de chronicité, en demandant aux parents, combien de fois (fréquence) ont-ils fait tel geste au cours des douze derniers mois (chronicité). Ils critiquent les études qui mesurent seulement la fréquence des CPPV, comme celles qui demandent aux parents combien de fois ils ont fait tel geste avec leur enfant. Ils expliquent que ce type d’évaluation donne droit, en fonction des différents types de parent (violent ou non), à des chiffres très différents, et à une distribution de réponse asymétrique qui fournirait des conclusions trompeuses. La prise en compte supplémentaire de la chronicité permet selon eux de faire la distinction entre les situations où il est nécessaire d’intervenir sur un plan des services de la protection de celles où il ne l’est pas.

Les expériences de CPPV qui surviennent le plus fréquemment et qui persistent dans le temps et/ou qui sont à fort risque de se reproduire sont jugées plus sévères que celles qui surviennent de façon isolée (Gouvernement du Québec, 2010). Parmi l’ensemble des mauvais traitements que les jeunes rapportent vivre depuis plus de six mois, c’est la maltraitance psychologique qui prédomine en termes de pourcentage (Tourigny et al., 2002; Trocmé et al., 2005). Dans l’étude de Tourigny et al. (2002), ce sont 76 % des enfants dont le signalement à la protection de la jeunesse en 1998 a été retenu pour «mauvais traitements psychologiques» qui dévoilent vivre ces sévices depuis plus de six mois. English et al. (2005) recommandent de considérer dans l’évaluation de la chronicité l’étendue des périodes développementales qui sont touchées par les expériences de violence. Ils font valoir que chez l’enfant, si les retards générés à une étape de son

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développement ne sont pas surmontés, l’acquisition de certaines tâches développementales pourrait être compromise. Ainsi, un enfant qui subit de la violence psychologique au cours d’un épisode précis de sa vie, par exemple lorsque ses parents se séparent, pourra être en mesure de récupérer ou de reprendre son développement où il en était. Toutefois, il serait autrement pour les jeunes qui vivent de la violence de façon chronique au fil de leur développement.

Le nombre et le type de manifestations de violence psychologique rapportés. Le

nombre de différentes manifestations de violence psychologique influencerait la sévérité de la violence psychologique vécue (American Professional Society on the Abuse of Children, 1995; Malo & Gagné, 2002; Moran et al., 2002; Teicher, Samson, Polcari, & McGreenery, 2006; Vega, Osa, Granero, & Ezpeleta, 2013). Par exemple, chez 554 jeunes âgés entre 18 et 22 ans, la combinaison de l’exposition à la violence conjugale avec l’«abus verbal» parental (se faire crier, jurer, blâmer, insulter, menacer, ridiculiser, rabaisser) est associée à un risque plus grand d’éprouver des symptômes de dissociation, d’anxiété, et de dépression que l’exposition à la violence conjugale seule ou l’«abus verbal» parental seul (Teicher et al., 2006).

De plus, il est possible de constater que certains comportements parentaux sont susceptibles d’être classés comme plus sévères que d’autres. Une étude menée par Follingstad, Coyne, et Gambone (2005) auprès de 383 étudiants montre que dans les représentations mentales des gens, les menaces portées envers une personne sont perçues comme une conduite agressive plus sévère que le fait d’isoler quelqu’un. Pour sa part, l’étude de Teicher et al. (2006) montre que l’exposition à l’«abus verbal parental» au cours de l’enfance (gronder, crier après, jurer après, blâmer, insulter, menacer, humilier, ridiculiser, critiquer, dénigrer son enfant, etc.) engendre des effets plus grands sur l’anxiété, la dépression, et les sentiments de colère et d’hostilité que l’exposition à la violence conjugale dans l’enfance. De façon plus précise, chez les filles, le dénigrement vécu à l’âge de 12 ans, qui est une forme d’«abus verbal», est, parmi trois CPPV, la CPPV qui est la plus associée à la présence de symptômes dépressifs à l’âge de 14 ans (Paul & Eckenrode, 2015). En fonction de l’âge de l’enfant et des étapes développementales qu’il traverse, la sévérité d’une situation de violence psychologique peut aussi varier (Barnett et al., 1991; Garbarino et al., 1986). Par exemple, de menacer un enfant de cinq ans de le mettre à la porte est une CPPV reconnue plus sévère que de menacer un adolescent de 17 ans de le mettre à la porte, car les risques pour le développement du premier sont plus grands.

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L’intention des parents de nuire à leur enfant. Hamarman et Bernet (2000) proposent que

l’intention qu’ont les parents de causer du tort à leur enfant fait partie des critères de sévérité de l’«abus émotionnel». Les auteurs rapportent avoir emprunté ces déterminants à la jurisprudence, en prenant pour exemple les différents degrés d'homicide, qui vont du meurtre prémédité au premier degré (intentionnel) à l’homicide involontaire (non-intentionnel). Les auteurs proposent, sur un continuum, quatre catégories, qui sont classées selon l’intentionnalité. Il y a d’abord l’ «abus émotionnel léger» qui regroupe les parents qui ont de faibles compétences parentales mais qui n’ont pas d’intention malveillante. Ensuite, il y a l’ «abus émotionnel modéré» qui se caractérise soit par une intention malveillante de la part des parents ou soit par un risque immédiat de préjudice affectif, mais non pas par les deux, par exemple un parent qui aurait mis son jeune à la porte après avoir su qu’il avait été conduit par des amis saouls. Enfin, l’«abus émotionnel sévère» est caractérisé par des actions qui à la fois sont réalisées dans l'intention de faire du mal et ont une forte probabilité de causer des dommages. Ce type de parent, malgré qu’il soit conscient que les actions qu’il porte puissent causer de la détresse émotionnelle à son enfant, persisterait dans ses CPPV. Selon ces auteurs, en présence d’un caractère intentionnel, la situation s’avère plus grave et la contribution des services de la protection de la jeunesse est davantage nécessaire pour assurer l'application d’interventions thérapeutiques aux enfants.

Une controverse demeure dans la littérature autour de la notion d’intentionnalité, car ce concept est difficilement mesurable et ne semble pas nécessaire pour que l’enfant soit atteint dans son intégrité (Hart & Brassard, 1987; McGee & Wolfe, 1991). Il demeure difficile de déterminer l’intention de nuire derrière un comportement violent. Pour plusieurs parents, leur CPPV serait motivée par une intention éducative (Malo et al., 2000). À titre d'exemple, des auteurs citent le cas du parent qui fait boire une grande quantité d'alcool à son enfant pour lui enseigner les effets négatifs d'une consommation abusive (Bifulco, Brown, & Harris, 1994). Pour De Becker (2011), la question de l’intentionnalité est en partie liée à celle de la récurrence, proposant qu’un comportement qui est reproduit plusieurs fois s’établit dans une dynamique relationnelle particulière où la volonté de détruire l’autre est au centre de la relation.

Le contexte familial. Plusieurs éléments de contexte familial ont été identifiés comme des

facteurs de risque de la violence psychologique, notamment les problèmes de santé mentale et de consommation des parents (Chamberland et al., 2005; Chavarria Matamoros, 2015; Doyle, 1997;

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Malo & Gagné, 2002; Sheehan, 2006; Simmel & Shpiegel, 2013), l’âge des parents, (Chavarria Matamoros, 2015; Straus & Field, 2003) et les expériences de violence vécues par les parents dans leur enfance (Centre de liaison sur l'intervention et la prévention psychosociales, 2009; Clément et al., 2013). La taille et le nombre d’enfants (Chavarria Matamoros, 2015; Doyle, 1997; Sedlak et al., 2010) seraient aussi des facteurs de risque de la violence psychologique. Par ailleurs, à notre connaissance, le seul élément de contexte familial ayant été étudié sous l’angle de la sévérité de la violence psychologique est la présence concomitante d’autres formes de violence dans la famille.

La concomitance avec d’autres formes de violence. Les trois éditions de l’Enquête sur la violence familiale dans la vie des enfants du Québec (Clément et al., 2013; Clément et al., 2000; Clément et al., 2005) et les trois cycles de l’Étude canadienne sur l’incidence des signalements (ÉCI) (Hélie et al., 2012; Trocmé et al., 2005; Trocmé et al., 2001) montrent que les mauvais traitements psychologiques se manifestent très souvent en cooccurrence avec d’autres formes de violence. Dans une étude québécoise examinant les signalements retenus en protection de la jeunesse, en 1998, les mauvais traitements psychologiques se présentaient en cooccurrence avec d’autres mauvais traitements dans 74 % des cas, alors que les autres formes de mauvais traitements se présentaient en cooccurrence avec d’autres mauvais traitements dans 56 % des cas (Chamberland et al., 2005).

La présence simultanée de plusieurs formes de violence serait un facteur de sévérité (Chamberland & Clément, 2009; English, Graham, et al., 2005; English, Upadhyaya, et al., 2005; Ney, Fung, & Wickett, 1994). De nombreux auteurs ont montré que les conséquences de la violence sur les enfants sont d’autant plus importantes lorsqu’il y a cooccurrence entre différentes formes de violence (Clemmons, Dilillo, Martinez, DeGue, & Jeffcott, 2003; Clemmons, Walsh, Dilillo, & Messman-Moore, 2007; Mullen et al., 1996; Ney et al., 1994). Une première étude de Higgins et McCabe (2000) montre que les adultes qui ont été victimes de trois formes ou plus de violence dans leur enfance s’auto-déprécient plus et s’ajustent moins bien aux traumatismes vécus que les adultes qui ont été victimes de deux formes ou moins de violence dans leur enfance. Une autre étude qui a été réalisée auprès de 1396 étudiants d’universités américaines qui ont complété un questionnaire évaluant les expériences de mauvais traitements vécues dans l’enfance comme les abus sexuels, la violence physique, la violence psychologique, et la négligence, appuie ces derniers résultats (Clemmons et al., 2007). Les résultats révèlent que le nombre de différentes formes de violence vécues prédit significativement la présence de symptômes traumatiques à l’âge adulte. Des études se sont aussi intéressées plus précisément aux adolescents. Arata, Langhinrichsen-Rohling, Bowers

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et O’Brien (2007) montrent que, pour des adolescents âgés entre 13 et 18 ans, le fait d’avoir été victime de plus d’une forme de violence familiale augmente la sévérité des symptômes vécus (dépression, hostilité, délinquance et consommation de drogues et d’alcool). Une autre étude où 167 enfants et adolescents canadiens âgés entre sept et 18 ans ont été suivis a trouvé que la combinaison qui a le plus d’impact sur l’enfant est composée de l’«abus verbal», de la négligence physique, et de l’abus physique. La joie de vivre et la capacité du jeune à espérer sont alors affectées (Ney et al., 1994). Les situations dans lesquelles plusieurs formes de violence sont vécues feraient aussi plus souvent appel à un état chronique qu’à un état transitoire (Clément et al., 2013). Dans l’ensemble, ces résultats soulignent la nécessité pour les chercheurs de ne pas considérer séparément les effets associés à chacune des formes spécifiques de violence, mais plutôt de considérer leur cooccurrence et les conditions particulières dans lesquelles elles se manifestent.

Les stratégies d’adaptation qu’emploient les jeunes. Les stratégies d’adaptation réfèrent

à «la façon dont les personnes régulent leurs émotions, comportements, et orientations motivationnelles dans un contexte de stress psychologique» (traduction libre, Skinner & Wellborn, 1994, p.112). Bêty (2012) a répertorié un ensemble de stratégies que les enfants et les adolescents peuvent adopter lorsqu’ils subissent de la violence psychologique : (1) discuter avec le parent, (2) dévoiler ou parler de la situation à un tiers ou à un adulte, (3) avoir la pensée magique, (4) se distraire, (5) restructurer leurs croyances, (6) exprimer leurs émotions, (7) s’isoler , (8) déployer des efforts répétitifs pour plaire à leur parent, (9) se résigner, (10) éviter, (11) utiliser des stratégies orientées vers le problème, et (12) abuser de substances (drogues/alcool). Les stratégies d’évitement seraient davantage utilisées par les jeunes que les stratégies d’approche (Caples & Barrera, 2006; Gagné & Melançon, 2013). De façon plus précise, pour un jeune, le fait de percevoir du rejet de ses parents serait associé à l’utilisation de stratégies d’évitement alors que le fait de percevoir du contrôle de ces derniers serait associé à l’utilisation de stratégies d’approche (Meesters & Muris, 2004). Une stratégie d’adaptation est efficace lorsqu’elle permet à l’individu de maîtriser la situation stressante et/ou de diminuer son impact sur son bien-être physique et psychologique (Bruchon-Schweitzer, 2002).

Les stratégies d’adaptation employées par les jeunes pourraient influencer le niveau de détresse qu’ils vivent dans un contexte de violence psychologique. En effet, les conséquences que la violence psychologique a sur le jeune pourraient être déterminées en partie par les stratégies d’adaptation qu’il emploie. Une étude réalisée auprès de 278 adolescents âgés en moyenne de 14

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ans qui ont rempli un questionnaire auto-rapporté sur la violence psychologique vécue, les stratégies d’adaptation, et les symptômes intériorisés et extériorisés montre que l’utilisation des stratégies d’évitement est associée aux problèmes intériorisés et extériorisés chez les adolescentes victimes de CPPV (Gagné & Melançon, 2013). Dans des situations contrôlables, ou qui sont perçues comme telles, les stratégies d’évitement apparaissent comme inefficaces, et une détresse ultérieure importante y est associée (Bruchon-Schweitzer, 2002). Toutefois, face à un événement incontrôlable, des efforts répétés de la part d’une personne seraient inutiles et épuisantes et amèneraient les stratégies d’évitement à devenir plus adaptées, permettant à la personne de préserver son estime de soi et de contenir ses émotions (Bruchon-Schweitzer, 2002). Chez les jeunes victimes de violence psychologique qui sont émotionnellement fragiles et qui se retrouvent souvent face à une situation incontrôlable, par exemple des parents qui deviennent subitement violents, les stratégies d’évitement peuvent être favorables pour faire diminuer la détresse, et au contraire, les stratégies d’approche peuvent être risquées (Överlien & Hydén, 2009; Roth & Cohen, 1986). Certes, sur du long terme, les stratégies d’évitement n’agiraient plus à titre protecteur (Roth & Cohen, 1986).

La présente étude accorde une grande importance au discours des jeunes, et vise à étudier, d’un point de vue majoritairement qualitatif, leurs propos sous l’angle du niveau de détresse qu’ils expriment afin d’en apprendre davantage sur les indicateurs de sévérité de la violence psychologique. Plusieurs auteurs rapportent que plus la violence psychologique est sévère, plus elle est dommageable pour l’enfant, toutefois une question subsiste : sur la base de quels indicateurs pouvons-nous dire qu’une situation de violence psychologique est susceptible d’être plus sévère qu’une autre? La présente étude tentera de dégager de tels indicateurs en prenant pour critère le niveau de détresse que les jeunes expriment en lien avec cette problématique. L’utilisation de matériel brut, i.e. les courriels des jeunes, permet de capter les préoccupations et sources de souffrance des jeunes et peut donner un nouvel éclairage sur les facteurs contribuant à rendre une situation de violence psychologique plus sévère qu’une autre. La présente étude se distingue donc par la richesse de son analyse de contenu qui vise à documenter la sévérité des CPPV à partir du discours des jeunes rapportant subir de la violence psychologique.

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Questions de recherche

L’objectif de cette étude est d’identifier des indicateurs de sévérité de la violence psychologique vécue par les enfants et les adolescents dans leur milieu familial. Ces indicateurs sont dégagés en fonction du niveau de détresse exprimée par des jeunes âgés de neuf à 17 ans qui dévoilent être victimes de violence psychologique de la part de leur(s) parent(s) à un service d’aide anonyme par courriel. Une étude québécoise appuie l’idée que la qualité du lien affectif parental perçu par les jeunes est associée à la présence de signes de détresse psychologique chez eux (Picard, Claes, Melançon, & Miranda, 2007). En effet, après avoir questionné 356 élèves du secondaire, les résultats de cette étude indiquent que le fait de percevoir plus de rejet de la part de ses parents est associé à un plus grand nombre de symptômes de détresse psychologique, alors que le fait de percevoir des signes de sollicitude chez son parent, i.e. d’écoute, d’empathie, et d’attention est relié à des niveaux de détresse moins élevés. Le niveau de détresse a été estimé par l’équipe de recherche à partir de l’intensité des réactions émotionnelles et de la gravité de l’atteinte à l’estime de soi que les jeunes exprimaient dans leur courriel. Par des analyses de contraste/comparaison faites à partir du niveau de détresse que les jeunes expriment dans leur courriel (peu de détresse vs. beaucoup de détresse), la présente étude vise plus précisément à répondre aux questions suivantes :

(1)Qu’est-ce qui distingue les jeunes exprimant peu de détresse de ceux exprimant beaucoup de détresse sur le plan des caractéristiques des CPPV?

(1.1) Par rapport à la fréquence et la chronicité des CPPV?

(1.2) Par rapport au cumul des différentes manifestations de CPPV et à leur nature?

(2) Qu’est-ce qui distingue les jeunes exprimant peu de détresse de ceux exprimant beaucoup de détresse sur le plan du contexte familial plus large dans lequel la violence psychologique s’inscrit? (3) Qu’est-ce qui distingue les jeunes exprimant peu de détresse de ceux exprimant beaucoup de détresse sur le plan des stratégies d’adaptation qui sont déployées?

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