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stratégies d’adaptation s’inspire de celle de Roth et Cohen (1986) qui distinguent deux types de stratégies pour gérer la violence psychologique et les états difficiles qu’elle suscite: l’approche (faire face à la situation) et l’évitement (fuir la situation). Le tableau 2 présente les différentes stratégies d’adaptation qui ont été identifiées dans le discours des jeunes par Gagné et al. (2010).

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Tableau 2

Stratégies d’adaptation des jeunes selon leur réponse au stress (éviter/approcher la situation)

Stratégie d’évitement Stratégie d’approche

Écrire Aider son parent

Éviter son parent Chercher de l’aide Faire semblant d'aller bien Être ouvert à l'aide Quitter le domicile de son parent Être proactif

Se changer les idées Parler avec le parent en cause

Se retirer Considérer porter plainte

S'affirmer, s'exprimer, s'opposer

Procédure d’analyse

Une méthode d’analyse mixte a été employée. Celle-ci est définie comme un type d’analyse dans lequel «un chercheur ou une équipe de recherche combine des aspects des méthodes qualitatives et quantitatives à des fins d’approfondissement et de corroboration» (traduction libre, R. B. Johnson, Onwuegbuzie, & Turner, 2007, p.123). Toutefois, les questions de recherche 2 (sur le contexte familial) et 3 (sur les stratégies d’adaptation) n’ont pas pu être soumises à un traitement d’analyse statistique en raison du fait que concernant ces sujets, un trop faible nombre de courriels offrent du contenu à analyser.

Analyses de nature qualitative. Sur le plan qualitatif, d’abord, pour répondre à la question

1.1 (sur les indices temporels relatifs aux CCPV) une catégorie a été créée suite à une première lecture des courriels. Pour créer la catégorie, les courriels ont été soumis aux premières étapes de l’analyse de contenu que propose l’Écuyer (1990). Premièrement, les courriels ont tous été lus dans leur entièreté afin d’avoir un regard d’ensemble sur le matériel recueilli. À cette étape, l’auteure a observé que dans les courriels, les jeunes pouvaient parler du temps en termes de répétition (fréquence) mais aussi en termes de durée (chronicité). Deuxièmement, les courriels ont été découpés en unités de signification : «énoncés plus restreints possédant un sens complet en eux- mêmes». Ces unités de signification pouvaient être quelques mots jusqu’à plusieurs lignes du courriel. Certains mots comme «toujours» et «depuis X années» ont alors été repérés comme des unités de signification. Les critères ayant mené au choix de ces unités de signification étaient aussi notés afin de laisser des traces de la réflexion qui sous-tendait ces choix. Troisièmement, le matériel a été réorganisé en regroupant les unités partageant un sens semblable ensemble en catégories. La mise en évidence des caractéristiques du phénomène touchant la temporalité des CPPV a permis la

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création de la nouvelle catégorie «indices temporels relatifs aux CPPV». Une catégorie est définie par L’Écuyer (1990, p. 64) comme «toute unité plus globale comportant un sens commun plus large et caractérisant d’une même manière la variété des énoncés (unités de classification) qui peuvent y être rattachés en dépit de leurs éventuelles différences de formulation». Plus précisément, en fonction de la littérature sur la violence psychologique qui aborde la fréquence et la chronicité qui subséquemment avait été lue, au final, deux échelles de classification ont été développées, une première pour la fréquence des CPPV et une seconde pour la chronicité des CPPV. Les indices de fréquence des CPPV se classent parmi : (1) est arrivé une seule fois (incident unique), (2) arrive de façon épisodique ou occasionnelle, et (3) arrive de façon continue (souvent ou toujours). Les indices de chronicité des CPPV se classent parmi : (1) arrive depuis un an ou moins et (2) arrive depuis plus d’un an.

Ensuite, pour l’ensemble des catégories conceptuelles, une méthode d’exploration par matrice a été utilisée afin de dégager les différences entre les courriels où les jeunes expriment (1) peu de détresse et (2) beaucoup de détresse. La matrice est un tableau à deux axes sur chacun desquels une variable et ses catégories sont inscrites. Miles, Huberman et Bonniol (2003) recommandent la production de matrices pour effectuer des analyses de contraste/comparaison. Le tableau de contraste utilisé dans la présente étude est défini par Miles, Huberman et Saldaña (2014) comme : «un tableau qui présente délibérément une variété d’exemples extrêmes, particulièrement représentatifs et/ou aberrants au sein d’un même tableau afin d’explorer les manifestations des variables d’intérêt» (traduction libre, p. 142). Pour répondre à chacune des questions, en fonction du niveau de détresse exprimée par le jeune, les courriels ont été soumis à une analyse de contraste/comparaison, plus précisément ils ont été comparés systématiquement les uns aux autres sur les catégories conceptuelles décrites dans la section précédente.

De façon concrète, à partir du logiciel N’Vivo 8, de nombreuses matrices ont été générées. Les catégories conceptuelles ont été systématiquement croisées avec les niveaux de détresse de type feu vert et feu rouge dans des matrices.Dans chacune des cellules des matrices générées se trouvaient des citations directes qui permettaient d’observer les différences possibles entre les deux groupes. Une lecture complète des courriels se rattachant à chacune des citations a été faite afin d’être en mesure de saisir le contexte complet de l’expérience de violence associée à la citation. L’intention de cette lecture était exploratoire, le but étant d’organiser les données de façon à voir «ce qui se passe», plus particulièrement est-ce que les jeunes parlent de la variable d’intérêt, par

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exemple les stratégies d’adaptation, et comment en parlent-ils (Miles et al., 2003). Aussi, pour les données à entrer dans les matrices, tel que le suggèrent ces derniers auteurs, des synthèses et des explications du chercheur ont aussi été ajoutées manuellement dans chacune des matrices. Le tableau 3 montre à quoi pouvait ressembler une matrice, dans ce cas-ci, avec la stratégie d’adaptation qui était d’éviter son parent. Comme le propose Miles et al. (2003), la tenue d’un journal de bord détaillé du processus d’entrée des données a aussi été faite.

Tableau 3

Matrice réalisée pour étudier le lien entre l’évitement du parent en tant que stratégie d’adaptation et le niveau de détresse exprimée par les jeunes

Stratégie

d’adaptation Feu vert Feu rouge

Évitement

du parent C025 (G-15): PS: à propos de mon père, on a décidé de ne plus se parler depuis assez longtemps.

C230 (F-13):

Le père critiquerait toujours sa fille. Il lui dirait qu’elle est constamment en train de se plaindre et qu’elle est toujours sur l’ordinateur. La jeune fille explique qu’elle n’a pas le goût de faire des activités avec son père car il l’énerve. Elle ajoute qu’il lui «tape sur les nerfs» et qu’il lui fait honte en public. (reformulation) 1

C252 (F-12):

Là il veut me parler, mais moi je refuse toujours de lui parler parce que je n'oublie jamais combien il m'a fait de la peine. […] Quand il téléphone, c'est toujours ma mère qui

C011 (F-14):

J'en aurais bien parlé à mes parents, mais ils font partie du problème...

C026 (F-16):

J’essaye de défendre mon point mais j'ai toujours tort. Je suis intelligente et j'ai bien vite vu que ce n'était pas pour moi. Je crois que dans la vie, il y a certaines personnes avec qui on ne peut pas s'entendre. Alors ne me dites pas d'essayer de parler avec lui. Je vous le jure, c'est impossible. […] ne me dite pas qu’il y a espoir dans ma relation père-fille. je suis tannée de me le faire dire. Je ne vois plus de solution.

C112 (F-13):

En tout cas, moi et mes parents, on n’a pas une très belle relation alors je ne peux rien leur dire.

C228 (F-16):

Ces temps-ci, ils sont pratiquement toujours sur mon dos, pendant les temps d’examen aussi… je suis très souvent à l’ordinateur pour éviter de les voir. […] je ne sais plus quoi faire, je ne suis vraiment plus capable de mes parents... j’ai envie de fuguer mais je sais qu’ils vont me retrouver puis me frapper ... ça ne sert à rien d’essayer de leur parler, mon père se met toujours à me crier après ou à me frapper.

1 Certains jeunes ont refusé que leurs courriels soient cités. Dans ces circonstances, les propos ont été reformulés à la

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répond, et il veut me parler. Alors, là, je ne sais pas si je dois lui parler ou non.

C255 (F-16):

Chaque fois que j’essaie d'amener un dialogue, j'ai peur qu'il me frappe, je ne sais pas quoi faire puisque parler est impossible avec eux.

C295 (F-15):

La jeune fille dit détester son père. Elle dit ne pas lui parler, sauf parfois par périodes. Elle critique sa relation père-fille, et nomme l’avoir toujours détesté à mort. (reformulation) 1

Synthèse et

explications Le jeune semble éviter au niveau comportemental le parent.

Le jeune semble pouvoir décider par lui-même d’éviter son parent (sentiment de contrôle). Le parent tente d’entrer en

communication/relation avec son enfant, mais l’enfant semble s’affirmer (il me fait honte, moi, je refuse).

Le jeune semble éviter au niveau cognitif le parent. Les jeunes semblent savoir que la discussion est une

stratégie de résolution de problème, mais ils semblent persuadés que ça ne fonctionne pas dans leur situation.

Modification des cognitions semble se faire.

L’enfant n’entrevoit plus de réparation, d’espoir, il cherche à survivre, se défendre. Le déni de la relation a été fait.

Différentes règles proposées par Miles et al. (2003) ont été suivies pour l’analyse matricielle. D’abord, la production de tableaux de contraste soutenue par le logiciel d’analyse qualitative N’Vivo 8 a permis de détecter rapidement sur un plan visuel, par une «analyse en diagonale», les tendances ou différences qui se démarquaient entre les deux niveaux de détresse. Ensuite, les conclusions émanant de cette lecture étaient écrites dans une dernière ligne du tableau de la matrice. Lorsqu’il y avait un nombre important de caractéristiques qui émergeaient de la catégorie conceptuelle observée, une table de synthèse était créée en parallèle afin d’aider à la clarification des conclusions. Ensuite, afin de confirmer les conclusions observées dans les matrices, les extraits de courriels étaient comparés entre eux. Dans le but que les conclusions soient un reflet juste des données, l’auteure discutait de ses conclusions avec la directrice de recherche. Les conclusions pouvaient ainsi être reformulées jusqu’à ce qu’elles représentent avec précision les extraits trouvés dans les matrices. Bien que Miles et al. (2003) disent des matrices qu’elles sont un format de présentation illustratif privilégié, dans la présente étude, dans un souci de clarté, ce sont les extraits de courriels de jeunes qui sont mis en lumière pour appuyer les conclusions.

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Analyses de nature quantitative. Enfin, les données quantifiables utilisées pour répondre

aux questions 1.1 et 1.2 ont été soumises à des analyses sur SPSS 19.0. «L’analyse quantitative est particulièrement utile lorsque la quantité de matériel à analyser est relativement importante» (L'Écuyer, 1990). Elle permet notamment de donner un ordre de grandeur quant à la répartition du matériel dans les différentes catégories conceptuelles. À cet effet, des fréquences et des tests non- paramétriques ont été effectués avec ces catégories conceptuelles : les indices temporels relatifs aux CPPV, la nature des CPPV, et le cumul des différentes manifestations de CPPV. Ce sont principalement des tests non paramétriques qui ont été réalisés afin d’évaluer statistiquement les différences de fréquence entre les variables catégorielles. Plus précisément, pour mesurer les différences de proportions au sein d’un groupe de jeunes exprimant le même niveau de détresse, pour les catégories dichotomiques, par exemple la chronicité des CPPV, le test binomial a été utilisé. Pour mesurer les différences de proportions au sein d’un groupe de jeunes exprimant le même niveau de détresse, pour les échelles de plus de deux catégories, par exemple la fréquence des CPPV, un test de chi-carré d’ajustement a été utilisé. Par ailleurs, pour mesurer la relation entre le niveau de détresse exprimée et la catégorie conceptuelle (fréquence des CPPV, chronicité des CPPV, nature des CPPV, cumul des différentes manifestations de CPPV), un test de chi-carré d’indépendance statistique (2 X 2) a été fait. Pour les tables de contingence 2 X 2, lorsque le nombre d’effectifs théoriques dans une cellule était inférieur à cinq, les conditions d’application du chi-carré n’étaient pas satisfaites, et le test exact de Fisher était utilisé. Dans de tels cas, le coefficient Phi qui mesure la force de la corrélation entre deux variables catégorielles dichotomiques était aussi calculé. Enfin, pour mesurer la relation entre le niveau de détresse exprimée et la longueur des courriels acheminés à Tel-Jeunes, le test de Mann-Whitney, un test non-paramétrique utilisé pour comparer deux moyennes d’échantillons indépendants, a été utilisé. Ce choix a été fait en raison du petit n de l’échantillon et de la distribution des données qui dévie de la normalité puisque les valeurs d’aplatissement (37.1) et d’asymétrie (5.2) sont trop grandes (Dancey & Reidy, 2007).

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Résultats et discussion

L’objectif de cette étude est d’identifier des indicateurs de sévérité de la violence psychologique vécue par des jeunes de 9 à 17 ans qui dévoilent être victimes de violence psychologique de la part de leur(s) parent(s) à un service d’aide anonyme par courriel, en employant comme critère le niveau de détresse qu’ils expriment par écrit dans leur demande d’aide. Dans un souci de clarté et de fluidité du texte, les résultats quantitatifs et qualitatifs sont intégrés aux éléments de discussion.

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