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Géographie Économie Société: Article pp.93-101 of Vol.13 n°1 (2011)

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Regards

Géographie, Économie, Société 13 (2011) 93-101

GÏOGRAPHIE ÏCONOMIE SOCIÏTÏ GÏOGRAPHIE ÏCONOMIE SOCIÏTÏ

sur…

GES participe de manière classique à la vie scientifique par la diffusion des travaux des chercheurs, les comptes rendus de livres et de colloques etc. Nous proposons à travers cette rubrique « Regards sur les questions d’actualité » d’ouvrir la revue aux débats contemporains autour de questions d’actualités qui relèvent de la sociologie, de la géographie, de l’aménagement et de l’économie… L’objectif est de retracer, à partir d’interviews, le parcours de chercheurs et de penseurs provenant d’horizons disciplinaires divers et de recueillir leurs regards sur les grands enjeux spatiaux et sociétaux.

Lise Bourdeau-Lepage* et Leïla Kebir**

Une interview de Roland Castro

³ Par Lise Bourdeau-Lepage et Leïla Kebir

Architecte engagé, Roland Castro travaille depuis de nombreuses années à améliorer la qualité de vie des urbains notamment en repensant et remodelant les grands en- sembles des banlieues. Bouillonnant et militant, il n’a de cesse de défendre ses idées.

* Université de Lyon, UMR Environnement, Ville, Société, lblepage@gmail.com

** UMR SAD-APT/INRA et EIVP, leila.kebir@unine.ch Cette interview a été réalisée le 24 février 2011 à Paris.

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Fonction actuelle : Architecte

Atelier Castro Denissof Casi Discipline : Beaux-arts et architecture Lieux de vie passés et actuels : Paris

Roland Castro

X Roland Castro naît à Limoge en 1940. En 1956, il entreprend des études d’archi-

tecture à l’École des Beaux-arts de Paris. Ce choix, plus matériel qu’inspiré, est dû au fait que ces études lui permettaient de trouver un travail comme étudiant salarié.

Parallèlement à ses études, Roland Castro poursuit des activités militantes très intenses.

Membre du parti communiste jusqu’en 1965, puis militant au sein de l’Union des étu- diants communistes, il participe très activement aux événements de mai 1968 et notam- ment aux contestations du système académique en vigueur qui vit alors ses derniers ins- tants. Durant ses études, il travaille comme dessinateur sur divers projets d’architecture rationaliste qu’il s’évertuera ensuite, durant toute sa carrière, à ré-humaniser. En 1969, il obtient son diplôme. Un an plus tard, il entre comme professeur vacataire à l’École d’architecture de la Villette. Parallèlement, il co-fonde Vive la Révolution, parti maoïste libertaire et décomplexé qui quitte l’opposition prolétarienne contre le patronat pour une lutte pour la libération sexuelle, pour la libération de la famille et pour un quotidien meilleur. Alors que le mouvement se dissout en 1971, Roland Castro entre dans une période de remise en question, il rencontre Jacques Lacan avec qui il effectuera une DQDO\VHSHQGDQWVHSWDQV,ODIÀQHGXUDQWFHWWHSpULRGHVDFRQFHSWLRQGHO·DUFKLWHFWXUH qui est en rupture avec l’approche Moderne.

Intéressé par le projet urbain, par le rapport entre les bâtiments plutôt que par les bâti- ments eux-mêmes, et animé par la volonté de construire du récit urbain appuyé sur l’his- toire des lieux et leur géographie, il collabore avec Jean-Jacques Faysse, notamment dans le cadre du Groupement des architectes pour l’urbanisme (GAU) que ce dernier co-fonde avec plusieurs architectes, agence qui gagnera plusieurs concours.

Parallèlement, il crée avec Jean-Paul Dollé (philosophe), Gilles Olive (ingénieur) et les DUFKLWHFWHV-HDQ3LHUUH%XIÀ$QWRLQH*UXPEDFK*X\1DL]RWHW&KULVWRSKH3RUW]DPSDUF le « Groupe des sept » dont l’objectif est de questionner les fondements de l’architecture WKpRULTXH (Q 5RODQG &DVWUR HVW ODXUpDW GX SUL[ GX 3ODQ$UFKLWHFWXUH 1RXYHOOH pour le projet « Retour à la ville ». La même année le « Groupe des sept » sera sollicité par le Ministère de la Culture pour une étude sur dix grands ensembles français. Roland Castro y formulera pour la première fois le terme de « remodelage » qu’il conceptualisera et développera tout au long de sa carrière : recréer de la qualité de vie et de la ville en transformant l’existant.

En 1979, Roland Castro rejoint l’agence d’Antoine Stinco, avec lequel il obtient la construction de la Bourse du travail de Saint-Denis, premier bâtiment que signe Castro.

Puis Roland Castro crée sa propre agence. En 1983, avec Michel Cantal-Dupart, il est chargé par François Mitterrand de mettre en œuvre le plan Banlieue 89 dont l’objectif

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est notamment de désenclaver et d’améliorer la qualité de vie des quartiers défavorisés.

À l’issue de ce plan, Roland Castro doit formuler un premier projet du Grand Paris dont il dit qu’il devrait permettre de créer une égalité d’appartenance entre tous les habitants quel que soit leur statut social, et ainsi forger une identité collective comme cela fut jadis fait à Paris. En 1992, il démissionne, Bernard Tapie vient d’être nommé ministre de la Ville. Entre-temps, Roland Castro fonde en 1988 avec Sophie Denisoff l’Atelier Castro Denisoff, auquel Silvia Casi s’associera en 2005. S’ensuivent 10 ans de projets et de réa- lisations architecturales durant lesquels Roland Castro s’éloignera de ses activités mili- tantes. Verra notamment le jour le remodelage des quartiers du Quai du Rohan à Lorient et de la Caravelle à Villeneuve-la-Garenne. En 2002, suite à la réélection de Jacques Chirac face à Jean-Marie Le Pen, il fonde le Mouvement citoyen de « l’Utopie Concrète » pour une transformation sans révolution du lien social et pour plus d’égalité. En 2007, il présente sa candidature aux élections présidentielles. À ce jour, il poursuit avec toujours autant d’engagement son travail d’architecte pour les banlieues tout en gardant un regard critique sur le monde politique. Il prépare actuellement un ouvrage sur ce que devrait être le candidat idéalrrr

Vous avez déclaré lors d’une interview que la problématique de la ville pouvait s’assimiler à celle de la réalisation d’un beau plan de table et à la question de la courtoisie et de la place des populations les plus défavorisées etc. Comment dans ces conditions, pensez-vous que l’on puisse lutter contre l’entre-soi qui s’observe dans nos villes qui contiennent toujours plus d’espaces fermés ? En d’autres termes, suffit-il de faire un beau plan de table pour que les gens le respectent ?

-·HPSORLHFHWWHLPDJHGHSODQGHWDEOHHQFRUHSOXVODUJHPHQWTXHFHTXHYRXVpYRTXH]

Dans des pays richissimes comme le nôtre ce n’est plus uniquement une question de plan de table. Chacun a plus ou moins une assiette identique à celle du voisin. Effectivement il y a des problèmes de courtoisie absolument formidables. Je suis certain qu’il y a des rapports entre l’état du lien et l’état des lieux. Comme disait mon ami Jean-Paul Dollé qui est décédé il y a 15 jours « Il n’y a pas de démocratie du laid ». Les endroits les plus moches et les plus enclavés ont le taux de chômage le plus élevé. Cela, tout le monde le sait. Le taux d’immigrés y est aussi le plus élevé, le nombre de malades y est double et le taux de participation aux élections y est deux à trois fois plus bas. Ainsi citadinité et citoyenneté ont des rapports : l’état du lien social et politique a des rapports avec l’état des lieux. Bien habiter ou mal habiter provoque des effets psychologiques absolus. Lorsqu’on habite bien, il y a moins d’antidépresseurs, moins de stress. En tant que citoyen, je fais partie des personnes qui n’ont pas jeté l’idée commune avec le mur de Berlin. Je ne pense pas que le libéralisme soit l’avenir de l’humanité. Cette idée m’aide à penser lorsque je fais un projet. Faut-il dans un plan de table forcer les gens à s’as- seoir de manière à avoir dans l’ordre un ouvrier, un patron, un noir, un blanc et un arabe, je ne pense pas. Ce n’est pas ainsi que ça marche. Il y a des conditions politiques pour la mixité, un mot fameux que je n’aime pas du tout. La loi SRU en est une, un peu faible, il faut le dire, car on peut payer pour ne pas avoir à l’appliquer. Mais il existe des conditions urbaines qui vont dans l’autre sens. Ainsi on peut constater avec plaisir qu’à Versailles, grâce à un maire plus ouvert bien que de droite, il y a 17 % de logements HLM. Des villes riches et belles peuvent donc tout à fait accueillir des gens plus pauvres. Avec le temps, on peut espérer un meilleur EUDVVDJH&HODPH SDUDvWWRXWHIRLVLQVXIÀVDQW 3DUDLOOHXUVVHORQ PRQ H[SpULHQFHO·XQLTXH

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PDQLqUHGHUHQGUHDWWUDFWLIVOHVTXDUWLHUVHQGLIÀFXOWpF·HVWGHOHVHPEHOOLUVLQRQSRXUTXRL aurait-on envie d’aller y vivre lorsqu’on a les moyens d’aller ailleurs. Ainsi, pour les villes où il existe de véritables lieux de relégation, la solution est le désenclavement et l’embellissement GHFHV]RQHV,OV·DJLWDORUVGHUHWULFRWHUXQTXDUWLHUOjRH[LVWHXQV\VWqPHXQSHXDEVXUGH d’organisation urbaine. Je l’ai déjà fait et cela fonctionne. Actuellement, je suis en en train de transformer l’un des quartiers les plus pauvres de France, au cœur de Boulogne-sur-Mer, où se sont succédé trois générations vivant des minima sociaux et où vivent un nombre extraordi- naire de femmes seules avec enfants. Ce quartier-là est, je pense, en train de devenir l’un des plus beaux quartiers de la ville. À Boulogne-sur-Mer, on peut arriver à inverser la situation. La question de l’embellissement n’est pas du tout une cerise sur le gâteau c’est à mon avis la clef.

La clef de plein de choses. Quand on me parle du développement économique, des clusters, etc., cela me fait rire. S’il y a encore une attraction économique en France, malgré le désastre industriel des 30 à 40 dernières années, c’est notamment grâce à la beauté urbaine de Paris et des grandes métropoles françaises. Ces villes sont extrêmement belles. C’est une des raisons qui font que Paris ne meurt pas, que le Grand Paris ne meurt pas. Ce n’est pas parce qu’on y trouve les industries pharmaceutiques et du luxe etc. La question de la beauté de la ville est une question absolument centrale, me semble-t-il.

Comment expliquez cette importance de la beauté, de l’esthétique ?

Une belle ville apaise, énerve, on s’y promène, la poétique de la ville compte beau- coup. À Paris par exemple, la manière dont la ville est organisée autour de la Seine est une des causes de son attraction. Si la Défense a marché, bien que ce soit un endroit FORVF·HVWDXVVLSDUFHTX·HOOHHVWVXUOHJUDQGD[HTXH/H1{WUHDYDLWWUDFpHWGHFHIDLW la Défense est dans Paris.

Mais derrière n’y a-t-il pas la question des récits, celle du récit d’une ville ?

Le récit de la ville, les chansons, sont également importantes. Paris est une ville extrê- mement attractive pour la pensée. Elle a attiré le monde entier, les écrivains, les peintres, les artistes. J’ai toujours pensé que c’était une ville qui faisait penser et non pas une ville TXLYRXV©VFRWFKHª,O\DGHVYLOOHVTXLVRQWPDJQLÀTXHVPDLVTXLYRXVVFRWFKHQW3DULV HVWXQHYLOOHGDQVODTXHOOHLO\DEHDXFRXSG·KRUL]RQ%HDXFRXSGHFLHO(WQRWDPPHQWOH ciel central qu’est la Seine. Les grands ensembles, a contrario, ce sont des villes où il n’y a pas de ciel. Tout est bouché. Donc la question de la bonne ville c’est à la fois des ciels, du secret, du mystère, le contraire du grand ensemble qui n’a aucun mystère et aucun ciel.

Si la beauté est la clef, quel est le pouvoir des architectes, en particulier dans le contexte actuel de financiarisation de l’immobilier ? Ne risque-t-on pas voir émerger des villes qui se ressemblent toutes ? De quelle marge de manœuvre disposez-vous ?

C’est la logique technique sur la question de la ville qui est le problème, pas la ÀQDQFLDULVDWLRQ&·HVWWURSIDFLOHGHGpQRQFHUOHVSURPRWHXUV&·HVWDYDQWWRXWODErWLVH KXPDLQHTXLSRVHSUREOqPH/HVDXFLVVRQQDJHGHO·HVSDFHODWHFKQRFUDWLH«1RQLO\

a pire que le promoteur.

Dans le cadre du Grand Paris, je m’obstine à dire qu’il faut que ce projet soit un moment de grande pédagogie participative pour les citoyens et qu’il faut que les élus, les représentants du peuple, soient très cultivés. Par exemple je pense qu’on ne peut plus élire un maire si on ne sait

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pas comment il va se comporter sur le plan urbain. Bien qu’à gauche, je ne voterai pas pour un maire de gauche qui aurait une pensée quantitative de la ville, ou qui penserait que loger OHQRPEUHUHTXLVGHSDXYUHVRXFRQVWUXLUHOHERQQRPEUHGH+/0VXIÀVHQW2QWRXFKHOjj une question dramatique. Si on admet que la question urbaine est une des grandes questions politiques de notre temps – je dis bien politiques – on est très ennuyés parce qu’il y a une série d’obstacles à ce que la ville se fasse bien. Les meilleures choses que j’ai faites, je me les suis commandées à moi-même. J’ai trouvé un commanditaire pour les payer. C’est lorsque j’étais DYHFXQSURPRWHXUTXLDYDLWGDQVO·DVVLHWWHGHVDFWLIVVXIÀVDQWVSRXUTX·LO\DLWXQUpFLWXUEDLQ SRVVLEOHTXHM·DLUpXVVLjIDLUHOHVSOXVEHOOHVUpDOLVDWLRQVFRPPHSDUH[HPSOHDYHF1H[LW\

C’est pourquoi je n’incrimine pas les promoteurs. Pour le moment, je n’ai jamais réussi à pouvoir porter cette pensée à l’échelle métropolitaine. Maintenant peut-être qu’avec le Grand Paris on va y arriver. Le temps de la ville et le temps électoral étant tellement différents et ne parlons pas du temps médiatique qui, lui, est dans l’instantanéité, que pour nous architectes qui travaillons avec l’éternité devant nous, c’est un vrai problème. Pour arriver à transformer Lorient le maire risque l’élection car il met de l’argent à l’endroit le plus pauvre de la ville. Six ans plus tard, il se fait réélire triomphalement avec, dans son bilan, la réalisation du meilleur quartier de la ville qui est celui qu’on a transformé. Mais entre-temps, il a pris le risque de perdre son mandat. On ne trouve pas tous les jours des personnes comme cela. Le seul endroit où j’ai eu de la continuité pour arriver à transformer un des quartiers les pires de la région SDULVLHQQHF·HVWDYHF3DVTXDQGOUj1HXLOO\VXU6HLQHFHTXLP·DYDOXGHVWRUUHQWVGHERXH Mais le fait est que là j’ai pu travailler dans la continuité avec un politique qui a suivi ce que je voulais faire pendant au moins deux mandats et demi de présidence de conseil général.

Ensuite, le projet était trop engagé pour qu’il s’arrête. On voit donc par ces exemples que ce que je vous dis est possible. Il faut chaque fois qu’un politique ou qu’un maire courageux - comme par exemple Jean-Yves Le Drian à Lorient - ou encore un promoteur intelligent, qui a décidé de vendre l’environnement de son logement autant que le logement lui-même, s’engage. Mais du point de vue de l’institution démocratique, il n’y a jamais eu les conditions GHODFRQÀDQFHGHODFRQWLQXLWpGDQVO·DFWLRQ'HSXLVGHX[DQVRQDWWHQGTXHOH*UDQG3DULV fonctionne, ceci à cause du code des marchés publics qui interdit d’attribuer des contrats sans qu’il y ait de concours, etc. Le système des concours bloque complètement cette idée de conti- nuité. J’ai été jusqu’à proposer qu’on pose des plaques sur tous les quartiers de la France :

©FRQIRUPHDXFRGHGHVPDUFKpVSXEOLFVª(QÀQVLRQSUpIqUHOHFRGHGHVPDUFKpVSXEOLFVj ODPDQLqUHGRQWOHVJHQVYRQWYLYUH«(WoDF·HVWH[WUrPHPHQWGLIÀFLOHjSRUWHUSROLWLTXHPHQW pour un élu à cause de tous les soupçons de corruption. Alors je ne désespère pas au niveau du

*UDQG3DULVSHXWrWUHÀQLUDWRQj\DUULYHU«

Vous avez dit que pour faire une métropole il faut de la pédagogie participative et non pas de la démocratie participative. Pouvez-vous nous expliquer ce que vous entendez par cela ?

9RXVDYH]SHXWrWUHYXQRWUHWRXUHabiter le ciel avec des logements et des jardins suspendus ? Pour faire un tel projet à Gennevilliers, il y a tout d’abord le Maire et le député de Gennevilliers qui, ayant compris l’idée d’acupuncture urbaine1, adhérent

1 Idée selon laquelle un projet architectural bien pensé (en l’occurrence ici une tour) et bien placé dans une ville peut, en tant qu’intervention ponctuelle, améliorer la qualité de vie urbaine. Voir à ce propos, Lerner J.

(2007) Acupuncture urbaine, Paris : L’harmattan.

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au projet. Ensuite, il faut convaincre le bureau municipal qui défendait l’idée que quitte à faire une tour autant la monter à 21 étages, puis l’équipe de la mairie, dans laquelle il y a des personnes de droite et de gauche, qui s’intéressent au projet urbain GHODYLOOHPDLVTXLQHVRQWSDVGHVpOXV1RXVOHVDYRQVHPPHQpVYRLUOHVSURMHWVGH WRXUTXHQRXVDYLRQVUpDOLVpVj6WDLQVHWj%RELJQ\4XLQ]HMRXUVSOXVWDUGRQOHVD fait venir à l’agence et on leur a présenté le projet. En partant de ce qu’ils ont vu à Stains, on leur a expliqué le projet, ils savent ainsi que la tour qu’on y a faite a été terminée, qu’elle a un pied, un socle. Ensuite on a organisé une réunion publique, on DIDLWXQHDIÀFKHDYHFFRPPHWLWUH©8QHWRXUj*HQQHYLOOLHUVªRQ\DPLVPDSKRWR Cent à cent cinquante personnes y sont venues, les personnes ont applaudi et le maire DÀQLHQGLVDQW©OHSHUPLVGHFRQVWUXLUHHVWSRXUTXDQG"ª&HW\SHGHSURFHVVXVHVW pour moi un bon exemple. A contrario, un mauvais exemple de démocratie participa- tive c’est lorsqu’on présente les quatre projets des Halles à Paris et des centaines de milliers de personnes viennent les voir, mais au lieu de s’appuyer sur les sentiments de ces centaines de milliers de personnes les Halles sont notamment la porte d’entrée de la banlieue — on fait l’erreur de ne s’appuyer que sur les sentiments des riverains.

Des riverains qui prennent le projet le plus bas de plafond et le moins ambitieux.

C’est là un exemple très mauvais. Tout le monde est content, c’est la démocratie par- ticipative ! Pourtant on se retrouve avec le projet le plus médiocre. Cette question de la participation est l’une des choses les plus compliquées de notre société.

Vous vous êtes positionné en disant qu’il faut reconstruire la ville sur la ville elle-même, sur ce qui existe déjà et qu’il faut cesser de faire une ville extensive, du moins pour Paris. Est-ce que vous pensez que cette position est valable pour d’autres villes ? En d’autres termes pensez-vous qu’il existe un modèle vertueux ou un « quelque chose » indispensable pour que nos anciennes villes deviennent des villes où l’on ait envie de vivre, où l’on puisse être soi, sachant que les gens ont des aspirations qui peuvent être différentes ?

Je pense que c’est encore plus compliqué que ce que vous dites puisqu’il n’y a pas GHVROXWLRQPLUDFOHTX·LO\DGHVVLWXDWLRQVVSpFLÀTXHVHWGHVVLQJXODULWpVjFKDTXH fois, c’est le génie singulier d’un lieu. Il se trouve par exemple, que j’arrive à assurer une certaine continuité dans certaines villes. À Stains par exemple où à l’issue de plu- sieurs projets successifs sur différents quartiers (quartier nord, quartier sud, bordures GHODYLOOHM·DLHQDQVjPRQDYLVDVVH]ORXUGHPHQWWUDQVIRUPpOHSD\VDJH,O\D DLQVLGHVYLOOHVVXUOHVTXHOOHVM·DLXQHDFWLRQFRQWLQXHHWFHODPHVHPEOHEpQpÀTXH-H suis même plutôt favorable à ce qu’un architecte comme moi, travaille de façon conti- nue sur plusieurs lieux dans une ville plutôt que de réaliser des petits projets un peu partout. Mais l’architecte classique est, si je puis dire, tellement mis en position de garçon de café payé au pourcentage, il est tellement mis en compétition avec d’autres, ou de non-partage de projet avec l’élu, que l’idée de continuité est absente. Et tout le système administratif se régale de cette situation : le sport du choix de l’architecte est un sport que la technostructure adore. Le système fait que fatalement les architectes sont plutôt dans l’œuvre singulière que dans l’urbain. Je me rappelle d’une interview que j’ai donnée sur mon livre, une solution que je verrais, qui est complètement individuelle, serait de devenir ministre de la ville si la gauche gagne les élections.

J’essaierais alors de faire fonctionner le système dans le sens qui me paraît bien. Mais

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YRXVDYRXHUH]TXHFHQ·HVWSDVVXIÀVDQW/HVWDWXWGH©GLFWDWHXUªGXW\SHGXFpOqEUH héros Cincinnatus attribué à un architecte qui ne penserait pas trop mal ne me paraît pas une mauvaise idée pour des villes.

On dit souvent que la ville étalée permet aux personnes d’avoir une maison avec un jardin et d’assouvir ainsi leur désir de nature. Alors qu’aujourd’hui la tendance est à la densification de la ville plutôt qu’à son étalement du moins dans le discours comment répondre à ce désir de nature en ville ? Quelles sont vos propositions, dans ce domaine ?

La tour Habiter le ciel HVW DVVH] QHWWH (OOH FRPSRUWH FLQT MDUGLQV VXVSHQGXV 'DQV l’immeuble que j’ai construit et dans lequel j’habite, les personnes ont des terrasses à dis- SRVLWLRQ&HGpVLUGHQDWXUHTXLHVWjPRQDYLVDVVH]SURIRQGHVWDXVVLXQGpVLUGXWHPSV Le temps de voir des choses pousser. Planter quelque chose c’est l’anti-médiatique par excellence. Pourquoi il y a une telle passion pour cela ? Je pense que c’est à cause de la télévision, de la pensée événement. Ce n’est pas l’ancienne ruralité qui revient mais plutôt le désir des saisons, de la lenteur… Je pense effectivement que dans tous les projets que je fais, je cherche à ce qu’il y ait au moins un espace appropriable, qu’on puisse planter, habiter dehors, dedans, entre deux.

Dans votre ouvrage vous dites que vous avez choisi les Beaux-arts parce que vous étiez amoureux d’une jeune femme. Cela signifie-t-il que vous soyez devenu architecte un peu par hasard, comme porté par les événements ?

Je suis un absolu boulimique. J’aurais bien fait plein de choses. Pour tout vous dire, j’essaye de faire un avion à décollage vertical ! J’aurais voulu faire plein de choses. Je n’étais doué pour rien mais curieux de tout. En plus, j’avais une espèce de passion poli- tique qui ne m’a jamais lâché et qui ne me lâchera pas. Le choix des Beaux-arts a été DVVH]pFRQRPLTXH6FLHQFHVSRHWPpGHFLQHQ·pWDLHQWSDVSRVVLEOHVSRXUPRLjO·pSRTXH Je savais qu’on travaillait immédiatement après les Beaux-arts – à noter que je travaillais déjà avant de commencer mes études.

Il y a eu récemment une série de conférences à Beaubourg où on demandait à une série d’architectes d’où venait leur passion pour le métier. Moi, franchement je ne me suis jamais posé la question, je me mets à me balader sur les chemins du lycée, et je m’aper- oRLVTXHODYLOOHHVWO·HVSDFHRMHSHX[rWUHPRLPrPH3DUFHTXHFKH]PRLFHQ·pWDLWSDV possible. Je pense que j’ai vraiment joui de la ville comme un promeneur. C’est l’endroit RM·pWDLVEHDXFRXSSOXVjO·DLVHTXHFKH]PRL'RQFGHFHSRLQWGHYXHOjMHSHQVHTXH la ville est mon espace privé.

Il semble finalement que ce métier soit devenu votre moyen d’expression, votre moyen pour panser les maux de la société, votre outil d’action citoyenne, on pense ici à vos engagements pour le renouvellement des Banlieues, etc. Votre choix n’est peut-être pas le fruit du hasard finalement car l’architecte construit.

Cela m’a pris un temps fou pour être d’accord avec ce que vous dites. Si tout est effec- WLYHPHQWQRXp1'/5VDYLHG·DUFKLWHFWHHWVHVHQJDJHPHQWVSROLWLTXHVHWFLWR\HQVMH ne l’ai pas vécu comme ça, mais plutôt comme un problème. Il a fallu énormément de temps pour que je sois d’accord avec ça. Et d’ailleurs maintenant que je suis d’accord, je n’ai pas du tout envie de ne pas intervenir dans le champ politique, de ne pas écrire, etc.

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Comment le militantisme a-t-il nourri votre métier d’architecte et inversement ? Comment avez- vous articulé les deux ?

Ma vie militante m’a sortie de l’architecture. Heureusement qu’il y a eu l’Union des étudiants communistes, où je me suis beaucoup moins ennuyé qu’à l’école. Cela rend très myope l’architecture. Ce rapport à l’éternité et à la mort rend particulièrement idiot.

L’architecture est un acte fort, qui reste et qui embête tout le monde! Je me souviens G·XQHUpXQLRQRDYHF&KULVWLDQGH3RUW]DPSDUFHW$QWRLQH*UXPEDFKMHSUpVHQWDLVOH remodelage urbain à un directeur de cabinet, et où la seule chose qui le préoccupait était de savoir s’il existait des exemples étrangers. Je me suis alors aperçu que ces personnes font de la politique uniquement parce qu’ils font des lois. Ils regardent ce qui se passe ailleurs, l’idée d’inventer leur est absolument absente. Sur le rapport entre la politique et le remodelage, c’est net, y compris sur la question de « l’un et le commun ». Je suis obsédé par cela. Lorsque je fonde Vive la Révolution, je dis qu’il faut lire Marx dans le bon sens : l’émancipation de chacun est la condition de l’émancipation de tous, et non le contraire. En ce sens, j’ai horreur des sociologues et des personnes qui pensent que parce qu’ils sont pauvres, ils sont révolutionnaires. Mon objectif maintenant c’est de concilier l’un et le commun. L’un et le commun c’est mon concept en architecture, en politique et GDQVWRXWFHTXHYRXVYRXGUH]

X

Bonus

Quelle est votre ville préférée ?

Ma ville préférée, c’est Paris. Ce n’est pas compliqué. Tout Paris me va, sauf peut-être l’Opéra Bastille que je déteste. Sinon, dans Paris mon snobisme me conduit au Flore et à La Closerie des Lilas.

Quel est votre bâtiment préféré ? /DEDVLOLTXHGH9p]HOD\

Quelle est votre chanson préférée ?

&·HVWOHPRQRORJXHGH/HSRUHOORGDQV'RQ-XDQGH0R]DUW$FWHVFqQH,

Quel est le livre que vous avez lu récemment et qui vous a plu ?

Le dernier livre que je viens de terminer est une biographie de Camus d’Olivier Todd (1 100 pages). Formidable. J’ai revisité toute cette histoire. J’y ai découvert l’amitié de Char et de Camus que je ne connaissais pas. Et je trouve qu’il a gagné… contre Sartre !

Quelle question auriez-vous aimé que l’on vous pose que l’on ne vous a pas posée ?

1RXVQ·DYRQVSDVSDUOpSROLWLTXH-HVXLVHQWUDLQG·pFULUHTXHOVHUDLWOHFDQGLGDWLGpDO SRXUODSUpVLGHQWLHOOH&DUMHQ·HQSHX[SOXVGHODVLWXDWLRQDFWXHOOH4XDWRU]HPRLVG·DW- tente. Infernal.

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Sélection d’ouvrages

1984, 1989, Paris : Barrault Éditions.

1994, Civilisation urbaine ou barbarie, Paris : Plon.

2005, J’affirme : Manifeste pour une insurrection du sens, Paris : Éditions Sens & Tonka.

2005, (Re)Modeler Métamorphoser, (avec S. Denissof et J.-P. Le Dantec), Paris : Le Moniteur Éditions 2007, Faut-il passer la banlieue au Kärcher ? (avec Cl. Perrotin), Paris : Éditions l’Archipel.

2010, La longue, lente, périlleuse (et poilue) fabrique du rêve, Paris : Éditions l’Archipel.

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