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Géographie Économie Société : Article pp.207-211 du Vol.13 n°2 (2011)

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Regards

Géographie, Économie, Société 13 (2011) 207-211

géographie économie société géographie économie société

sur…

GES participe de manière classique à la vie scientifique par la diffusion des travaux des chercheurs, les comptes rendus de livres et de colloques etc. Nous proposons à travers cette rubrique « Regards sur les questions d’actualité » d’ouvrir la revue aux débats contemporains autour de questions d’actualités qui relèvent de la sociologie, de la géographie, de l’aménagement et de l’économie… L’objectif est de retracer, à partir d’interviews, le parcours de chercheurs et de penseurs provenant d’horizons disciplinaires divers et de recueillir leurs regards sur les grands enjeux spatiaux et sociétaux.

Lise Bourdeau-Lepage* et Leïla Kebir**

Une interview de John Friedmann

Par Lise Bourdeau-Lepage* et Leïla Kebir**

Danielle Lafontaine*** et Bruno Jean***

Pionnier des sciences régionales, John Friedmann a suivi l’évolution des grandes approches du développement international depuis leurs émer- gences dans les années 50 à nos jours. Aussi, est-ce en averti qu’il défend plus que jamais l’idée d’un développement endogène et autodéterminé.

* Université Lyon 3, UMR “Environnement, Ville, Société” (CRGA), lblepage@gmail.com

** Ecole des ingénieurs de la ville de Paris, leila.kebir@unine.ch

*** Université du Québec à Rimouski, danielle_lafontaine@uqar.qc.ca, Bruno_Jean@uqar.qc.ca Entretien basé sur l’interview réalisée par Danielle Lafontaine et Bruno Jean, dans le cadre du XLVe colloque

de l’Association de Science Régionale de Langue Française (ASRDLF), à Rimouski (Canada) en août 2008.

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Regards sur… avec John Friedmann / Géographie, Économie, Société 13 (2011) 207-211 208

Fonction actuelle : Professeur honoraire à la School of Community and Regional Planning de l’Université de Colombie-Britannique (Vancouver) et professeur émérite de l’Université de Californie (Los Angeles)

Discipline : économie régionale et urbaine

Lieux de vie passés et actuels : Amérique latine, Europe, Chine, Australie

Thèmes de recherche : Développement régional et urbain ; développement endogène (endogenous, self-reliant assets-based), empowerment, planification interactive et territoriale   John Friedmann

 John Friedmann naît en 1926 à Vienne. En 1948, il entame des études en aménage- ment à l’Université de Chicago. Engagé comme économiste industriel, suite à l’obtention de son diplôme en 1952 au Tennessee Valley Authority (TVA) à Knoxville, il découvre avec stupéfaction que la planification se fait sans « plan » établi. Émerge alors la ques- tion qui l’habitera pendant des décennies : Comment la planification se fait-elle dans ces conditions ? Comment peut-on la penser ? Préparant une thèse de doctorat en aménage- ment, avec une spécialisation en développement régional, John Friedmann s’intéressera aussi aux dynamiques économiques de développement régional. Ceci dans une période (celles des années cinquante) où, comme il le précisera, les termes de développement régio- nal, ville-région, et espace économique étaient encore inexplorés. En 1955, son doctorat en poche il part au Nordeste du Brésil où il assumera des tâches d’enseignement à l’Uni- versité fédérale de Bahia et à l’école d’administration publique brésilienne. Entre 1958 et 1961, John Friedmann rejoint l’United States Operations Mission à Séoul, organisme chargé de la reconstruction du pays suite à la guerre de Corée. Ces expériences sur le terrain qu’il prolongera ensuite au Venezuela puis au Chili, dans le cadre cette fois de ses activi- tés de Professeur associé au Department of City and regional planning au Massachussetts Institute of Technology, lui feront réaliser l’importance du contexte historique, des relations de pouvoir et plus largement des conditions institutionnelles dans la réussite de projets d’aménagement et de développement. Dépassant la conception dominante de l’aménage- ment centrée sur l’allocation optimale du foncier urbain, John Friedmann propose, suite à ces observations au Chili, l’idée de « innovative planning », approche fondée sur l’inno- vation institutionnelle1. Parallèlement à ses expériences de terrain, il publie durant cette période ouvrages et articles marquant le début de sa contribution scientifique. En 1964, avec William Alonso, sort Regional Development and Planning : A Reader livre dans lequel est lancée l’idée d’une approche du développement régional distincte de la Regional Science de Walter Isard centrées sur les économies de localisation plutôt que sur les dynamiques de changement . Contribueront à cet ouvrage des auteurs tels qu’Albert O. Hirschman, August Lösch, Douglass North, François Perroux. En 1965, avec John Miller, il publie Urban field article dans lequel il présente son modèle de développement centre-périphérie et dans lequel il esquisse la possibilité de régions intégrant à la fois la ville et sa périphérie rurale dans une communauté d’intérêts partagés plutôt que de dans une relation de spoliation de ressources.

1 L’idée est que selon le contexte, il se peut que de nouvelles institutions doivent être mises en place pour atteindre les objectifs désirés.

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En 1969, de retour du Chili, il rejoint l’Université de Californie pour y fonder le programme d’Urban planning à la Graduate School of Architecture and Planning. Il y effectuera sa car- rière académique jusqu’à sa retraite en 1996. John Friedmann contribuera par ses travaux à l’émergence des approches endogènes du développement économique fondées sur les territoires. Depuis 2001, il est professeur honoraire à la School of Community and Regional Planning de l’Université de la Colombie britannique à Vancouver. Il y poursuit ses travaux sur le développement régional et urbain, en particulier en Chine et vient de publier un nou- vel ouvrage intitulé Insurgencies : Essays in Planning Theory chez Routledge.

On vous associe au développement endogène ou alternatif, pourriez-vous nous parler de ce concept ? Avant de répondre à votre question, j’aimerais brièvement situer le contexte dans lequel je me suis engagé dans la recherche. Tout d’abord, c’est vraiment le hasard des cir- constances qui m’a amené à étudier le développement régional (regional planning).

Ma thèse de doctorat intitulée The Spatial Structure of Economic Development in the Tennessee Valley 1930-1950 est le résultat de mon premier emploi à la TVA. Aussi, les années 1950 ont-elles été la première « décennie du développement » de l’agenda international et… j’ai été emporté dans cette décennie !

Pour revenir maintenant à votre question, l’idée d’une région autonome intégrée dans une famille de régions couvrant la planète a fait surface à différentes époques. Ainsi au cours de ma vie, elle a émergé dans les années 1930 et 1970, pour s’estomper par la suite. Peut- être le moment est-il venu que cette idée refasse surface. À chaque fois, ce rêve d’une solidarité couplée avec une autonomie territoriale a ré-émergé dans un contexte histo- rique différent, en réponse à différentes conditions et à différentes exigences. Ainsi, l’idée d’une région engagée dans son propre développement endogène – que l’on peut aussi appeler le développement alternatif – est clairement une idée dynamique. Il y a quarante ans, il y avait au cœur de cette idée la nécessité de centrer le développement des nations du Tiers-monde autour du principe de la satisfaction des besoins humains essentiels ou de ce que j’ai appelé « les moyens d’existence suffisants ». Ce principe a été défendu au plus haut niveau par des organisations comme l’Organisation Internationale du Travail à Genève. Même la Banque Mondiale a jonglé avec cette idée durant un moment, mais pour finalement l’abandonner. De nos jours, c’est l’impératif de la durabilité dans son double sens écologique et social - et pourquoi pas ajouter culturel - qui nourrit le dis- cours sur le régionalisme. Quelques personnalités visionnaires de la seconde moitié du XXe siècle, comme Aurelio Peccei et Kenneth Boulding ont compris que dans un monde aux ressources non-infinies, il y a des limites à la croissance. Mais leurs voix n’ont pas été entendues et n’ont pas donné lieu à une redéfinition majeure de l’expérience humaine. Il nous appartient maintenant d’effectuer un examen critique de la voie dans laquelle nous sommes engagés collectivement et de l’orienter vers une autre qui serait durable.

Vous envisagez un développement alternatif basé sur des « actifs », quels sont précisément ces

« actifs » ?

Dans ma conférence donnée au Troisième Forum Urbain Mondial de 2006 où j’ai proposé pour les régions récemment urbanisées, un développement basé sur des actifs, j’ai identifié sept groupes d’actifs régionaux comme étant des cibles prioritaires pour les investissements

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publics. Le premier et le plus important de ces actifs, ce sont les ressources humaines d’une région, c’est-à-dire sa population, la qualité de vie de celle-ci et ses moyens d’existence.

Ici, j’identifie quatre besoins humains essentiels : le logement abordable, l’accès à l’éduca- tion, l’accès à une bonne santé et l’accès à un transport abordable. Ce sont là des besoins qui prennent forme dans l’économie réelle, - par opposition à l’économie virtuelle de la haute finance -, et qui nous aide à nous ancrer aux conditions de vie propres à différents milieux. Le second groupe d’actifs que j’ai identifié, c’est la société civile organisée, ce qui concerne les multiples activités auto-organisées par les citoyens. Cette société civile est pour une large part impliquée dans la vie quotidienne des citoyens dans leurs quartiers et dans leurs communautés. Les investissements publics dans ces activités citoyennes sont un moyen de cultiver les fondements démocratiques de la vie en commun. C’est une manière de soutenir l’auto-développement d’une région, centré sur la vie, plutôt que sur l’exporta- tion de la production dans une économie globale compétitive et impitoyable. Je ne veux pas vous ennuyer avec une longue liste de ce que je vous présente comme les éléments d’un développement alternatif sous l’impératif de la durabilité, mais quand nous recentrons le changement social progressiste sur les vies humaines plutôt que sur la production (et spécialement la production pour l’exportation), nous fixons de nouvelles priorités. Nous devons apprendre à regarder le développement régional à travers des lunettes différentes de celles des économistes néo-classiques mais également utiliser un vocabulaire différent - et pourquoi pas une autre poétique ne pouvant être instantanément cooptée -, tel que le vert l’a été partout le monde, incluant les corporations transnationales.

Votre approche ne se démarque-t-elle pas beaucoup des analyses et des stratégies qui mettent l’accent sur la compétitivité dans les réseaux globaux ?

Je suis pleinement conscient que ce que je suis en train de dire est à l’opposé de l’éthos dominant du capitalisme global, système qui s’est réinventé lui-même depuis le début des années 1970. Le capitalisme s’enorgueillit de sa rationalité impétueuse, refusant d’ad- mettre que son rationalisme pontifiant repose sur les fondements irrationnels du marché boursier, lequel n’a que peu de liens avec le monde matériel réellement existant. C’est un système que nous disons global dans sa portée mais qui n’est d’un bénéfice réel que pour une petite minorité. Et nous ne faisons que rarement le lien entre les troubles politiques qui submergent la plupart des pays africains (pour ne citer qu’un seul exemple évident) ou les guerres au Moyen-Orient dans le cadre d’une compétition globale pour les ressources, ou encore la Chine qui devient maintenant un sérieux compétiteur et l’Inde qui ne tar- dera pas à suivre. Cependant, des mouvements d’opposition ont émergé. On se rappelle tous de Seattle et de Gênes. Une forme plus violente d’opposition au capital global, ce sont les mouvements « jihadistes » islamiques dont les croyants aspirent à ce qu’ils per- çoivent comme l’âge d’or du Caliphate au Moyen-Âge. Des formes de dissidence sont en partie intellectuelles, mais elles consistent aussi en des pratiques quotidiennes de la vie réelle. En voici quelques-unes : réduire votre empreinte écologique ; vivre plus simple- ment ; faire en sorte que les biens durent plus longtemps ; recycler ; acheter des aliments frais produits localement ; marcher ; prendre son vélo, et si vous le devez, les transports publics ; couper la TV et utiliser votre temps de manière plus imaginative, comme conver- ser avec ses amis, rester en forme, s’impliquer avec ses voisins, étudier, apprendre à faire des choses. Il s’agit là de pratiques modestes qui ne vont pas faire la première page des

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grands journaux métropolitains. Mais peut-être que ce sont précisément de telles pra- tiques simples comme celles-ci qui, si vous les additionnez, vont préfigurer un monde qui, s’il réussit à s’imposer, peut paver la voie à une nouvelle ère post-capitaliste centrée sur des communautés inclusives et des régions autonomes de petite échelle façonnant une vie en harmonie avec la nature et les êtres humains, nos semblables.

Bonus

Quel est le dernier ouvrage ou article que vous ayez lu et aimé ?

Pour mon 85e anniversaire, un de mes anciens étudiants m’a offert un extraordinaire ouvrage intitulé Lines for Birds : Poems and Paintings et où l’on retrouve des poèmes de Barry Hill et de superbes dessins et tableaux de John Wolseley. John est devenu mon ami alors que nous habitions Melbourne dans les années 1990 et nous avons quelques- unes de ses œuvres à la maison. C’est un artiste brillant, à peu près inconnu en dehors de l’Australie mais que je considère comme un des grands artistes visionnaires de notre temps.

Quelle est votre ville préférée ?

J’ai été exceptionnellement chanceux de vivre dans des villes considérées parmi les plus habitables du monde : Vienne, Melbourne et Vancouver (Colombie-Britannique au Canada). Mais j’ai aussi résidé durant des périodes assez longues dans huit pays et j’ai particulièrement aimé vivre à Rio de Janeiro, Zürich et Londres. J’ai aussi une affection particulière pour Salvador de Bahia dans le Nordeste du Brésil.

Et votre plat préféré ?

étant végétarien et aimant toujours un bon repas, j’apprécie particulièrement la cuisine italienne et plus largement ce qu’on appelle la cuisine méditerranéenne.

Sélection d’ouvrages

2011, Insurgencies: Essays in Planning Theory, London : Routledge.

2004, China’s Urban Transition, Minneapolis : University of Minnesota Press.

2002, The Prospect of Cities, Minneapolis : University of Minnesota Press.

1992, Empowerment: The Politics of Alternative Development, Cambridge (MA) : Blackwell.

1985, « Auto-développement ou auto-dépendance ?  », in M. Boisvert et P. Hamel, (dir.), Redéploiement industriel et planification régionale, Montréal : Faculté de l’aménagement de l’Université de Montréal, pp. 289-300.1983,

1983, Planning in the Public Domain: From Knowledge to Action, Princeton : Princeton University Press.

1979, Territory and Function: The Evolution of Regional Planning, (avec Weaver, C.), Berkeley : The University of California Press.

1975, Regional Policy: Readings in Theory and Applications, (avec Alonso, W. eds), Cambridge (MA): MIT Press.

1966, Regional Development Policy: A Case Study of Venezuela, Cambridge (MA) : MIT Press.

1965, « The urban field », (avec Miller, J.), Journal of the American Planning Association, vol. 31, no 4, pp.

312-320.

1964, Regional Development and Planning: A Reader, (avec Alonso, W. eds) Cambridge (MA) : MIT Press.

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