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L'influence des compétences réceptives, socio-communicatives et imitatives sur le développement langagier de l'enfant de moins de 3 ans : apports d'un modèle intégré à la prédiction de trajectoires développementales nuancées

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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Thesis

Reference

L'influence des compétences réceptives, socio-communicatives et imitatives sur le développement langagier de l'enfant de moins de 3

ans : apports d'un modèle intégré à la prédiction de trajectoires développementales nuancées

SCHOENHALS, Lucie

Abstract

Afin d'expliquer la variabilité des capacités langagières du petit enfant, nous avons examiné l'influence des compétences réceptives, socio-communicatives et imitatives sur le développement langagier. L'étude longitudinale de 57 enfants au développement typique (DT) âgés de 18 à 36 mois a montré une forte influence des compétences réceptives sur le langage expressif. Les compétences socio-communicatives se sont montrées prédictives en début de suivi, puis les compétences imitatives sont devenues progressivement déterminantes. Un modèle intégrant l'ensemble de ces capacités a mis en évidence certaines trajectoires développementales qui marqueraient précocement un retard de langage (RL).

Une étude comparative (entre enfants DT et RL à 30 mois) concernant la compréhension précoce, a révélé que les enfants RL ne se distinguaient pas par leur compréhension lexicale mais par leur compréhension morphosyntaxique. Ces résultats sont discutés à la lumière de modèles hybrides, soulignant la dépendance entre compétences linguistiques, sociales, et engagement parental.

SCHOENHALS, Lucie. L'influence des compétences réceptives, socio-communicatives et imitatives sur le développement langagier de l'enfant de moins de 3 ans : apports d'un modèle intégré à la prédiction de trajectoires développementales nuancées. Thèse de doctorat : Univ. Genève, 2013, no. FPSE 523

URN : urn:nbn:ch:unige-348059

DOI : 10.13097/archive-ouverte/unige:34805

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:34805

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Section de Psychologie

Sous la direction du Professeur Pascal ZESIGER

L’influence des compétences réceptives, socio-communicatives et imitatives sur le développement langagier de l’enfant de moins de 3 ans :

Apports d’un modèle intégré à la prédiction de trajectoires développementales nuancées

THESE Présentée à la

Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation de l’Université de Genève

pour obtenir le grade de Docteur en Psychologie

par Lucie SCHOENHALS

de Montpellier

Thèse No 523

GENEVE

Décembre 2012 06314884

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A Jules et Victor

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Remerciements

Je souhaite remercier sincèrement toutes les personnes qui ont contribué à la réalisation de ce travail de thèse.

Avant tout, je tiens à remercier les enfants et familles qui ont participé à mes recherches : nos rencontres ont été de vrais moments de plaisir et de passion pour moi et m’ont confortée encore et toujours dans mon choix de travailler avec les enfants. Merci pour vos sourires, votre loyauté et votre enthousiasme !

Un grand merci va vers mon directeur de thèse, Pascal Zesiger, qui m’a donné la liberté et les moyens de travailler sur le thème de mon choix. Merci Pascal, pour ton soutien, ton écoute, ta bienveillance, ta grande humanité et la possibilité que te m’as donnée d’intégrer une équipe très agréable et de mettre un pied dans le monde passionnant de la recherche scientifique.

Un grand merci va également vers René Pry : mes premiers pas dans la psychologie du développement ont été avec vous il y a 10 ans, et c’est grâce à vos cours et à votre énergie que je me suis passionnée pour ce domaine et que j’ai voulu suivre cette voie. Vous avez été celui qui a cru en moi à la fois sur le plan clinique et sur le plan de la recherche, me poussant à me dépasser dans ces deux domaines, d’une part en me motivant à varier mes expériences cliniques auprès d’enfants et d’autre part en m’encourageant à partir pour la Suisse et découvrir la psychologie ailleurs. Vous avez été là à chaque étape de mon cursus académique et je suis heureuse de vous avoir de nouveau présent pour cette nouvelle étape si importante. Merci pour votre passion contagieuse, vos encouragements, et surtout merci d’avoir cru en moi !

Merci à Uli Frauenfelder pour tes encouragements, ta bienveillance, tes conseils et ton dynamisme. Merci à Jean Dumas et à Sophie Kern d’avoir accepté de faire partie de mon jury de thèse. Professeur Dumas merci beaucoup pour votre temps et vos remarques attentives, j’ai apprécié votre vision globale de mon travail et la façon dont celui-ci pouvait s’intégrer dans le schéma plus large du développement de l’enfant. Professeure Kern, merci pour la touche de féminité que vous apportez à ce jury, vos écrits clairs et intéressants et surtout pour l’IFDC, un outil sans lequel cette thèse n’aurait pas été réalisable !

Merci à Marina Keller et à François Hentsch du SPEA, d’avoir accepté de collaborer pour ce projet et d’avoir amené une certaine sensibilité clinique à ce travail. Un grand merci va aussi à Andres Posada dont la loyauté, l’efficacité, l’humour et la générosité en temps et en attention m’ont permis de mettre en place toutes les idées expérimentales que j’ai eu au fil de ces années.

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J’aimerais remercier du fond du cœur les membres de l’équipe parmi lesquels j’ai pu travailler ces six dernières années. Un merci tout particulier va d’abord à Daniela, qui a été ma partenaire fidèle dans cette grande aventure, une collègue avec qui le travail a été passionnant et efficace, et qui est surtout devenue une amie précieuse et irremplaçable qui me comprend à demi mot. Merci pour ta grâce, ta compréhension, ton humour et tes irrésistibles et sages proverbes argentins. Un grand merci va également à Ingrid, collègue et surtout merveilleuse amie. Merci de n’avoir jamais douté de moi, et d’avoir été toujours présente avec naturel, humour, et générosité. Un grand merci va aussi vers deux femmes avec qui j’ai tissé des liens et qui m’ont inspirées à devenir une meilleure personne et à ouvrir mes horizons: Mary et Carole. J’aimerais également remercier toutes et tous mes collègues qui ont rendu mon travail agréable, amusant et intéressant et avec qui les échanges me manquent déjà: Audrey, Julien, Marina, Tamara, Violaine, Stéphanie, Audette, Hélène, Séverine, Laura, Natalia, Viviane, Josette, Jane et tous les autres membres de l’équipe.

Je souhaite remercier les amis qui m’ont soutenue tout le long de cette thèse : ma douce Agnès qui n’a jamais cessé de croire en moi, Pierre dont l’amitié précieuse, l’humour décapant et les encouragements intarissables ont été là toutes ces années, Claire et Mary, mes inspirations et mes sœurs de cœur. Merci à tous les amis qui égayent mon quotidien:

Caroline, Anaïs, Sylvie, Stéphanie, Iona, Emilie, Julie, Marianne, Elodie, Tanguy, JB, Véronique, Romain, Sandrine, Julien, Sandrine, Nass, Nicolas, Mylène, Nathalie, Eve, Vincent, ma tendre Ani et ma joyeuse Murielle. Je suis reconnaissante de vous avoir toutes et tous dans ma vie ! J’aimerais remercier du fond du cœur ma famille. Papa, merci pour ton amour et ta générosité, tes encouragements incessants et merci de m’avoir toujours poussée à aller plus loin. Thank you mummy for believing in me, teaching me how to read and write, be creative and interested by what is going on in the world. Thank you for your strength, patience, and boundless love. Merci à mon petit frère adoré Matthieu, sage (malgré les apparances), naturel, bien intentionné et plein de couleurs. Merci à ta chérie, Aurélie, qui est devenue comme une sœur pour moi, et dont j’admire la douceur et la gentillesse. Une pensée spéciale va vers mon grand frère Timothy et ses deux petits garçons, qui sont loin géographiquement mais toujours proches de mon cœur. Et merci à mon affectueuse belle- famille, Christine et Thomas, pour vos tendres pensées et doux encouragements.

Enfin, je voudrais remercier mon Mathieu que j’aime, qui partage ma vie et qui me la rend belle. Merci de me comprendre, de me soutenir, de m’accompagner à travers toutes nos aventures, et d’être mon complice, meilleur ami, confident à chaque étape. Merci pour ton humour, tes passions, ton authenticité, ta générosité et surtout pour ton amour, que je m’estime chaque jour, incroyablement chanceuse d’avoir.

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Résumé

L’acquisition du langage est marquée par une forte variabilité inter-individuelle. En effet, à 24 mois, les compétences linguistiques sont si variables qu’il est difficile pour les professionnels de la petite enfance de poser avec certitude un diagnostic de retard de langage (RL). Afin de comprendre les mécanismes à la source de ces variations, nous avons choisi certaines pistes d’investigation issues des recherches sur le RL afin d’examiner si celles- ci amèneraient un éclairage nouveau à la variabilité observée dans le développement langagier typique. Nous avons choisi d’examiner le rôle prédictif de la compréhension et de la production précoces ainsi que l’influence des compétences socio-communicatives et imitatives sur le développement du langage. En outre, nous avons cherché à savoir si un modèle intégrant l’ensemble de ces compétences permettrait de mettre en évidence des trajectoires de développement distinctes parmi les enfants au développement typique (DT).

L’étude longitudinale d’une cohorte d’enfants DT, suivis de leurs 18 à 36 mois a permis de montrer l’importance des compétences réceptives dans le développement langagier. Les compétences socio-communicatives se sont révélées également déterminantes pour les compétences langagières aux 2 premiers temps d’étude, pour voir leur influence diminuer dans le temps au profit de celle des compétences imitatives verbales, fortement déterminantes aux 2 derniers temps expérimentaux. L’application d’un modèle intégré a permis de mettre en évidence différentes trajectoires développementales dont certaines pourraient permettre d’identifier précocement un RL. Une seconde étude comparative (d’enfants DT et d’enfants RL âgés de 30 mois) a en outre permis d’approfondir la question de la compréhension précoce, révélant que les enfants RL ne se différenciaient pas spécifiquement par leurs compétences réceptives lexicales mais par certains aspects de leur compréhension morpho-syntaxique. Ces différents résultats seront discutés à la lumière de modèles hybrides qui soulignent la forte dépendance entre compétences linguistiques, compétences sociales et engagement parental.

Mots clés : Variabilité inter-individuelle – retard de langage - compréhension et production – compétences socio-interactives – modèle hybride

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SOMMAIRE

RÉSUMÉ………...8

INTRODUCTION …...13

REVUE DE LA LITTÉRATURE ... 17

1. LE DÉVELOPPEMENT DU LANGAGE AVANT LÂGE DE 3 ANS ... 19

1.1. LE DÉVELOPPEMENT DU LEXIQUE RÉCEPTIF... 19

1.1.1. Les mécanismes sous-tendant la perception des mots ... 19

1.1.2. Le développement du lexique réceptif ... 23

 Aspects qualitatifs ... 24

 Aspects quantitatifs ... 25

1.2. LE DÉVELOPPEMENT DU LEXIQUE EXPRESSIF ... 28

1.2.1. L'apparition des mots... 28

1.2.2. Le développement de la production ... 31

 Repères développementaux ... 31

 Caractéristiques du développement lexical en production ... 34

1.2.3. Les liens entre compréhension et production? ... 37

1.3. LES DÉBUTS DE LACQUISITION SYNTAXIQUE ... 40

1.3.1. L’acquisition lexicale et l’acquisition syntaxique ... 40

1.3.2. La compréhension de la syntaxe ... 41

1.3.3. La production syntaxique ... 42

1.4. LE RETARD DE LANGAGE ... 44

1.4.1. Prévalence et critères de diagnostic ... 44

1.4.2. Caractéristiques ... 45

1.4.3. Pronostics ... 46

1.4.4. Les facteurs déterminants dans le retard de langage ... 47

 Les hypothèses de la recherche ... 47

 Les éléments d’intérêt clinique ... 49

1.4.5. A la recherche d’un modèle théorique applicable au RL ... 49

 Les modèles de l’apprentissage lexical ... 50

 Arguments en faveur d’un modèle hybride ... 52

2. L’IMPORTANCE DES COMPÉTENCES SOCIO-INTERACTIVES DANS LACQUISITION DU LANGAGE ... 55

2.1. L’IMPACT DES INTERACTIONS SOCIALES SUR LE DÉVELOPPEMENT DU LANGAGE ... 55

2.2. REPÈRES DANS LE DÉVELOPPEMENT DES COMPÉTENCES SOCIO-INTERACTIVES ... 57

2.3. LES LIENS ENTRE COMPÉTENCES SOCIO-INTERACTIVES ET COMPÉTENCES LANGAGIÈRES ... 59

2.3.1. Le passage du non-verbal au verbal... 59

2.3.2. Les liens entre communication verbale et non-verbale ... 60

 Précurseurs du langage ... 60

 Les interactions sociales : cadres d’apprentissages ... 61

 Une illustration de l’indissociabilité entre compétences socio-communicatives de l’enfant et engagement parental : les gestes et le langage ... 62

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2.4. DEUX COMPÉTENCES SOCIO-INTERACTIVES SPÉCIFIQUEMENT LIÉES AU DÉVELOPPEMENT DU LANGAGE :

LATTENTION CONJOINTE ET LIMITATION ... 63

2.4.1. Le développement de l’attention conjointe ... 63

2.4.2. Le développement des compétences imitatives... 69

2.4.3. Les compétences socio-communicatives et imitatives chez l’enfant RL ... 74

 Le RL, symptôme commun au TSL et aux TSA ... 75

 Les compétences socio-communicatives et imitatives chez l’enfant TSL et TSA ... 77

Synthèse et questions de recherche .……….…80

PARTIE EXPÉRIMENTALE ... 83

Objectifs et hypothèses de ce travail .……….85

3. ETUDE 1-SUIVI LONGITUDINAL DUNE COHORTE DENFANTS AU DÉVELOPPEMENT TYPIQUE, DE 18 À 36 MOIS ... 93

3.1. MÉTHODOLOGIE GÉNÉRALE ... 93

3.1.1. Participants ... 93

3.1.2. Procédure ... 93

3.2. PARTICIPANTS ET PROTOCOLE À CHAQUE TEMPS EXPÉRIMENTAL ... 95

3.2.1. Temps T1 (= 18 mois) ... 95

3.2.2. Temps T2 (= 24 mois) ... 103

3.2.3. Temps T3 (= 30 mois) ... 106

3.2.4. Temps T4 (= 36 mois) ... 110

3.3. RÉSULTATS DE LÉTUDE LONGITUDINALE ... 114

3.3.1. Résultats à chaque temps d’étude ... 114

 Résultats au temps T1 (=18 mois) ... 114

 Résultats au temps T2 (= 24 mois) ... 119

 Résultats au temps T3 (= 30 mois) ... 122

 Résultats au temps T4 (= 36 mois) ... 125

3.3.2. Résultats entre les différents temps expérimentaux ... 128

 Analyse de corrélations entre les différents temps expérimentaux ... 128

 Analyses de régression aux différents temps expérimentaux ... 136

 Analyses de clusters ... 163

3.4. DISCUSSION DE CETTE ÉTUDE LONGITUDINALE ... 179

 Comment se développent les versants du langage au cours du temps? ... 180

 Comment les compétences socio-communicatives et imitatives influencent-elles les développement du langage? ... 182

 Mise en évidence de différentes trajectoires de développement? ... 187

4. ETUDE 2.COMPARAISON DUN GROUPE DENFANTS AU DEVELOPPEMENT TYPIQUE ET DUN GROUPE DENFANTS PRESENTANT UN RETARD DE LANGAGE ... 193

EVALUATING RECEPTIVE SKILLS IN TYPICALLY DEVELOPING AND LANGUAGE DELAYED TODDLERS:THE ASSETS OF A COMPUTERIZED COMPREHENSION TASK (CCT) ... 194

METHOD AND RESULTS ... 199

GENERAL DISCUSSION ... 213

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DISCUSSION ... 219

5. DISCUSSION GÉNÉRALE ... 221

5.1. COMPRÉHENSION ET PRODUCTION: COMMENT SE DÉVELOPPENT-ELLES ET COMMENT S'INFLUENCENT- ELLES PENDANT LE DÉVELOPPEMENT DES COMPÉTENCES LANGAGIÈRES? ... 224

5.2. L'INFLUENCE DES COMPÉTENCES SOCIO-COMMUNICATIVES ET IMITATIVES SUR LE DÉVELOPPEMENT DU LANGAGE ... 228

5.3. PEUT-ON DÉFINIR EN FONCTION DE CES VARIABLES SOCIO-COMMUNICATIVES, IMITATIVES ET LINGUISTIQUES, DIFFÉRENTS PATTERNS DE DÉVELOPPEMENT? ... 233

5.4. QUELLES PERSPECTIVES POUR LE RETARD DE LANGAGE? ... 235

5.5. LE RÔLE FONDAMENTAL DE L'INTERACTION SOCIALE ... 238

5.6. UN CONTINUUM DE COMPÉTENCES ? ... 241

5.7. CONCLUSION ... 244

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES ... 249

ANNEXES ... 266

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Introduction

Si les débuts de l’acquisition lexicale sont caractérisés par une rapidité et une efficacité remarquables, ils sont aussi marqués par une importante variabilité inter-individuelle, tant dans la taille du lexique que dans le rythme et les patterns d’acquisition du langage (Fenson, Dale, Reznick, Bates, Thal & Pethick, 1994). En effet, le langage est le domaine développemental où la plus grande variabilité inter-individuelle est observée pour atteindre différents repères développementaux, bien plus que par exemple le domaine de la marche ou de la manipulation d’objets (Bates, Dale & Thal, 1995). Cette grande variabilité souligne la complexité du développement langagier, et notamment le fait qu’une explication causale unique, telle que l’effet de variables purement génétiques ou environnementales, ne peut à elle seule expliquer la mise en place des compétences nécessaires au développement linguistique. Afin de nous intéresser aux modalités permettant au langage de se mettre en place chez l’enfant au développement typique, il nous est paru utile de considérer les recherches effectuées avec certains enfants qui n’acquièrent le langage ni rapidement, ni harmonieusement (Adamson & Romski, 1997). C’est la démarche que nous avons adoptée dans ce travail, en explorant certaines pistes explicatives proposées dans le cadre des recherches sur le retard de langage.

Le retard de langage fait référence aux 10 à 15% des enfants de 24 à 30 mois dont les compétences linguistiques sont significativement plus faibles que celles attendues à leur âge (Horwitz, Irwin, Briggs-Gowan, Bosson, Heenan, Mendoza, & Carter, 2003). Plus précisément, les enfants qui à 24 mois ont moins de 50 mots dans leur lexique en production et/ou ne combinent pas les mots, sont décrits comme présentant un retard de langage (RL) (Rescorla & Schwartz, 1990). Malgré cette caractérisation plutôt simple, la littérature traitant du RL décrit ces enfants comme présentant en réalité différents profils. En effet, la moitié des enfants présentant un RL à 24 mois montrera des performances langagières dans la norme avant l'âge de 3 ans (Paul, 2000) alors que pour l’autre moitié de ces enfants ce ne sera pas le cas, leur RL pouvant être le premier symptôme identifiable d'un trouble spécifique du langage (TSL) ou encore d'une pathologie plus grave telle qu'un trouble du spectre autistique (TSA) (Thal, 2000; DeGiacommo & Fombonne, 1998). Ainsi, les enfants qui présentent un RL à 24 mois, ne sont pas un groupe homogène et le développement

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ultérieur tant langagier que scolaire, social et psychologique, pourra être très variable d'un enfant à l'autre (Rescorla, 2002; 2005).

Actuellement, plusieurs hypothèses théoriques sont avancées pour expliquer ces différents profils et pour cibler les aspects du développement de l'enfant qui permettront de faire des prédictions quant à la variabilité des pronostics ultérieurs. Les deux pistes les plus explorées dans la littérature actuelle sont que la sévérité du retard expressif initial pourrait être prédictive du pronostic ultérieur et que l'association d'un retard en compréhension au retard en production permettrait de distinguer les enfants pour lesquels le retard serait transitoire de ceux pour qui ce retard serait persistent (Desmarais, Sylvestre, Meyer, Bairati & Rouleau, 2010). Si ces deux hypothèses ont été vérifiées dans la littérature, elles ne l’ont pas été systématiquement et les liens qu’entretiennent compréhension et production précoces demeurent encore en partie inélucidés (Paul, 1991 ; Dale, Price, Bishop & Plomin, 2003).

Dans ce travail, nous avons cherché à étudier cette question en analysant la valeur prédictive de la compréhension et de la production précoces sur le développement langagier d’une cohorte d’enfants au développement typique (DT) suivie entre les âges de 18 et 36 mois (Etude 1). En outre, nous avons choisi d’approfondir la question de la prédictibilité de la compréhension précoce de deux manières (Etude 2). D’une part an analysant à la fois des mesures directes et indirectes de la compréhension du jeune enfant âgé de 24 à 36 mois (Etude 2a). Et, d’autre part, en comparant les compétences réceptives d’un groupe d’enfants DT et d’un groupe d’enfants RL, tous deux âgés de 30 mois, afin de mettre en évidence certains domaines de la compréhension où les performances seraient particulièrement nuancées (2b). La Figure 1 représente schématiquement ces différentes recherches.

Figure 1. Organisation des deux études menées dans le cadre de ce travail

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Certains auteurs de la littérature actuelle suggèrent que pour caractériser d’avantage les enfants RL et faire des prédictions précoces quant à leur développement ultérieur, il serait important d’incorporer d’autres aspects du développement de l’enfant telles que les compétences socio-interactives et la motivation générale pour communiquer (Desmarais &

al., 2010). La prise en considération d’habiletés telles que les compétences socio- communicatives et imitatives semble d’autant plus importante que deux populations ayant des antécédants de RL, les enfants présentant un TSL et les enfants présentant un TSA, montrent toutes deux certaines faiblesses dans ces domaines (Kjelgaard & Tager-Flusberg, 2001 ; Conti-Ramsden, Simkin & Botting, 2006). Par ailleurs, ces domaines de compétences sont décrits comme prédictives du langage chez l’enfant au développement typique et atypique (Tomasello, 2000 ; Stone & Yoder, 2001). Ainsi, dans le cadre de notre Etude 1, nous avons également cherché à analyser l’influence des compétences socio-communicatives et imitatives sur le développement des compétences langagières des enfants que nous avons suivi longitudinalement entre les âges de 18 et 36 mois. Par ailleurs, nous avons choisi d’analyser si la prise en compte d’éléments à la fois linguistiques et socio-interactifs permettrait de faire des prédictions plus précises concernant le développement langagier du jeune enfant, comme le suggèrent certains auteurs (Golinkoff & Hirsch-Pasek, 2006 ; Desmarais & al., 2010). Nous avons donc effectué des analyses permettant d’intégrer l’influence des compétences linguistiques (en compréhension et en production), socio- communicatives et imitatives afin de mettre en évidence différentes trajectoires de développement au sein de notre cohorte d’enfants, suivie de 18 à 36 mois (Etude 1).

L’objectif ultime de ce travail était de mesurer si un tel système « hybride » permettrait d’identifier précocement les enfants susceptibles de présenter un RL, et s’il pourrait expliquer l’importante variabilité inter-individuelle observée dans les compétences langagières de l’enfant de moins de 3 ans.

Notre introduction théorique s’organisera en deux sections principales. Le chapitre 1 décrira le développement du langage chez l’enfant de moins de 3 ans. Les mécanismes qui permettent de mettre en place la compréhension et la production langagières seront présentés et la variabilité des compétences langagières tant sur le plan expressif que sur le plan réceptif sera détaillée. Nous aborderons également les recherches qui tentent d’élucider les liens entre compréhension et production. La description du développement langagier

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typique permettra d’introduire le dernier chapitre de cette section qui abordera la question du retard de langage. Nous y décrirons les caractéristiques et pronostics de cette population, ainsi que les pistes de recherche actuelles qui visent à caractériser et identifier les enfants dont le retard de langage ne sera pas uniquement transitoire. Nous verrons que ces recherches soulignent en outre le rôle important joué par les compétences socio-interactives de l’enfant RL dans le développement du langage. Dans le chapitre 2, nous approfondirons ce thème en décrivant l’influence que les interactions sociales ont sur le développement du langage, et en détaillant la mise en place et le développement des compétences socio- interactives chez le jeune enfant. Nous réflechirons aux liens existant entre les compétences socio-interactives et le langage avant de détailler plus spécifiquement deux compétences socio-interactives cruciales pour l’apprentissage langagier, et de surcroît problématiques pour les enfants TSL et TSA: l’attention conjointe et l’imitation.

Notre partie empirique s’organisera en deux études présentées dans les chapitres 3 et 4 de ce travail. L’Etude 1 présentera le suivi longitudinal d’une cohorte d’enfants au développement typique, évalués tous les 6 mois entre les âges de 18 et 36 mois. L’objectif principal de cette étude sera d’analyser l’influence des compétences réceptives, socio- communicatives et imitatives sur le développement des compétences langagières. Dans l’Etude 2, dont le but est d’approfondir le thème des compétences réceptives du jeune enfant, nous présenterons un outil d’évaluation directe des compétences en compréhension de l’enfant. Nous étudierons l’apport d’une telle procédure pour prédire le développement du langage chez l’enfant DT (Etude 2a), et pour différencier qualitativement les compétences réceptives d’un groupe d’enfants DT et d’un groupe d’enfants RL (Etude 2b).

Les résultats de ces deux études seront discutés dans le Chapitre 5 où nous reviendrons sur les compétences prédictives du développement des différentes facettes du langage à travers le temps, sur l’influence des compétences socio-interactives et des interactions sociales précoces sur le développement du langage, et sur les trajectoires développementales permettant d’identifier précocement les enfants susceptibles de présenter un RL.

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Revue de la littérature

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1. Le développement du langage avant l’âge de 3 ans

L’acquisition du langage est souvent décrite comme rapide et sans effort chez le jeune enfant. En effet, avant l’âge de 3 ans, l’enfant aura acquis avec une efficacité remarquable les compétences nécessaires à la compréhension et à la production du langage. Cependant le langage est également le domaine développemental où la plus grande variabilité inter- individuelle est observée dans le développement typique. Ceci souligne la complexité des différents mécanismes impliqués dans cette acquisition fondamentale.

Avant d’aborder certaines pistes théoriques permettant d’expliquer cette variabilité inter- individuelle, nous présenterons dans ce premier chapitre les mécanismes permettant à la compréhension et à la production de se mettre en place. Nous décrirons le développement des compétences réceptives et expressives de l’enfant pendant ses trois premières années de vie et chercherons à mettre en avant la variabilité inter-individuelle de ces compétences.

Nous aborderons ensuite les caractéristiques des enfants présentant un retard de langage, dont les compétences langagières se situent à la limite inférieure de la distirbution normale.

1.1. Le développement du lexique réceptif

Afin d’acquérir des mots, l’enfant devra avant tout développer un système de traitement de la parole efficace, qui lui permettra de segmenter le signal sonore en unités linguistiques. Il lui faudra ensuite construire des représentations mentales de ces formes sonores et les apparier à leurs significations, afin de se construire progressivement un lexique mental.

1.1.1. Les mécanismes sous-tendant la perception des mots

La première étape dans l'apprentissage des mots est la mise en place de la capacité à segmenter le flux sonore afin de pouvoir progressivement détecter les unités qui le composent. L’enfant devra par ailleurs faire face à certaines difficultés, inhérentes au langage oral, telles que la coarticulation et la variabilité des indices acoustiques (voix, débit de parole, intonation...).

Les premiers traitements de la parole

L'enfant nait avec un appareil anatomo-physiologique fonctionnel et certaines compétences cognitives universelles qui le prédisposent à la perception et au traitement de la parole.

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 La perception des sons

Dès sa naissance, la capacité de perception catégorielle de l’enfant lui permet de percevoir les contrastes subtils entre différents phonèmes. En utilisant une technique de succion non- nutritive, Eimas, Siqueland, Jusczyk et Vigorito (1971) ont été les premiers à montrer qu’entre 1 et 4 mois, les bébés étaient déjà capables de distinguer des paires phonémiques proches telles que /pa/ et /ba/. De nombreuses recherches ont par la suite démontré, avec cette même technique ou avec d’autres telles que le regard préférentiel ou la procédure de

« Head Turning », qu’en plus d’une sensibilité au voisement, les enfants étaient également très précocement sensibles aux différences de place d’articulation, de mode d’articulation, et pouvaient discriminer les glides, les liquides et les voyelles (Bertoncini & De Boysson-Bardies, 2000). Jusqu’à 6 mois, l’enfant est capable de discriminer les contrastes phonémiques de toutes les langues (Werker, Gilbert, Humphrey, & Tees, 1981) même si certains contrastes sont plus faciles à discriminer que d'autres (Best, 1994). Au-delà de 6-8 mois, l’enfant perd une partie de cette « sensibilité universelle », d'abord pour les voyelles, puis pour les consonnes, au profit d’une sensibilité aux contrastes phonémiques présents dans la langue de son environnement (Kuhl, 1993). Cette capacité de discrimination témoigne non seulement d’une sensibilité fine aux phonèmes, mais également d’une organisation perceptive efficace ; en effet, l’enfant réussit à discriminer différents phonèmes de manière stable, malgré la variabilité des indices acoustiques qu’apportent la coarticulation, la variation du débit de parole, la voix et l’intonation du locuteur (Eimas & Miller, 1980 ; Jusczyk, Pisoni, & Mullenix, 1992).

 Les représentations précoces des sons

Si l’enfant est capable de discriminer très précocement les sons de manière efficace, il semblerait néanmoins que sa capacité à se représenter et à stocker les sons de la parole soit plus limitée. En effet, dans l’étude de Jusczyk, Pisoni et Mullenix (1992) des enfants de 2 mois discriminaient les mots /dug/ et /bug/, même lorsqu’ils étaient prononcés par 12 locuteurs différents. Mais lorsque les stimuli, présentés par des locuteurs différents, étaient espacés d’un délai de 2 minutes, les enfants ne réagissaient plus au changement. Les auteurs en concluaient que les enfants discriminaient les sons de manière très efficace, mais que leurs représentations de celles-ci n’étaient pas suffisamment phonétiquement détaillées pour qu’ils puissent s’en rappeler après un certain lapse de temps. Les premières unités

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linguistiques dont l’enfant semble avoir des représentations sont des syllabes, organisées essentiellement autour de noyaux vocaliques qui apportent une saillance perceptive particulière (Bertoncini, Floccia, Nazzi, & Mehler, 1995). En effet, Bertoncini, Bijeljac-Babik, Jusczyk, Kennedy et Mehler (1988), ont montré que si des nouveau-nés et des bébés de 2 mois étaient familiarisés à des listes de syllabes qui partageaient la même voyelle ou la même consonne initiale, dans la phase test ils réagissaient à l'introduction d'une nouvelle syllabe où la voyelle différait des autres, et ne remarquaient pas de changement quand c'était une syllabe avec une nouvelle consonne initiale qui était introduite. Ainsi, l’expérience que l’enfant acquiert dans sa langue maternelle permettra un déplacement des frontières entre les premières catégories phonémiques de l’enfant, réorganisant leur structure interne, pour passer de catégories plutôt floues, où différentes représentations de sons se regroupent autour de prototypes de représentations de sons, à des catégories phonémiques plus précises et efficaces pour la discrimination des sons de sa langue maternelle (Kuhl, 1991).

 La sensibilité à la prosodie

L’enfant montre dès sa naissance une sensibilité à la prosodie de la parole, préférant la voix de sa mère à celle d’autres femmes (DeCasper & Fifer, 1980), et sa langue maternelle à une langue étrangère (Moon, Cooper, & Fifer, 1993). Cette sensibilité à la prosodie et aux structures rythmiques permet à l'enfant, notamment dès 6 mois, de faire des premières segmentations de la parole, et d'organiser son système attentionnel différemment afin de reconnaître de mieux en mieux les patterns rythmiques de sa langue natale. Le « prosodic boot-strapping » permettrait à l'enfant d'avoir des premiers indices pour distinguer des unités de parole appartenant à différents niveaux d'organisation du langage. En associant cette sensibilité à sa capacité à discriminer des composants syllabiques dans le signal sonore, l'enfant accède à ses premiers formats de mots autour de 6 mois (Tincoff & Juzscyk, 1999).

Le Child Directed Speech (CDS), qui est une forme de parole caractérisée par des énoncés plus courts et simples, plus redondants, articulés plus distinctement et avec une intonation exagérée, semble faciliter le développement langagier. Par ailleurs, à la clarté formelle du CDS, se rajoute souvent une clarté gestuelle et une synchronisation du regard. Par exemple, lorsqu'un parent demandera à un jeune enfant de venir s'asseoir avec lui, il pourra très bien accompagner sa phrase en CDS « Viens t'asseoir avec moi » d'un geste moteur comme

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soulever l'enfant et le placer sur la chaise à côté de lui. Les indices prosodiques riches que le CDS contient ainsi qu’une certaine simplification langagière et contextuelle qui rendent le langage transparent, sembleraient permettre à l’enfant de segmenter le flux de parole plus facilement et d’y détecter des mots plus aisément (Saxton, 2010).

La perception des mots

Grâce à des mécanismes de perception auditive efficaces, une sensibilité à la prosodie accrue, et une exposition au langage, l'enfant va peu à peu pouvoir segmenter le flux verbal en unités-mots, et donc y détecter des éléments qui ont une signification.

 La détection des mots

Des études inter-langues ont montré qu'autour de 8-10 mois, les processus de perception de l'enfant se réorganisaient en fonction de sa langue natale et qu'il devenait particulièrement sensibles aux régularités prosodiques, distributionnelles et phonotactiques de sa langue maternelle. En effet, Jusczyk, Friederici, Wessels et Svenkerud (1993) ont montré qu'en faisant écouter des listes de mots en anglais et en hollandais à des enfants de 6 et 9 mois des deux nationalités, les enfants de 9 mois pouvaient distinguer les mots anglais et hollandais en se basant sur des différences phonétiques et phonotactiques, alors que ceux de 6 mois distinguaient uniquement les mots s'ils différaient prosodiquement. Avec son développement l'enfant acquiert donc progressivement des compétences pour assembler des informations de différentes sources (prosodique, phonétique, phonotactique...) afin de traiter le flux langagier de façon plus fine.

 Les représentations des premiers mots

Les premières représentations des mots, qui permettent à l’enfant de reconnaître un mot hors contexte, apparaissent vers 6 mois : il s’agit des mots utilisés pour dire « papa »,

« maman » et certaines parties du corps tels que « pied » et « main » (Tincoff & Jusczyk, 2012). Hallé et de Boysson-Bardies (1994) ont montré que les enfants de 11-12 mois montraient une préférence pour des mots familiers (tels que « bonjour » « gâteau ») plutôt que pour des mots rares de même complexité phonologique (tels que « busard » ou

« bigot »). Pour certains auteurs, ces premières représentations sont peu détaillées et l'absence de voisins sonores dans le lexique précoce permettrait aux enfants de reconnaître

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ces premiers mots. Lors d’une tache de « Head turning », Hallé et de Boysson-Bardies (1996) ont fait écouter à des enfants de 11 mois, des mots familiers qui comportaient pour certains des déformations phonologiques. Les enfants n'ont pas montré de réaction au changement, poussant les auteurs à conclure que leurs représentations phonologiques de mots familiers étaient globales. D'autres auteurs en revanche, ont montré que ces représentations phonologiques étaient plus précises que ce que l'on pensait jusque là. Avec une tâche de regard préférentiel, Swingley et Aslin (2000) ont montré que lorsque 2 images étaient présentées simultanément à l'enfant, dès 14 mois, l'enfant regardait plus longtemps l'image cible lorsque le mot entendu était bien prononcé que lorsqu'il comportait une déformation phonologique. Ces auteurs ont par ailleurs montré que la spécificité phonologique de ces mots familiers, n'était pas en lien avec le nombre de mots compris par l'enfant, et que les représentations phonologiques de ceux-ci n’étaient donc pas forcément influencées par le nombre de voisins phonologiques. Avec la même méthode, Mani, Coleman et Plunkett (2008) ont pu montrer que des enfants de 12 mois étaient sensibles à certaines déformations phonologiques. Avec le regard préférentiel également mais avec des enfants francophones, l’étude de Zesiger, Dupuis-Lozeron, Lévy et Frauenfelder (2011) a montré que les enfants de 12 mois avaient déjà des représentations phonologiques détaillées pour les mots familiers.

Nous venons de voir dans la première partie de ce chapitre, comment l'enfant met en place et réorganise ses mécanismes de perception afin de segmenter efficacement le flux sonore en unités pertinentes dans sa langue maternelle. Dans la partie suivante, nous verrons comment son lexique réceptif se met en place et se développe.

1.1.2. Le développement du lexique réceptif

A partir de la fin de sa première année de vie, l'enfant va réellement entrer dans une phase d'apprentissage de mots, dont les objectifs seront principalement de créer des liens stables entre la forme sonore qu'il a réussi à détacher du reste du flux verbal, et l'objet qu'il représente. Ces nouvelles connaissances seront ensuites stockées dans un lexique mental.

Des techniques d’observation en laboratoire telles que des tâches de désignation d’images ou de regard préférentiel, ainsi que des inventaires de vocabulaire remplis par les parents, nous permettent de décrire certains aspects du développement lexical réceptif chez le jeune enfant, tant qualitativement que quantitativement.

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Aspects qualitatifs

 De la contextualisation vers la décontextualisation

Les enfants commencent par apprendre des mots fréquents, récurrents dans les situations habituelles de la vie quotidienne. Leur compréhension est d'abord contextualisée et ils se basent sur l'ensemble de la situation pour connaître la signification des mots entendus. Avec le développement, cette compréhension se décontextualise, et des mots familiers tels que

« biberon » ou « chaussure » peuvent être reconnus hors contexte dès 12 mois (De Boysson- Bardies, 1996). Pour comprendre des combinaisons de mots, ce même phénomène de décontextualisation se déroulera, et l'enfant devra utiliser différents indices prosodiques, phonologiques, sémantiques et syntaxiques pour y parvenir progressivement vers 24 mois (Kern, 2006).

 Le biais nominal

Pour de nombreuses langues dont le français, l'anglais, l'italien ou l'hébreu, le lexique précoce des enfants est essentiellement composé de noms (Bornstein, Cote, Maitel, Painter, Park, Pascual, Venuti & Vyt, 2004). Certaines études semblent indiquer que ceci ne serait pas le cas dans des langues telles que le chinois ou le japonais, mais les résultats dans ces langues sont encore contradictoires selon le type d'expérimentations conduites (Saxton, 2010). Cette prépondérance du nombre de noms par rapport au nombre de verbes dans le lexique précoce est appelé le biais nominal. Les noms appris les plus aisément sont ceux qui se réfèrent à des entités physiques concrètes mais certains des noms dans les 50 premiers mots de l'enfant sont aussi des parties d'objets, des endroits et des substances (Bloom, Tinker & Margulis, 1993). Le fait que les noms soient plus facilement appris que les verbes peut être expliqué par la contrainte de l’objet entier proposée par Markman (1987), ou par le fait que les noms ont des propriétés sémantiques à part entière alors que les verbes varient avec des propriétés morphologiques (Maratsos, 1991), ou encore par le fait qu'un nom peut être correctement identifié uniquement grâce à un contexte extra-linguistique, et qu'un verbe nécessite la prise en compte d'autres indices issus de l'analyse du contexte extra- linguistique dans lequel le mot est utilisé (Gillette, Gleitman, Gleitman & Lederer, 1999).

Quoiqu'il en soit, ce biais nominal est intéressant pour le développement du langage, car les premiers noms posent un cadre d'apprentissage pour de nouvelles catégories de mots dont

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25

notamment les verbes et les adjectifs. D’après les travaux de Kern et Gayraud (2010), les noms communs représentent au moins 59.9% du lexique de l’enfant francophone de 8 à 16 mois. Il y a néanmoins un effet de la taille du vocabulaire sur la composition grammaticale du lexique. Lorsque les enfants ont un lexique inférieur à 100 mots, la proportion de noms communs augmente régulièrement, tandis que cette proportion se stabilise lorsque le lexique dépasse 100 mots. L’apparition de prédicats dans le lexique de l’enfant rencontre le même type de croissance et de stabilisation que les noms communs, représentant au moins 22,5% du lexique en compréhension lorsque le lexique est supérieur à 50 mots (Figure 2).

Figure 2. Composition du lexique réceptif en fonction de la taille du lexique (Normes de l’IFDC de Kern & Gayraud, 2010) (N = noms communs, PR= prédicats, ICF= indices de classe fermée, BR=bruits)

Aspects quantitatifs

Deux grandes études normatives ont évalué le lexique en compréhension sur de grands groupes d’enfants âgés de 8 à 16 mois. Les données anglophones et francophones seront présentées ici dans la mesure où le questionnaire anglophone est une réelle référence dans la littérature sur le lexique du jeune enfant, et que des enfants francophones sont concernés dans cette étude.

 En Anglais

L'étude normative du MBCDI (MacArthur Bates Communication Development Inventory) a recueilli les données de 1803 enfants à propos des mots qu’ils comprenaient et produisaient

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(Fenson, Dale, Reznick, Thal, Bates, Hartung, Pethick & Reilly, 1993). Cet outil, qui consiste en un inventaire de vocabulaire complété par les parents, a montré toute sa validité avec des corrélations positives (entre r=.400 et r=.800) avec des situations de recueil direct en laboratoire pour le vocabulaire, et avec des corrélations positives (entre r=.76 et r=.88) pour la LME en situation standardisée. Par ailleurs des études de potentiels évoqués montrent également que les parents ont une bonne conscience de la sensibilité de leur enfant au langage (Mills, Coffey & Neville, 1993). Les inventaires de vocabulaire comme le MBCDI, sont donc des outils fiables et fréquemment utilisés pour étudier le lexique du jeune enfant.

Bates, Dale et Thal (1995) ont analysé une partie des données longitudinales de l’étude de Fenson, Dale, Reznick, Thal, Bates, Hartung, Pethick et Reilly (1993), afin d'observer si des différences inter-individuelles existaient et se maintenaient dans le temps. Ces auteurs ont décrit que les enfants de 8 mois comprenaient en moyenne 36 mots (médiane de 17), que ceux de 10 mois comprenait en moyenne 67 mots (médiane de 41) et que la moyenne de mots compris à 16 mois était de 191 mots (médiane de 169). Une importante variabilité inter-individuelle était notée: à 10 mois le nombre de mots compris variait entre 0 et 144 mots, et à 16 mois, le nombre de mots compris s'étendait de 78 à 303 mots. La Figure 3 illustre le développement du lexique réceptif entre les âges de 8 et 16 mois.

Figure 3. Evolution du lexique réceptif pour les enfants de 8 à 16 mois (Bates et al., 1995)

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 En Français

L’étude normative de l’IFDC (Inventaire Français du Développement Communicatif), adaptation française du MBCDI, effectuée par Kern et Gayraud (2010) avec un groupe de 1211 enfants (621 filles et 590 garçons) révèle que les chiffres en français sont plutôt semblables à ceux trouvés en anglais. Ainsi, la moyenne des mots compris est de 33.6 mots à 8 mois, 45 mots à 10 mois et 166 mots à 16 mois (Figure 4). Une grande variabilité inter- individuelle était également observée pour ce groupe d’enfants, en particulier à 16 mois, où l’écart-type était de 79.

Figure 4. Normes de Kern pour l’IFDC en compréhension (Kern & Gayraud, 2010)

Ces deux études normatives révèlent que le lexique en compréhension augmente régulièrement et linéairement dans le temps, même si des variabilités inter-individuelles importantes sont à prendre en compte.

A présent, nous décrirons comment le second versant du langage, la production, se met en place chez le jeune enfant.

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28

1.2. Le développement du lexique expressif

Produire des mots nécessite une maturation du conduit vocal de l’enfant, et c’est pour cela que le développement des compétences de production semble beaucoup plus progressif que celui de la compréhension. L’enfant passe du cri sans intention communicative à des sons dans le but de rentrer en interaction. Il maîtrise peu à peu des organes phonatoires qui lui permettront de produire un répertoire vocal qui graduellement se précisera par rapport aux phonèmes de son environnement langagier. C’est à ce moment-là seulement qu’il pourra ensuite produire ses premiers mots.

1.2.1. L'apparition des mots

De la période pré-linguistique à la période linguistique

Contrairement au système auditif de l'enfant qui est fonctionnel dès sa naissance, le conduit vocal du nourrisson n'est pas mature, et s'apparente plus à celui d'un primate non-humain qu'à celui d'un humain (Kent, 1984). Pendant les deux premiers mois du bébé, les sons qu'il émet sont des cris et des pleurs sans visée communicative. Vers 3-4 mois, il commence à faire certains jeux vocaux, notamment en position couchée où il peut émettre des sons laryngés et vélaires (Bertoncini & de Boysson-Bardies, 2000). A partir de 5 mois, il commence à contrôler son articulation, à varier la hauteur et l'intensité de ses sons, en faisant participer d'avantage l'avant de son appareil articulatoire (Oller, 1980). Entre 6 et 9 mois, l'enfant entre dans le stade du babillage, qui mettra en place un premier répertoire vocalique (Oller&

Eilers, 1988).

Le babillage

Le babillage apparaît brusquement entre 6 et 9 mois, et est caractérisé par la production de suites de syllabes. Le « babillage canonique » est la production, souvent répétée, de syllabes simples telles que /ba/, /pa/, /ma/. Ce babillage a un aspect universel dans le sens où les bébés produisent préférentiellement des structures CV, avec une majorité d'occlusives dont des labiales le plus souvent, et des voyelles neutres, centrales ouvertes ou mi-ouvertes (Oller, 1980). Des études inter-langues ainsi que des recherches portant sur les enfants sourds, ont montré que le babillage est progressivement influencé par la langue maternelle du bébé (Oller & Eilers, 1988), tant pour l'aspect prosodique que pour l'aspect segmental (De

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Boysson-Bardies & Vihman, 1991). Par ailleurs, une vraie continuité est observée entre le babillage et les sons constituants les premiers mots de l'enfant (Kern & Davis, 2009). Pendant les 3 derniers mois de sa première année, le babillage de l'enfant se diversifie et se complexifie même s’il reste phonétiquement limité (Bertoncini & De Boysson-Bardies, 2000).

Le développement phonologique et prosodique

La littérature explique que le développement phonologique découle directement du babillage, qui, sous l'influence de l'environnement, se diversifie et se complexifie en accord avec la phonologie de la langue maternelle. Plusieurs modèles apportent une explication à la façon dont les systèmes phonologique et articulatoire de l'enfant se développent sous l'influence de son environnement. Selon le modèle auto-organisationnel, l'interaction avec l'environnement a une influence importante dans la sélection de patterns phonologiques produits par l'enfant, renforçant la co-émergence d'un système phonologique et d'un système de schémas moteurs en adéquation avec la langue natale (Kent, 1984). D'après le modèle cognitif, l'enfant préciserait lui-même son registre phonologique en se basant sur les sons produits dans son babillage et en avançant par essais et erreurs (MacKen & Ferguson, 1983). Enfin, dans les modèles connexionnistes, la distribution de la fréquence des sons dans la langue de l'environnement renforcerait les connexions entre les sons du registre phonatoire de l'enfant pertinents avec la langue natale, et les patterns moteurs qui leur sont consacrés, afin de créer un système phonologique et moteur spécialisé dans la langue maternelle (Menn, Markey, Mozer & Lewis, 1993). A partir de 10-11 mois, le répertoire phonologique de l'enfant semble donc réellement se spécifier pour le système langagier environnant. De Boysson-Bardies (1996) a montré que les productions des enfants comportaient parallèlement et précocement des caractéristiques syllabiques et prosodiques de leur langue maternelle : des enfants de 10-12 mois français, anglais et suédois, produisaient environ 70% de disylabes CVCV contre 48% pour des enfants nigérians parlant le yoruba, qui produisaient en majorité des structures VCV. Ces proportions reflétaient les structures syllabiques entendues chez les adultes parlant ces différentes langues.

Peu à peu, vers 7-8 mois, certaines séquences phonémiquement stables, isolables et reconnaissables par les parents, vont apparaître dans le babillage de l'enfant. Ces « proto- mots » sont contextualisés et marquent une première intentionnalité. Pour Khomsi (1982),

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les proto-mots traduisent les débuts d'une organisation d'un lexique structuré en fonction de contextes familiers que l'enfant connait.

Les premiers mots

Les premiers mots apparaissent souvent vers la fin de la première année même si cet âge est très variable d'un enfant à l'autre. Le babillage ne disparait pas soudainement, mais persévère encore souvent jusqu'à 18 mois, continuant, selon certains auteurs, à refléter des particularités phonétiques de la langue maternelle (Hallé, 2004). Il n'y a donc pas de discontinuité entre babillage et premiers mots, qui suivent souvent les schémas sonores du babillage. Les premiers mots de l’enfant sont des formes simples, précises, mais variables.

Pour le mot « gâteau » par exemple, l'enfant pourra dire « tato », « ato » ou encore « kato » (Bertoncini & de Boysson-Bardies, 2000). Les enfants semblent se référer à des représentations globales du mot, qui contiennent néanmoins des informations correctes sur la saillance de certains aspects du mot et sur sa structure syllabique (Ferguson, 1986). La plupart des enfants produisent des formes simplifiées des mots, à cause du coût cognitif que ces productions impliquent, et de la difficulté à coordonner et à préciser l'articulation motrice (Vihman, 1996). Les premiers mots sont donc souvent simplifiés et contiennent fréquemment des déformations telles que des suppressions de syllabes ou de sons (« apin » pour « lapin », « ka » pour « canard »), des substitutions de sons simples pour des sons plus complexes (« codi » pour « crocodile »), des duplications de syllabes pour des syllabes différenciées (« toto » pour « auto ») (Bertoncini & de Boysson Bardies, 2000). Pendant sa deuxième année de vie, l'enfant va commencer à régulariser ses productions et prononcer moins de variantes de mots qu'il ne le faisait auparavant (MacKen, 1979). L'interaction avec l'environnement et l'augmentation de la taille du lexique apporteront des réorganisations des représentations phonologiques et donc des adaptations de prononciation de mots (de Boysson-Bardies, 1996).

Lorsque l'enfant commence à produire des mots isolés, il peut les prononcer dans certains contextes et avec certains gestes, pour signifier bien plus que le mot lui même. Avec ces

« holophrases » qui sont finalement des mots prononcés avec l'intention de dire une phrase complète (Dore, 1975), l'enfant entre véritablement dans une communication verbale et non-verbale qui lui permet de réaliser différentes intentions communicatives telles que la

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requête, la dénégation, la protestation... Ces holophrases, qui soulignent fortement le but communicatif du langage, tout en montrant la continuité entre langage verbal et non-verbal, sont particulièrement présentes entre 18 et 24 mois, avant que l'enfant soit capable de commencer à combiner les mots entre eux, et donc d'enrichir linguistiquement ses intentions communicatives. Comme pour la compréhension, l'acquisition du lexique expressif se décontextualise progressivement (Kern, 2006).

1.2.2. Le développement de la production

Repères développementaux

Dans la littérature, il est généralement décrit deux phases distinctes dans le développement du lexique expressif du jeune enfant: une première phase (en général entre 12 et 16-18 mois) où l'acquisition se fait plutôt lentement et où l'utilisation des mots est plutôt contextualisée, et une seconde phase (après 16 mois) où l'acquisition des mots est rapide et où l'on parle souvent d' « explosion lexicale » (Bates, Dale & Thal, 1995).

 En Anglais

Dans l'étude de Bates et collaborateurs (1995) citée dans le chapitre précédent, les auteurs ont également analysé les données en production de la cohorte d'enfants suivie (toujours en utilisant les données du MBCDI), afin de proposer quelques repères de développement et décrire une idée de la fourchette de variabilité qui peut exister.

D'après cette étude, à 8 mois, la moyenne de mots produits est de 1,8 (médiane de 0), à 12 mois les enfants produisent en moyenne 10 mots (médiane de 6), à 16 mois, ils disent en moyenne 64 mots (médiane de 40) et à 30 mois autour de 534 mots (médiane de 573). Ce dernier âge est intéressant car la médiane est plus élevée que la moyenne, indiquant qu'à 30 mois, la proportion d'enfants avec un faible niveau de mots en production vient en réalité baisser la moyenne, mais qu'un nombre important d'enfants produisent une grande quantité de mots à cet âge. En production bien plus qu'en compréhension, les écarts entre les enfants sont très marqués, et cette variabilité inter-individuelle semble augmenter avec l'âge: autour de 12 mois, le vocabulaire produit varie de 0 à 24 mots, mais à partir de 13 mois les écarts entre les enfants se creusent de plus en plus dramatiquement, allant de 0 à 154 mots à 16 mois, à une fourchette de 89 à 534 mots à 24 mois.

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Les Figures 5 et 6 illustrent les mots produits à différents stades du développement pour les enfants âgés de 8 à 16 mois, et pour les enfants âgés de 16 à 30 mois.

Figure 5. Moyenne des mots produits des enfants de 8 à 16 mois (Bates & al., 1995)

Figure 6. Moyennes des mots produits des enfants de 16 à 30 mois (Bates & al., 1995)

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 En français

Les normes de l’IFDC révèlent que le nombre de mots produits entre 8 et 16 mois augmente régulièrement : les enfants de 8 mois produisent en moyenne 0,5 mot, ceux de 12 mois produisent en moyenne 10 mots, les enfants de 16 mois en produisent environ 25, ceux de 24 mois 208 et les enfants de 30 mois produisent en moyenne 395 mots.

Dans chaque groupe d’âge les écarts-type sont importants et augmentent avec l’âge, allant de 1,02 pour les enfants les plus jeunes à 30 chez les enfants de 16 mois. A 24 mois, l’étendue des mots produits est de 671, et celle de 30 mois est de 536 (Figures 7 et 8).

Figure 7. Nombre de mots produits par les enfants de 8 à 16 mois selon l’IFDC (Kern &

Gayraud, 2010)

Figure 8. Nombre de mots produits par les enfants de 16 à 30 mois selon l’IFDC (Kern &

Gayraud, 2010)

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Les études normatives du MBCDI et de l’IFDC mettent toutes deux en évidence un développement lent du vocabulaire pendant les 4 à 6 premiers mois où les mots apparaissent, et une croissance ensuite beaucoup plus marquée du lexique, notamment à partir de 18 mois. Cette augmentation qui peut être soudaine et importante du lexique est couramment appelée « explosion lexicale ».

Caractéristiques du développement lexical en production

 L'explosion lexicale

La littérature concernant le développement lexical décrit une augmentation brutale du vocabulaire au cours de la deuxième année de vie de l'enfant (Bates & al., 1995), comme l’illustre la Figure 9. Cette croissance importante, qui concerne beaucoup d'enfants, marque le passage d'une première acquisition lexicale lente à une phase d'acquisition rapide.

Figure 9. L’explosion lexicale (illustrée par le cas de Keren, fille de Dromi, Dromi, 1987)

Plusieurs hypothèses pourraient expliquer cette augmentation brutale du vocabulaire: la prise de conscience de l'enfant que tout objet doit avoir un nom (Baldwin & Markman, 1989), la compétence cognitive de catégorisation qui s'améliore avec le développement

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(Gopnik & Meltzoff, 1987), la compétence de représentation, qui devient de plus en plus efficace (Brownell, 1988), une réorganisation des compétences de segmentation phonologique qui permettrait à l'enfant de détecter rapidement des mots dans le flux verbal (Plunkett, 1993) ou encore des compétences d'articulation qui s'améliorent avec le développement (Menn, 1976). En se référant au développement simultané du lexique produit et de la grammaire, Bates et Goodman (1997) avancent également l'hypothèse selon laquelle ce serait la capacité à combiner les mots qui permettrait de faire ces nouvelles acquisitions aussi rapidement.

Pour certains auteurs cette explosion lexicale a lieu autour de 16 mois (Dromi, 1987), pour d'autres elle a lieu à 18 mois (Bloom, 1973) ou encore à 21 mois (Plunkett & Wood, 2004).

Pour certains chercheurs, l'âge n'est pas le critère de démarrage de l'explosion lexicale, et c'est la taille du lexique qui va déterminer son commencement. Ainsi, certains auteurs expliquent qu'un lexique de 50 mots signerait le début de l'explosion lexicale alors que d'autres encore décrivent un lexique nécessaire de 100 mots (Bates & al., 1995). Il n'y a donc pas réellement de consensus quand aux facteurs déterminant le commencement de l'explosion lexical.

Aujourd'hui, le concept d'explosion lexicale est quelque peu controversé, non seulement à cause des divergences théoriques sur les critères qui définissent son commencement, mais aussi parce qu'il existe une grande variabilité de patterns de développement langagier. En effet, l'explosion lexicale ne semble pas universelle : certains enfants ont un développement très linéaire et ne passeront pas par une accélération brutale, d'autres encore présenteront une évolution par paliers (Reznick & Goldfield, 1992). Certains auteurs remettent en question le type de fonction utilisée pour modéliser le développement lexical. En effet, Granger et Brent (2004) ont montré qu'en utilisant un modèle prenant en compte les rythmes d'acquisition plutôt que la taille du lexique, sur 38 enfants au développement typique pour lesquels des recueils de données quotidiens étaient faits par les parents, seulement 1 enfant sur 5 montrait ce qui pouvait être décrit comme une explosion lexicale.

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 Composition du lexique expressif

Description catégorielle

De la même manière qu’en compréhension, le lexique en production est composé d’une grande majorité de noms communs. Entre 8 et 16 mois, d'après les normes de l'IFDC (Kern &

Gayraud, 2010), 80,4% des mots produits sont des noms communs. La deuxième catégorie la plus représentée est celle des bruits, sons d’animaux et jeux et routines (19%). Il n’y a pas d’effet de la taille du lexique sur la représentation de ces 2 catégories, contrairement aux catégories prédicats et items de classe fermée, qui sont proportionnellement beaucoup plus importants dans les lexiques supérieurs à 50 mots que dans ceux inférieurs à 50 mots.

Entre 16 et 30 mois, le lexique commence à se caractériser un peu différemment ; d'une part par une influence certaine de la taille du lexique sur la composition grammaticale, et d'autre part par des trajectoires d'évolution différentes pour les classes grammaticales représentées.

Les noms communs sont toujours les plus nombreux dans le lexique (58.5% en moyenne) mais leur proportion augmente jusqu'à un lexique d'environ 100 mots, avant de se stabiliser.

Les prédicats (17, 5% en moyenne) suivent le même type de trajectoire que les noms. Les bruits d'animaux (14,5%), sons et routines connaissent une trajectoire inverse à celle des noms, baissant proportionnellement en taille jusqu'à un lexique de 100 mots environ, puis en se stabilisant. Enfin, les items de classe fermée (moyenne de 9,5%) sont très proches d'une taille de lexique à l'autre.

Modèles descriptifs

Le modèle d'acquisition lexicale le plus courant dans la littérature qui intègre les éléments qualitatifs et quantitatifs du lexique, est celui de Bates, Bretherton et Snyder (1988) qui propose une description du développement lexical en quatre stades: le stade des éléments socio-pragmatiques et ludiques (qui correspond aux premiers mots), le stade de la référence avec une importance des noms communs (qui débute avec l'explosion lexicale vers 50 mots), le stade de la prédication où verbes et adjectifs apparaissent dans le lexique (après un seuil de 100 mots), et enfin, le stade de la grammaire où les mots de fonction prennent place dans le lexique (à partir du seuil de 400 mots). Bassano, Maillochon et Eme (1998) proposent un modèle un peu différent dans la mesure où dans les normes françaises, même si les

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Mes hypothèses étaient les suivantes : premièrement, nous nous attendions à ce que les scores obtenus pour les essais tentés à la seconde version de la CCT (2009),