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Le phénomène judo: vecteur de socialisation et d'adaptation des pratiquants dans la société ? l'exemple des judokas calédoniens présents à orléans

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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Master

Reference

Le phénomène judo: vecteur de socialisation et d'adaptation des pratiquants dans la société ? l'exemple des judokas calédoniens

présents à orléans

MAI, Daphné

Abstract

Dans le cadre de notre travail de recherche, nous nous sommes intéressés au concept de phénoménologie à travers la pratique du judo et l'expérience vécue des judokas. Nous nous sommes mis en quête de comprendre comment le phénomène judo peut permettre une double construction identitaire, sociale et territoriale des judokas de Nouvelle-Calédonie évoluant dans des pôles en France. Cela nous a donc conduit à nous intéresser aux relations liant le judoka, le judo et la société. As part of our research, we have worked into the concept of phenomenology through the practice of judo and authentic judoka's experiences. During this dissertation, we have tried to understand how the judo phenomenon can promote:

identity, social and territorial construction for the Caledonian judokas evolving in “Pole France”.Therefore, this research has leaded our interest into the relationship between judoka, judo and society.

MAI, Daphné. Le phénomène judo: vecteur de socialisation et d'adaptation des

pratiquants dans la société ? l'exemple des judokas calédoniens présents à orléans. Master : Univ. Genève, 2018

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:110957

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SPORT ET SOCIETE

Le phénomène judo : vecteur d’intégration et d’adaptation des pratiquants dans la société ?

L’exemple des judokas calédoniens présents à Orléans.

Mémoire présenté par : Daphné MAI

Jury : Bertrand LEVY, MER, directeur de la recherche Mélanie PETREMONT, assistante

Mémoire de Master en Géographie Politique et Culturelle Département de Géographie et Environnement

Faculté des Sciences de la Société Université de Genève, août 2018

Source : pixabay

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1 RESUME

Dans le cadre de notre travail de recherche, nous nous sommes intéressés au concept de phénoménologie à travers la pratique du judo et l’expérience vécue des judokas. Ainsi, dans la première partie, nous avons orienté notre recherche vers les notions de socialisation, de hiérarchisation, d’apprentissage de valeurs et de perception des espaces fréquentés. Puis, dans une seconde partie, l’étude de cas basée sur les judokas calédoniens à Orléans, a permis d’étudier et de mettre en pratique les concepts et notions mentionnés. A travers ce mémoire, nous nous sommes mis en quête de comprendre comment le phénomène judo peut permettre une double construction identitaire, sociale et territoriale des judokas de Nouvelle-Calédonie évoluant dans des pôles en France ; ce qui nous a conduit à nous intéresser également aux relations liant le judoka, le judo et la société.

Mots clés : Judo, phénoménologie, migration sportive, socialisation, hiérarchisation, espaces perçus et espaces vécus, cohésion sociale, vivre-ensemble, mobilité, identité, culture, amitié, art du judo, Orléans, Nouvelle-Calédonie.

ABSTRACT

As part of our research, we have worked into the concept of phenomenology through the practice of judo and authentic judoka’s experiences. So, in the first part, we focused our work on the notions of socialization, hierarchy, learning values and perception of the frequented spaces.

Then in the second part, the case study is based on personal experience. We met Caledonian judokas living in Orléans in France. They helped us to work and highlight concepts mentioned above.

Through our research during this dissertation, we have tried to understand how the judo phenomenon can promote: identity, social and territorial construction for the Caledonian judokas evolving in “Pole France”.

Therefore, this research has leaded our interest into the relationship between judoka, judo and society.

Keywords: Judo, phenomenology, sports migration, socialization, perceived spaces and living spaces, social cohesion, the “living together”, mobility, identity, culture, friendship, art of judo, Orléans, New Caledonia.

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2 REMERCIEMENTS

Je remercie le professeur Monsieur Bertrand LEVY, qui a accepté d’être mon directeur de mémoire. Ses conseils ont accompagné et guidé mon travail de recherche.

Je tiens également à remercier les judokas calédoniens, David, Claude, Jason, William et Vincent pour leur participation, leur sincérité et leur disponibilité.

Un grand remerciement à ma famille pour son soutien.

Figure 1: Photo des judokas calédoniens évoluant à Orléans. De gauche à droite : Vincent, Jason, David, William et Claude.

Source : photo prise par T. Maï le 20 septembre 2018 à Orléans.

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3 SOMMAIRE

RESUME ... 1

REMERCIEMENTS ... 2

INTRODUCTION ... 4

PREMIERE PARTIE... 15

Chapitre 1 : Cadre théorique : En quoi le judo s’intègre-t-il dans la démarche phénoménologique ? ... 17

1.1 Définition du terme de phénoménologie ... 17

1.2 Le principe de phénoménologie dans les sciences sociales et en géographie ... 18

1.3 L’apport de ce courant de pensée dans notre recherche ... 21

Chapitre 2 : Cadre conceptuel, le judo un art de combat et un art de vivre ... 24

2.1 Etymologie du « judo » ... 24

2.2 Le judo de Kano : un modèle pour tous les pratiquants ... 25

2.3 Le judo, un système de socialisation et de hiérarchisation ... 28

2.4 Le judo : un outil pédagogique et éducatif ... 34

Chapitre 3 : La conception de la spatialité dans le judo ... 41

3.1 La mondialisation de la pratique du judo ... 41

3.2 Le dojo : un espace de construction territoriale de l’individu ... 44

3.3 Le tatami, un indicateur de territorialité et de spatialité dans la pratique du judo : entre espace convivial et de compétition. ... 46

3.4 Perception spatiale du judoka ... 49

DEUXIEME PARTIE ... 55

Chapitre 1 : Méthodologie de travail de terrain ... 57

Chapitre 2 Etude de cas : l’approche phénoménologique à travers l’expérience vécue des judokas calédoniens, analyse et interprétation des données. ... 66

2.1 La migration sportive de Nouvelle Calédonie à Orléans ... 66

2.2 La socialisation ... 69

2.2.1 Hiérarchisation... 75

2.2.2 L’enseignement du judo ... 77

2.3 La perception spatiale des lieux ... 84

2.3.1 Le dojo ... 84

2.3.2 L’espace tatami ... 87

CONCLUSION ... 97

BIBLIOGRAPHIE ... 99

ANNEXES ... 106

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4 INTRODUCTION

Le sport dans toute sa dimension est devenu une pratique de plus en plus répandue dans notre société. Présent sous différentes formes, le sport s’est intégré progressivement dans le quotidien des personnes et ce jusqu’à s’introduire dans les espaces publics des villes. En un peu plus d’un siècle, le sport s’est universalisé et a développé chez les individus un réel engouement pour la pratique d’activités physiques et sportives. Considéré d’abord comme une pratique de loisir, le sport moderne a connu un tournant décisif à partir du XVIIIe siècle en professionnalisant certaines pratiques sportives. Ainsi apparaît les premières caractéristiques du sport moderne : la recherche de records, la compétition et les enjeux économiques. Durant le XIXe siècle, l’Angleterre développe le sport moderne. Cette société anglaise, aux attraits industriels et urbains, propulse le sport en créant les toutes premières sociétés sportives qui contribuent à la codification des règles des jeux. Le sport moderne prend petit à petit une place au sein de la société occidentale et se diffuse ainsi au reste du monde.

Toutefois, les recherches menées sur le sport ont montré que ce domaine est bien plus complexe et ne se résume pas seulement à la pratique sportive. Au contraire, le sport fait intervenir et interagir aussi bien les sciences sociales, la sociologie, la psychologie que la politique et la géographie. Comme le fait remarqué Jean-Pierre Augustin : « le mot sport utilisé sans distinction par le sens commun, ne peut se réduire aux pratiquants, aux compétitions, au spectacle, aux équipements, aux institutions ou au marché sportif. Il est comme le tourisme, un ensemble mis en système »1. Pour mieux appréhender le sujet sport, il faut donc prendre en considération son environnement, son fonctionnement et les mécanismes impliqués.

Cette mise en système du sport, a permis de mettre en évidence la pluridisciplinarité de ce domaine et de faire émerger une diversité de pratiques sportives par le concept de « cultures sportives ».

Si aujourd’hui, le sport tient une place prépondérante dans notre société, ce domaine est resté longtemps marginal des recherches des sciences sociales et de la géographie. En effet, il faut attendre les années 70 pour voir apparaître des auteurs d’articles et d’ouvrages sur le thème du sport en géographie avec notamment l’américain John Rooney en publiant « géographie du

1 AUGUSTIN, Jean-Pierre. Qu’est-ce que le sport ? Cultures sportives et géographique. What is sport?

Sports cultures and geography. [Document électronique] Annales de géographie, Armand Colin, 2011/4 (n°680), p.362. https://www.cairn.info/revue-annales-de-geographie-2011-4-page-361.htm

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5 sport américain » en 1974 puis la revue « Sport Place International » en 1987 ; l’auteur Philip L. Wagner qui met en perspective le sport et l’espace en 1980. En France, des pôles de recherches géographiques se créent dans les années 80 et permettent aux chercheurs de développer le domaine du sport en géographie. Parmi ces chercheurs on retrouve Daniel Mathieu et Jean Praicheux qui ont publié le premier « atlas des sports en France » en 1987 ou encore le numéro consacré au sport dans la revue Mappemonde en 1989. Jean-Pierre Augustin, professeur à l’Université Bordeaux-Montaigne, attaché à la Maison des sciences de l’homme d’Aquitaine (MSHA) a également publié des ouvrages tels que « Le Sport, une géographie mondialisée » publié en juin 2016 dans la Documentation française ; « Sport, géographie, aménagement » édité en 1995 chez Nathan ; « Géographie du sport » paru dans l’édition Armand Colin en 2007 ou encore « Cultures sportives et géographie » dans les Annales de géographie en 2011. Ces publications permettent ainsi d’alimenter et d’enrichir les études faites sur le sport en géographie. Comme Jean-Pierre Augustin le souligne : « La géographie, au-delà du stockage d’informations et de la description des paysages sportifs, s’affirme comme une science sociale attachée à penser l’espace des sociétés, l’organisation des espaces à toutes les échelles et la spatialité des acteurs »2.

Cette démarche géographique nous permet donc de nous amener à notre recherche d’étude qui consiste à étudier l’aspect phénoménologique du judoka à la fois dans une double construction territoriale, identitaire et sociale au sein de la communauté du judo et dans la société en général.

Cette phrase issue de l’ouvrage Géographie des Sports de Jean-Pierre Augustin : « […] les recherches de géographie sociale, culturelle et politique sont parmi les plus novatrices ; elles permettent à la discipline de donner toute sa mesure en tant que science des comportements humains dans l’espace »3 caractérise un aspect de notre étude, dans laquelle nous allons analyser la conception et la perception de la spatialité par le judoka au sein de la structure sportive (dojo) et son comportement dans cet environnement. Pour illustrer cette recherche, nous allons réaliser une étude de cas dans laquelle nous mettrons en évidence l’expérience vécue de judokas calédoniens dans la pratique du judo de haut niveau à Orléans. Cette partie expérimentale est une source d’informations qualitatives, concernant leur vécu quotidien en tant que sportif et individu dans la société Orléanaise. Cette dimension rappelle que : « la géographie […] est à la fois constructiviste car elle considère que les faits étudiés ne sont pas

2 AUGUSTIN, Jean-Pierre. Géographie du sport Spatialité contemporaines et mondialisation. Paris : Armand Colin, 2007. p.13.

3 Ibid., p.14.

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6 des données mais des réalités construites par le système sociétal, systémique car elle joue sur une dynamique faite d’interactions et de rétroactions, dialogique car le rôle des acteurs et des opérateurs reste au centre des interprétations »4.

L’intérêt du sujet choisi

L’intérêt de choisir une étude orientée vers le sport en géographie et plus particulièrement sur l’aspect phénoménologique du pratiquant de judo me semble être un champ d’étude intéressant et pertinent car, peu de recherches ont été effectuées dans ce domaine.

En effet, la plupart des sujets traités sur cet art martial japonais parle de la technique, de la pratique, de la transmission du savoir-faire et du savoir-être à travers l’enseignement et le code moral du judo.

Les rares études sur l’expérience vécue du judoka et sur sa perception de l’espace (dojo) a suscité un certain intérêt de ma part et m’a donné l’envie de développer une réflexion sur ce sujet. Il me paraît donc opportun de valoriser la dimension spatiale du judoka dans son environnement sportif. Il s’agit de « penser l’espace » à travers le sujet judoka pour mieux appréhender la notion de représentation de l’espace : « […] étudier l’espace en tant que tel, à travers le regard des personnes qui le vivent »5. Il me semble également intéressant d’allier les concepts et théories avec une étude de cas, à travers laquelle nous pourrons alimenter les réflexions théoriques concernant le vécu du judoka.

Le choix de ce sujet est lié aussi à une forme de curiosité que j’ai développée en tant qu’observatrice et spectatrice du monde du judo. En effet, la pratique de ce sport par un membre de ma famille, m’a poussée à me questionner dans ce domaine sportif. Un milieu dans lequel l’individu pratiquant doit développer une identité de sportive et une stratégie d’adaptation afin d’évoluer vers le haut niveau. Sacrifices, efforts, disciplines, compétitions, stress et bien d’autres termes font partie du quotidien des judokas. Mon attention et mon intérêt portés au monde du judo se sont développés en outre par la voie du bénévolat. Par mon bénévolat, je me suis rendu compte des enjeux des compétitions et de l’importance de l’image véhiculée par les compétiteurs. Ainsi, chaque sportif est un ambassadeur et représentant, participant au développement de la notoriété de son pays.

4 Ibid.

5 CHEVALIER, Jacques. Espace de vie ou espace vécu ? L’ambiguïté et les fondements de la notion d’espace vécu. [Document électronique] In : Espace géographique, tome n°3, n°1, 1974. p.68.

https://www.persee.fr/docAsPDF/spgeo_0046-2497_1974_num_3_1_1446.pdf

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7 Pertinence et objectif de cette recherche

La réalisation d’une étude sur « la phénoménologie du judoka » constitue un domaine suffisamment riche pour faire l’objet d’une recherche. Pour rendre l’étude pertinente, il convient de s’appuyer sur l’expérience vécue de l’individu qui constitue un excellent outil pour appréhender notre sujet. Dans cette situation, l’individu est placé au centre de l’analyse et interagit avec les éléments faisant partie du judo. Il est intéressant de développer une analyse sur la configuration spatiale du dojo (salle d’entraînement du judo) et du tatami à travers la perception du judoka. En effet, le dojo est un lieu qui véhicule des règles de vie et dans lequel le vivre ensemble fait partie du quotidien du judoka. Il s’agit notamment du respect de la hiérarchie, de la discipline, de la ponctualité et du code moral du judo enseigné dans ce sport.

De ce fait, nous allons voir comment les judokas perçoivent et s’approprient le dojo et le tatami, espaces de pratique du judo ? Et comment l’individu s’accoutume d’une double identité ? Il est d’autant plus significatif d’appréhender notre étude en s’intéressant aux judokas calédoniens licenciés dans les structures de judo d’Orléans car, ils constituent une source de données atypiques. En effet, à ce jour, aucune recherche ne s’est intéressée aux judokas calédoniens pratiquants en métropole. Ils apportent donc un regard nouveau sur cette pratique.

Cela nous permettra de recueillir leurs avis sur le judo pratiqué en France par rapport au judo de Nouvelle Calédonie et d’étudier la dimension culturelle. En effet, l’éloignement du pays d’origine, le changement de vie, l’adaptation à un nouvel environnement, etc. sont des paramètres à prendre en considération dans notre étude. Ces éléments peuvent nous renseigner sur la construction territoriale et identitaire de l’individu en tant que personne en soi et en tant que sportif. Cette construction identitaire fait appel à la notion de socialisation et d’adaptation.

Même si le judo est une pratique individuelle, il existe une vie de groupe dans laquelle il est nécessaire d’apprendre à se socialiser et côtoyer les autres pratiquants.

Ce travail de mémoire présente également un double objectif. Tout d’abord, il s’agit d’apporter de nouvelles données et de nouvelles réflexions dans le domaine des sciences sociales sur l’expérience vécue de l’individu en tant que sportif et son intégration dans la société. L’intérêt est de montrer que les sciences sociales tiennent une place importante dans la compréhension du monde du sport. En s’intéressant directement au sportif, nous pouvons mieux appréhender et déconstruire la pratique d’un sport comme le judo.

Notre second objectif est de rendre cette recherche visible auprès des jeunes sportifs calédoniens qui souhaiteraient poursuivre leur pratique du judo en France. Cette étude permettra

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8 aux sportifs de se rendre compte des conditions d’adaptation, de socialisation et de configuration spatiale de ce nouvel environnement.

De plus, il est intéressant de choisir comme sujet d’étude la dimension sportive en Nouvelle Calédonie, sujet différent des thèses traitant de la biodiversité ; de l’art et de la culture Océanienne, l’architecture et l’ethnologie, etc. En effet, depuis quelques années, le sport suscite l’attention des organismes politiques et sportifs calédoniens dans la construction et le développement d’une gouvernance sportive. Celle-ci a été présentée lors du dernier séminaire sur « Rapport des Assises du sport en Nouvelle Calédonie » en 2016. L’objectif de cette gouvernance est d’apporter des solutions sur le développement social, territorial et l’accessibilité au haut niveau pour les sportifs calédoniens.

Entre 2013 et 2016 ce sont tenus des séminaires et des colloques dans lesquels des sportifs calédoniens de haut niveau, avec l’appui du gouvernement de la Nouvelle Calédonie et la Direction de la Jeunesse et des Sports, se sont penchés sur les thématiques suivantes :

« L’accompagnement des jeunes sportifs vers les structures fédérales de haut niveau »6 ;

« Culture de la gagne »7 ; « Le Parcours d’Excellence Sportive »8,etc.

Notre sujet de recherche permettrait ainsi d’apporter des réflexions pertinentes dans le projet de gouvernance sportive calédonienne et de contribuer à l’ouverture d’un champ d’étude dédié à la phénoménologie du sportif.

La question de recherche

La question générale de la recherche se formule ainsi : En quoi l’étude phénoménologique du judo permet-elle de mettre en perspective une double construction territoriale, identitaire et sociale de l’individu judoka ? (Au sein de la communauté du judo et dans la société).

Revue de la littérature

Dans les pages suivantes, nous allons vous présenter les différentes lectures qui ont retenu notre attention et fait l’objet de recherche par des chercheurs de disciplines différentes (psychologie,

6 CAPPAI, Gianni. L’accompagnement des jeunes sportifs vers les structures fédérales de haut niveau.

Nouméa : Horizon 2016-2020 : vers la haute performance sportive, Rencontres calédoniennes du sport de haut niveau (1ère édition), 3-7 août 2013.

7 AVANZINI, Gilbert. Culture de la gagne. Nouméa : Horizon 2016-2020 : vers le haute performance sportive, Rencontres calédoniennes du sport de haut niveau (1ère édition), 3-7 août 2013.

8 LAUNAY, Samuel. Le parcours d’Excellence Sportive PES. Nouméa : Horizon 2016-2020 : vers la haute performance sportive, Rencontres calédoniennes du sport de haut niveau (1ère édition), 3-7 août 2013.

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9 sociologie, phénoménologie, sport, etc.) sur la pratique du sport et sur le judo. Nous analyserons donc comment ces scientifiques ont exploré le domaine de la pratique du judo à travers les thèmes suivants : la pédagogie, la transmission du savoir, la structuration spatiale de l’espace sportif mais aussi sur l’expérience psychosociale des individus pratiquants.

En ce qui concerne, la recherche sur la pratique du judo, nous constatons quelques limites bibliographiques car, la plupart des ouvrages traitent de l’histoire du judo, de l’aspect technique de cet art et racontent la biographie du maître fondateur du judo : Jigoro Kano. C’est notamment le cas de l’article « Du jûjutsu au jûdô, ou du particulier à l’universel, un exemple de changement durant l’ère Meiji » écrit par Françoise Champault. Le « jûdô » y est présenté comme un art : « rationnel et sans danger » où est transmis un savoir-faire, une pédagogie adaptée : « Kanô présentait ainsi le jûdô comme une véritable méthode de formation intellectuelle, se référant à un processus logique […] Il ne s’agit pas d’enseigner des connaissances, mais de permettre au sujet de penser par lui-même et d’innover »9. Cet article permet de voir l’essence (l’âme) du judo et les objectifs voulus par le fondateur Kano en créant cette nouvelle forme d’art de combattre. A partir de 1889, le judo a évolué progressivement vers un judo universel.

Cette idée de « judo universel » s’est diffusée dans le monde et ce jusqu’en France comme le fait remarqué Samuel Julhe dans son article « Les pratiques martiales japonaises en France ».

En 1946 se crée la première Fédération française de judo. Le modèle français s’est inspiré du modèle nippon : « chaque groupement est centré sur un « maître », qui est à la fois source des apports techniques, garant de la progression des pratiquants et du statut des professeurs, ou encore vecteur d’un nombre de valeurs morales »10. Le développement du judo en France s’est suivi par une diffusion de cet art martial sur l’ensemble du territoire et par la mise en place des infrastructures.

L’universalisation a laissé place aujourd’hui à un judo éducatif que l’on retrouve dans l’ouvrage de Jean-François Hernandez « Jigoro Kano judo (Jujutsu) Méthode et pédagogie » qui présente l’histoire et la diffusion du judo ; les différentes phases de la pratique de cet art martial ; l’apprentissage des techniques de base et les éléments qui le constitue. Ce livre semble complet

9 CHAMPAULT, Françoise. Du jûjutsu au jûdo, ou du particulier à l’universel, un exemple de changement durant l’ère Meiji. [Document électronique] In : Ebisu, n°16, 1997. p.88.

http://www.persee.fr/docAsPDF/ebisu_1340-3656_1997_num_16_1_975.pdf

10 SAMUEL, Julhe. Les pratiques martiales japonaises en France. Institutionnalisation des disciplines et professionnalisation de l’enseignement. [Document électronique] Actes de la recherche en sciences sociales 2009/4, n°179. p.98. https://www.cairn.info/revue-actes-de-la-recherche-en-sciences-sociales- 2009-4-page-92.htm

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10 et accessible à tous contrairement à certains ouvrages qui sont plus techniques et dont lesquels les gestes sont illustrés comme le livre « Judo Kodokan : la bible du judo » ou encore « Le grand livre des techniques du judo ».

La pratique du judo ne se résume pas seulement à son histoire mais doit tenir compte des paramètres environnants comme le pratiquant, élément central. L’article « Quelle expérience corporelle en STAPS ? » des chercheurs Bernard Andrieu, épistémologue et Guillaume Richard maître de conférences en STAPS a mis en évidence le concept d’expérience corporelle. Pour ces scientifiques, l’expérience corporelle est associée au champ socioculturel et permet donc à l’individu de développer une motricité adaptative en fonction de l’environnement dans lequel il se trouve. Ce concept a également été utilisé par Mikael Hilpron, docteur à l’Université d’Orléans dans son étude intitulée « Faire judo à l’échelle des corps : des sens dans l’action au sens de l’action », dans laquelle il évoque l’individu à travers la socialisation, l’apprentissage de soi (apprendre à écouter son corps) et son environnement.

Le sociologue et philosophe Alfred Schütz fait émerger un autre concept important celui de la phénoménologie. Influencé par les écrits et les travaux de Weber, Alfred Schütz développe la sociologie phénoménologique dans laquelle les actions de l’homme dans le monde social sont étudiées. Le but est de comprendre et d’analyser le comportement des individus dans la société et les relations qu’ils établissent avec le monde : « la compréhension de l’agir-humain implique une analyse phénoménologique qui fasse apparaître le réseau des intentionnalités qui lie les acteurs sociaux à un monde commun, qui mette au jour le tissu de relations signifiantes qui unit chaque acteur avec les autres acteurs et les « objets » culturels qui composent le « monde » »11. L’article « Phénoménologie et Géographie » d’André-Frédéric Hoyaux, maître de conférences à l’UFR Géographie et Aménagement de Bordeaux apporte un point de vue complémentaire sur le concept de phénoménologie. Il montre que la phénoménologie est une science qui met en relation l’homme et son environnement. Pour expliquer cette relation Homme/Environnement, ce chercheur fait appel à la géographie. Selon lui, la phénoménologie place l’être humain au centre des constructions géographiques d’un point de vue spatiales et sociales : « l’homme doit être considéré comme un être-au-monde, c’est-à-dire qu’il est lié indéfectiblement par sa projection auprès d’un endroit du monde, par sa présence spatialisée, datée et socialisée »12. La

11 TELLIER, Frédéric. Alfred Schutz et le projet d’une sociologie phénoménologique. Paris, Presses Universitaires de France, 2003. p.53.

12 HOYAUX, André-Frédéric. Phénoménologie et géographie. [Document électronique] HAL, archives-ouvertes.fr, 2009. p.1. https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs- 00380150/file/Hoyaux_Phenomenologie_geographie.pdf

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11 phénoménologie serait donc l’outil indispensable pour comprendre la place de l’homme au sein de la société et sa relation avec « l’espace ». Pour appuyer ces idées, ce chercheur a écrit un second article de réflexion sur le concept d’habiter un lieu, un espace en faisant appel à des recherches de géographes et de philosophes. Il permet de mettre en évidence la relation qui existe entre le judoka et son environnement (dojo) : « l’être est constamment entouré d’un monde fait d’objets, d’êtres vivants et de personnes plus ou moins éloignés qui sont agencés dans l’espace comme une altérité qui semble figée dans l’ici et le maintenant »13. L’individu fait donc appel à sa propre perception de l’espace pour s’adapter et s’approprier le lieu.

Dans cette approche de l’homme à « l’espace », le géographe Jean Pierre Augustin fait remarquer dans son article « Qu’est-ce que le sport ? Cultures sportives et géographie » la mise en système du pratiquant avec l’espace sportif. Cet espace fait l’objet d’une classification suivant l’organisation et le type de sport (Classe PA, A, P, O). Concernant le judo, l’auteur l’inscrit dans la classe A correspondant à un environnement : « pré-organisé sans incertitude de milieu »14. Le judo se pratique donc dans un espace qui : « se limite à l’affrontement individuel à un adversaire dans un milieu standardisé »15. Toutefois, il existe une autre manière de catégoriser la surface de pratique par l’utilisation de forme géométrique : ligne, cercle et rectangle. Le judo y est symbolisé par la « forme carrée ». Cette codification de l’espace prend en compte les critères suivants : « le milieu sur lequel se déroule l’activité (« terre », eau, neige, air), le type d’installation (couverte ou plein air), le degré de codification et d’uniformisation […] »16. Cette codification de l’espace permet de faire émerger l’existence de règles et de codes nécessaires à l’étude des liens existants entre le pratiquant et l’environnement. Ces règles introduisent la notion de « sociabilité » développée par Thierry Long, maître de conférences en STAPS et Nathalie Pantaléon, maître de conférences à l’Université de Nice Sophia-Antipolis, dans leur article « Etude des relations entre conscience réglementaire et contextes de pratique sportive auprès d’adolescents sportifs ». La pratique d’une activité permettrait d’enseigner le

13 HOYAUX, André-Frédéric. Entre construction territoriale et constitution ontologique de l’habitant : Introduction épistémologique aux apports de la phénoménologie au concept d’habiter. [Document électronique] Cybergeo : European Journal of Geography, 29 mai 2002. p.7.

https://journals.openedition.org/cybergeo/1824

14 AUGUSTIN, Jean-Pierre. Qu’est-ce que le sport ? Cultures sportives et géographie. What is sport ? Sports cultures and geography., op.cit., p.367.

15 Ibid.

16 VIGNEAU, François. Le “sens” du sport : conquête de l’espace, quête du plaisir. [Document électronique] Annales de géographie, 2008/4, n°662, p.5. https://www.cairn.info/revue-annales-de- geographie-2008-4-page-3.htm

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12 respect des règles sportives et sociétales comme par exemple : la transmission de valeurs ; du principe d’équité et du fair-play.

Dans le même champ d’étude, Benoît Gaudin, chercheur et maître de conférences en sciences sociales s’est intéressé à l’approche socio-historique des règles sportives dans les pratiques martiales. Ce chercheur présente les prémices des combats codifiés comme nous les connaissons aujourd’hui. Selon lui, la codification a permis de faire évoluer les combats martiaux vers : « des dynamismes de culturalisation, de spectacularisation et de spiritualisation »17. On est : « passé de combats dans lesquels, a priori, « tous les moyens sont bons » et donc « tous les coups sont permis », à des combats où certains gestes sont interdits, parce que potentiellement meurtriers »18.

L’instauration des règles et la mondialisation ont contribué à diversifier la pratique du judo. En effet, Michaël Hilpron, montre dans son article « Vécu corporel du judo et globalisation du sport » des distinctions entre la pratique au Japon et celle en France. Par exemple, le judo japonais continue de perpétuer une de ses formes ancestrales : la pratique sans catégorie de poids. Autre différence observée, la composition du matériel : « les tatamis de Tenri, légèrement glissants, durs mais rebondissants, ne permettent pas la même prise d’appuis que les tapis du dojo orléanais »19. Ce chercheur explique également l’existence d’une forme de hiérarchisation sociale dans le dojo au Japon qui n’existe pas dans la pratique du judo européen.

Michaël Hilpron distingue ainsi la pratique du judo à Tenri et à Orléans et fait émerger le concept de : « culture matérielle »20. Dans son autre article intitulé « L’appropriation du judo : d’une « voie de la souplesse » à l’efficience incarnée ». Il tente de comprendre le rôle de cette notion dans la construction et l’appropriation du judo par ses pratiquants. La « culture matérielle » sert à expliquer les différentes façons de faire le judo. S’approprier le judo, c’est permettre au pratiquant de développer son propre judo à travers le corps et l’esprit.

Les recherches effectuées par Michel Bouet dans le chapitre un de son ouvrage « Questions de sportologie » ont fait ressortir la notion de « culture sportive ». Il apporte des réflexions sur le

17 GAUDIN, Benoît. La codification des pratiques martiales. Une approche socio-historique.

[Document électronique] Actes de la recherche en sciences sociales, 2009/4, n°179. p.6.

https://cairn.info/revue-actes-de-la-recherche-en-sciences-sociales-2009-4-page-4.htm

18 Ibid., p.7.

19 HILPRON, Michaël et ROSSELIN, Céline. Vécu corporel du judo et globalisation du sport.

[Document électronique] Journal des anthropologues, 2010. p.5.

https://journals.openedition.org/jda/4319

20 HILPRON, Michaël. L’appropriation du judo : d’une « voie de souplesse » à l’efficience incarnée.

[Document électronique] De Boeck Supérieur, Staps, (n°98), 2012. p.146. https://www.cairn.info/revue- staps-2012-4-page-143.htm

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13 lien existant entre la culture et le sport : « il convient peut-être de cesser de considérer le sport en fonction d’autre chose que lui, et de le saisir alors plus intrinsèquement, dans le concept relativement autonome de culture sportive. Car c’est en étant sport que le sport est culture, et en étant culture qu’il est sport »21. Maxime Travert et Nicolas Mascret maîtres de conférences à l’IUFM d’Aix-Marseille se sont également intéressés à cette notion dans la construction du sportif. Selon ces deux chercheurs, l’individu construit sa propre culture sportive à travers ses interactions avec son environnement sportif. Ce concept permet donc de mieux appréhender le sportif dans les domaines suivants : l’apprentissage ; la recherche de la haute performance et la socialisation comme le souligne Jean-Pierre Augustin : « ces cultures sportives peuvent être considérées comme un attracteur d’organisation sociale, une pratique d’invention de soi, un intermédiaire culturel de la mondialisation et une figure organisatrice des sociétés contemporaines […] »22.

Le corps et l’esprit sont deux éléments indispensables comme le démontre Karine Bui-Xuan dans son ouvrage « Introduction à la psychologie du sport, des fondements théoriques aux applications pratiques ». Elle montre que le corps est l’élément central dans les pratiques sportives et qu’une approche psychologique du pratiquant est appropriée pour mieux cerner l’identité du sportif : « le corps est une construction psychique, corps et psychisme sont intimement liés. Prendre conscience de cette distinction entre corps et organisme a une influence primordiale non seulement dans les applications pédagogiques, mais aussi dans la conception même de l’éducation physique […] »23.

Cette prise de conscience introduit la notion de « personnalité du sportif ». L’étude de la personnalité permet de détecter les futurs sportifs, de faciliter la socialisation des individus et d’établir le profil de l’athlète. La construction du sportif fait appel à d’autres aspects de la psychologie comme la force mentale. Marie-Eve Kim Turgeon affiliée au département de psychologie de l’Université de Montréal et Wayne Richard Halliwell au département de kinésiologie se sont intéressés au rôle et à l’impact de cet aspect sur la performance. Cette force mentale agit sur l’athlète sous plusieurs formes : « surmonter les obstacles, l’adversité ou les

21 BOUET, Michel. Questions de sportologie. Paris, L’Harmattan, 1998, p.33.

22 AUGUSTIN, Jean-Pierre. Qu’est-ce que le sport ? Cultures sportives et géographie. What is sport ? Sports cultures and geography., op.cit., p.378.

23 BUI-XUAN, Karine. Introduction à la psychologie du sport, des fondements théoriques aux applications pratiques, Paris, Ed. Chiron, 2000, p.26.

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14 situations de pression »24. Le chapitre trois de l’ouvrage « Au cœur de la compétition sportive : Approches psychologique et sociale » de Marc Lévêque (psychologue du sport et professeur à l’Université d’Orléans) montre que le développement de la force mentale par l’individu permet à celui-ci de se construire un état d’esprit sportif. Selon cet auteur : « la préparation mentale apparaît comme le maillon indispensable pour transférer les compétences développées à l’entraînement dans le contexte compétitif, voire pour apporter une plus-value en créant les conditions du dépassement »25. La préparation mentale, permet donc de développer la motivation de l’athlète, de favoriser son apprentissage et de répondre aux exigences de la performance.

En résumé, nous pouvons constater que la pratique du judo, a suscité l’attention de chercheurs sur les thématiques suivantes : l’enseignement ; la transmission de valeurs morales et de savoir- faire caractérisant le judo comme une « école de vie ». Ils se sont intéressés à la dimension spatiale de la structure sportive comme lieu de socialisation et de construction identitaire de l’athlète. Cependant, les recherches recensées sur la construction psychologique et identitaire restent très générales au monde du sport. Aucun d’entre eux ne s’est véritablement intéressé à la construction territoriale et identitaire du judoka et en particulier de judoka calédonien. Ce constat nous a donc conduit à explorer ce domaine en prenant en compte ces pratiquants océaniens comme sujet d’étude. Nous commencerons donc par développer dans le premier chapitre le concept de phénoménologie.

24 TURGEON, Marie-Eve Kim et HALLIWELL, Wayne Richard. L’évolution du concept de force mentale chez les athletes : mise à jour des connaissances et limites méthodologiques. [Document électronique] Staps, 2011/2 (n°92), p.18. https://www.cairn.info/revue-staps-2011-2-page-7.htm

25 LEVÊQUE, Marc. Intérêts et leurres de la préparation mentale. In : Lévêque M. Au cœur de la compétition sportive : Approches psychologique et sociale. Wavre, Belgique : Mardaga, 2010, p.122.

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15 PREMIERE PARTIE

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16 CHAPITRE 1 : CADRE THEORIQUE : EN QUOI LE JUDO S’INTEGRE-T-IL DANS

LA DEMARCHE PHENOMENOLOGIQUE ?

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17 Chapitre 1 : Cadre théorique : En quoi le judo s’intègre-t-il dans la démarche phénoménologique ?

Dans ce premier chapitre, nous définirons la démarche phénoménologique au sein des sciences sociales et en géographie puis nous présenterons les principes, l’intérêt et l’apport d’étudier cette méthode dans notre étude de recherche.

1.1 Définition du terme de phénoménologie

La notion de phénoménologie est apparue pour la première fois en philosophie au début du XXe siècle. Selon la définition du dictionnaire de philosophie, la phénoménologie correspond au : « Nom donné par Husserl (1859-1938) à la philosophie dont il est l’initiateur et dont l’objet est de retrouver par-delà les évidences reçues et les sédimentations psychologiques l’essence originaire des vécus de la conscience et des objets vers lesquels elle se porte. La phénoménologie, qui a représenté avec la philosophie analytique la philosophie la plus influente du XXe siècle, est à la fois retour aux choses mêmes et retour à la conscience même […] »26. La phénoménologie prend tout son sens de « science » du « phénomène » lorsqu’elle est replacée dans le contexte philosophique. En effet, la phénoménologie a suscité l’intérêt de plusieurs philosophes comme Johann Heinrich Lambert, premier philosophe à avoir utilisé ce terme puis Kant, Hegel et Husserl qui en ont élaboré trois conceptions : la conception kantienne, hégélienne et husserlienne.

La conception kantienne développée par le philosophe Kant, présente la phénoménologie comme : « le phénomène est « ce qui apparaît » dans le temps ou dans l’espace : un objet d’expérience, doté d’une réelle objectivité »27. La phénoménologie consisterait donc à étudier les modalités des phénomènes à travers l’expérience.

Le philosophe Hegel va aller un peu plus loin dans cette réflexion d’expérience en l’associant à la conscience : « la phénoménologie hégélienne se présente à la fois comme une science et comme un récit : celui de « l’expérience de la conscience » »28. Dans cette : « expérience de la

26 GODIN, Christian. Dictionnaire de philosophie. Paris, librairie Arthème Fayard, Editions du temps, 2004, p.975-976.

27 Encyclopédie Larousse. Phénoménologie [en ligne]. Editions Larousse, 2018 [consulté le 09.03.2018]. Disponible sur :

http://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/ph%c3%a9nom%c3%a9nologie/79096

28 Ibid.

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18 conscience », Hegel s’intéresse au rapport entre : « un moi et un objet »29 et tout particulièrement aux interactions qui se créent entre la conscience et l’expérience.

La phénoménologie va véritablement prendre son sens de « wissenschaft : la connaissance » avec le philosophe Edmund Husserl. Il présente la phénoménologie comme : « la science des phénomènes, c’est-à-dire la science des vécus par opposition aux objets du monde extérieur »30. La phénoménologie permettrait donc de faire : « une analyse descriptive des vécus en général »31. L’approche phénoménologique de Husserl se veut comme une pensée tournée sur la méditation de la connaissance : « il s’agit d’explorer ce donné « la chose même » que l’on perçoit, à laquelle on pense, de laquelle on parle, en évitant de forger des hypothèses, aussi bien sur le rapport qui lie le phénomène avec l’être de qui il est phénomène, que sur le rapport qui l’unit avec le Je pour qui il est phénomène »32. Il semblerait donc que la phénoménologie soit une science adaptée aux sciences humaines pour comprendre le phénomène : « d’être-en- société »33.

1.2 Le principe de phénoménologie dans les sciences sociales et en géographie Pour les sciences sociales, la pensée phénoménologique représente un nouveau dynamisme :

« renouveler l’approche des sciences sociales à partir de la phénoménologie »34. Cette approche a retenu l’attention du sociologue Alfred Schütz qui dans son ouvrage « Le chercheur et le quotidien » tente d’appliquer la notion de phénoménologie aux sciences sociales. Héritier de la méthode d’Edmund Husserl, Schütz n’hésite pas à l’adapter aux phénomènes sociaux.

L’acquisition de cette méthode permet à Schütz d’expliquer le comportement des individus dans la société et d’appréhender les interactions qui se créent entre l’homme et l’espace environnant : « l’enjeu est d’établir une phénoménologie du sujet et de sa relation à l’autre qui permette une connaissance des phénomènes sociaux »35. La phénoménologie en sciences sociales se veut comme : « une philosophie de l’homme en son monde-vie »36. Cette notion de

« monde-vie » fait référence à l’environnement dans lequel l’homme se développe, s’épanouit

29 Ibid.

30 Courant philosophique. Phénoménologie [en ligne]. Encyclopédie wikipédia, 2010 [consulté le 09.03.2018]. Disponible sur : http://www.histophilo.com/phenomenologie.php

31 Encyclopédie Larousse, op. cit.

32 LYOTARD, Jean-François. La phénoménologie. [Document électronique] Presses Universitaires de France, coll. « Que sais-je », 2004. p.5. https://www.cairn.info/la-phenomenologie-- 9782130547365.htm

33 Ibid., p.6.

34 SCHÜTZ, Alfred. Le chercheur et le quotidien. Paris, Ed. Klincksieck, 2008, p.2.

35 Ibid., p.262.

36 Ibid., p.172.

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19 et se construit : « Moi, l’être humain né dans ce monde et vivant naïvement en lui, je suis son centre dans la situation historique […]. Le monde-vie est au premier chef significatif et signifiant par et pour moi »37. La construction de l’individu et de son « monde-vie » n’existeraient pas sans l’intervention du monde extérieur et sans la prise en compte de l’existence de l’autre : « les objets rencontrés dans l’usage quotidien sont mes instruments, et les hommes avec qui j’entretiens des relations sont mes parents, mes amis ou des étrangers »38. C’est par ce « monde-vie » que les sciences sociales peuvent analyser les phénomènes sociaux de la société : « notre monde quotidien est d’emblée un monde intersubjectif de la culture »39. Ainsi, l’individu développe ses capacités de socialisation et d’adaptation avec les autres.

La phénoménologie du philosophe Edmund Husserl a permis aux sciences sociales d’avoir une plus grande perspective d’étude dans la compréhension de l’homme en tant qu’être dans le monde environnant.

En géographie, l’idée de phénoménologie se développe au début des années 70 au sein du courant humaniste. Ces géographes se préoccupent de la place de l’être humain dans la société et le replace au centre des préoccupations sociétales bien souvent délaissé de certains domaines de la géographie. Pour les humanistes, l’utilisation de la phénoménologie permet au chercheur d’acquérir des informations supplémentaires que la méthode quantitative ne fournit pas.

Toutefois, certains géographes ont privilégié l’usage de la quantification et de l’informatisation au détriment de l’analyse phénoménologique à cause de la complexité de l’interprétation des données. En conséquence, cette méthode qualitative permet d’améliorer l’analyse du comportement de l’individu dans la société par l’observation.

En s’inspirant du modèle de Husserl, fondateur de la phénoménologie, les géographes humanistes redonnent à l’homme son statut : « l’homme en tant qu’être-au-monde, être-en- situation ; on pourrait traduire par l’être dans son apport au monde »40. Autrement dit la phénoménologie, a permis à la géographie humaniste de s’imposer face aux domaines de la géographie humaine classique et quantitativiste : « or la réalité humaine est tout autre puisque l’homme, contrairement aux objets physiques et naturels – roches ou plantes --, possède une conscience, qu’elle est objet, c’est-à-dire que la conscience est liberté (de choix) et que dans la

37 Ibid., p.186.

38 Ibid.

39 Ibid., p.185

40 MORISSONNEAU, Christian et SIROIS, Denis. La quête du sens et du vécu : la phénoménologie en géographie. [Document électronique] Québec : Cahiers de géographie du Québec, 29(77), 1985. p.318.

https://www.erudit.org/fr/revues/cgq/1985-v29-n77-cgq2649/021727ar.pdf

(22)

20 mesure où il n’y a que des libertés engagées, il n’y a que des consciences intentionnées.

L’humanisme reconnaît à l’homme, comme individu conscient, le pouvoir de choisir son destin.

L’homme n’est pas le jouet de son environnement »41.

Pour étudier les « processus individuels » des sujets, ces chercheurs se placent en tant qu’observateurs et participant de la situation : « sans rencontre, il ne peut y avoir de saisissement de la condition humaine étudiée »42. Cette démarche d’observation permet d’acquérir des connaissances subjectives et vérifiables. A l’inverse, dès que le chercheur fait abstraction de tous les éléments personnels risquant de compromettre ces recherches, il devient un : « observateur désintéressé »43 : « il n’est pas impliqué dans la situation observée, qui ne présente pour lui aucun intérêt pratique mais seulement un intérêt cognitif »44. Ce raisonnement s’oppose à la phénoménologie puisque le chercheur se présente comme un individu externe à la situation observée et n’intervient pas, ne réagit pas aux interactions qui peuvent se produire avec la personne ou le groupe étudié : « en décidant d’adopter l’attitude désintéressée d’un observateur scientifique – dans notre langage, en délimitant la tranche de vie consacrée au travail scientifique – le chercheur se coupe de sa situation biographique à l’intérieur du monde social »45. Comme le préconise le sociologue Emile Durkheim, dans son ouvrage « Les règles de la méthode sociologique », le chercheur doit développer une forme de neutralité avec son sujet d’étude. Cette distance axiologique permet au chercheur d’élaborer une forme d’objectivité : « il n’agit pas dans la situation, réellement intéressé par les conséquences de ses actions, les espérant ou les redoutant, mais il la regarde avec la même tranquillité d’âme que le chercheur en sciences naturelles prenant connaissance du résultat dans son laboratoire »46. Toutefois, la géographie phénoménologique a suscité quelques controverses de la part des géographes Billinge et Entrikin qui remettent en question la pratique et la méthodologie de la phénoménologie en géographie. Pour ces géographes, la phénoménologie reste du domaine de la philosophie et n’apporte donc peu d’informations pour les sciences sociales. Or la phénoménologie n’est pas que subjectivité, elle présente aussi une part d’objectivité car celle- ci s’intéresse à la fois au sujet et à son expérience vécue. Le chercheur n’est pas seulement observateur, il cherche à apporter des réflexions sur le phénomène étudié et sur la personne qui l’expérimente : « parce qu’elle respecte la liberté de choisir, la phénoménologie englobe la

41 Ibid., p.319.

42 Ibid., p.320.

43 SCHÜTZ, Alfred. Le chercheur et le quotidien., op.cit., p.45.

44 Ibid.

45 Ibid., p.46.

46 Ibid., p.45.

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21 subjectivité de l’homme sans être subjective elle-même puisqu’elle ne peut choisir quels sont les sens et essences étudiées »47. La phénoménologie se veut comme une critique des sciences.

1.3 L’apport de ce courant de pensée dans notre recherche

La phénoménologie semble être la démarche appropriée à notre recherche. En effet, le judo peut être analysé comme un monde construit dans un système de valeurs qui permet de déterminer l’interprétation des phénomènes qui se déroulent dans ce monde. Pour appréhender cette construction, il est important de considérer le pratiquant de judo comme un être ayant développé et construit une relation privilégiée avec les cadres spatiaux, sociaux et temporel qui structurent le monde du judo.

Comme nous l’avons mentionné précédemment, la phénoménologie permet de comprendre le comportement de l’homme et de ses interactions avec la société. Dans notre cas d’étude, il s’agit d’étudier le comportement du judoka dans le dojo structure d’entraînement. Dans un premier temps, il semble approprié d’adopter une démarche d’observation participante du judoka. Cette approche nous permettra de mieux connaître l’individu sur son adaptation au milieu, sa conception de la spatialité, sa socialisation avec les autres pratiquants et sur son expérience vécue en tant qu’athlète de haut niveau.

Figure1 : Le phénomène judo au service de l’insertion et l’intégration sociale du pratiquant Cependant, cette analyse et cette étude ne doivent pas uniquement se contenter d’analyser le pratiquant de judo dans le dojo mais bien de s’intéresser à l’individu en tant qu’être à part entière dans ce cadre sportif et dans la société : « […] il faut tout autant analyser ce monde constitué par l’être que comprendre les motivations, les intentions de l’être qui le constitue. […]

47 MORISSONNEAU, Christian et SIROIS, Denis. La quête du sens et du vécu : la phénoménologie en géographie., op.cit., p.322.

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22 il paraît pertinent de comprendre l’importance ontologique qu’institue la relation au monde de l’être dès que ce dernier entre en relation avec lui et le signifie par ses actes ou ses discours »48. Il convient donc d’étudier l’individu dans une double construction identitaire, territoriale et culturelle. Comme l’explique Heidegger : « l’homme est une singularité qui exprime, par le fait d’être un là dans un lieu, une communauté humaine et un temps donné, une compréhension singulière d’un Être universel […] »49.

L’utilisation du concept de phénomène dans cette recherche permet d’envisager des pistes de réflexions qui devront être développées dans les chapitres suivants : la construction du « monde du judo » ; les relations et les interactions qui se créent entre le pratiquant et son environnement sportif, etc.

48 HOYAUX, André-Frédéric. Entre construction territoriale et constitution ontologique de l’habitant : Introduction épistémologique aux apports de la phénoménologie au concept d’habiter., op.cit., p.3.

49 Ibid., p.4.

(25)

23 CHAPITRE 2 : CADRE CONCEPTUEL, LE JUDO UN ART DE COMBAT ET UN

ART DE VIVRE

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24 Chapitre 2 : Cadre conceptuel, le judo un art de combat et un art de vivre

Ce chapitre se décline en quatre sous-chapitres dans lesquels nous allons définir le terme

« judo », présenter l’histoire de la création de cet art de combat par le maître fondateur : Jigoro Kano, montrer que le judo est un outil de socialisation, de hiérarchisation et un instrument éducatif et pédagogique.

2.1 Etymologie du « judo »

Le judo est un mot issu de la langue japonaise dont le terme « ju » signifie souple et « do » la méthode. Le judo se définit comme la « Voie de la Souplesse ». Jigoro Kano, fondateur du judo, présente cet art martial japonais comme un outil de développement personnel de l’individu. Contrairement à certains sports martiaux, le judo de Jigoro Kano se veut comme un outil pédagogique et éducatif dans lequel l’enseignement se doit de transmettre un patrimoine culturel et contribue à la construction de la personnalité du pratiquant de judo.

Jigoro Kano propose sa définition du Judo : « Le Judo, c’est la voie qui nous mène à utiliser plus efficacement l’énergie physique et mentale. Par la pratique des exercices d’attaque et de défense, on peut, tout en disciplinant et en cultivant son corps et son esprit, acquérir une connaissance profonde de son principe. Car le but final du Judo, c’est se perfectionner et être utile au monde »50.

Le judo est bien plus qu’un sport de combat dans lequel on apprend des techniques et des gestes, c’est aussi une école de vie qui enseigne des valeurs, encourage les pratiquants à développer une culture personnelle et contribue à la réussite de projet de vie.

L’enseignement du judo se construit autour de deux notions : le corps et l’esprit. En effet, ces deux éléments sont indispensables dans la préparation psychologique, physique et identitaire du judoka : « l’apprentissage de sa gestuelle est susceptible d’initier, sur le mode de l’aide mutuelle et de l’équilibre des énergies, un état d’esprit et une forme de corps ayant des effets bénéfiques sur la santé, la force et l’équilibre de soi, ainsi que sur l’harmonie des relations humaines et de la vie en société »51.

Le judo est un art martial qui cherche à emmener ses pratiquants sur « la Voie du Judo » en inculquant des principes qui pourront être utiles dans la société.

50HERNANDEZ, Jean-François. Judo (Jujutsu) Méthode et pédagogie. France : Ed. Fabert,

« Pédagogues du monde entier », 2009, p.10.

51 Ibid., p.34.

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25 2.2 Le judo de Kano : un modèle pour tous les pratiquants

Pour comprendre le fonctionnement et les principes du judo, il faut revenir sur l’histoire de cette pratique japonaise en s’intéressant tout d’abord au fondateur du judo : maître Jigoro Kano.

Jigoro Kano : fondateur du judo

Jigoro Kano est né en 1860 dans la province de Hyôgo sur l’île principale du Japon. Issu d’une famille aisée et nombreuse, Jigoro Kano reçoit une éducation solide et diversifiée en fréquentant des établissements privés dans lesquels les langues (notamment l’anglais) et la culture occidentale à travers la littérature sont enseignées par des professeurs étrangers. Cette double éducation à la fois japonaise et occidentale, lui est favorable pour sa carrière dans l’éducation nationale et dans le développement du « judo ». En 1875, il intègre l’école Kaisei Gakko puis deux ans plus tard, la prestigieuse Université de Tokyo où il est diplômé en sciences politiques et économiques puis Docteur en philosophie en 1882. Jigoro Kano a consacré une grande partie de sa vie à l’enseignement et à l’éducation en débutant sa carrière en tant que professeur en politique et économie à l’école Gakushûin, puis de sous-directeur avant de terminer comme directeur du lycée d’ancien régime de Kumamoto, de Tokyo et à l’Ecole normale supérieure de Tokyo de 1893 à 1920. Il devient également à plusieurs reprises conseiller au ministère de l’éducation nationale.

Sa brillante carrière dans l’enseignement et l’éducation, pousse Jigoro Kano à s’intéresser à un domaine qui lui est encore méconnu, celui des activités physiques. De nature curieux, il va développer une nouvelle passion et découvrir une éducation « intellectuelle » et « spirituelle » à travers la pratique d’un sport : le jûjutsu. Les écrits du philosophe et sociologue anglais Herbert Spencer (1820-1903) sont pour Jigoro Kano une inspiration qui lui permettent de construire sa propre méthode éducative basée sur l’éducation physique, intellectuelle et morale.

Ce nouvel intérêt pour les activités physiques n’est pas un hasard pour Jigoro Kano car, ce dernier a développé étant plus jeune un sentiment d’infériorité lié à sa taille : « il se sent faible et cherche à augmenter son pouvoir de résistance et à assurer sa position vis-à-vis des jeunes fils de guerriers […] »52. Si au départ ce complexe représente pour lui un désavantage, Jigoro Kano va réussir à en faire une force grâce à la pratique du jûjutsu. Il trouve dans cet art de combat, une éducation physique et morale permettant le développement de son corps et de son esprit.

52 Ibid., p.18.

(28)

26 Le contexte historique du Japon favorisant la création du « jûdô »

Il semble intéressant de replacer la naissance du judo, dans le contexte historique du Japon pour comprendre le développement de cet art de combat qui s’est progressivement répandu sur l’ensemble du territoire japonais et à l’étranger. L’objectif est de montrer comment le judo s’est imposé comme art de combat face aux combats d’armes qui ont fait le prestige des classes guerrières.

Durant le XVIIe siècle, le Japon est dirigé par les militaires communément appelés les

« shogun ». Pendant cette gouvernance militaire, la pratique des arts de combat se développe auprès des classes dites : « guerrière »53. A cette époque, seule cette classe de la société a le droit de porter le sabre. De plus, la pratique du combat d’armes est une forme de prestance pour ces derniers : « pour les guerriers de haut rang, le combat, par définition, reposait sur l’emploi des armes, la plus noble de toutes étant le sabre »54. Jusqu’à présent les combats de corps à corps sont mal vus dans la société : « durant cette période, l’entraînement au combat à mains nues ou faiblement armé contre un adversaire armé ou non, pour être très répandu, n’avait pas le même prestige que l’art du maniement du sabre […] »55

Progressivement cette désapprobation pour la pratique des combats de corps à corps par la société japonaise, change avec l’instauration en 1876, d’un décret interdisant le port du sabre.

Cette décision a pour conséquence la disparition des classes guerrières : « […] la pratique des arts de combat qui avait servi le gouvernement comme renforcement du sentiment d’appartenance à la classe guerrière pour maintenir l’ordre de la société féodale, semblait ne plus avoir de raison d’être »56. Le remaniement de la société japonaise répond à un changement politique avec la restauration de l’impérialisme en 1868 : « sous le nom de l’ère Meiji »57. Ce changement va être bénéfique au Japon qui va connaître un développement et une transformation rapide durant les années 1870 et qui va contribuer à la création de ce nouvel art de combat : le « jûdô ».

53CHAMPAULT, Françoise. Du jûjutsu au jûdo, ou du particulier à l’universel, un exemple de changement durant l’ère Meiji., op.cit., p.73.

54 Ibid., p.74.

55 Ibid.

56 Ibid., p.75.

57 HERNANDEZ, Jean-François. Judo (Jujutsu) Méthode et pédagogie., op. cit., p.14.

(29)

27 La naissance du « jûdô » de Jigoro Kano

La métamorphose de la société nippone et la disparition des arts de combat guerrier va permettre à un nouveau style d’art de combat de voir le jour et de se diffuser dans l’empire du soleil levant : le « jûdô ». Cette nouvelle discipline des arts de combat crée par Jigoro Kano résulte de son engouement pour la pratique du jujutsu et de ses années de pratique dans laquelle il a acquis des connaissances solides auprès des maîtres. Il crée par la suite sa propre école d’art de combat le : « Dojo » du « Kodokan »58dans lequel il va enseigner le « judo ». Cette structure :

« désigne donc pas un lieu physique, mais une institution […] qu’il ne s’agissait pas d’un établissement pour apprendre de « simples techniques », mais d’une institution à visée morale »59. A partir de 1882 se met en place le « judo », discipline dérivée du jujutsu, répondant à une nouvelle vision de l’éducation physique faisant partie du programme éducative des écoles japonaises : « […] c’est dans ce contexte, qu’en 1889 […] Kano plaida devant le ministre de l’éducation nationale pour l’introduction du jûdô dans les écoles. »60

Le judo, c’est aussi un art de vivre, de bien-être et une discipline sans danger adaptable à tout type de pratiquants et prodiguant des bienfaits au corps. Il est capable d’apporter des vertus positives dans la vie quotidienne des individus tout en s’adaptant à la société : « […] le principe fondamental du jûdô est la meilleure utilisation de l’énergie. Autrement dit, il s’agit, en prenant le bien pour but, d’exercer l’énergie avec efficacité maximum. J’explique que le bien, c’est de contribuer à la perpétuation et au développement de la vie en groupe. […] comme la perpétuation et le développement de la vie de groupe ou sociale sont obtenus par l’entraide et les concessions mutuelles, celles-ci représentent aussi le bien. Tel est le principe fondamental du jûdô. Si on applique ce principe à l’attaque et à la défense, cela donne les katas et les randoris.

Si on applique à l’amélioration du corps, il devient éducation physique, si on l’applique au polissage de l’intelligence et au développement de la vertu, il devient une méthode d’éducation intellectuelle et morale ; quand on l’applique à l’habillement, au couvert, à l’habitation, aux relations sociales, au travail, à la gestion des affaires, à tout ce que peuvent faire les individus dans la société, il devient un mode de vie en société »61.

58 Ibid., p.16.

59CHAMPAULT, Françoise. Du jûjutsu au jûdo, ou du particulier à l’universel, un exemple de changement durant l’ère Meiji., op. cit., p.81.

60 Ibid., p.78-79.

61 Ibid., p.85.

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