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Chapitre 2 Etude de cas : l’approche phénoménologique à travers l’expérience vécue des

2.1 La migration sportive de Nouvelle Calédonie à Orléans

En 2017, un groupe de cinq calédoniens âgés de dix-huit à vingt ans composé de David, Jason, Claude, William et Vincent ont décidé de s’expatrier en Métropole pour réaliser leur rêve et leur projet de sport-étude. Leur détermination et leur motivation sont les deux critères qui ont permis à ces jeunes de se lancer dans cette grande aventure comme le précise William : « ce qui m’a poussé à partir de Nouvelle Calédonie a été l’envie de faire sportif professionnel dans le judo ce qui n’est pas possible en Calédonie à cause du manque de partenaires […] » (Qn°1) et David : « ce qui m’a poussé à partir de Nouvelle Calédonie est le judo. Je voulais essayer la pratique du judo en haut niveau » (Qn°1). Mais, avant de nous intéresser à leur migration vers la métropole, intéressons-nous tout d’abord à leurs parcours à savoir le choix de la pratique du judo jusqu’aux expériences vécues par ces jeunes.

Pourquoi avoir choisi la pratique du judo ?

Pour quatre de ces judokas, le choix de pratiquer le judo relève du facteur familial. En effet, pour William et Vincent, le choix s’est fait naturellement car, ils ont suivi les traces de leurs frères aînés pratiquant le judo : « c’est le facteur familial qui m’a permis de pratiquer le judo car, mon frère en faisait ce qui m’a donné envie » (William, Qn°2). Quant à David et Claude, ce sont les parents qui les ont poussés à pratiquer une activité sportive : « mes parents ont voulu m’inscrire dans un sport de combat. Je voulais faire du karaté mais le jour où je suis allé au dojo, c’était un cours de judo. Du coup, depuis l’âge de cinq ans je fais du judo » (Claude, Qn°2). Pour Jason, la découverte du judo s’est faite à l’école lors de cours d’initiations.

67 Finalement pour ces jeunes calédoniens, pratiquer le judo a été la meilleure opportunité qui s’est présentée à eux pour faire une activité physique et sportive. D’ailleurs ces derniers ont persévéré dans cet art martial et ont trouvé à travers ce sport un moyen de s’exprimer et de se valoriser. Ces jeunes pratiquent le judo depuis plus de dix ans dans leurs clubs respectifs c’est notamment le cas de Claude licencié au club AJCD Association Judo Club de Dumbéa depuis environ quatorze ans, William licencié aussi à l’AJCD depuis treize ans, David licencié au Tokon Club et Vincent à l’AJCD (douze ans). Seul Jason également à AJCD a commencé le judo plus tard (huit ans). Pour ces judokas, le judo est bien plus qu’un sport de combat, il apporte des valeurs de vie et des objectifs comme le précise Claude : « le judo c’est mon quotidien, tous les jours je me lève avec l’objectif de m’améliorer, de ne rien lâcher […] » (Qn°2). De plus, le judo forme et aide les individus à devenir des judokas aguerris comme l’atteste William : « c’est être un combattant capable de respecter des valeurs à travers un code moral » (Qn°2). En définitif, chaque pratiquant puise dans le judo les éléments qui leur semble utile pour se construire, développer leur identité et leur personnalité : « être judoka c’est adopter un style de vie […] la dureté et la persévérance dans l’entraînement préparent aux difficultés de la vie quotidienne » (Claude, Qn°2). Nous pouvons donc dire que le judo est : « une formation à la vie » (David, Qn°2).

Avec persévérance et ténacité, ces cinq judokas ont réalisé un parcours sportif remarquable et exemplaire depuis plusieurs années qui les a conduits à participer à de nombreuses compétitions nationales et internationales au sein de la région Asie-Pacifique et en Europe telles que : les championnats de Calédonie ; l’Open d’Auckland et d’Australie ; Les Océania (en Nouvelle Calédonie, à Canberra et à Tonga) et les championnats de France.

Néanmoins, pour évoluer dans le haut niveau du judo, il semble inévitable de quitter sa zone de confort pour se confronter à d’autres adversaires, évaluer son judo par rapport au niveau français et progresser dans le judo de compétition. Pour certains, s’expatrier en métropole est une évidence puisque cela correspond à la continuité du parcours sportif et valorise les sacrifices réalisés depuis le début de la pratique du judo. Même si le parcours reste long, ces jeunes judokas ont réussi à se faire connaître dans la sphère sportive calédonienne et océanienne.

Aujourd’hui, ces jeunes calédoniens ont pour objectif : la conquête des tatamis français (judo français), un chemin qui demande beaucoup d’efforts et de sacrifices comme le précise Jason :

« le haut niveau ça représente des heures et des heures d’entraînements et une perpétuelle remise en question » (Qn°1). Le judo de haut niveau offre l’occasion de réaliser ses rêves : se faire une renommée et devenir champion comme l’atteste William : « le judo de haut niveau

68 représente pour moi tout simplement un rêve qui est de devenir champion et qui peut se réaliser qu’en faisant du judo de haut niveau » (Qn°1). Finalement, pour ces jeunes calédoniens, la carrière de sportif de haut niveau ne fait que commencer.

Préparation pour le départ en Métropole

Tous titulaire du baccalauréat, ils se sont lancés individuellement dans la préparation de leur départ en entamant notamment les démarches administratives : dossiers de bourses ; demande d’intégration dans les structures de haut niveau (pôle de judo) ; demande de logement et demande d’étude supérieure sur le site APB. Ces préparatifs se sont déroulés sur plusieurs mois et ont nécessité l’investissement du futur étudiant judoka et de sa famille. En effet, le soutien familial est primordial dans cette étape pour préparer et aider au mieux l’individu à partir sereinement : « ma famille m’a accompagné dans toutes mes démarches qu’elles soient sportives ou administratives, encore aujourd’hui elle m’aide financièrement » (Claude, Qn°1).

Afin de matérialiser le projet sport-étude, chacun d’entre eux a mentionné l’importance de l’accompagnement financier familial : « ils sont un soutien fondamental étant donné que je ne dispose pas de bourse, sans eux ce projet ne serait pas abouti » (David, Qn°1). La famille représente le pilier dans la vie de l’individu comme l’affirme Claude : « je leur dois beaucoup car, ma famille m’a toujours soutenu dans les bons comme dans les mauvais moments, ils sont toujours derrière moi et je trouve une certaine force avec eux qui me permet de ne rien lâcher dans mes projets » (Qn°1). Au final, la présence des familles dans les différentes étapes de la préparation et de la réalisation de ce double projet est incontestable. D’ailleurs, le suivi du parcours s’effectue grâce aux différents moyens de communications comme : skype, e-mail et sms.

Départ et arrivée en métropole : passage de la vie d’îlienne à la vie citadine

Acceptés en formation de première année de Licence STAPS à l’Université d’Orléans, ces jeunes calédoniens ont littéralement changé leur mode de vie afin de s’adapter à leur nouvel environnement. Habitués à vivre dans un espace rural tenant compte des spécificités des îles, ils ont appris à vivre dans un nouvel espace urbain : l’appartement : « il y a aussi le manque de place lorsque tu avais l’habitude d’habiter une vraie maison et que tu finis par vivre dans un espace a peine plus grande que ta chambre. Mais après ce sont que des habitudes à prendre. » (William, Qn°1). Pour la majorité de ces jeunes, avoir son propre appartement est une expérience nouvelle : devenir autonome et responsable comme le précise William : « il a fallu vite apprendre à se responsabiliser et à devenir autonome afin de pouvoir faire toutes les démarches » (Qn°1). Autres éléments marquants lors de leur arrivée en métropole, la nécessité

69 de s’adapter aux différentes saisons et se vêtir en fonction de ses besoins : « vivre en décembre, janvier en plein froid alors que toute ta vie tu étais en plein soleil en Nouvelle Calédonie, c’est autre chose. Aussi je dirai le couché tardif du soleil depuis le début du printemps, il fait jour jusqu’à vingt et une heures ou vingt-deux heures » (Claude, Qn°1). L’architecture historique des bâtiments présents dans la métropole d’Orléans, la forte concentration de personne dans les métros de la capitale Paris ou encore le peu d’obligeance de certains individus sont autant de paramètres à prendre en considération pour s’acclimater dans ce nouvel environnement.

Accoutumés à vivre en communauté, ces jeunes ont recrée la vie océanienne en se regroupant dans une résidence étudiante à Orléans. Cette vie de groupe permet de maintenir et de renforcer les liens d’amitié, du vivre ensemble et de l’entraide. Ce mode océanien les a aidés à s’intégrer dans la société d’accueil orléanaise.