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La territorialité vécue. L'exemple du quartier

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La territorialité vécue. L'exemple du quartier

LÉVY, Bertrand

Abstract

Comparaison entre les dimensions morpho-fonctionnelle et vécue d'un quartier. Le Paris vécu et décrit de Georges Perec. Quartier bourgeois et quartier populaire. Le sentiment d'appartenance au quartier. Deux expériences urbaines insolites à Genève : à la rue des Etuves et au Passage Mathurin-Cordie

LÉVY, Bertrand. La territorialité vécue. L'exemple du quartier. In: Hussy, C. La territorialité.

Une théorie à construire. Colloque en hommage à Claude Raffestin. Genève : Université de Genève, 2002. p. 177-184

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:18056

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COLLOQUE « LA TERRITORIALITE, UNE THEORIE A CONSTRUIRE ».

Hommage au professeur Claude Raffestin, Colloque de Penthes, 28 septembre 2001.

LA TERRITORIALITE VECUE. L’EXEMPLE DU QUARTIER par Bertrand Lévy, Département de Géographie, Université de Genève

« La territorialité c’est la prise en compte de toutes les relations existentielles » (Claude Raffestin, 1979 : 35)

Dans « Une ville rêvée… », C. Raffestin (1999 : 78-79) précise en quoi consiste l’attribut principal d’un quartier, au plan de la territorialité vécue :

« Ces expériences (…) m’ont fait comprendre très jeune ce qu’un quartier urbain pouvait être et devrait être : un lieu de rencontres et d’échanges aussi intenses que variés. » Plus loin, l’auteur ajoute que la dimension sociale du quartier lui est apparue plus fondamentale que sa morphologie, rejoignant, dans un autre registre, la thèse du psychologue de l’espace K. Noschis (1984) pour qui le quartier doit se doubler d’une dimension affective exercée sur plusieurs plans : un plan de sentiment d’appartenance à un espace et à ses habitants, un plan d’interaction sociale atteint par la répétition des relations humaines dans des lieux-clés (dimension rituelle), enfin, un sentiment d’appropriation des espaces publics par sa population, c'est-à-dire des rues, des places et des parcs – s’ils existent.

La dimension morpho-fonctionnelle du quartier a quant à elle été définie par André Corboz (1982 : 50) : « Le mot de quartier (…) désigne un sous- ensemble urbain doté d’une certaine autonomie ou du moins d’une certaine unité à l’intérieur de limites perceptibles –soit tout le contraire d’une vastitude amorphe ». Ces « sous-unités » ont chacune leur caractère propre, de « nature sociale ». Pour A. Corboz, le quartier est le contraire d’une zone, issue d’une planification spatiale plus que sociale, qu’on appelle le zonage en aménagement du territoire. Le quartier, s’il doit avoir une composante sociale, une vie sociale qui lui est propre, est un morceau de territoire qui fait ainsi coïncider plusieurs dimensions inscrites dans la théorie de la territorialité : 1) l’aspect juridique, institutionnel et politique ; un quartier possède des limites inscrites sur un plan urbain et il correspond à une juridiction (matérialisée en Suisse par la présence minimale d’un bureau de vote) ; 2) l’aspect identitaire, social et affectif qui relève d’une géographie plus subjectiviste ; 3) une dimension morpho-fonctionnelle qui assure une certaine reconnaissance visuelle aux formes et aux fonctions du quartier à

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travers ses activités, son ou ses types d’habitat, ses fonctions de loisirs. Le but de cette construction est l’autonomie en termes de satisfaction des besoins de la population qu’il abrite. Perec (1974 : 79) ajoute que le quartier, « c’est la portion de ville dans laquelle on se déplace facilement à pied ». Limites, groupement, population, ressources, appropriation d’un territoire, sentiment d’appartenance et d’identité forgé par l’expérience personnelle et le vivre-ensemble, nous avons là les ingrédients principaux de la théorie de la territorialité développée par C. Raffestin au cours des ans (1977, 1979, 1982, 1985).

Au départ, stricto sensu, la territorialité possédait deux significations dans des champs principaux : premièrement, sa dimension strictement politico- légale qui recouvre l’aspect de la juridiction, de la souveraineté d’un territoire compris entre des limites, dans des frontières tangibles et reconnues, et deuxièmement sa dimension éthologique, qui fait référence au comportement des animaux dans leurs territoires propres, et qui recouvre l’aspect des besoins, de la compétition pour l’appropriation de l’espace selon des modalités diverses. C. Raffestin n’a pas uniquement superposé ces deux dimensions juridique et éthologique, il a étendu la signification de la territorialité au domaine affectif et existentiel, donc au signifié du territoire, signifié culturel, humain, qu’il soit collectif ou personnel. Cette dimension qui fait appel au vécu a été reprise mais modifiée dans la définition de la territorialité donnée par R. Brunet dans les Mots de la Géographie :

« rapport individuel ou collectif à un territoire considéré comme approprié » (cit. in Wuillemin, 2001 : 29). Certes, R. Brunet inclut aussi les valeurs et les symboles des habitants dans cette relation, mais il ajoute que la territorialité, bien qu’elle semble être « un élément utile à la cohésion des groupes sociaux », peut néanmoins comporter un pendant négatif car elle est également « source ou support des hostilités, des exclusions, des haines » (cit. in Wuillemin, 2001 : 29). C. Raffestin ne considère pas que la territorialité en elle-même soit un phénomène négatif, car il a pris soin au préalable de la définir comme une relation qui est ouverte à l’extériorité et à l’altérité, et son but est de parvenir à une certaine autonomie non grâce à une quelconque exclusion de l’autre, mais en prenant soin d’établir les relations les plus symétriques possibles avec l’autre. L’autonomie territoriale ne signifie pas en effet vie en autarcie, mais implique au contraire échanges qui assurent la pérennité du système, son auto-entretien, car un quartier est un système, ou plus précisément un sous-système d’un système plus vaste, la ville, et il ne survit qu’à la condition que les acteurs du système (les décideurs économiques, les aménageurs et les habitants) se concertent pour maintenir et développer tout ce qui constitue les ressources, morpho-fonctionnelles et sociales, d’un quartier : un habitat, une activité commerciale, des aires d’agrément matérialisés dans des infrastructures, des équipements, des installations et des éléments divers qui lui assurent une certaine autonomie. Un espace de circulation et de stationnement, si

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possible non-surdimensionné, est aussi indispensable. A l’heure de la systématisation des échanges et de la raréfaction de l’espace urbain, cette qualité d’autonomie territoriale d’un quartier est fondamentale car elle permet à ses habitants de limiter leurs déplacements hors de leur quartier pour se procurer biens ou services manquants, avec les avantages écologiques que ce comportement procure (limitation des déplacements, donc baisse des nuisances). Or interagissent actuellement des forces contraires : sous prétexte de rentabilité économique et d’économie d’échelle, on supprime certains biens et services attachés depuis des décennies aux quartiers de la ville européenne : postes de quartier et même boîtes aux lettres, poubelles publiques au coin des rues en nombre suffisant, espaces verts (parcs, arbres, jardins), espaces de détente et de loisir, articles manufacturés dans les magasins, ateliers de réparation, et, conséquence de ce cercle vicieux, même les rues et les places traditionnelles qui abritent l’habitat sont menacées par des nuisances démultipliées de bruit et de pollution ; au lieu de l’autonomie promise, il faut de plus en plus souvent sortir de son quartier pour acquérir ou faire réparer des biens divers.

Georges Perec, (1974), dans Espèces d’espaces, nous fait prendre conscience, dans une démarche et un questionnement systématique qui se hisse au rang d’une technique littéraire, en quoi le quartier et les rues d’une ville occidentale développée, ici Paris, recèlent de sophistication et de technicité. Qualités développées par cent cinquante ans d’hygiène urbaine dont on mesure la valeur par effet soustractif, quand on se rend par exemple dans les quartiers d’une ville du Tiers-Monde qui n’a pas traversé les mêmes strates historiques. L’écrivain répertorie des qualités telles que la toponymie, le numérotage des rues qui suit un sens distinct dans toutes les villes : par rapport au sens de la rue, les numéros pairs sont à droite et les numéros impairs à gauche, dans une progression qui prend comme point de départ un repère urbain (à Genève, la Tour de l’Ile ; à Paris, la proximité et le sens de l’écoulement de la Seine : plus on s’éloigne de la Seine et plus les numéros sont élevés). Au niveau des rues, Perec détaille les éléments du mobilier urbain (par exemple les grilles entourant les racines des arbres à Paris), les lampadaires – que l’on éteint partiellement dans les parcs genevois pendant l’été pour faire des économies d’énergie -, les cabines téléphoniques, les abribus, les horodateurs, la signalisation routière, les

« bateaux », dénivellations des trottoirs qui laissent entrer et sortir les voitures dans les garages, etc. Et le fait que la chaussée doit toujours être convexe de manière à évacuer les eaux de ruissellement dans les caniveaux latéraux. On pourrait ajouter à cette liste de commodités presque sans fin, les passages de la nettoyeuse, des cantonniers, le ramassage des écoliers (de plus en plus rare), des ordures, tous ces menus services quotidiens qui font parfois sourire mais dont on mesure l’utilité quand ils viennent à manquer, dans des cités à l’organisation incomplète et chaotique, aux institutions

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délabrées, à la culture civique défaillante. Tous ces services et commodités ne visent qu’à une chose : assurer le fonctionnement du quartier et procurer le sens de la sécurité aux habitants, sécurité que C. Raffestin (1985 : 38) classe à juste titre parmi les besoins primaires à satisfaire sur un territoire, au même titre que le besoin d’abri et de nourriture.

Perec questionne ensuite le degré d’appartenance au quartier en posant quelques questions faussement naïves : « T’habites dans le quartier ?, T’est du quartier ? T’as changé de quartier ? T’es dans quel quartier ? » (Perec, 1974 : 79). Toutes ces questions et les réponses qu’elles suggèrent nous montrent le caractère ouvert et évolutif, non définitif, du sentiment d’appartenance au quartier. La ville et la vie modernes accentuent la mobilité et les échanges ; Perec, dans la question « t’es du quartier ? » montre clairement que le sentiment d’appartenance est la première distinction d’un code binaire appartenance/non-appartenance qui peut dériver vers un sentiment d’exclusion. Cependant, Perec ajoute intelligemment d’autres questions (« T’as changé de quartier ? T’es dans quel quartier ? ») pour montrer qu’un tel sentiment est contemporain d’une mise en situation, de plus en plus mobile et changeante dans la ville et la vie modernes. Ainsi, l’étiquetage social systématique en fonction du quartier que l’on habite, par contingence ou par nécessité - de plus en plus rarement par choix – témoigne de représentations socio-spatiales qui dégénèrent parfois en stéréotypes faciles.

L’exemple le plus courant de distinction est celle entre les quartiers bourgeois et les quartiers populaires. D’un point de vue d’une géographie objectiviste, il existe des indicateurs assez fiables qui témoignent des différences : différences d’altitude socio-économique (hauts revenus/bas revenus), d’altitude spatiale (hauts quartiers/bas quartiers), différences dans la qualité de la construction, dans la taille des pièces des appartements, différences dans la quantité et la qualité des équipements publics et privés (palette de commerces et services à disposition dans un rayon proche), et ainsi de suite. Les effets de la localisation urbaine et la qualité paysagère sont aussi déterminants ; dans les grandes métropoles, en climat tempéré, les quartiers bourgeois ont tendance à se loger à l’Ouest et les populaires à l’Est (West End/East End à Londres, même phénomène à Paris) (Claval, 1981), du fait du sens des grands courants d’Ouest dominants qui emportent la pollution vers l'Est. Cette distinction est à nuancer à l’époque de la désindustrialisation quand on assiste progressivement à une « reconquête » des quartiers est par une néo-bourgeoisie branchée avide de fuir les ghettos de luxe. L’effet vue et l’effet paysage, très marqué à Lausanne comme l’a montré J.-B. Racine au cours de l’une de ses conférences, demeure intact dans les villes littorales où les fronts de mer ou de lacs sont les plus prisés, voire les bordures de parcs, ainsi que les versants et sommets des pentes.

Cette dernière raison géographique n’est toutefois plus valable dans

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certaines métropoles du Tiers-Monde où les pentes sont au contraire peuplées d’habitat précaire ou illégal, comme à La Paz ou à Rio, du fait de la présence de sol pas encore construit et qui présente d’ailleurs souvent des risques d’éboulement en cas de forte pluie.

L’étiquetage socio-symbolique en fonction du quartier que l’on habite ne m’intéresse guère, surtout à Genève, où les quartiers ont une vie sociale à basse température où que l’on soit, dans tous les quartiers, populaires ou bourgeois, que j’ai habités en tout cas. Il n’y a que les relations superficielles dans certains commerces par exemple, qui semblent plus faciles dans les quartiers populaires que dans les quartiers bourgeois mais gardons-nous bien de généraliser : la qualité de ces relations dépend de personnes qui n’habitent souvent pas leur quartier de travail. Toute cette

« vie de quartier », extrêmement enrichissante si elle se déroule en un milieu social porté à haute température, et ironisée par Perec, (la vie de quartier, un bien grand mot) si elle se déroule à basse température, rassemble nos petites joies et peines quotidiennes partagées avec les habitants du quartier. Ce n’est pas négligeable mais ce n’est pas fondamental non plus, comme n’est plus du tout fondamental l’étiquetage socio-symbolique du quartier habité, tant celui-ci est susceptible de changer avec l’arrivée de nouvelles personnes, de nouveaux voisins qui ne connaissent pas la tradition du quartier et ne désirent souvent pas s’y conformer, du fait de l’individualisme croissant. J’essaie, depuis une relation malheureuse avec le voisinage proche qui a tellement dégénéré qu’elle m’a fait quitter mon ancien domicile, d'établir des relations de courtoisie avec le voisinage proche, dénuées de familiarité, du moins au début. Par la suite, on peut toujours espérer.

La mondialisation a-t-elle tué la vie spirituelle, l’âme des quartiers ? De nombreuses personnes se sentent souvent infiniment plus proches et plus complices d’individus indirectement connus à travers des médias, des personnages fabriqués, que de voisins proches et réels. Ces relations à distance, qui font appel à l’imaginaire, ne sont pas nouvelles mais elles se multiplient, nous appellent à renouveler le discours de la territorialité. C.

Raffestin s’est d’ailleurs toujours gardé de parler de territorialité conçue comme une somme de rapports établis dans un territoire proche. En faisant plutôt allusion à l’extériorité et à l’altérité et non à un ensemble imbriqué d’échelles et de distances géographiques - qui sont justement en train d’éclater sous l’effet de la mondialisation -, le théoricien a mis sa théorie à l’abri de tout effet de datation.

Expériences vécues de quartiers

Il reste tout de même une « âme » dans certains quartiers, un état d’esprit dominant et historique que l’on capte en certains lieux privilégiés, épargnés par les démolitions systématiques ou les rénovations lourdes. Récemment, je traversais le vieux quartier de St.-Gervais à Genève, lieu et symbole des

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luttes populaires anciennes, territoire des cabinotiers de la Rive Droite (ateliers d’horlogerie situés en plein ciel de façon à recueillir l’éclairage naturel) et d’un artisanat aujourd’hui pratiquement disparu sous les coups de boutoir du tertiaire. En traversant la rue des Etuves, l’une de ces rues de vallées étroites dont parle C. Raffestin (1999) dans Ma ville idéale, j’eus véritablement la sensation de recueillir l’âme de St.-Gervais. La rue des Etuves m’apparaissait comme pathétique car cette rue aux immeubles partiellement délabrés – faisant d’ailleurs l’objet d’un projet de réhabilitation respectueux du passé et du contenu social existant– est la seule qui reste où l’on peut imaginer la vie à St.-Gervais dans les siècles passés, les rues et places adjacentes ayant été dénaturées par la modernité.

La rue des Etuves, avec son côté polisson très désuet, ses cafés poisseux, comme il n’en existe pratiquement plus dans l’ancien quartier réservé de Barcelone, le Barrio Chino, est une expérience forte mais très courte dans l’espace car la rue fait plutôt figure d’enclave dans un quartier passablement déstructuré. Ceci dit, mon observation de type morphologique et sociale n’évoque pas le contenu humain des maisons, les relations personnelles, qui sont ici peut-être identiques qu’ailleurs.

Je terminerai par une expérience urbaine d’itinéraire à travers un quartier, qui n’a rien à voir avec le côté anodin de la vie de quartier dont parle Perec (1974 : 80), « cet aménagement douceâtre de la nécessité ». A vrai dire, cette expérience intéresse la face symbolique de la territorialité, une théorie dotée d’un esprit de système indéniable, et qui s’enrichira à l’avenir d’une géographie de l’expérience.

C’était une fichue journée d’hiver où j’avais subi contrariété sur contrariété. Dans ces cas-là, rien de mieux qu’une ballade à travers le centre-ville où l’animation, les lumières, la foule anonyme et bienveillante permet d’effacer un à un chacun de nos soucis et d’oublier les tâches et les projets inaccomplis que la providence a entravés. Parvenu au tiers supérieur de la rue Verdaine, mes soucis ne s’étaient pas évaporés au contact du centre-ville mais transmués en une douleur qui me glaçait le dos, m’empêchant presque d’avancer. C’est que je n’avais pas trouvé la trace du divin dans le centre commercial à l’approche de Noël, plutôt le contraire.

Alors, j’obliquai sur la gauche, empruntant les degrés du Passage Mathurin Cordier. L’angoisse me taraudait encore, puis petit à petit, devant l’austérité, la sévérité, la profondeur du chemin de fossé aux galets luisants sous la pluie et une lumière blafarde, on lit la ville rêche, revêche, résistante, où d’autres ont bien plus souffert que soi dans les hauts murs de la prison qui dominent. Alors, je ressentis entre les puissants barreaux, toute cette compression de douleurs, de destins à jamais brisés, à côté desquels le mien ressemblait à de la pâte feuilletée. Cette espèce de virilité du lieu fit que la douleur s’en alla, comme absorbée par la peine infinie suintant des murs de la prison qui fait face au collège. La sauvagerie du sol non pavé, terre

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battue, rebattue, inondée ce soir, entourée de l’herbe folle des jardins, contenait une grande part de souffrance aussi. Je m’en suis imprégné et le lieu modifia la trajectoire de ma douleur, l’absorba pour ainsi dire dans ses pierres cinq centenaires.

Je crois que l’évaporation de la douleur tient en ceci : ici, c’est toute la cruauté et la barbarie qui se lisent dans ces pierres. Les hommes modernes ne sont pas moins cruels que ceux du Moyen Age, mais au lieu de pendre l’ennemi par les fers, de le battre, on le condamne à rester assis lors de séances où l’on cherche à l’humilier. Et sous les propos feutrés, le feutre des moquettes, sous la clarté des lampes économes en énergie – développement durable oblige – on brise les destins comme au Moyen Age, mais rien dans le décor n’exprime cette peine, rien ne permet de nous en consoler. Tout doit être lisse, sans bavure (les bavures sont cachées), et c’est pourquoi le décor moderne est incapable de nous consoler de la cruauté des hommes ; la mémoire est absente, invisible, le monde devient illisible.

N’est-ce pas là un problème de territorialité ?

Bibliographie

CLAVAL, Paul, 1981, La Logique des villes, Paris, Litec.

CORBOZ, André, 1987, « Non-City revisited », in La Ville inquiète, Le Temps de réflexion VIII, Paris, Gallimard, pp. 45-59.

LEVY, Bertrand, RAFFESTIN, Claude, 1999 (éds.), Ma ville idéale, Genève, Metropolis.

NOSCHIS, Kaj, 1984, Signification affective du quartier, Paris, Méridiens.

PEREC, Georges, 1974, Espèces d’espaces, Paris, Galilée.

PIVETEAU, Jean-Luc, 1995, « Le territoire est-il un lieu de mémoire ? », L’Espace Géographique, 2, pp. 113-123.

RAFFESTIN, Claude, 1977, "Paysage et territorialité", Cahiers de Géographie de Québec, 21/53-54, pp. 123-134.

RAFFESTIN, Claude, BRESSO, Mercedes, 1979, Travail, espace, pouvoir, Lausanne, L’Age d’Homme,

RAFFESTIN, Claude, BRESSO, Mercedes, 1982, « Tradition, modernité, territorialité », Cahiers de Géographie du Québec, 26/68, pp. 186-198.

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RAFFESTIN, Claude, 1985, Cours d'écologie générale et humaine, Cahiers Géographiques no 1, Université de Genève.

WUILLEMIN, Patricia, 2001, Une lecture géographique de Barcelone à travers deux œuvres : « Les rues de Barcelone » de F. Ledesma et « Vivre à Barcelone » d’A. Barey, Mémoire de licence, Département de Géographie, Université de Genève.

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