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Objets, parures, société, politique...: l'exemple de l'Âge du Fer
KAENEL, Gilbert
Abstract
L'auteur présente, dans une perspective historique, les différents angles sous lesquels les objets de la période de La Tène ont été perçus et étudiés. L'exemple le plus démonstratif est celui de la nécropole de Münsingen-Rain (canton de Berne) où, depuis bientôt un siècle, les chercheurs s'acharnent à faire parler les mêmes objets à travers le filtre de visées chronologiques, sociales, technologiques, économiques, démographiques, voire politiques.
KAENEL, Gilbert. Objets, parures, société, politique..: l'exemple de l'Âge du Fer. Bulletin du Centre genevois d'anthropologie , 1994, vol. 4, p. 23-41
Available at:
http://archive-ouverte.unige.ch/unige:101336
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1 / 1
Bulletin du Centre Genevois d'Anthropologie, 4, 1993-94, 23-41
<Objets inanimés, avez-vous donc une âme Qui s'attache à notre âme et
laforce
d'aimer?>Milly
ou la Terre natale, LamartineI82'l
RESUME
L'auteur
présente, dans une perspective historique'les différents angles
souslesquels les objets de la
période de La Tène ont été perçus et étudiés.L'exemple le plus démonstratif est celui de la nécropole
deMûnsingen-Rain
(canton de Berne)où,
depuis bientôtun
siècle,les
chercheurs s'acharnent àfaire parler
les mêmesobjets
àtravers le filtre de visées chronolo-
giques, sociales, technologiques, économiques, démo- graphiques, voirepolitiquesl. '
SUMMARY
The autor surveys,
from
ahistorical
standpoint, the various angles underwich
objects of the La Tène periodhave
been approached andstudied. The most telling
instanceis the necropolis of Mùnsingen-Rain, in
thecanton of Bern, where
scientists havefor nearly
one hundred years been desperatelytrying
to make the sameobjects
speakby
a recourseto chronological,
social, technological, economic, demographic,or
evenpoliti-
cal perspectives.
ZUSAMMENFASSUNG
Der Autor
erlâutertdie
verschiedenenBlickwinkel,
unter denenim Verlaufe
der Forschungsgeschichte dieOBJETS, PARURES, SOClÉnÉt,POLITIQUE...
UEXEMPLE DE UÂCN DU FER
GILBERT KAENEL
PAR
Fundgegenstânde der Latènezeit gedeutet worden sind.
Eindrùcklichstes Beispiel ist die Nekropole von
Mùnsingen-Rainim Kanton Bern. Ihre
Funde werden seit bald einem Jahrhundertmit
wechselnden chronolo- gischen, soziologischen, technologischen,wirtschaftli- chen, demographischen und sogar historischen
Fragestellungen immer wieder untersucht und stets aufs Neue zum Sprechen gebracht.
1. Ii objet
dela contribution
Nous
avonschoisi d'analyser plusieurs
manièresd'aborder et d'interpréter le(s)
message(s) contenu(s) danscertains objets
archéologiques,objets
d'études,sujets d'interprétations diverses, infinies
enthéorie
mais furtenrertl r'estrcitttes dattsla
pratique quotidiennedu
chercheur, car dépendant largement des développe- ments spécifiques de sa discipline.Il
nousa
semblé intéressant, dansle
cadre de cesréflexions
surI'objet,
de présenter un exposé dans uneperspective historique, qui permette,
àpartir d'un
exemple précis, d'apprécier les décalages ou les chan-gements d'optique intervenus en un peu plus d'un siècle. Nous nous limiterons
au Second âgedu
Fer, époque deLa
Tène (environ 450-15 av. J.-C.), en pre- nant comme référencele
cimetière de Miinsingen-Rain (canton de Berne),fouillé
entre 1904et
1906,qui
pré- sente, au traversde quelque deux
cents tombes, uneL'exposé présenté à Genève le 20 mars 1992 portait un titre légèrement différent : <<Tessons, parures, société, politique...".
Nous avons remplacé <<tessons>> par <objets>, compte tenu de I'extrait publié ici.
aÀ G. KAENEL
Revne A 1870 -1871.
1.3. 5, Nèc.opole de Marzâbotto.- 2,4.6, Cirùetières de la MaÙre
le
champ des recherches: les parures, à la
base des interprétations les plus fécondes, sont des paruresfémi-
nines.La
questionqui
se pose est celle dela
signification,au
senslarge, de cette <quincaillerie>,
des moyensqu'ont les
archéologuesde <faire parler>
ces objets, sous différents anglesd'investigation,
et deslimites
deleur
<jeu>interyrétatif
autour des objets eux-mêmes et du contexte de leur découverte.2.I.
Les débuts de l'archéologie celtique au 19e siècleLe
préhistorien raisonne essentiellementpar
analo-gie. Si,
aumilieu du
19e siècle,les premiers
archéo- logues (ou <Antiquaires> à l'époque) connaissaient parle biais
des auteurs del'Antiquité,
grecsou latins,
lenom d'un bon nombre des peuples celtiques
del'Europe préromaine, ils n'avaient pas les
moyensd'identifier leur culture matérielle faute d'échelles
chronologiques2. C'est l'organisation de grands congrès internationaux, dans les années 60/70du
siècle passé,qui
permettra aux fondateurs dela
Préhistoired'établir
une séquencechronologique, non
seulementrelative,
mais absolue d'entrée parle
recours à des dates histo- riques tirées du bassin méditerranéenou
deI'Italie
duNord,
et grâce àla
comparaisonet la
mise en relation des matériels archéologiques de régions différentes. Le 5e <Congrès d'anthropologie et d'archéologie préhisto- rique> setint
à Bologneen
1871 (le précédent avait eulieu
à Neuchâtelen
1866 ets'intitulait
<Congrès inter-national paléoethnologique>) ; c'est au cours d'une
excursion dansla cité
étrusque de Marzabotto, que lesparticipants,
àla suite du
célèbre savantfrançais
DeMortillet (avec le Neuchâtelois Desor et le Danois
Hildebrand,qui
proposerale nom
de <La Tène>> pourqualifier un faciès archéologique par opposition
à<Hallstatt>,
d'une
durée encoreimprécise) identifient
des <Gaulois> à Marzabotto : I'analogie entre lesmobi-
liers de Champagne et de Marzabotto est établie,le rac-cord
avecles
sourcesantiques, alors
omniprésentes, proposé(fig.
1)3.Les objets,
des épées, desfibules,
deviennent dès lors, avantd'avoir
été décrits,voire
étu- diés endétail,
porteursd'une signification
ethnique et chronologique précise : ce sont les armes et les parures portéespar
desGaulois ayant participé aux
célèbres migrationsdu
début du4e
siècle av. J.-C.qui ont fait
2.
Nous avons déjà abordé ces questions récemment, à I'occasion d'un Cours public de la Société suisse de préhistoire et d'archéologie (Kaenel 1990-1) et dans un numéro spécial d'<Archéologie suisse>> consacré aux Celtes et aux Helvètes (Kaenel 1991).3.
De Mortillet 1870-1871. Voir en outre les articles mentionnés à la note 2.PI. XXI I.
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Fig.
1. L'analogie entre les objets dela
Marne et ceux de Marzabotto est reconnue et interprétée: leurs porteurs sont des <Gaulois> (D'après De Mortillet 1870-1871).séquence d'une phase avancée de La Tène
A
à La Tène C2 (environ 420-180 av. J.-C.).2. Les objets de l'étude
Dans le cas particulier, le domaine funéraire,
l'archéologuetravaille
essentiellement surdu
matériel métallique, des parures et des armes, ces dernières étantplus
rares(rappelons la
quasi-absence de céramique dans les pratiques funéraires deLa
Tène ancienne et moyenne surle
Plateau suisse).Un
autre facteurlimite
\--
LOBJETS, PARURES, SOCIÉTÉ, POLITIQUE... 25
Fig.2.L'expansion
celtique et les migrations du début du 4e siècle av. J.-C., plusd'un
siècle après leur identification archéologique sur la base des objets (fig. 1) (D'après Nash 1985, fig. 3.2').trembler Rome. C'est le début de l'archéologie celtique
(fig.2)4.
2.2. Un
siècle de classement et d'études d'objetsAprès
cette reconnaissance auplus
hautniveau
del'explication
historique, onva
se préoccuper de classer(plus
que dedécrire)
les objets, en différentes catégo-ries
placées surles
axes dela
chronologie absolue et, surtout, de la chronologie relative.Pendant des décennies, ces classifications
ont
pour base quasi exclusivela
description des caractéristiques intrinsèques desobjets, à
coups d'analyses visuelles,morphologiques et stylistiques
enpremier lieu, voire
technologiques, souventintuitives
et peu ou pas du tout formalisées.La
<<guerre>> des chronologies et des terminologies(fin
duI9e
siècle-débutdu20e
siècle)Une
phased'élaboration
dela
chronologie relative dela période
deLa
Tèneintervient très
rapidement,dont les bases (encore valables un siècle plus tard) sont rapidement jetées
; la périodisation et Ia
terminologie donnentlieu
à d'incessantes retoucheset
à des affine- ments de détail.Dans cette étape de la recherche, on néglige le
contexte, I'ensemble clos, du moins on nel'invoque
pasexplicitement (tout comme Montelius classant à la
manièred'un
paléontologue les antiquités nordiques del'âge du
Bronzeet du
Fer,un
classementqui,
compte tenu de la masse d'objets, reste valide dans ses grandes lignes !).Les
objets sont donc jugés porteursd'une
informa-tion chronologique et on
se penche enparticulier
sur4.
C'est la prise de conscience du rôle de l'objet archéologique comme témoin de I'Histoire (avec un grand H) ; d'autre part cette question des migrations caltiques reste toujours présente à I'esprit des chercheurs préoccupés de fournir des synthèses : voir les travaux mentionnés ci-dessous, ou les cartes de Nash 1985 par exemple (fig.2).26 G. KAENEL
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Fig. 3.
<Fibules-objets> (extraites dumobilier
des tombes) deMiinsingen-Rain,
toutefois individualisées par la légende (D'après Wiedmer-Stern 1908, Taf. 7).l'évolution
desfibules,
des parures annulairesou
des épées.Les critères intrinsèques
retenus ressortissentbien aux définitions
proposéespar David Viollier
et résuméesdans son ouvrage de
synthèseen 1916,
àI'exemple emblématique
desfibules ; il joue sur
les registres de la technologie sommaire, de la morphologie et de la matière même del'objet.
<<La
fibule gauloise
sedistingue
enparticulier
decelle
dupremier
âgedu Fer par un ressort bilatéral
composé
d'un
même nombre de spires placées depart
et
d'autre
del'arc.
Pendant la première période, ou
La
Tène 1 (Frùh La Tène), /e pied de lafibule
se relève dansla
direction del'arc dont il
demeure indépendant; il
setermine soit par un
bouton,soit par un
disque, souventorné d'un
cabochon
d'émail
rouge ou de corail.Dans la
fibule
dela
seconde période, ouLa
TèneII
(Mittel La
Tène), les formes générales sontplus allon-
gées, lepied
vient sefixer
au sommet deI'arc à l'aide
d'unegriffe
oud'un
anneau.La
fibule de la troisième période, ou La
TèneIII
(Spât
La
Tène), présente desformes
encoreplus allon-
gées;
le piedfait
corps avecl'arc :
lafibule
a étéfon-
due d'une seule pièce.>>(Viollier
1916,6).Comme son
illustre
contemporain Jacob Wiedmer- Stern,le <fouilleur>
de Miinsingen,Viollier publie
lesobjets
par
classestypologiques,
enn'accordant
quasi aucun crédit (du moins avoué) au contsxte(fig.
3).Remarquons toutefois que Wiedmer-Stern
introdui- sait implicitement
des considérations extrinsèques enreconnaissant une organisation du cimetière et
un déplacement des inhumations dans le temps, du nord au sud.Dans ce contexte, il faut signaler la qualité
desfouilles
du cimetière deVevey-En
Crédeiles (quelques années avant Miinsingen, en 1898) et de sa publication, par I'architecteAlbert Naef
(premier archéologue can-tonal vaudois):
ce dernierfournit un plan du
site éla- boré,plus détaillé
quecelui
de Mùnsingen,et
surtoutfait
grand cas dela
position des objets surle
squelette,soit du contexte de la découverte (Befund)
avec des relevés de qualité,tout
en décrivant les objets (Funde) et en lesillustrant
par des dessins techniques excellents (et pas uniquement par des photos)(fig. a). Naef
était en avance sur son temps, ses préoccupations relatives au moded'inhumation ou
au costumedu
défunt refe- ront surface dans les années 60 du 19e siècle.<Stratigraphie horizontale> et <combinaison
statistique>
Après l'observation de Wiedmer-Stern
àMiinsingen, non formalisée, les opérations que l'on
OBJETS, PARURES, SOCIETE, POLITIQUE... 27
J.s-o.^La ctaf
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ro.t{ats /898appelle aujourd'hui <analyse spatio-temporelle>
et<sériation typo-chronologique>,
vont
se développer dès les années40
de cesiècle;
les premiers articles parais- sent en période de guerre. Citonstout d'abord pour
lePremier
âgedu Fer
unetabelle de Hartwig Zirn
en1942, tentant
pour
la premièrefois
de sérier sous cetteforme les fibules du Hallstatt final dans le Bade-
Wurtemberg5,et un article important d'Emil Vogt
en 1944à propos d'Arbedo-Ccrinasca au Tessin,
danslequel il parle (pour la
premièrefois à notre
connais- sance) destratigrafie
orizontale6. Ces tentatives pion-nières de sériation
reÇourentindistinctement à
des critères de niveaux variables, comme lerite
funéraire et les caractéristiques morphologiquesou
chronologiques des objets.Pour Mûnsingen, on assiste dès
le
début des années50 (et on continue
àle faire aujourd'hui)
àun
grand nombre d'exercices de stratigraphie horizontale, suite àI'intuition de Wiedmer-Stern, dont les visées
sont exclusivementd'ordre
chronologique : mentionnons lestravaux
de Ruprecht Giessleret
GeorgKraft en
1942 (publiés après la guerre en 1950), de Werner Krâmer en 1952,d'Ulrich
Schaaffen
1966, de FrankRoy
Hodsonen
1968et
deWerner Stôckli en
1975,qui
restituentune image du
développement dela nécropole
deLa
TèneA
àLa
Tène C2. Les propositions de Hodson oua
Stôckli sont en général admises et reprises par
les études suivantes, à quelques détails près, enfonction
des conceptions de tel ou tel auteur(fig.5
à 13).On
évoquera dansle
prolongement de cetype
de démarche, sans ambition d'exhaustivité, des travaux en générallimités
à une classe,voire
à un type bien parti- culier d'objets :Miiller
1989 (les torques à cabochons) ;Kaenel et
Mùller
1989 (les bracelets en verre); Miiller 1990 (les anneaux tubulaires ornés) ; Challet
1992(l'émail),
etc.Les premières tentatives de sériation automatique
Parallèlement aux
démarchestraditionnelles
évo- quées ci-dessus, et dansla
foulée des bouleversementsméthodologiques et épistémologiques
des années 60 issusdu
monde américainet
anglo-saxon,Frank
Roy Hodson poursuit une expérience à partir des données de Miinsingen: il va
confronter les associations de mobi-5.
Zirn 1942,'f abelle 3.6.
Vogt 1944, (repris dans la synthèse sur le Premier âge du Fer au Tessin, par Primas 1970, Abb. 31). Vogt avait retenu des critères appartenant à des classes sémantiques aussi différentes que :tombes à incinération - tombes à inhumation - fibules a navicellcL - fibules a drago - flbules La Tène I
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Fig. 4. La <fibule-objet>>, mais aussi la <tibule-contexte> à Vevey-Eir Crédeiles (D'après Naef 1901 et 1902-1903, fig. 85. Sépulture
N'27).
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Fig. 6. Mùnsingen-Rain (Berne). Les tombes datables. Cercles : la Tène Ia ; triangles : la Tène Ib ; triangles noirs sur pointe : la Tène Ic ; carrés : la Tène
II
(D'après Krâmer' 1952,Taf . 19, figure elle même reprise de Giessler et Kraft 1942, Abb.4).Fig. 7. Mùnsingen-Rain (Berne). Les tombes datables (D'après Schaaff 1966 Abb. 5).
G. KAENEL
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Fig. 8. Mûnsingen-Rain (Berne). Le développement spatial du cimetière au cours de la période de La Tène. Les diverses phases sont définies par des types de fibules (D'après Hodson 1968, fig. 4, à gauche, replis à but didactique par Collis 1984, 38, à droite, cf. fig.9).
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leur
position dans la nécropole etétablir
une matrice combinant types et ensembles clos, à la suite des permutations et de la diagonalisation obte-nue; elle
serapubliée
dansson ouvrage
consacré àMûnsingen (Hodson 1968)
(fig.
1a).En parallèle, il tente d'établir une sériation
desfibulcs par lc biais d'une procédure automatique
aveugle (Hodson 1970)(fig.
15).Compte tenu de la
définition
des types basée sur des critères métriques,dont ni le choix ni la
hiérarchie ne pouvaient être argumentés7, cet essai n'emportera pas laconviction
(peut-êtreintervenait-il trop tôt
dansl'his- toire du développement
desoutils informatiques
?),mais I'on s'y réfère toutefois
abondamment dans les ouvrages méthodologiquess.3. Le grand tournant des années
<<60>,ou de la chronologie
àla société
Au
cours de cette môme décennie,I'objet
que nous avonssuivi
entant
quetémoin
dela chronologie,
va être abordéd'un oeil différent: il
va devenirle
support et prétexte àl'étude
de différents aspects des structuresPhase U
sociales de la période de La Tène. Bon nombre de cher- cheurs avaient bien ressenti les
limites
d'une intetpréta-tion chronologique systématique pure et dure,
notamment à Mûnsingen, dont le développement spatial dans sa tendance générale nord-sud présentait quelques écarts :quid
dela
distinction des hommes, des femmes et des enfants, del'âge
des défunts, deleur
.<richesse>ou de leur statut social
manifestéspar les objets
de parure et les armes ?Werner Krâmer a en quelque sorte ouvert la voie en publiant la petite nécropole de Nebringen (au sud-ouest de Stuttgart)
en
1964. Sa démarche sera suivie et déve- loppée parUlrich
Schaaff à propos de la nécropole zuri-choise d'Andelfingen (déjà publiée plus de 50
ansauparavant par David Viollier) et en essayant
de 1'appliquer à Miinsingen :il s'agit
de distinguerle
sexe7.
C'est ainsi que les fibules de La Tène A et celles de La Tène 82, àplus d'un siècle d'écart, se trouvent très proches de par leurs caractéristiques morphologiques et métriques.
8.
Du volume <L'archéologie aujourd'hui>, article de Cleuziou et Demoule 1980, 114, à la synthèse méthodologique de Djindjian 1991,'73, 101, où la sériation de Hodson, Sneath et Doran 1966 est reproduite.e
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Fig. 9. Mûnsingen-Rain (Berne). Fibules caractéristiques des diverses phases de développement du cimetière (D'après Collis 1984, 38, cf. fig. 8).
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Fig. 10. Mi.insingen-Rain (Berne). Les tombes datables (D'après Stôckli 1975, Abb. l7).
Fig. 11. Mûnsingen-Rain (Berne). Répartition des différents types de bracelets en verre de La Tène C (D'après Kaenel et Mûller 1989, fig.8).
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Fig. 12 Mûnsingen-Rain (Berne). Bracelets tubulaires en bronze. Gros cercles: bracelets lisses ou légèren-rent côtelés; étoiles bracelets à larges côtes (D'après Mtiller 1990, fig. 4).
Fig. 13. Mûnsingen-Rain (Berne). Répartition spatiale des ornements comportant du verre opaque et du corail. Gros points noirs verre opaque rouge ; cercles demi-remplis : verre opaque rouge et corail ; cercles : corail (D'après Challet 1992,fig.5e).
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Fig. 14. Extrait de la tabelle chronologique de Mùnsingen-Rain (D'après Hodson 1968, pl. 123).
OBJETS, PARURES, SOCIETE. POLITIQUE.,.
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des inhumés et
leur
âge,tout
en mettant en valeur des<objets>
particuliers
et exceptionnels au sein du mobi-lier
funéraire. Toujours par analogie dans la répartition des critères choisis etleur
répétition, onfranchit le
pas del'interprétation
au plan de la société etI'on
parle, par exemple,de
<familles>>pour les
groupesainsi
définis(fig. l6).
Schaaff a bien montré les
difficultés
rencontrées par cetype
d'analyseet
les différencesqui
surgissent, parexemple à Andelfingen (fig. l7), et surtout pour la
grande nécropole de Mûnsingenqui
semble obéir à des règles différentes ettlifficiles
à tléceler(fig.
18).Stefanie
Martin-Kilcher
prolonge cette démarche en 1973 (puis enl98l
à partir de Vevey) en essayant d'une part de restituerle
costume des défunts, d'autre part dedéduire
certaines constances,voire
des règles dans leport des <objets>
considéréscomme éléments de
la parure, de I'armement ou comme des offrandes(fig.
19).Ingo Stork en
1972173,puis
Pavel Sankoten
1980multiplient
les tests dans cette optique de restituer une organisation sociale et tentent dedéchiffrer le
code designification
des objets, notamment des objets précieux(fig.20).
Les
mêmesobjets vont être soumis
à des critères quantitatifs par Peter S.Wells
en 1984,qui
s'attache de manière mécanique au nombre d'objets par tombe(fig.
2I),
et par PeterHinton, en
1986,qui
pondère ces cal- culs en introduisant des <unités>> de valeur (très subjec- tives et schématiques,il
faut le reconnaître), basées sur le temps estimé nécessaire à la réalisation des différentsFig. 15. Classification automatique de 30 fibules de Mûnsingen-Rain, groupées par valeur de ressemblance; les symboles représentent la datation <<estimée
la
meilleule>, de l'ancien (celcle ouvert) au récent (cercle plein) (D'après Hodson 1970,fi9.2).éléments
(fie. 22). L'ingéniosité mise
enjeu par
les archéologuesconfrontés aux objets
est apparemmentsans bornes, mais ils n'ont toujours qu'un seul Mùnsingen
àdisposition,
dansune
zoned'étude
auxlimites
raisonnables; la validation
des interprétations proposées devient de plus en plus inaccessible.4. De la société
àl'ethnie, et
àI'individu
Nous avons donc suivi I'objet qui, de
référencechronologique quasi exclusivcmcnt (cn intégrant
les aspects de sa réalisation technologiqueil
estvrai),
est devenul'un
des supportsprivilégiés
des tentatives derestitution
deI'organisation
dela
société en groupes,<familles>, ou
<<statuts>particuliers
(avecI'aide
des pratiques funéraires que nous n'abordons pasici).
Tout en gardant à 1'espritl'idée d'une
hiérarchie latentedif- ficile
à cerner (réminiscence consciente ou inconsciente des textes des auteurs antiques),I'archéologue va
seservir
del'<objet>
commefacteur d'individualisation
de peupleset de
personnes <<hors norme>>. Certaines parures vontjouer
Ierôle d'une
<carted'identité>
per- mettant d'accéder à uneexplication
en termes d'<eth- nie>>et de géographie, et ainsi d'identifier
desdéplacements de personnes: Venceslas
Kruta
essaye, dansles
années80, de
<<suivreà la trace>
certaines femmesqui
arborentun port
de parures <réglementé>au 4e ou au début du 3e siècle av. J.-C.,
différent
d'unerégion
àI'autre (Kruta 1983; 1985;
1987).Une
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Fig. 16. Nebringen (Kreis Bôblingen). Répartition des sexes, des <familles>, et des objets exceptionnels (D'après Krâmer 1964, Beilage 2, 3).
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Fig. 17. Andel|ngen (canton de Zurich). Hommes, femmes, enfants et parures particulière (D'après Schaaff 1966, Abb. 1, 2).
comparable a été suivie par Herbert Lorenz
en
1978 ou en 1986. Sans rappelerici
l'argumentation de Kruta par exempleg, nous constatons simplement quel'objet
sert de support àf
interprétation des mouvements de popu-lations entre Europe occidentale, Italie du Nord
ou monde danubien.On revient en fait, armé d'une argumentation patiemment fourbie en plus d'un siècle d'étude d'objets, aux premières intuitions géniales des
DeMortillet,
Desorou Hildebrand en
1871, évoquées en début d'exposé(voir tie. l-2).
L'objet
(par exemple lafibule
de tel type, associée àtelles parures annulaires) devient donc un facteur d'identité culturelle,
sociale et ethnique.Il
permet éga- lement de distinguerle <différenb
etl'<autre>
au sein des communautés envisagées.Des
personnages <<hors norms>>: c'est avant tout Ludwig Pauli qui
poursuit cette pisteen
1975 àpartir
du Dùrrnberg près deHallein
enAutriche,
en intégrantMûnsingen à
ses recherches.Il construit un
modèle basé surI'interprétation d'objets
àvaleur
d'amulettes, dontil
énumère plusieurs catégories(fig.
23)10.Il
pro-pose
la restitution d'un
scénario ambitieux, historique,9.
A I'exemple des tombes de Villeseneux et Pogny dans la Marne, àpartir desquelles I'auteur propose de reconnaître <f impact de
l'immigration de groupes danubiens vers ls second quart du 3e siècle av. J.-C.> (Kruta 1983,75).
10. Pauli 1975,116-135. La valeur d'amulene est ainsi attribuée à des objets dont la forme ou I'aspect est particulier, des pendeloques et même des perles en verre ou en ambre, des objets en matière précieuse, rare, ou des curiosités.
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Fig. 19. Miinsingen-Rain (Berne). Les tombes féminines bien dotées en parures (D'après Martin-Kilcher 1973, Abb.2).
social autant qu'économique et politique, affectant
I'ensemble del'<Europe>
au tournantdu
5el4e siècle av. J.-C., et culminant avec 1'effondrement de I'ancien mondehallstattien avec
ses<principautés> suivi
desmigrations du
déhut deLa
Tène. T,es amtrletfes dansleur rôle de protection des morts, attribuées à
desfemmes,
desjeunes-filles et
desenfants avant tout,
seraient le témoin d'une période troublée, de crise, aug- mentée par uneforte
explosion démographique (mani- festéepar
unemortalité infantile
exceptionnelle selonHinton
1986,Table 2; fig. 2). Voilà, toujours
sur la base des mêmesobjets,
uneexplication qui s'élève
à évaluerl'équilibre
de I'ensemble du monde occidental.En parallèle, les chercheurs se penchent sur certains
individus
aux <objets>> particuliers, exotiques pourrait- ondire.
Certains vontjusqu'à identifier
des étrangers:Werner Krâmer l'avait déjà fait
àpropos
defibules
<tessinoises> du 3e ou 2e siècle av. J.-C., mises au
jour sur I'oppidum
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Fig. 18. Mùnsingen-Rain (Berne). La distribution des enfants, avec un groupement privilégié au nord dans la zone La Tène A, et plus bas dans une zoneLa Tène
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82 (voire C1), soit quelques générations plus tard (D'après Schaaff 1966, frg.6, voir fig. 7).FIBEI-N
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Fig.
20. Mûnsingen-Rain (Berne). Les tombes féminines à bagues en or (1), en argent (2) et en électrum (3) combinées àd'autres critères, quantitatifs, de <richesse> (D'après Stork
19',72/'73, Abb. 3).
Number ol obiects per gravo
Fig.21.
Mùnsingen-Rain (Berne). Distlibution du nombre d'objets dans les différentes tombes de la nécropole (D'après Wells 1984,42).tombe de Niederwichtrach
dansle canton
de Berne (Krâmer 1961).Ludwig
Pauli, également, retient ce moded'explica- tion à propos de JeniSùv Ûjezd en Bohême ou
duDiirnberg (Pauli
1978).C'est
enfait Hartmut
Polenzqui ira le plus loin
danscette voie
enproposant,
en 1982,d'interpréter
les tombes à monnaiesdu
3eet
du 2e siècle av. J.-C. comme des tombes féminines, trahis- santla
présence d'étrangères,du
Sud(d'où la
pratique deI'obole
à Charon est originaire).Il considère en effet cette coutume comme
un témoignagetangible
despratiques
deI'exogamie
enmilieu celtique (évoquée par de nombreux textes antiques). A Mtnsingen,
aucunetombe n'a livré
demonnaie,
en revancheon en a trouvé
dans quelques tombes des çnvirons de Berne ou dulittoral
lémanique,dont une tombe à incinération du début
deLa
Tènefinale (fin du 2e
siècleav.
J.*C.)à
St-Sulpice dans le canton de Vaud.A
Ia suite de Polenz, nous avons inter- prété cette dernière, avec prudenceil
estvrai
(Kaenel1990-2,301), comme une femme, peut-ôtre du
Sud,<mariée> et incinérée en terre vaudoise... L'étude
anthropologique récemment fournie parMarcello
Porro r2o' ,rnKIESGRUBË
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Fig. 22. Mùnsingen-Rain (Berne). <Unités de valeur> attribuées aux différents types d'objets et de matériaux (D'après Hinton 1986, Table 1).
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Fig.23. Miinsingen-Rain (Berne). Les amulettes, dans les tombes de femmes et d'enfants de La Tène A en majorité (D'après Pauli 1975,Tabelle 2).
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montre en
fait qu'il s'agit d'un
enfant, de sexe bien sûr indéterminé, âgéd'environ 6
ans.Voilà qui
relativise nos velléités d'interprétation élevée àpartir
d'<objets>particuliers !
Nous ne voudrions pourtant pas terminer sur une note négative et rappeler que nous avons persisté dans cette
interprétation
à proposd'une
tombe àinhumation
(de femme cette fois-ci!) à monnaie, à peu près contemporainede celle de St-Sulpice, et mise
aujour en 1990
à Lausanne-Vidy (Kaenel etMoinat 1992,28);
dans l'état de nos connaissances,il
faut toutefois bien reconnaître que cette proposition tient plus d'un acte defoi, difficile
voire impossible à valider, que d'une explication déduite à partir d'observations patiemment accumulées, clairement forma- lisées, et dont I'objet est au centre du raisonnement.5.
Et
àloavenir
?S'il
estclair
que les générations d'archéologues quivont
se succéder poursuivront les études du 20e siècle, en améliorant etaffinant
lesobjectifs
et les techniquesBIBLIOGRAPHIE
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derde l'enquête, de nouveaux aspects des objets, témoins de
la vie
des Celtes de Mùnsingen dansle
cas particulier,vont
être abordéset
analysés, aspects que ne pouvonstout
simplement pas encoreimaginer... L'objet-forme,
I'objet-style, I'objet-chronologie, 1'objet-société,I'objet-
peuple,I'objet-communication vont
encore se diversi-fier. Mentionnons certaines voies qui s'annoncent
prometteuses:
I' obj et-matériau,
I' obj et-technolo gie,I'objet-tradition
artisanale, enrichiespar I'archéologie
expérimentale,ou
encoreI'objet-produit utilitaire
ouornemental, I'objet-utilisé, -cassé ou -sacrifié,
àl'exemple
des ensembles cultuelsdu
nord dela
France(Brunaux, éd. l99l), qui ont apporté
aucours
des 2 décennies écoulées un renouveau appréciable à certains aspects de 1' archéologie celtique.Schweiz. Ber. der Rômisch-Germanischen Komm., 32, 20-115.
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