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L'influence de la Banque mondiale sur les politiques d'éducation de base en Afrique de l'Ouest francophone: les cas du Mali et du Sénégal de 1980 à 2010

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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Thesis

Reference

L'influence de la Banque mondiale sur les politiques d'éducation de base en Afrique de l'Ouest francophone: les cas du Mali et du

Sénégal de 1980 à 2010

LAUWERIER, Thibaut

Abstract

La Banque mondiale est un acteur clé dans le secteur de l'éducation de base en Afrique de l'Ouest francophone, notamment par l'expertise ou les conditionnalités liées aux financements, et à travers elles l'idéologie qu'elle répand. Toutefois, malgré une littérature abondante, la majeure partie des études académiques critiques ne prend pas en compte la complexité des processus de développement des politiques éducatives. En particulier, l'analyse critique de l'action d'une organisation internationale doit toujours être contextualisée pour pouvoir saisir de manière rigoureuse son influence réelle. Elle n'a de sens qu'en la mettant en résonance avec des contextes nationaux, et en parcourant l'évolution dans le temps. Ainsi, tout l'enjeu de cette recherche a été de saisir finement l'influence de la Banque mondiale en proposant des outils théoriques et méthodologiques peu appréhendés dans la littérature critique sur l'institution pour arriver à des données qui permettent de qualifier plus précisément l'influence à partir de contextes spécifiques, à savoir au Mali et au Sénégal de 1980 à [...]

LAUWERIER, Thibaut. L'influence de la Banque mondiale sur les politiques d'éducation de base en Afrique de l'Ouest francophone: les cas du Mali et du Sénégal de 1980 à 2010. Thèse de doctorat : Univ. Genève, 2013, no. FPSE 550

URN : urn:nbn:ch:unige-307569

DOI : 10.13097/archive-ouverte/unige:30756

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:30756

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Thèse No 550 – Genève 2013

L’INFLUENCE DE LA BANQUE MONDIALE SUR LES POLITIQUES D’EDUCATION DE BASE

EN AFRIQUE DE L’OUEST FRANCOPHONE LES CAS DU MALI ET DU SENEGAL DE 1980 A 2010

Thibaut Lauwerier

Présentée à la

Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation de l’Université de Genève

pour obtenir le grade de Docteur en sciences de l’éducation

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Directeur de thèse

Abdeljalil Akkari, Université de Genève

Composition du jury

Maryvonne Charmillot, Université de Genève Stefania Gandolfi, Université de Bergame Siegfried Hanhart, Université de Genève Marie-France Lange, IRD, Paris

Sobhi Tawil, UNESCO, Paris

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TABLE DES MATIERES

LISTE DES FIGURES ET TABLEAUX 4

LISTE DES ABREVIATIONS 6

INTRODUCTION 8

CADRE DE LA RECHERCHE 11

1. CONTEXTE DE LA RECHERCHE 12

1. La Banque mondiale 12

2. L’Afrique de l’Ouest francophone : le Mali et le Sénégal 17

2. ETAT DE LA QUESTION 39

1. Typologie de la littérature 39

2. Les orientations de la Banque mondiale 40

3. Le poids de la Banque mondiale 52

3. CADRE THEORIQUE ET PROBLEMATIQUE 63

1. Au-delà du modèle néomarxiste 63

2. Les dynamiques des politiques éducatives dans un contexte de la globalisation 66 3. La recherche comparée et le glonacal agency : une réponse à ce défi 74

4. Les questions de recherche 82

4. METHODOLOGIE 84

1. La méthode comparée 85

2. La production de données 87

3. Le traitement des données 95

RESULTATS 100

5. ORIENTATIONS DE LA BANQUE MONDIALE 101

1. Les finalités de l’éducation 101

2. La scolarisation universelle 109

3. La condition des enseignants 118

4. La formation des enseignants 122

5. Les langues nationales 125

6. La décentralisation et la privatisation 129

6. ORIENTATIONS DE L’ETAT 137

1. Les finalités de l’éducation 137

2. La scolarisation universelle 142

3. La condition des enseignants 147

4. La formation des enseignants 150

(5)

5. Les langues nationales 152

6. La décentralisation et la privatisation 155

7. MOYENS D’ACTION DE LA BANQUE MONDIALE 160

1. Les financements 160

2. Les conditionnalités 175

3. L’expertise 188

8. MOYENS D’ACTION DE L’ETAT ET DES ACTEURS LOCAUX 200 1. L’Etat, principal bailleurs des politiques d’éducation de base 200

2. Des contextes multi donneurs 207

3. La nécessaire négociation 212

4. Des politiques fondées sur les choix de l’Etat 216

5. Quasi absence de la Banque mondiale au niveau local 220

6. La résistance des acteurs locaux 225

7. Pratiques inefficientes des acteurs étatiques et locaux 230

9. RECONTEXTUALISATION DES ORIENTATIONS 234

1. La scolarisation universelle 234

2. La condition des enseignants 240

3. La formations des enseignants 243

4. Les langues nationales 247

5. La décentralisation et la privatisation 250

SYNTHESE GENERALE 255

CONCLUSION 273

BIBLIOGRAPHIE 280

ANNEXES 301

(6)

LISTE DES TABLEAUX ET FIGURES

Tableau 1. Prêts de l’IDA par secteur (% du total) 16

Tableau 2. Indicateurs socioéconomiques du Mali et du Sénégal 23 Tableau 3. Principales réformes politiques d’éducation au Mali et au Sénégal 26 Tableau 4. Taux nets de scolarisation dans le primaire au Mali et au Sénégal (%) 29 Tableau 5. Taux nets de scolarisation dans le primaire par sexe au Mali et au Sénégal (en %) 30 Tableau 6. Indicateurs de la qualité de l’enseignement fondamental au Mali et au Sénégal 33 Tableau 7. Score moyen PASEC des acquis des élèves au Mali et au Sénégal (en %) 34

Tableau 8. Langues du Mali et du Sénégal 38

Tableau 9. Tendance des prêts de la Banque mondiale dans l’éducation 54 Tableau 10. Quelques réformes dans l’éducation en Afrique subsaharienne et leurs initiateurs 61

Tableau 11. Nouvelles orientations de 1999 à 2005 132

Tableau 12. Projets et programmes d’éducation de base impliquant majoritairement la Banque

mondiale au Mali 167

Tableau 13. Projets et programmes d’éducation de base impliquant majoritairement la Banque

mondiale au Sénégal 168

Tableau 14. Valeurs-cibles de la Banque mondiale dans le secteur éducatif 195

Tableau 15. Les documents institutionnels 302

Tableau 16. Les entretiens 304

Tableau 17. Publications de la Banque mondiale sur l’éducation de base au Mali et au Sénégal de

1980 à 2010 314

Tableau 18. Bonnes pratiques en Afrique subsaharienne. Le cas du Zimbabwe 315

Figure 1. De grandes disparités entre urbains riches et pauvres 31 Figure 2. Vision complexe de l’influence de la Banque mondiale 74

Figure 3. Schématisation du modèle « glonacal agency » 79

Figure 4. Formalisation de l’analyse selon le modèle interactif en trois temps 97 Figure 5. L’importance de l’éducation selon la Banque mondiale 103 Figure 6. Prêts de la Banque mondiale à l’éducation par sous-secteur, exercices 1963-1998, exprimés en volume annuel moyen des prêts de 1963 à 1998 (millions de dollars US) 162 Figure 7. Nouveaux engagements de la Banque mondiale à l’éducation par sous-secteur, exercices 1990-2010, exprimés en volume annuel moyen des prêts (millions de dollars US) 163 Figure 8. Engagements de la Banque mondiale dans l’éducation par région de 1963 à 1998 (en

(7)

millions de dollars US courants) 165 Figure 9. Engagements de la Banque mondiale en Afrique par sous-secteurs de 1990 à 2010 (en

millions de dollars US courants) 166

Figure 10. Part des financements de la Banque mondiale par rapport aux financements internationaux

dans le secteur éducatifs (en millions $US) 171

Figure 11. Sources et montants des financements destinés au Programme d’Investissement Sectoriel

en Education au Mali (PISE I) (en millions $US) 203

Figure 12. Sources et montants des financements destinés au Programme d’éducation pour tous de

qualité au Sénégal – Phase I (en millions $US) 205

Figure 13. L’influence de la Banque mondiale. L’exemple de la condition des enseignants 271 Figure 14. Projets/programmes de la Banque mondiale au Mali dans l’ensemble des secteurs à la fin

des années 2000 (montants engagés en millions $US) 311

Figure 15. Projets/programmes de la Banque mondiale au Sénégal dans l’ensemble des secteurs à la

fin des années 2000 (montants engagés en millions $US) 312

Carte 1. Afrique de l’Ouest 18

Carte 2. Ratio élèves par maître au niveau régional au Mali en 2007-08 36 Carte 3. Ratio manuels par élèves au niveau régional au Mali en 2007-08 37

Photographie 1. Une école de Mopti inondée 92

Photographie 2. Intervention financière de la Banque mondiale (IDA) dans la construction d’un

centre de formation pour enseignants 313

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LISTE DES ABREVIATIONS

ACDI – Agence canadienne de développement international

ADEA – Association pour le développement de l’éducation en Afrique AFD – Agence française de développement

AOF – Afrique-Occidentale française APC – Approche par compétences

ASDI – Autorité suédoise pour le développement international BAD – Banque africaine de développement

BID – Banque interaméricaine de développement

BIRD – Banque internationale pour la reconstruction et le développement CAF – Centre d’alphabétisation fonctionnelle

CAFE – Centres d’apprentissage féminin CAP – Centre d’animation pédagogique CE – Cours élémentaire

CED – Centre d’éducation au développement CFP – Centre de formation pédagogique CI – Cours d’initiation

CIRDI – Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements CM – Cours moyen

CP – Cours préparatoire

CPIA – Country Policy and Institutional Assessment CVC – Compétences de vie courante

DSRP – Documents de stratégie pour la réduction de la pauvreté EFI – Ecoles de formation des instituteurs

ENS – Ecole normale supérieure EPT – Education Pour Tous

FCFA – Francs des Colonies françaises d’Afriquew FMI – Fonds monétaire international

FNUAP – Fonds des Nations unies pour la population IDA – Association internationale de développement IDE – Indice de Développement de l’Education pour tous IFC – Société financière internationale

(9)

IFM – Instituts de formation des maîtres INA – Institut National des Arts

MIGA – Agence multilatérale de garantie des investissements

OCDE – Organisation de coopération et de développement économiques OMC – Organisation mondiale du commerce

OMD – Objectifs du Millénaire pour le Développement ONG – Organisation non gouvernementale

OUA – Organisation de l’Unité Africaine PAS – Programmes d’ajustement structurel PED – Pays en développement

PIB – Produit intérieur brut

PTF – Partenaires techniques et financiers

PISE – Programme d’investissement du secteur de l’éducation PDEF – Programme Décennal de l’Education et de la Formation PLP – Politiques de Lutte contre la Pauvreté

PNB – Produit national brut

PNUD – Programme des Nations Unies pour le Développement PRODEC – Programme Décennal de Développement de l’Education

SABER – World Bank’s System Assessment and Benchmarking for Education Results UNESCO – Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture UNICEF – Fonds des Nations unies pour l’enfance

USAID – Agence américaine pour le développement international VIH – Virus de l’immunodéficience humaine

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INTRODUCTION

La Banque mondiale est un acteur clé dans le secteur de l’éducation de base en Afrique de l’Ouest francophone, notamment par l'expertise ou les conditionnalités liées aux financements, et à travers elles l’idéologie qu’elle répand. Toutefois, malgré une littérature abondante, la majeure partie des études académiques, notamment avec une approche sociopolitique, ne prend pas en compte la complexité des processus de développement des politiques éducatives. En particulier, l’analyse critique de l’action d’une organisation internationale doit toujours être contextualisée pour pouvoir saisir de manière rigoureuse son influence réelle. Elle n’a de sens qu’en la mettant en résonance avec des contextes nationaux, et en parcourant l’évolution dans le temps.

Ainsi, j’ai choisi pour ma recherche d’étudier le Mali et le Sénégal. C’est dans des pays relativement similaires à différents points de vue qu’il est possible de percevoir les similitudes et les différences dans le déploiement de l’influence. Cette perspective comparative, je l’ai également abordé à travers différentes périodes : je me suis intéressé à l’action de la Banque mondiale de 1980 à 2010. Le début de cette période correspond à l’intervention grandissante de l’organisation en Afrique subsaharienne. Ma volonté d’inscrire l’influence de l’organisation dans le temps correspond au fait que je considère que celle-ci n’est pas stable, monolithique.

Il s’agit d’une thèse principalement orientée qualitativement. J’avais comme principal outil de récolte de données des entretiens semi-directifs avec des acteurs à différents niveaux : Banque mondiale, ministères de l’éducation et acteurs locaux (responsables administratifs régionaux, directeurs d’école et enseignants). J’ai également procédé à l’analyse de documents institutionnels provenant de la Banque mondiale et des ministères.

Tout l’enjeu de cette recherche a donc été de saisir finement l’influence de la Banque mondiale en proposant des outils théoriques et méthodologiques peu appréhendés dans la littérature critique sur l’institution pour arriver à des données qui permettent de qualifier plus précisément l’influence à partir de contextes spécifiques, à savoir au Mali et au Sénégal de 1980 à 2010.

(11)

Cela m’a permis d’être plus au clair avec le processus de développement de ces politiques éducatives dans la région étudiée. La réalité du terrain montre, dans chaque contexte, une complexité qui va au-delà de visions simplistes sur l’influence que peut avoir une organisation internationale. Le but de cette recherche n’a cependant pas été de sous-estimer la forte influence de la Banque mondiale dans la région étudiée, ni même de laisser penser que la doctrine qu’elle répand, souvent contradictoire, n’est pas sans conséquence.

Afin de guider le lecteur, il me paraît utile dans le cadre de cette introduction de présenter la structure générale de cette recherche.

Le texte est composé en trois parties. La première partie porte sur le cadre de la recherche.

Elle commence par un chapitre sur le contexte de la recherche, et plus particulièrement sur la présentation de la Banque mondiale (ses origines, ses types d’interventions). Puisque cette étude concerne spécifiquement le Mali et le Sénégal, les contextes de ces deux pays sont décrits à travers leur histoire, leur situation sociale, économique et politique, et bien sûr, leur système éducatif. Pour ce dernier point, je propose un bref aperçu de la situation de l’éducation de base, notamment des défis de l’accès et de la qualité.

Le second chapitre a pour objectif de faire l’état de la question grâce à l’apport d’une littérature abondante sur l’influence de la Banque mondiale, en particulier en Afrique subsaharienne et sur les politiques éducatives. Cela m’a amené à élaborer le troisième chapitre qui pose le cadre théorique de la recherche et constitue un élément majeur pour repenser l’influence de la Banque, ainsi que la problématique qui guide l’analyse. Pour répondre aux questions de recherche, je présente dans un quatrième chapitre une méthodologie appropriée qui là aussi permet d’aborder l’influence de la Banque mondiale de manière novatrice.

La deuxième partie de la recherche a pour but de présenter, à travers cinq chapitres qui reprennent les axes abordés dans les questions de recherche, les résultats issus de l’analyse des données produites.

Je propose enfin une troisième partie dont l’objectif est d’abord d’établir une synthèse générale. C’est dans ce chapitre qu’est effectuée l’analyse globale de l’influence de la Banque mondiale sur les politiques nationales d’éducation de base en Afrique de l’Ouest francophone.

(12)

Pour ce faire, je réponds aux questions de recherche, pour finalement qualifier l’influence de la Banque mondiale.

Cette partie se termine par un dernier chapitre de conclusion qui est l’occasion de rappeler les principaux apports et limites de cette recherche. Il s’agit également de suggérer des pistes pour approfondir les recherches sur cette thématique, et d’apporter une réflexion plus générale sur le rôle de la coopération internationale en Afrique subsaharienne dans les politiques éducatives.

Je souhaite à présent conclure cette brève introduction par une série de remerciements.

Je remercie en premier lieu mon directeur de thèse, Abdeljalil Akkari, qui m’a d’abord permis de travailler sur un sujet passionnant. Il a été très présent tout au long du processus de cette recherche. Par son regard critique et constructif, j’ai pu sans cesse améliorer ce travail.

Je remercie également les membres de la commission, Maryvonne Charmillot, Siegfried Hanhart et Marie-France Lange qui m’ont régulièrement aidé à orienter cette recherche. Ils n’ont pas hésité à donner de leur temps pour une lecture approfondie des textes qui leur ont été soumis. Je salue la contribution des membres du jury, Stefania Gandolfi et Sobhi Tawil, qui a été significative pour l’aboutissement de ce travail.

Je tiens à remercier mes collègues de l’Université de Genève qui m’ont également beaucoup apporté à travers les échanges. En particulier, je peux mentionner l’apport des Etudes doctorales en sciences de l’éducation (EDSE).

Mes remerciements les plus chaleureux sont destinés aux personnes que j’ai eues l’immense chance de rencontrer sur le terrain, et qui ont donné vie à cette recherche. Je leur suis d’une grande gratitude pour m’avoir ouvert leur porte sans rien demander en retour à part le souhait de partager. J’espère avoir été fidèle à ce qu’elles m’ont dit, et pouvoir revenir vers elles dans le futur.

Je remercie enfin ma chère épouse, Anaïs, pour son soutien et ses encouragements permanents, et mon fils, Aristide, qui a vu le jour pendant l’élaboration de la thèse. Il m’a permis de trouver une nouvelle force pour aller jusqu’au bout de ce travail.

(13)

CADRE DE LA RECHERCHE

(14)

1. CONTEXTE DE LA RECHERCHE

L’objectif de ce chapitre est de présenter le contexte de ma recherche. Je décrirai succinctement la Banque mondiale puisque son action sera largement présentée dans la revue de la littérature. Je me concentrerai ensuite sur le cas de l’Afrique de l’Ouest francophone, et particulièrement sur le Mali et le Sénégal qui sont au cœur de ce projet. J’insisterai sur les aspects historiques, politiques, sociaux et économiques des pays, et je donnerai quelques indicateurs de la situation de l’éducation de base. Dans la mesure du possible, je proposerai des données couvrant les trois décennies de la recherche, de 1980 à 2010.

1. La Banque mondiale

La Banque mondiale a été créée en 1945 au lendemain de la Seconde guerre mondiale, après la signature des accords de Bretton Woods. En effet, son nom initial était la « Banque internationale pour la reconstruction et le développement », et sa mission à sa création portait sur l’aide aux pays d’Europe et au Japon, détériorés par la guerre, pour qu’ils puissent se reconstruire. Ainsi, le premier prêt octroyé par la Banque en 1947 était destiné à la France.

Ce n’est qu’au lendemain des décolonisations, dans les années 1950-60, qu’elle s’est intéressée aux pays en développement pour leur permettre de lancer leur croissance économique. Elle est intervenue principalement en Amérique latine et en Asie, ce qui n’est pas sans lien avec les intérêts des Etats-Unis, très influents au sein de la Banque mondiale.

Celle-ci a mené progressivement des actions en Afrique pour en devenir finalement un acteur majeur du développement dans la région. D’ailleurs, avant 1961, la structure de la Banque traitant de l’Afrique était la même que celle pour l’Europe et l’Australie. Il y a eu un intérêt croissant à octroyer des prêts dans les pays du continent, notamment pour faire barrage à l’expansion soviétique (Gwin, 1994).

La Banque mondiale fait partie des institutions spécialisées du système de l’Organisation des Nations unies. Le siège de la Banque est situé à Washington, mais elle possède également une multitude de bureaux régionaux ou nationaux, ce qui est le cas au Mali et au Sénégal.

Son président est élu pour cinq ans par le Conseil des Administrateurs de la Banque. En réalité, il est nommé tacitement par l’administration américaine. De même que le président du

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Fond monétaire international (FMI), autre institution de Bretton Woods, est nommé au niveau de l’Europe. Les trois derniers présidents de la Banque ont effectivement été choisis par les présidents des Etats-Unis. Depuis 2007, Robert Zoellick était aux fonctions, c’était un proche de l’administration Bush. Il avait succédé à Paul Wolfowitz, accusé de corruption, au moment même d’ailleurs où l’organisation faisait de la lutte anticorruption un cheval de bataille. Jim Yong Kim, douzième président, entré en fonction le 1er juillet 2012, a été désigné par Barack Obama. A noter que c’est le premier président de la Banque mondiale à n’être ni un économiste ni un diplomate, mais un anthropologue. Il sera d’ailleurs intéressant de se demander à la fin de son mandat si cette posture lui aura permis d’infléchir les orientations de la Banque mondiale. Quoi qu’il en soit, cette présence forte de l’administration américaine dans les choix des postes clés ne sera pas sans incidence sur les positions idéologiques de l’organisation, d’où l’intérêt d’insister sur ce point (Gilbert & Vines, 2000).

Par ailleurs, en principe, les orientations de la Banque sont supposées refléter la volonté des pays membres. Mais la réalité est différente puisque les priorités semblent correspondre à celles insufflées par les Etats-Unis. En effet, la répartition du vote au sein de la Banque est basée sur les mesures du revenu national, des réserves de change et des contributions au commerce international. C’est le fameux 1 dollar/1 voix (Stein, 2004). Les Etats-Unis gardent leur part supérieure à 15% afin de maintenir un droit de veto sur les décisions importantes : 24,5% en 1970, pour reculer à 15,1% en 1990, avant de remonter à 16,45% en 2001 (Bøås &

McNeill, 2003). Les principaux contributeurs après ce pays entre 2005 et 2008 étaient le Royaume-Uni, le Japon, l’Allemagne et la France. Entre 2009 et 2011, le Royaume-Uni est passé premier contributeur, et autre point important, la Chine, qui a été une grande bénéficiaire de la Banque, a été contributrice pour la première fois.

La Banque mondiale comprend en son sein cinq institutions :

1- La Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) qui « prête aux pays à revenu intermédiaire et aux pays pauvres solvables » ;

2- L’Association internationale de développement (IDA) qui « accorde des prêts ou des crédits sans intérêt et des dons aux pays les plus pauvres de la planète » ;

3- La Société financière internationale (IFC) qui « finance des prêts, des fonds propres et des services-conseil pour stimuler l'investissement privé dans les pays en développement » ;

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4- L’Agence multilatérale de garantie des investissements (MIGA) qui « offre aux investisseurs des garanties contre les pertes associées aux risques non commerciaux dans les pays en développement » ;

5- Le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI) qui « offre des mécanismes internationaux de conciliation et d'arbitrage des différends liés aux investissements ». (Banque mondiale, 2013)

Pour le secteur de l’éducation en Afrique, c’est essentiellement l’IDA qui agit. Fondée en 1960, c’est par ce biais que la Banque apporte des financements en faveur des pays les plus pauvres. Les principaux secteurs concernés par ses opérations sont l’éducation primaire, les services de santé de base, les services d’approvisionnement en eau propre et d’assainissement ou le renforcement du cadre d’activité des entreprises (Banque mondiale, 2013). Pour le cas de l’éducation au Mali et au Sénégal, la Banque mondiale joue effectivement un rôle clé par le biais de l’IDA : « Elle a été le principal bailleur de fonds dans le dialogue politique avec le gouvernement et un des principaux soutiens financiers dans le secteur1 » (World Bank Independent Evaluation Group, 2007, p. 32).

Les financements de l’IDA sont alloués aux pays bénéficiaires en fonction de leur niveau de revenu, de l’efficacité de la gestion de leur économie et de l’exécution des projets de la Banque en cours. Les prêts sont donc versés en fonction de considérations purement économiques. Par exemple, la nature du régime politique n’est pas prise en compte : la Banque agit aussi bien avec des systèmes démocratiques qu’avec des dictatures. Cependant, depuis le début des années 2000 seraient demandés une bonne gestion ou le respect des droits de l’Homme (Marre, 2000).

Les conditions de prêt de l’IDA sont considérés comme étant concessionnelles : les taux d’intérêt sont soit faibles, soit inexistants. Il est possible d’étaler les remboursements sur une période de 25 à 40 ans. Les financements de cette agence peuvent également se déployer sous forme de dons, notamment si les pays sont menacés de surendettement. Enfin, l’IDA peut apporter des allégements de dette, en particulier à travers l’Initiative en faveur des pays pauvres très endettés ou l’Initiative pour l’allégement de la dette multilatérale.

1 Toutes les citations de ce manuscrit dans une langue autre que le français ont été traduites pour faciliter la lecture.

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Comme l’IDA n’est pas autofinancée, elle doit reconstituer un fond tous les trois ans à travers les contributions des pays donateurs développés et en développement, et aussi de deux autres institutions du Groupe de la Banque mondiale : la BIRD et l’IFC. Là aussi, cela a permis au Congrès américain, qui vote la contribution de son pays, d’avoir un mécanisme pour imposer des conditions à l’allocation de ses fonds, et ainsi d’influencer l’agenda de la Banque mondiale. Par exemple, en 1979, le Congrès avait menacé le président de l’époque, McNamara, de ne pas reconduire la contribution américaine s’il ne cessait pas tout prêt au Vietnam. McNamara a dû céder face à cette pression (Kapur, Prior Lewis & Webb, 1997). De même que des organisations non gouvernementales américaines, longtemps ignorées par la Banque, ont usé de leur droit d’accès au Congrès pour infléchir le discours de l’organisation, notamment sur des questions comme le respect de l’environnement (Wade, 1997) ou plus tard l’abandon des frais de santé et de scolarisation (Stein, 2004).

Depuis sa création, l’IDA a été active dans 108 pays. D’année en année, le volume de ses engagements a été en augmentation. Jusqu’à présent, elle a accordé 255 milliards de dollars pour des projets et des programmes. Actuellement, le volume annuel représente en moyenne 15 milliards de dollars, dont la majeure partie, soit environ 50 %, est destinée à l’Afrique (environ 15% sont engagés sous forme de dons). Les financements de l’IDA représentent 20 % de l’ensemble des apports d’aide au développement dans le monde (Banque mondiale, 2013).

Elle occupe une place importante au niveau de la Banque puisque sur environ 10 000 employés, environ la moitié travaille sur des projets de l’IDA. Aussi, cette structure compte actuellement 172 pays membres. Elle soutient 81 pays parmi les plus pauvres de la planète, dont 39 se trouvent en Afrique dont le Mali et le Sénégal.

Au début des années 1960, la Banque mondiale était un acteur secondaire dans le secteur de l’éducation dans les pays du Sud. Les engagements d’aide internationale ont sensiblement progressé, et une grande part émanait de la Banque.

D’après l’évolution de ses prêts, le secteur social, comprenant notamment l’éducation et la santé, a pris plus d’importance en 30 ans. Il correspond à environ un quart des prêts aujourd’hui (tableau 1).

(18)

Tableau 1. Prêts de l’IDA par secteur (% du total)

Infrastructure 32

Secteur social dont éducation 24

Administrations publiques et droit 23

Agriculture 14

Industrie et commerce 4

Finances 2

Source : Banque mondiale, 2013

Intervenant principalement au niveau de la formation professionnelle au départ, la Banque mondiale opère dans tous les secteurs de l’éducation, et en particulier dans celui de l’éducation de base des années 1980 à aujourd’hui. Depuis les années 1990, ce sous-secteur se situe à un niveau de 30 à 40% du volume des crédits au secteur de l’éducation. Les réunions internationales de Jomtien (2000) et de Dakar (2000), qui avaient pour mot d’ordre

« l’Education pour tous » ont incité la Banque à accroître ses engagements.

Mais au-delà des financements, la Banque mondiale est un des acteurs internationaux principaux dans le domaine de l’éducation, si ce n’est le plus important dans les pays en développement, puisqu’elle déploie son influence à travers différents moyens d’action que je développerai plus tard : « Le travail analytique, le dialogue politique, l’assistance technique et/ou la construction de capacités, les prêts, les conditionnalités » (World Bank IEG, 2006, p.

60).

Pour finir, le choix de la Banque mondiale comme objet d’étude se justifie donc par son poids et son rôle d’acteur clé incontournable des politiques éducatives en Afrique de l’Ouest.

Choisir une seule organisation permet également de se concentrer sur des mécanismes et visions qui lui sont propres.

(19)

Je n’en dirai pas plus sur la Banque mondiale pour l’instant car elle fera l’objet d’une analyse tout au long de la thèse, et les débats autour de son implication dans les politiques éducatives seront présentés dans le chapitre suivant sur l’état de la question.

2. L’Afrique de l’Ouest francophone : le Mali et le Sénégal

Dans la perspective d’une étude comparée que j’expliciterai dans la partie théorique et méthodologique, je vais étudier le rôle de la Banque mondiale dans deux pays d’Afrique de l’Ouest francophone : le Mali et le Sénégal. J’insisterai donc ici sur le contexte de ces deux pays.

Pour que le lecteur ait une meilleure idée d’où se trouvent géographiquement les pays sélectionnés, je propose une carte de la région ci-dessous.

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Carte 1. Afrique de l’Ouest

Source : Lauwerier, 2013

a. Jusqu’à l’indépendance

Je peux commencer par apporter quelques brefs éléments historiques sur le Mali et le Sénégal.

Je vais me pencher tout d’abord sur le Mali qui a connu l’émergence d’empires puissants dès le quatrième siècle, à savoir l’empire du Mali, l’empire du Ghana et l’empire Songhaï. Après quoi a succédé une pléiade de petits Etats qui ont pris leur indépendance (Kamissoko, 2007).

Dans la seconde moitié du dix-neuvième siècle, la France colonisa progressivement l’ensemble des royaumes. Le dernier empire tomba en 1891, date à laquelle la colonie du Soudan français fut créée jusqu’en 1946. Durant cette période, le territoire avait été rattaché à la colonie du Haut-Sénégal-Niger de 1904 à 1920. Le Soudan a été intégré parallèlement à l’Afrique-Occidentale française (AOF) en 1895, composé de huit pays d’Afrique de l’Ouest et

Sénégal Mali

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représentant 25 millions de personnes. A noter que l’économie coloniale se basait en partie sur le travail et la conscription forcés, et que toute activité politique des colonisés était interdite jusqu’en 1946 (Fall, 2000). A cette date fut créé le Rassemblement Démocratique Africain dont la section malienne était dirigée par Modibo Keita. Ce mouvement avait pour objectif la lutte pour l’indépendance de la région. Il y a eu des tentatives à ce moment de créer une fédération pour remplacer l’AOF ou d’associer le Soudan et le Sénégal, mais ce fut un échec. En août 1960, le Mali accéda à son indépendance. Et le 22 septembre 1960 la république du Mali fut proclamée avec comme président Mobida Keita. Le pays fut aussitôt reconnu comme membre des Nations Unies (Imperato & Imperato, 2008).

Le Sénégal était également composé de multiples royaumes dont les premiers sont apparus au septième siècle pour disparaître avec la colonisation française au dix-neuvième siècle.

La conquête coloniale, contrairement au Mali, a débuté au 15ème siècle. En effet, en 1442, le vénitien Cadamosto découvrit ces terres pour le Portugal et mit alors en place la traite des Noirs. Il fut plus tard concurrencé par le Commerce triangulaire, composé des négriers hollandais, français et britanniques. La Hollande et la France ont établi des comptoirs sur le territoire au dix-septième siècle sur l’île de Gorée et à Saint-Louis, qui finiront aux mains de la France en 1677 (Barry, 1991).

Avant de devenir une colonie à part entière de la France, un mandat de député pour Saint Louis fut créé. Puis Faidherbe devint gouverneur du Sénégal dès 1854, ce qui permit de lancer les bases de l’AOF (Saint-Martin, 2000). Plus tard, sous la députation de Blaise Diagne, la citoyenneté a été accordée aux habitants de Saint-Louis, Gorée, Dakar et Rufisque, la France en ayant profité pour envoyer certains d’entre eux, connus sous le nom de tirailleurs sénégalais, dans les deux guerres mondiales (Alexandre, 1995).

Parallèlement, des troubles sont apparus en 1919 à Dakar qui était devenue la capitale de l’AOF en 1902 après Saint Louis. Progressivement, des mouvements anticolonialistes se firent entendre. Finalement, le 4 avril 1960, le Sénégal signa un accord d’indépendance avec la France et se retira de la fédération avec le Mali le 20 août 1960. C’est Léopold Sédar Senghor qui devint le premier président de la République.

Les deux pays ont donc eu un passé colonial commun. Cela n’est pas conséquence puisque dans les deux cas, il y avait déjà eu une influence externe importante qui a eu des impacts sur les systèmes éducatifs, et notamment à travers un processus d’homogénéisation visant à

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dupliquer le modèle français. Ce qui n’a d’ailleurs pas complètement disparu après les indépendances.

Ainsi, pour l’éducation de base qui est au cœur de cette recherche, l’offre a été confrontée au faible héritage scolaire colonial. Au moment des indépendances, certains taux bruts de scolarisation en Afrique subsaharienne se situaient sous la barre des 10% : au Mali, le taux était de 9%, et au Sénégal, de 27%. (Lange, 1995). Le Mali est donc sorti de la colonisation avec un plus grand retard dans ce domaine que le Sénégal. Cela s’explique par le fait que ce dernier pays avait été doté par la France « d’un système d’éducation moderne, ancien et couvrant l’ensemble du territoire national ; ses différents ordres d’enseignement étaient relativement développés » (Sylla, 1992, p. 2).

Toutefois, dans les deux pays, le système éducatif mis en place par le colonisateur avait pour objectif de servir ses propres intérêts. Notamment, il y avait un besoin en auxiliaires dans les administrations et exploitations coloniales. Cela a été une difficulté supplémentaire lorsqu’il s’est agi au moment des indépendances de développer une éducation correspondant aux finalités de développement propres au Mali et au Sénégal.

L’école coloniale s’était mise en place sur les territoires maliens et sénégalais alors qu’à côté existaient déjà d’autres formes d’éducation. Celles-ci ont continué à se développer et sont toujours présentes aujourd’hui d’une certaine manière. Par exemple, l’Islam qui s’était implanté dans la région plusieurs siècle auparavant avait développé ses propres structures dont les écoles coraniques (Gérard, 1997 ; Charlier, 2004).

En plus de faibles taux de scolarisation, la région est caractérisée par une croissance démographique importante, ce qui fait que les systèmes scolaires ont dû faire face à un fort accroissement de leurs effectifs qui après la décolonisation était de l’ordre de 9% en moyenne annuelle.

b. Après l’indépendance

Pour continuer sur ces rappels historiques, je souhaite proposer des éléments contextuels après l’indépendance.

Le Mali a connu depuis 1960 un certain nombre de coups d’Etat militaires. En 1968, le président Mobido Keita est renversé par le dictateur Moussa Traoré qui exerça le pouvoir jusqu’en 1991, date à laquelle le Comité transitoire pour le salut du peuple, dirigé par Amadou Toumani Touré, réinstalle la démocratie, et notamment les élections. En 1992 et

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1997, Alpha Oumar Konaré sera élu président de la République. Amadou Toumani Touré lui succède et est réélu en 2007.

Il faut également préciser que les Touaregs ont difficilement accepté la domination politique des populations mandingues depuis l’indépendance et se sont régulièrement révoltés contre le pouvoir (Bernus, 1992). Lors du régime de Moussa Traoré, la rébellion était brutalement réprimée par l’armée. Après sa chute, des négociations ont été établis, notamment en partenariat avec l’Algérie.

Le Sénégal est considéré du point de vue politique comme un des pays les plus stables du continent africain. Le pays n’a notamment jamais connu de coups d’Etat, même si par ailleurs des arrestations d’ordre politique ont pu être mises en lumière. Aussi, depuis 1982, un conflit persiste en Casamance en raison de la présence d’un mouvement indépendantiste (Roche, 2000).

De l’indépendance jusqu’en 1981, Léopold Sédar Senghor avait été président de la République. C’est son Premier ministre, Abdou Diouf, qui lui succède alors et est reconduit trois fois jusqu’en 2000. Abdoulaye Wade emporte les élections en 2000 pour être réélu en 2007.

Au-delà de la situation politique, le contexte socioéconomique du Sénégal était aussi un peu plus favorable que celui du Mali après la période des colonisations.

Au Mali, des expériences de type socialiste impulsées par Mobido Keita qui avaient notamment pour base la nationalisation d’entreprises, la collectivisation de l’agriculture, la création d’une monnaie propre se sont révélées être un échec en paralysant l’économie du pays et en créant une bureaucratie en sureffectif.

Cette situation a engendré le coup d’Etat du dictateur Moussa Traoré qui s’est davantage rapproché de l’ancienne colonie. Il a mis sur pied une politique économique plus libérale.

C’est d’ailleurs à cette époque qu’est exécuté un programme de redressement économique et financier qui a notamment eu pour conséquence des licenciements en masse et la flambée des prix. Et la plupart des ressources disponibles ont été mises à disposition d’un conflit qui opposait le Mali au Burkina Faso en 1985. Ces politiques économiques ne pouvaient pas être contestées dans un contexte de dictature, et des postes dans la fonction publique étaient attribués en échange d’une adhésion au parti unique.

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Les années 1990 et 2000 ont donc hérité d’une situation défavorable pour laquelle le Mali a tenté de redresser son économie dans un contexte toujours marqué par le libéralisme. Le Mali a basé son économie de tout temps sur l’agriculture et l’élevage, à hauteur de 85%, mais principalement au Sud car une partie du territoire est dans le désert. Son enclavement dans la région ainsi que des années de sécheresse et la conjoncture internationale dans les années 1980 et 1990 n’ont pas permis à ces activités de se développer de manière conséquente (Bocquier & Diarra, 1999).

Le Sénégal, même s’il reste un des pays les plus pauvres du monde, a connu moins de difficultés pour son développement économique que le Mali. Il est avec la Côte d’Ivoire et le Nigéria parmi les premières économies de la sous-région ouest africaine. Non seulement, il n’a pas connu une succession de troubles politiques, et il se trouve sur la côte, ce qui lui a permis de développer ses activités notamment d’exportation liée à la pêche ou à l’industrie, d’où l’implantation de multinationales, souvent d’origine française.

Cela dit, à la fin des années 1980, le Sénégal après un affaiblissement de son économie est entré en période de récession en 1992. D’ailleurs, tout comme le Mali, le pays avait mis en œuvre des programmes d’ajustement structurel.

Le pays a connu des crises alimentaires dans les années 2000 suite à la rareté des pluies, et donc à un affaiblissement de la production d’aliments et à l’augmentation des prix des denrées de base. La détérioration de l’environnement, en partie liée au tourisme, a progressivement provoqué l’érosion accélérée, la salinisation et la disparition de la couverture végétale (ACDI, 2000).

Actuellement, dans les deux pays, le poids de la dette extérieure et la forte présence de l’agriculture contiennent la relance économique. Ces pays possèdent aujourd’hui des caractéristiques similaires comme l’Indicateur de Développement Humain (IDH) : ils se situent à la 155e et 175e position sur 187 (PNUD, 2013). Je propose également ci-dessous des indicateurs socioéconomiques qui révèlent en partie la situation des deux pays.

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Tableau 2. Indicateurs socioéconomiques du Mali et du Sénégal

Mali Sénégal

Population totale (000) 15370 12434

Taux annuel moyen de croissance (%)

3,0 2,6

Population 0-14 ans (%) 47 44

Population rurale (%) 66 58

Indice synthétique de fécondité (naissances par femme)

6,3 4,8

Taux de mortalité infantile (0/00) 98 47

Espérance de vie à la naissance (années)

51 59

Taux (%) de prévalence du VIH, adultes (15-49 ans)

1,1 0,7

Population vivant avec moins de 2

$US par jour (%)

79 (2005) 60

PIB par habitant (PPP) $US 1091 1967

Total de la dette en pourcentage du PNB (%)

0,7 2,4

Source : UNESCO-ISU, 2013

Je peux conclure en disant que ce contexte défavorable, certes dans une moindre mesure au Sénégal, a créé une situation de dépendance vis-à-vis de l’aide internationale, notamment dans les investissements du secteur éducatif. D’ailleurs, après avoir proposé quelques données sur le contexte historique, politique et socioéconomique du Mali et du Sénégal, je souhaite finir ce chapitre avec une présentation de la situation de l’éducation de base dans ces deux contextes.

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c. Situation de l’éducation de base

Avant de présenter cette situation, il me semble utile de rappeler ce qui a été retenu comme définition de l’éducation de base par la Banque mondiale et par les pays de cette recherche.

Pour l’organisation internationale, les définitions à ma disposition ont été proposées dans les années 1980 et 1990. La première précise qu’il s’agit du « premier niveau de l’enseignement, où les élèves suivent un programme commun », autrement dit l’éducation primaire.

L’éducation de base se réfère également à « l’alphabétisation pour les jeunes et les adultes exclus de l’école » (World Bank, 1988, p. x). Dans sa deuxième définition, la Banque mondiale rappelle que « ce niveau de base nécessite généralement environ huit années de scolarité » (World Bank, 1995, p. 96-97), donc comprend également le début du secondaire.

Spécifiquement pour les deux pays qui sont étudiés, j’ai relevé quelles étaient leur définition propre : d’après la loi d’orientation malienne de 1999, l’éducation de base concerne

« l’éducation préscolaire, l’enseignement fondamental et l’éducation non formelle » (Ministère de l’éducation du Mali, 1999, p. 1). Plus précisément, l’enseignement fondamental est composé de deux cycles, le premier cycle qui dure six ans et le second cycle qui dure 3 ans. » (CONFEMEN, 2004, p. 16)

Voici quelle est la définition retenue dans la loi d’orientation du Sénégal de 1991 :

Le cycle fondamental est subdivisé en une éducation préscolaire et un enseignement polyvalent unique, comprenant successivement un enseignement élémentaire et un enseignement moyen. A l’issue de ce cycle l’élève est muni des éléments essentiels pour son adoption ultérieure à la vie professionnelle. Il accède le cas échéant au cycle secondaire et professionnel. (Ministère de l’éducation du Sénégal, 1991, p. 3).

A ces sous-secteurs, il faut ajouter l’existence de « l’Éducation permanente de base », qui est

« destinée à accueillir ceux qui n’ont pu fréquenter ou qui ont dû quitter, à un moment ou à un autre, les structures proprement scolaires » (Ministère de l’éducation du Sénégal, 1991, p. 6).

Ainsi, les dénominateurs communs aux deux pays et à la Banque mondiale dans les définitions de l’éducation de base correspondent au primaire, au début du secondaire et aux programmes d’éducation non formelle/alphabétisation. Dans un souci de comparabilité, je me focaliserai dans cette recherche sur ces trois sous-secteurs. Sur le terrain, je suis notamment allé interviewer les acteurs concernés par ces composantes de l’éducation de base. Même s’il

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est fait allusion au préscolaire dans les définitions des ministères, je ne prendrai pas en compte ce sous-secteur dans la mesure où il était marginal en termes de taux de scolarisation, en particulier pour les deux premières décennies de cette étude.

Pour commencer l’analyse de la situation de l’éducation de base au Mali et au Sénégal, je vais lister les principales réformes politiques qui ont régi l’éducation dans les deux pays de 1980 à 2010, et cela sous la forme du tableau ci-après.

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Tableau 3. Principales réformes politiques d’éducation au Mali et au Sénégal

Mali Sénégal

1962

Loi d’orientation

Se basant sur les principes du socialisme, l’objectif était de garantir un enseignement de masse et de qualité en lien avec les réalités du pays, qui prépare les élèves à la vie et qui

« décolonise » les esprits.

1971

Loi d’orientation

Jusqu’alors, l’école se basait sur les objectifs de l’école coloniale qui avaient ses limites pour le contexte sénégalais, d’où cette loi d’orientation.

Il fallait améliorer la qualité de l’enseignement et l’adapter aux réalités du pays.

1999

Loi d’orientation2

Cette loi est issue de différents événements qui se sont succédé : Conférence Nationale en 1978, Etats Généraux en 1989, Débat National sur l’Education en 1991. Ils insistaient sur la faible acquisition des compétences de base par les élèves.

C’est cette loi qui a permis d’aboutir à la conception du PRODEC.

1991

Loi d’orientation

En 1981 ont eu lieu les Etats Généraux de l’éducation qui faisaient suite à une vague de protestation liée au mauvais fonctionnement du système éducatif.

Cela a poussé pendant une décennie à la reconception partielle du modèle de l’école sénégalaise pour aboutir à cette loi d’orientation.

2 Les lois d’orientation des années 1990 et les programmes décennaux des deux pays font l’objet d’une analyse approfondie dans cette recherche. Ils servent en partie de base pour le corpus.

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Mali Sénégal

1998-2008

Programme Décennal de Développement de l’Education (PRODEC)

Ce programme avait pour objectif la

« refondation » du système éducatif, et la priorité était alors la planification et le développement des curricula.

En 2008, un Forum National sur l’Education a proposé de poursuivre les orientations de ce programme en concrétisant davantage les objectifs.

2000-2010

Programme Décennal de l’Education et de la Formation (PDEF)

Ce programme visait à assurer la scolarisation primaire universelle, y compris en promouvant l’égalité des sexes dans l’accès à l’éducation. Un accent particulier est porté sur l’amélioration de la qualité et sur la gestion du système.

Source : Lauwerier, 2013, d’après les données de Maïga, Konandji et Samake (2012), du Ministère de l’éducation malien (1962, 1999, 1998), du Ministère de l’éducation sénégalais (1971, 1991, 2000).

Bien que les deux pays possèdent leur propre spécificité en termes d’impulsion des réformes, et ont tenté au lendemain des décolonisations de se soustraire du modèle colonial, il est intéressant de constater une certaine simultanéité dans le lancement et l’appellation des réformes qui questionnent la réelle part d’indigénisation de ces processus.

Je propose à présent de m’intéresser aux défis de l’éducation de base, en particulier en termes d’accès et de qualité.

Après les indépendances, les deux pays ont connu un développement relativement rapide de leur système scolaire entre les années 1960 et 1980. Au cours des années 1980, ce développement a connu un arrêt brutal en grande partie à cause de la crise économique et financière en Afrique avec pour toile de fond le recul de la scolarisation. C’est au début des années 1990, et notamment avec la conférence internationale de l’Education Pour Tous à Jomtien, que l’éducation de base a connu un nouvel élan (Lange, 2003a).

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Pour mieux saisir les défis dans l’accès à l’éducation de base, il faut faire un détour par l’analyse des taux de scolarisation. A noter que tous les chiffres proposés sont à prendre avec précaution puisqu’ils peuvent différer d’une source à l’autre.

Comme les taux nets de scolarisation sont indisponibles pour le Mali jusque dans les années 1990, je mentionne ici les taux de brut de scolarisation pour pouvoir comparer les deux pays.

Pour le primaire, le Mali est passé de 26% en 1988, et 64% en 2002 à 80% en 2010 (BIE- UNESCO, 2001 ; ISU-UNESCO, 2013). Au Sénégal, le taux est de 56,6% en 1988, 73% en 2002 et 87% en 2010 (BIE-UNESCO, 2001 ; ISU-UNESCO, 2013).

Les taux bruts de scolarisation en revanche sont limités comme indicateurs car ils prennent en compte les élèves scolarisés quel que soit l’âge. Or, l’entrée tardive à l’école primaire est un phénomène très répandu dans les deux pays : 20 à 30% des enfants entrent avec deux, trois années ou plus de retard (UNESCO, 2012). Pour une analyse plus fine, il est donc plus pertinent d’utiliser le taux net de scolarisation pour relativiser les taux bruts (tableau 4). Ce taux est calculé en fonction du « nombre d’élèves ou étudiants de la tranche d’âge correspondant théoriquement à un niveau d’enseignement donné, exprimé en pourcentage de la population totale de cette tranche d’âge » (ISU-UNESCO, 2013). Ainsi, je constate un écart important pour les deux pays comme le montrent les chiffres du tableau ci-dessous.

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Tableau 4. Taux nets de scolarisation dans le primaire au Mali et au Sénégal (%)

Taux net de scolarisation dans l’enseignement primaire (%)

1980 1990 1999 2010

Mali - - 41,9 62

Sénégal 34,7 46,3 56,9 75

Source : ISU-UNESCO, 2013

Je peux considérer que les taux de scolarisation sont donc encore faibles au Mali et au Sénégal, davantage d’ailleurs dans le premier. Cela est d’autant plus vrai quand une part non négligeable des enfants d’âge scolaire du primaire n’est pas scolarisée en 2010 : 34% pour le Mali, 22% pour le Sénégal (ISU-UNESCO, 2013).

Les difficultés d’accès à l’éducation de base sont également à mettre en perspective avec le manque important d’infrastructures adéquates pour accueillir les enfants. Pour donner une idée au Mali, 33% des salles de classes étaient considérées dans un état acceptable dans les années 1990 (BIE-UNESCO, 1994).

Je ne peux pas étudier les défis de l’accès sans évoquer les disparités dans l’éducation de base. En effet, une partie des populations maliennes et sénégalaises est exclue de l’école.

D’abord, il a été constaté des disparités de genre. Les filles sont dans l’ensemble moins scolarisées que les garçons, même si le Sénégal semble combler l’écart (tableau 5).

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Tableau 5. Taux nets de scolarisation dans le primaire par sexe au Mali et au Sénégal (en %)

Garçons Mali Filles Mali Garçons Sénégal Filles Sénégal

1999 48 35 62 52

2010 66 57 73 78

Source : ISU-UNESCO, 2013

La principale cause de cette disparité concerne les pesanteurs socioculturelles, les femmes pouvant tomber enceintes jeunes ou devant s’occuper de tâches domestiques (Lange, 2003b).

Ces disparités ont tendance à diminuer. Mais ces chiffres cachent des inégalités entre pauvres et riches, entre milieu urbain et rural. Par exemple, dans la région de Sikasso au Mali en 2004-2005, 90,7% des garçons ont accès en première année du cycle fondamental contre 65,6 des filles (Banque mondiale, 2007). Dans la région de Kolda au Sénégal en 1998-1999, le taux brut de scolarisation pour les garçons était de 84,6% pour les garçons et de 54,9% pour les filles (BIE-UNESCO, 2001).

Les disparités concernent également les enfants en situation d’handicap. La plupart sont en dehors du système. Enfin, il faut souligner l’existence de disparités entre régions. Le milieu rural est davantage concerné par les disparités que le milieu urbain. Mais même dans les centres urbains, des disparités sont visibles (figure 1).

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