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Influence de la viscosité et de la nature du solvant sur le
degré de polarisation de la lumière de fluorescence
P. Pringsheim, H. Vogels
To cite this version:
LE
JOURNAL
DE
PHI’SIQUE
ETLE
RADIUM
INFLUENCE DE LA
VISCOSITÉ
ET DE LA NATURE DU SOLVANTSUR
LEDEGRÉ
DE POLARISATION DE LALUMIÈRE
DE FLUORESCENCEPar P. PRINGSHEIM et H. VOGELS.
Laboratoire de Chimie
générale.
Faculté des Sciencesappliquées.
Université libre de Bruxelles.
Sommaire. 2014 Les mesures de polarisation de la lumière de fluorescence de colorants dans des milieux visqueux peuvent fournir des indications sur la mobilité d’une molécule au sein de sa couche de solvatation.
Des déterminations de la polarisation en fonction de la viscosité ont été faites sur des colorants
fluo-rescents dissous dans des mélanges binaires de liquides.
Les polarisations fondamentales trouvées dans divers solvants sont très différentes et il semble néces-saire d’introduire dans la formule de Perrin une valeur de la viscosité qui n’est pas celle obtenue par des
mesures macroscopiques.
SÉRIE VII.
TOMEVIII.
N° 4. AVRIL 193’1.Depuis
sa découverte parWeigert (9),
lafluores-cence
polarisée
des colorants en solutionvisqueuse
a été traitéemathématiquement
par Wawilow etLewschin
(8)
et par F. Perrin(1), (6).
On doit à cedernier auteur une
expression mathématique
trèssimple
et dont la concordance avecl’expérience
est trèssatisfaisante,
tout au moins aux fortes viscosités. La formule de F.Perrin,
en dehors de laviscosité r,
fait intervenir la
polarisation
« fondamentale » j0o quela lumière de fluorescence manifesterait dans un milieu infiniment
visqueux,
la vie moyenne de l’état excité r, levolume V de la môle de colorant en
solution,
c’est-à-dire le volume propre de la môle de substancefluores-cente
augmenté
du volume de solvant adsorbé à sasurface,
enfin,
la formule de Perrin montre encorel’influence de la
température
l’Le volume V que F. Perrin utilise pour la vérification
expérimentale
de sa formule a été déterminé par N. Marinesco(4)
en mesurant l’accroissement de visco-sité de la solution parrapport
à celle du solvant puret par
application
de la relation d’Einstein :(*) v est le volume qu’occupent n grammes de substance
dis-soute dans 100 cc de solution; V correspond à la môle.
Les valeurs de V sont contrôlées par la constance du
poids
moléculaire déterminé en solution dans divers solvants et par des mesures de diffusion. Le volume de solvant adsorbéapprécié
par ces méthodes est donc celui que la molécule entraîne au cours de sesmouve-ments de translation. Si on
porte
engraphique
on trouve
d’après
la formule de Perrin une droite à conditionque les
facteurs autres que -r~ restent constants :notamment V et ~, .
On trouve encore une
droite, si,
V étantvariable,
parexemple
dans le cas de solvantsdifférents,
onporte
Il convient de
rappeler
ici que lapolarisation
de la fluorescence de l’uranine estbeaucoup plus
forte dansune solution
glycérique
aussianhydre
quepossible
et àtempérature
ordinaire que dans une solutiongly~é-rique
franchementhydratée,
mais à bassetempéra-ture
(1).
La viscositémacroscopique
dans le second casest
cependant
considérablementsupérieure
à celle dupremier
cas. La mobilité en translationest,
à bassetempérature, beaucoup plus
faiblequ’à ~0°,
alors que les mouvements de rotation semblentplus
aisés du fait de laprésence
d’eau,
et ce,quoique
latempérature
122
soit fort inférieure au
point
decongélation
de l’eau etque
l’ensemble,
molécule d’uranine et eauadsorbée,
soit
pratiquement
immobilisé.Lorsqu’on
étudie lapolarisation
de la lumière defluorescence émise par une substance dissoute dans la
glycérine
en faisant varier la viscosité par additiond’eau,
le volume Vpeut paraître
assez mal défini. Eneffet,
l’uranine parexemple,
est à la fois soluble dans laglycérine
et dans l’eau. Dans laglycérine
pure, le volume V résulte del’adsorption
deglycérine
sur lecolorant,
mais dès que l’eauintervient,
celle-ci sesub-stitue aux grosses molécules de
glycérine
et ceprogres-sivement
(Cf.
Marinesco,
qui
a étudié le cas de larhodamine B dans des
mélanges
d’alcoolpropyliqLlc
etd’eau).
Pour étudier l’influence de la viscosité dusolvant,
il nous a parupréférable
d’utiliser desmélanges
de deuxliquides,
l’un bon solvant ducolo-rant,
l’autre danslequel
ce dernier est insoluble etqui
neparticipe
donc vraisemblablement pas à laformation de la couche de solvatation.
Nos
premiers
essais ont été effectués sur de latrypafiavine
dissoute dans différents alcools dont nous avons fait varier la viscosité paradjonction
d’éther.Avec l’octanol
secondaire,
nous avons pu relever unedroite se
prolongeant jusqu’à
de trèspetites
viscosités. Aucun écart net ne se manifeste parrapport
à la loirectiligne.
Des essais faits avec le butanol dans des conditions
analogues
ont donné des résultats tout à faitsem-blables.
Le fait que la loi de F. Perrin se vérifie exactement
dans ce cas, tend à confirmer que le voluime V reste
bien constant au cours de la dilution par l’éther.
, Fig. i. - Trypaflavine.
1. Eau-glycét-ine a :?. Octauol-éther + 3. Butanol-éLher ,
Nous avons refait les mêmes
essais,
toujours
avec latrypaflavine,
mais dans desmélanges
deglycérine
etd’eau : aux faibles
viscosités,
l’écart parrapport
à une droite devient très sensible(fig,
1).
La valeur
de po,
polarisation
fondamentale se mesurctrès facilement par l’ordonnée à
l’origine
de la droiteextrapolée à r
= x ou11-ri
= 0.D’après
la théorie de F.Perrin,
la valeurde p,,
ne doit pasdépendre
dusolvant,
mais être unecaractéristique
de la moléculefluorescente,
etdépendre
seulement de sonanisotropie.
Or dans nos
essais,
nous trouvons des valeurs trèsdifférentes ;
ainsi :1Jo _ ‘? î î pour 100 dans
l’eau-glycérine
i~J,5
pour 100 dans l’octanol-éther10 pour 100 dans le butanol-éther. Ceci
indique
que la molécule detrypaflavine garde
une mobilité
appréciable
au sein de l’édifice formé parla molécule entourée de solvant
adsorbé,
alors même que cet édifice se trouve immobilisé par le milieu ambiant.Remarquons
d’ailleurs que la valeur de 27 pour 100 trouvée dans lemélange
eau-glycérine
est très inférieure à la valeur sensiblementégale
à 50 pour 100 que nous avons trouvée(’)
par la mesurede la
polarisation
sur des absorbats detrypaflavine
sur
silicagelsoigneusement déshydraté.
Par contre, elleest très voisine de celle que nous avons mesurée sur
des adsorbats mouillés
(28,5
pour100),
danslesquels
latrypaflavine
avait conservé sa couche d’eauadsorbée,
tandis que dans legel
sec, la molécule avaitacquis
une immobilitécomplète
(**).
Fig. 2. -- Fluorescéine.
A. Eau-glycérine e AIA2’ Eau-glycérine (Perrin) a
B. Octanol-éther ~, C. Propanol-éther +
Afin de nous assurer que l’influcnce
marquée
(lasuivant sur la valeur
de p,,
n’est pas un faitparticulier
à la
trypaf lavinc,
nous avons refait les mêmes mesures(d) On pourrait évidemment supposer aussi que l’anisotropie
’
de la molécule clle-mème et par conséquent la polarisation fon-’ damentale,
dépend fortement de la nature du milieu ou encore
123
avec la fluorescéine. Les résultats que nous avons
obtenus sont
figurés
augraphique 2
et confirment lesexpériences
antérieures. Nous trouvonspo =
31,3
pour 100 dans l’eau
glycérine
9,3
pour 100 dans l’octanol-éther10,5
pour 100 dans lepropanol-éther.
Les mesures dans les
mélanges
alcools-éther sontassez difficiles car la luminosité est
faible,
la fluores-céine étant soluble dans l’éther sous forme lactoïdeincolore et non fluorescente sous l’action de l’ultra-violet
proche.
Par addition depotasse solide,
légère-ment soluble dans les
alcools,
la fluorescéine revientpartiellement
à la formeintraionoïde,
jaune,
fluores-cente et insoluble dans l’éther. La
précision
des me-sures est donc assezmédiocre;
toutefois,
la trèsgrande
différence entre les valeurs obtenues pour po dansl’eau-glycérine
d’unepart
et dans lemélange
alcool-éther d’autrepart,
montrent que pour lafluorescéine,
lesphénomènes
décrits pour latrypaflavine
semani-festent aussi.
L’allure de la courbe obtenue pour le
mélange
glycé-rine-eau,
où les mesures sont trèsaisées,
correspond
fidèlement à celle que F. Perrin a
publiée (1), (~) ;
cepen-dant les valeurs
numériques
sont notablementdiffé-rentes. Les
degrés
depolarisation
mesurés par noussont inférieurs à ceux de F. Perrin. Nous trouvons
po -
31,~
pour 100 contre44,5
pour 100. Par contre sinous déterminons
~~,I V
par la méthodeindiquée
par cetauteur, nos résultats concordent exactement avec les siens
(*).
Notons que nos mesures ont été effectuées en exci-tant la fluorescence par de la lumière d’une
lampe
àarc filtrée par un verre à
l’oxyde
de nickelprésentant
un maximum de
transparence
vers 3 700À,
tandis que celles de F. Perrin ont été exécutées avec une lumièreexcitatrice verte
(4
800 - 5 20UÀ). D’après
le travail de L.Grisebach (2)
nos valeurs depolarisation
devraient êtremultipliées
par le facteur1,18
pour être compa-rables à celles de F. Perrin. Cela nous amène à 37 pour 100 contre44,5
pour 100.L’écart reste encore considérable. Nous avons vérifié que la concentration en ions OH n’avait pas d’inflnence
sensible sur le
degré
depolarisation :
pour chacune destrois solutions
suivantes,
nos résultats neprésentent
entre eux pas d’écarts
supérieurs
à l’erreurprobable
de nos mesures : l’une defluorescéine,
l’autre d’ura.nine pure
(sel sodique
de lafluorescéine)
et la dernière d’uranine en solution 1 JI de NaOH.Nous avons
également essayé
latrypaflavine
ensolution dans des
mélanges
d’octanol et de méthanol : la loi obtenue est sensiblementrectiligne,
mais,
inter-prétée
par la méthode de Perrin elle conduit à des résultats absurdes : ainsi la valeur de"CI
V seraitnéga-(*) Il convient de remarquer que nos mesures ont été faites longitudinalement, tandis que celles de Perrin ont été exécutées transversalement. Cette différence ne semble pas introduire d’erreur notable.
tive.
Remarquons
d’ailleursqu’en
portant
engraphique
toutes les valeurs
indiquées
par F. Perrin, puur lesystème
uranine-eau-glycérine,
on constate(fig. 2)
que lesquatre premiers points
(branche ...iB1)
sont enligne
Fig. 3. - 1.
Trypaflavine dans divers alcools +
2. Trypaflavine, octanol-méthanol . 3. Rose Bengale-alcools ~ - H’
1
. ’ , p 1] 4.Erythrosine-alcools p 1
1
. Lewshin (3) P or 4’. -1 ( 1 )
pB
Vn 5. Fluorescéine-alcools (Perrin) xdroite et fournissent des résultats
raisonnables,
mais quequatre
autrespoints
(branche
A,)
sontégalement
en
ligne
droite et conduisent aussi à un4/ V
négatif.
Dans les
mélanges eau-glycérine
à faible viscosité on se trouve dans un domaine pourlequel, quoique
la courbe soitrectiligne,
la loi de Perrin ne sejustifie
plus.
Le cas estanalogue
à celui dumélange
octanol-méthanol citéplus
haut.Nous avons enfin mesuré la
polarisation
de la lumière de fluorescence de latrypaflavine
dissoute dans divers alcools ainsi que l’avait fait Lewschin(3).
Lespoints
obtenus ne sont pas enligne
droite(fig. 3),
cequi
était àprévoir
puisque V
varie d’une solution à l’autre.Cependant
si nousportons
dans legraphique 1 /p
~
F(1 /r)
les résultats obtenus par Lewschin dans desconditions
analogues,
pour1 érythrosine
et le rosebengale,
nous trouvons une droite assez satisfaisante. Notons que la courbure ne se marque pour nosrésul-tats que pour les alcools
supérieurs
que Lewschinn’a pas utilisés. Mais l’accord avec une loi
rectiligne
n’est pas moinsbon,
pour cetauteur,
si au lieu de1/}J
=F( 1 ¡-Il)
nousportons
1/p
=F(ll V 11)
enattri-buant à V les valeurs
indiquées
par Marinesco etqui
varient de 1 566 à 2 374(érythrosinc).
Cet
exemple
prouvequ’il
est trèsdangereux
devoeu-loir confirmer l’une ou l’autre de ces deux lois au moyen
d"un
petit
nombre depoints
et notre remarques’ap-plique
à tous les travaux dont nous avons connaissanceet relatifs à cette
question.
rela-124
ter montrent que les valeurs de j~o, obtenues par
extra-polation
de la droite dePerrin,
peuvent
être,
pour uncolorant donné, très différentes suivant le solvant uti-lisé. Ils
prouvent
qu’il n’y
a pas de raisons d’admettrel’une d’entre elles comme
polarisation
fondamentale de la molécule. On nepeut
donc pas se servir de la valeurde /?o obtenue dans un
premier
solvant pour calculerpar
exemple
la vie moyenne r de l’état excité dans unautre solvant au moyen d’une mesure de
polarisation
dans ce second milieu.Il nous semble que la viscosité
macroscopique
qu’on
mesure à l’aide des méthodes mentionnées
plus haut,
ne
peut
pas être introduite sans restrictions dans les calculs relatifs aux mouvements de rotation de molé-culesdissoutes,
tout au moins dans le cas demélanges
binaires de solvants.La mesure de la
dispersion
anomale des ondeshert-ziennes dans les solutions
conduit,
pour la rotation des moléculesdissoutes,
à des mobilitésqui peuvent
être
représentées
en fonction de la viscositémacrosco-pique
par des courbes en accord avec la loi de Stokes. En modifiant le solvant on est amené à introduiredans la fonction de Stokes des valeurs différentes du rayon moléculaire
(donc
deV).
Ces valeurs ne semblentpas
correspondre
à celles déterminées par des mesuresde diff usion : elles sont mème
parfois
plus petites
qu’à
l’état gazeux(a-b).
Ces faits montrentégalement qu’il
convient d’utiliser une
expression
de la friction des molécules dissoutes sur lesolvant,
autre que la visco-sitémacroscopique.
Un travail récent de Cram
(c)
montre que la mesuredirecte de la vie moyenne T au moyen du
fluoro-mètre de
Gaviola-Szymanowski,
conduit à une relationentre Têt la viscosité
macroscopique r
qui
ne s’accorde pas du tout avec les formules déduites de la loi de Stokes.Si la molécule de colorant se couvre, en
solution,
d’une couche de molécules d’un des deux
composants,
qu’elle
entraîne dans tout mouvement de translation(ce
qui permet
de calculer une valeur deV),
il nesemble pas
impossible
que, à viscositéinfinie,
toutetranslation étant
empêchée,
il subsiste encore pour larotation un certain
degré
de liberté de la molécule de colorant à l’intérieur de la couche de solvatation.Manuscrit reçu le 24 décembre 1936.
BIBLIOGRAPHIE
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GAVIOLA et P. PRINGSHEIM. Z.Physík,
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