Enoncé A488 (Diophante)
Somme et produit réglés à l’unité
Montrer qu’il existe 2012 nombres rationnels pas nécessairement distincts entre eux, compris dans l’intervalle ouvert ]−2,2[ et dont la somme et le produit sont égaux à 1.
Même question avec respectivement 2013, 2014 et 2015 nombres rationnels.
Pour les plus courageux : pour quelles valeurs de l’entier k existe-t-il k nombres rationnels définis dans l’ensembleQ, pas nécessairement distincts, dont la somme et le produit sont égaux à 1 ?
Solution de Jean Moreau de Saint-Martin
Une solution générale, couvrant entre autres les cas k= 2012 à 2015, est donnée par le tableau suivant, où (r)q indique que le rationnel r figure q fois comme terme de la somme et du produit.
k (r)q
4m (3/2)1,(−3/2)1,(4/3)1,(−1/3)1,(1)2m−2,(−1)2m−2 m≥1
4m+ 1 (1)2m+1,(−1)2m m≥0
4m+ 2 (4/3)1,(−4/3)1,(3/2)1,(−3/2)1,(1/2)2,(1)2m−2,(−1)2m−2 m≥1 4m+ 3 (3/2)2,(4/3)1,(−1/3)1,(1)2m−2,(−1)2m+1 m≥1 La colonne de droite donne les valeurs m minimales pour l’application de ces formules. De ce fait les entiers non couverts sont 2 et 3.
Ces entiers pourrraient-ils être couverts autrement ?
C’est impossible pour 2 : les deux réels de somme et produit 1 sont ϕ (nombre d’or) et 1−ϕ, irrationnels.
Reste à montrer l’impossibilité dans le cas de 3.
1) Montrons d’abord que toute solution à 3 termes s’exprime comme (x2/(yz), y2/(zx), z2/(xy))
au moyen de 3 entiers solution dex3+y3+z3−xyz= 0.
Supposant l’existence d’un triplet de rationnels, soitp/q l’un d’eux (p et q entiers premiers entre eux), qu’on peut supposer >0 comme la somme 1. Les 2 autres ont pour somme 1−p/q, d’où l’expression (avec m et n entiers premiers entre eux, qu’on peut supposer>0) 1
2
1−p q ±m
n
. Le produit des 3 termes (1), multiplié par 4n2q3, est
4n2q3=p(n(q−p) +mq)(n(q−p)−mq).
Le second membre est congru à n2p3 modulo q; q étant premier avec p, doit diviser un des deux derniers facteurs, doncpn etn=wq. on a alors 4w2q3 =p(w(q−p) +m)(w(q−p)−m).
m étant premier avec n = wq, un diviseur commun aux deux derniers facteurs est un diviseur de 2, et w ne divise aucun des deux. Ainsi w2 divisepetp divise 4w2.
Supposonsw(q−p) +mpair ; alors (w(q−p) +m)/2 et (w(q−p)−m)/2, premiers entre eux, ont pour produit q3; il existe u et v premiers entre eux, tels queq =uv,m=u3−v3,w(q−p) =u3+v3,p=w2,n=qw= uvw=u3+v3+w3.
Supposons maintenant w(q−p) +m impair ; alors p = 4w2, et il existe u et v impairs premiers entre eux, tels que q = uv, m = (u3 −v3)/2, w(q−p) = (u3+v3)/2, 2n= 2qw=uv(2w) =u3+v3+ (2w)3.
Les deux cas se ramènent donc aux solutions en entiers de x3+y3+z3−xyz= 0.
L’équation s’écrit aussi x2/(yz) +y2/(zx) +z2/(xy) = 1, somme de 3 termes de produit 1.
Les valeurs de p, q, m, n identifient la solution du problème initial aux 3 termes x2
yz,y2 zx, z2
xy
!
, comme annoncé.
2) Discussion de l’équation x3+y3+z3−xyz= 0.
On peut supposer les entiers x, y, z premiers entre eux deux à deux : tout diviseur commun à x et y doit aussi diviser z, et on obtient une solution en entiers en divisantx, y, z par leur PGCD.
Ces entiers ne sont pas tous trois impairs, car l’équation serait fausse modulo 4. Il y en a un pair et deux impairs, dont la somme a même reste modulo 8 que le terme pair.
Quitte à changer les noms, on peut supposer x et y de même parité, soit x, y=s±davec s, dentiers, premiers entre eux pour quex ety le soient.
L’équation devient
2s3+ 6sd2+z(z2−s2+d2) = 0.
d2(z+ 6s) =s2(z−2s)−z3.
Soit P GCD(s, z) =t,s=pt,z=qt. L’équation s’écrit t2(2p3+q3−p2q) +d2(q+ 6p) = 0.
Soit g = P GCD(q + 6p, p2q−q3 −2p3). Comme d est premier avec t, diviseur de s, il faut
q+ 6p=gt2,p2q−q3−2p3=gd2.
g divise 26q3=−27(p2q−q3−2p3)−(q+ 6p)(q−3p)2 et 208p3 =p2q−q3−2p3+ (q+ 6p)(q2−6pq+ 35p2).
p etq étant premiers entre eux,g est un diviseur de 208.
Eliminantq, à chaque valeur deg(10 possibilités) correspond une équation en t, d, p
g2t6−18pgt4+ 107p2t2−d2−208p3/g= 0
mais je n’ai pu mener très loin la discussion de ces 10 équations, qui peuvent se réduire à 4 :
Sidest pair,pettsont impairs,gest pair (sinon impossibilité modulo 8), et même multiple de 16, soit 16 ou 208.
Si d est impair et t pair, il faut p impair et g multiple de 16, soit 16 ou 208.
Si dest impair etp pair, il faut tetg impairs, soit g= 1 ou 13.
L’équation s’écrit aussi, en posants=ugt3,d=vgt3
v2 = 1−18u+ 107u2−208u3, équation d’une courbe elliptique dont il faut chercher les points rationnels (u, v).
On la met sous forme canonique V2 = U3 +AU +B en posant U = 321−1872u,V = 5616v, d’oùA=−5859,B = 344034.
Je présume qu’on sait démontrer que cette équation est sans solution ra- tionnelle. J’ai vu sur Internet que l’équation (X+Y +Z)3 = XY Z est sans solution en entiers non nuls, donc en particulier sans solution telle queX=x3,Y =y3,Z =z3.