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Rôle de la mémoire de travail dans le développement de la complexité syntaxique de l'enfant de 5 à 12 ans

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Academic year: 2022

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Master

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Rôle de la mémoire de travail dans le développement de la complexité syntaxique de l'enfant de 5 à 12 ans

ABOS, Géraldine Lucie Danielle

Abstract

L'intérêt de la présente étude est de rechercher le lien précis entre les capacités de mémoire de travail et le développement de la complexité syntaxique du langage oral chez des enfants tout-venant âgés de cinq à douze ans. Le développement de la complexité syntaxique du langage oral chez l'enfant soulève encore de nombreuses questions. Chez les jeunes enfants, la production et la compréhension de phrases complexes seraient limitées par le calcul syntaxique trop important qu'elles requièrent. Jakubowicz (2007) postule que les limitations langagières observées chez les jeunes enfants seraient dues à des contraintes développementales externes au langage, telle que la mémoire de travail. La maturation de la mémoire de travail libérerait par la suite des ressources permettant le traitement de phrases plus complexes. Neuf épreuves ont permis d'évaluer la mémoire de travail, la complexité syntaxique ainsi que le raisonnement non-verbal chez 48 enfants répartis en trois groupes d'âge : 5-6 ans ; 8-9 ans et 11-12 ans. Les résultats obtenus confirment l'augmentation des capacités de mémoire de [...]

ABOS, Géraldine Lucie Danielle. Rôle de la mémoire de travail dans le développement de la complexité syntaxique de l'enfant de 5 à 12 ans. Master : Univ. Genève, 2011

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:17593

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Section de psychologie

MAITRISE UNIVERSITAIRE EN LOGOPEDIE

ROLE DE LA MEMOIRE DE TRAVAIL DANS LE DEVELOPPEMENT DE LA COMPLEXITE SYNTAXIQUE CHEZ L’ENFANT DE 5 A 12 ANS

Travail présenté par : Géraldine Abos

Juin 2011

Directeurs du mémoire de recherche : Hélène Delage et Ulrich Frauenfelder

Jury: Hélène Delage, Ulrich Frauenfelder et Jennifer Martin

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Remerciements

Je tiens à remercier mes directeurs de mémoire de recherche, Ulrich Frauenfelder pour son encadrement et ses conseils, et Hélène Delage pour son aide, sa patience et surtout pour tout le temps qu’elle a pu nous consacrer ces deux dernières années.

Je tiens également à remercier mes collègues de recherche, Aurore Duployer et Marie Varlet, pour cette agréable collaboration. Merci à Marie Cruz pour nous avoir transmis ses données sur les adultes mais également pour son aide pour la transcription et le codage du langage spontané.

Un grand merci à tous les enfants qui ont participé à cette recherche et à leurs enseignants.

Finalement, je remercie sincèrement mes parents et mon frère pour leur confiance. Un merci particulier à mes amies et futures collègues logopédistes : Anne-Laure, Julie et Marie ; merci également à Elsa pour la relecture, et à Diogo pour son extrême patience.

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RESUME

L’intérêt de la présente étude est de rechercher le lien précis entre les capacités de mémoire de travail et le développement de la complexité syntaxique du langage oral chez des enfants tout- venant âgés de cinq à douze ans. Le développement de la complexité syntaxique du langage oral chez l’enfant soulève encore de nombreuses questions. Chez les jeunes enfants, la production et la compréhension de phrases complexes seraient limitées par le calcul syntaxique trop important qu’elles requièrent. Jakubowicz (2007) postule que les limitations langagières observées chez les jeunes enfants seraient dues à des contraintes développementales externes au langage, telle que la mémoire de travail. La maturation de la mémoire de travail libérerait par la suite des ressources permettant le traitement de phrases plus complexes. Neuf épreuves ont permis d’évaluer la mémoire de travail, la complexité syntaxique ainsi que le raisonnement non-verbal chez 48 enfants répartis en trois groupes d’âge : 5-6 ans ; 8-9 ans et 11-12 ans. Les résultats obtenus confirment l’augmentation des capacités de mémoire de travail et de syntaxe avec l’âge. Par ailleurs, un lien a été mis en évidence entre le développement des performances en mémoire de travail et le développement de la complexité syntaxique. Plus précisément, l’existence d’une relation de prédiction a été démontrée entre les capacités de mémoire de travail, impliquant le maintien et le traitement de l’information, et le développement de la complexité syntaxique en ce qui concerne la production et la compréhension du langage oral.

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INTRODUCTION ... 7

1. Partie théorique ... 8

1.1 Mémoire de travail ... 8

1.1.1 Définition ... 8

1.1.2 Le modèle de Baddeley ... 9

1.1.2.1 La boucle phonologique... 9

1.1.2.2 Le calepin visuo-spatial ... 11

1.1.2.3 L’administrateur central ... 11

1.1.2.4 Ajout du buffer épisodique ... 13

1.1.3 La Mémoire à court terme verbale selon Majerus ... 13

1.2 Traitement syntaxique et complexité ... 14

1.2.1 Le nombre et la nature des opérations syntaxiques ... 15

1.2.2 L’enchâssement ... 17

1.2.3 Théories explicatives ... 20

1.3 Lien entre MdT et syntaxe dans le développement du langage oral chez l’enfant... 22

1.4 Hypothèse théorique ... 27

2. Méthode ... 28

2.1 Participants ... 28

2.2 Matériel et procédure ... 29

2.2.1 Procédure générale ... 29

2.2.2 Epreuves de MdT ... 29

2.2.2.1 Empans simples ... 29

2.2.2.2 Empans complexes ... 31

2.2.3 Evaluation de la syntaxe ... 32

2.2.3.1 Analyse syntaxique du langage spontané ... 32

2.2.3.2 ECOSSE ... 34

2.2.3.3 Epreuve de répétition de phrases complexes ... 35

2.2.4 Raisonnement non-verbal ... 36

2.3 Plan d’expérience ... 36

2.4 Traitement des données ... 37

2.5 Hypothèses opérationnelles... 38

2.5.1 Augmentation des performances en MdT et en syntaxe avec l’âge ... 38

2.5.2 Lien entre scores en MdT et mesures de complexité syntaxique ... 38

3. Résultats ... 39

3.1 Variables contrôlées ... 39

3.2 Augmentation des performances en MdT et en syntaxe avec l’âge ... 40

3.2.1 Analyses descriptives et analyses de variance ... 40

3.2.2 Comparaisons inter-groupes ... 42

3.3 Lien entre scores en MdT et mesures de complexité syntaxique ... 45

3.3.1 Analyses de corrélation ... 45

3.3.2 Analyses de régression multiple ... 46

4. Discussion ... 51

4.1 Augmentation des performances en MdT et en syntaxe avec l’âge ... 52

4.2 Liens entre scores de MdT et mesures de complexité syntaxique ... 54

4.3 Conclusions et perspectives ... 60

BIBLIOGRAPHIE ... 62

Liste des Annexes ... 67

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LISTE DES ABREVIATIONS

 AC : Âge Contrôle

 AL : Âge Lexique

 C : Complémenteur

 CV : Consonne-Voyelle

 CCV : Consonne-Consonne-Voyelle

 D : Déterminant

 GU : Grammaire Universelle

 LME : Longueur moyenne d’énoncés

 MdT : Mémoire de Travail

 N : Nom

 Obj : Objet

 P : Phrase

 PM : Pseudo-mots

 Psub : Phrase Subordonnée

 Rel : Relative

 SN : Syntagme Nominal

 Suj : Sujet

 SV : Syntagme Verbal

 TSL : Trouble Spécifique du Langage

 V : Verbe

 VC : Variable Contrôlée

 VD : Variable Dépendante

 VI : Variable Indépendante

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INTRODUCTION

L’objectif général de cette recherche est de définir les liens précis entre les capacités de mémoire de travail et le développement de la complexité syntaxique. En effet, le développement de la syntaxe complexe du langage oral chez l’enfant soulève encore de nombreuses questions. Jakubowicz (2007) la définit par un certain nombre de facteurs parmi lesquels le nombre et la nature des opérations nécessaires à l’élaboration d’une phrase.

Chacune de ces opérations mentales ayant un certain coût, la production et la compréhension de phrases complexes seraient ainsi limitées chez les jeunes enfants par le calcul syntaxique trop important qu’elles requièrent. Jakubowicz postule que ces limitations langagières observées chez le jeune enfant seraient dues à des contraintes développementales externes au langage, telles que la mémoire de travail qui affecterait et limiterait le calcul syntaxique trop coûteux nécessaire au traitement des phrases complexes. Puis, la maturation normale de la mémoire de travail libérerait des ressources permettant ainsi de traiter des phrases complexes.

Une série de neuf épreuves évaluent la mémoire de travail, la syntaxe et le raisonnement non- verbal chez 48 enfants répartis en trois groupes d’âge : 5-6 ans, 8-9 ans et 11-12 ans. Nous souhaitons dans notre recherche retrouver l’augmentation des performances en syntaxe et en mémoire de travail avec l’âge décrite dans la littérature et surtout pouvoir éclaircir la nature du lien entre le développement de la mémoire de travail et le développement de la complexité syntaxique. Nous commencerons donc par une revue de littérature qui nous permettra de définir le concept de mémoire de travail ainsi que celui de complexité syntaxique puis nous décrirons les liens déjà démontrés entre le développement des capacités de mémoire de travail et le développement langagier chez l’enfant. Dans une seconde partie, nous présenterons le protocole d’évaluation utilisé dans notre recherche. Nous continuerons par une présentation des résultats de nos analyses statistiques. Enfin, en discussion, nous confronterons nos résultats aux recherches antérieures et à nos prédictions.

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1. Partie théorique

Dans cette partie, nous définirons d’abord le concept de mémoire de travail (en section 1.1) en nous référant principalement au modèle de Baddeley (1986, 2000). Nous nous intéresserons ensuite à la complexité syntaxique du langage oral selon la théorie des principes et paramètres de Chomsky (en 1.2). Puis nous décrirons les liens déjà démontrés entre la mémoire de travail et le traitement des structures syntaxiques complexes (en 1.3).

1.1 Mémoire de travail

1.1.1 Définition

La mémoire de travail (MdT) est un système de maintien temporaire et de manipulation de l’information nécessaire à la réalisation de tâches cognitives complexes telles que l’apprentissage, le raisonnement et la compréhension (Baddeley, 1986). Au quotidien, elle permet de pouvoir suivre une conversation, rendre la monnaie, faire un calcul mental ou encore retenir un numéro de téléphone le temps de le composer... Elle se différencie de la mémoire à court terme qui se caractérise par le stockage temporaire de l’information et n’implique pas de traitement (Barrouillet et Camos, 2007). D’après le concept de mémoire à court terme d’Atkinson et Shiffrin (1968), l’information passe du registre sensoriel à la mémoire à court terme et enfin à la mémoire à long terme. Cependant l’existence de patients présentant une mémoire à long terme intacte et une mémoire à court terme altérée remet en cause l’organisation sérielle de ce modèle (Shallice et Warrington, 1970 cités par Seron, 2007). Ce modèle est alors abandonné au profit de celui de mémoire de travail proposé par Baddeley et Hitch (1974). Plusieurs modèles théoriques ont ensuite émergé pour rendre compte de la MdT : des modèles à conception unitaire (modèle de Cowan, 1999) ou modulaire (modèle de Baddeley, 1986, 2000), mais ces chercheurs s’accordent sur le fait d’assigner une capacité limitée à la MdT. Nous nous intéressons plus particulièrement au modèle de Baddeley, qui est un des modèles les plus influents pour rendre compte des processus de maintien à court terme de l’information (Gathercole, Pickering, Ambridge et Wearing, 2004 ; Barrouillet et Camos, 2007).

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1.1.2 Le modèle de Baddeley

Selon le modèle princeps de Baddeley et Hitch (1974), la MdT est définie comme un système consacré au stockage temporaire et à la manipulation de l’information. Ce modèle propose un système hiérarchisé comportant de multiples composantes qui fonctionnent de manière autonome. Il se compose de deux systèmes esclaves, la boucle phonologique et le calepin visuospatial, qui stockent les informations de manière spécifique en fonction de la nature du matériel et d’un système de contrôle attentionnel de ces systèmes esclaves, l’administrateur central (Baddeley, 1998, 2003 ; Barrouillet et Camos, 2007), (voir figure 1).

Figure 1 : modèle princeps de la mémoire de travail à trois composantes (Baddeley et Hitch, 1974)

1.1.2.1 La boucle phonologique

La boucle phonologique s’articule autour de deux composantes. Le stock phonologique, de capacité limitée, assure le stockage des informations verbales et acoustiques sous forme de codes phonologiques pendant des durées très brèves. Le mécanisme de récapitulation articulatoire, quant à lui, est un système de répétition subvocale qui a pour fonction de maintenir actives les informations dans le stock phonologique à court terme et également d’y faire entrer les informations verbales présentées visuellement en les recodant sous une forme phonologique.

Mesures de la boucle phonologique

La capacité de la boucle phonologique est évaluée par des tâches d’empans simples sur du matériel verbal. Ces tâches requièrent un simple maintien de l’information verbale (Barrouillet et Camos, 2007). Pour définir cet empan, on présente généralement des listes de chiffres, de lettres ou encore de mots de longueur croissante ; l’empan correspond à la plus longue liste pouvant être rappelée dans l’ordre sans erreur et représente la quantité d’information qui peut être conservée en mémoire à court terme après une seule présentation. Pour certains auteurs, la répétition de pseudo-mots, qui consiste à présenter des mots sans signification dont le nombre de syllabes augmente progressivement, est la mesure la plus pure

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d’empans simples car elle ne génère pas l’activation de représentation lexicale en mémoire à long terme et se rapproche également plus d’une situation d’apprentissage (Baddeley, 2003).

Pour Poncelet et Van der Linden (2003), cette tâche évalue spécifiquement le stock phonologique de la boucle phonologique. En effet, répéter immédiatement après présentation auditive des items verbaux non familiers de longueur variable laisse peu de place à la mise en œuvre et à l’exécution de la récapitulation articulatoire.

Développement des empans simples

Les empans simples progressent fortement avec l’âge, principalement entre deux et neuf ans pour atteindre les valeurs adultes (7 +/‐ 2 items) à l’adolescence (Miller, 1956) ; après neuf ans, les empans simples évoluent alors de manière moins « intense » (Barrouillet et Camos, 2007). D’autres auteurs retrouvent une augmentation régulière des performances en répétition de pseudo-mots chez des sujets de trois ans à l’âge adulte et de manière particulièrement importante entre quatre et six ans (Gathercole, 1998 ; Poncelet et Van der Linden, 2000).

Pross, Gaonac’h et Gaux (2008) retrouvent une augmentation des empans simples sur des épreuves d’empans de mots et de pseudo-mots chez des enfants entre huit et dix ans. Case, Kurland, et Goldberg (1982, cités par Barrouillet et Camos, 2007) expliquent cette progression par l’identification et l’encodage des mots à rappeler qui deviennent plus efficaces entre trois et six ans libérant ainsi des ressources attentionnelles disponibles pour le stockage temporaire. Certains auteurs expliquent le développement des empans simples par l’émergence de la répétition subvocale vers sept ans. Avant cela, la boucle phonologique servirait seulement de stock phonologique (Gathercole, 1998 ; Majerus, Poncelet, Greffe, Van der Linden, 2006). L’utilisation plus systématique de la répétition subvocale ainsi que l’augmentation de la vitesse de répétition expliqueraient une part non négligeable de l’augmentation du niveau d’empan entre sept et quinze ans (Baddeley, 1998) en permettant de rafraîchir plus de mots avant leur disparition du stock phonologique et donc d’obtenir un meilleur maintien de l’information (Baddeley, 1986).

En synthèse, les empans simples progressent fortement avec l’âge ; l’émergence de la répétition subvocale vers sept ans permet une augmentation importante des empans simples jusqu’à neuf ans puis l’évolution se poursuit de manière plus lente jusqu’à l’âge adulte.

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1.1.2.2 Le calepin visuo-spatial

Le calepin visuo-spatial, de capacité limitée, assure le stockage temporaire des informations visuelles et spatiales. Il permet la génération et la manipulation des images mentales (Baddeley, 1998 ; Gathercole et al., 2004 ; Barrouillet et Camos, 2007). Il peut être évalué avec des tâches d’empans simples visuo-spatiaux dans lesquelles le sujet doit reproduire des séquences visuo-spatiales sans faire appel au codage verbal (Barrouillet et Camos, 2007).

Cependant, nous ne cherchons pas à évaluer cette composante dans notre recherche.

1.1.2.3 L’administrateur central

L’administrateur central est le système de contrôle attentionnel des systèmes esclaves. Il sélectionne, coordonne et contrôle de manière amodale les opérations de traitement de la boucle phonologique et du calepin visuo-spatial. Il serait fractionnable en sous-composantes exécutives permettant la coordination de deux tâches, la récupération et la manipulation des informations en mémoire à long terme ainsi que l’attention sélective1 (Baddeley, 1998 ; Barrouillet et Camos, 2007 ; Pross et al., 2008).

Mesures de l’administrateur central

Les capacités de l’administrateur central sont mesurées avec des tâches d’empans complexes définies par Barrouillet et Camos (2007) comme des « doubles tâches où le sujet doit maintenir une liste d’items en vue du rappel tout en effectuant une activité concurrente telle que lire des phrases, dénombrer des collections, résoudre des opérations, etc. ». Les tâches d’empans complexes telles qu’une tâche d’empan de chiffres envers ou toute épreuve dite de « double tâche » sont donc caractérisées par le traitement et le maintien simultanés de l’information. Par exemple, Daneman et Carpenter (1980) proposent la tâche du « reading span » (« empan de lecture ») pour mesurer l’empan complexe. Le sujet doit lire des séries de phrases sans lien entre elles. Il doit alors juger de la véracité de chaque phrase et en retenir le dernier mot puis restituer tous les mots à la fin de chaque série. Le nombre maximal de phrases dont le dernier mot peut être rappelé constitue l’empan de lecture et apparaît comme étant un bon prédicteur de la compréhension en lecture.

1 L’attention sélective permet de sélectionner l’information la plus pertinente de l’environnement immédiat et de la mémoire à long terme, en la maintenant active jusqu’à ce que l’action soit correctement planifiée (Baddeley, 1998).

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Développement des empans complexes

Rappelons que les empans complexes verbaux se caractérisent par le maintien et le traitement de l’information. Ils dépendent donc des capacités de l’administrateur central, lui-même en interaction avec la boucle phonologique (Baddeley, 2000). Ces deux composantes sont donc à prendre en compte lorsqu’on parle d’empans complexes verbaux. Siegel et Ryan (1989, cités par Seigneuric, Guibert, Megherbi, Potier et Picard, 2008) présentent une tâche de « listening span » (« empan d’écoute ») pour les enfants anglophones, inspirée des travaux de Daneman et Carpenter (1980), dans laquelle les phrases sont lues aux enfants. Ils observent alors une augmentation linéaire des empans complexes chez ces enfants entre sept et douze ans.

Seigneuric et al. (2008) adaptent alors cette épreuve en français et retrouvent des résultats similaires, à savoir une augmentation significative des empans complexes entre sept et neuf ans. Cette augmentation a été également démontrée chez des enfants de huit à dix ans par Pross et al. (2008) sur cette tâche du listening span. Gathercole et al. (2004) observent également cette progression chez des enfants de six à quinze ans. Ils leur administrent les épreuves d’empans complexes suivantes : listening span (Daneman et Carpenter, 1980), rappel de chiffres à l’envers et « counting span2 » (Case, Kurland, & Goldberg, 1982), tâche dans laquelle les enfants comptent et mémorisent le nombre de points de couleur sur une série de planches et les rappellent dans l’ordre au signal. Les performances des enfants sur ces trois épreuves augmentent de manière linéaire de six à quatorze ans et se stabilisent entre quatorze et quinze ans. Siegel (1994) décrit ensuite l’évolution des empans complexes jusqu’à l’âge adulte et observe une augmentation régulière sur la tâche du listening span entre six et vingt ans. Par ailleurs, il est difficile d’administrer des tâches d’empans complexes à des enfants avant six ans car ce type de tâches excède leurs capacités ; la facilité croissante avec laquelle l’enfant gère la tâche secondaire libère des ressources et pourrait ensuite expliquer l’augmentation des empans complexes à partir de six ans (Barrouillet et Camos, 2007). Ainsi, les ressources nécessaires au traitement de la tâche secondaire diminueraient au profit de ressources supplémentaires consacrées au stockage (Case, 1985, cité par Barrouillet et Camos, 2007). D’autres auteurs considèrent que les traitements, devenant plus efficaces, permettent une exécution plus rapide de la tâche secondaire (Towse et Hitch, 1995).

2 Le counting span fait partie des épreuves que nous utilisons pour évaluer les empans complexes, nous la décrivons plus précisément dans la section 2.2.2.2.

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En synthèse, la maturation des empans complexes est plus tardive que celle des empans simples, elle semble plus régulière et continue d’augmenter jusqu’à la fin de l’adolescence (Barrouillet et Camos, 2007).

1.1.2.4 Ajout du buffer épisodique

Un quatrième composant, le buffer épisodique, est ajouté en 2000 (Baddeley, 2000). Il s’agit d’un système de stockage temporaire, de capacité limitée, capable d’intégrer des informations provenant de sources et de types différents. Contrôlé par l’administrateur central, il sert d’interface entre les deux systèmes esclaves et la mémoire à long terme (ou mémoire épisodique, voir figure 2). Il n’existe pas d’épreuve qui teste spécifiquement le buffer épisodique.

Figure 2 : Modèle de la mémoire de travail à composants multiples (Baddeley, 2000).

1.1.3 La Mémoire à court terme verbale selon Majerus

Majerus propose un modèle de mémoire à court terme verbale (ou boucle phonologique de Baddeley, 1986, 2000) se basant sur l’activation temporaire du système langagier, le traitement de l’ordre sériel et l’attention sélective (Majerus, Grossmann, Van der Linden, Billard, Touzin et Poncelet, 2009 ; Majerus, 2010). Selon cette approche, une tâche d’empans simples est déterminée par ces trois paramètres. Deux types d’information sont habituellement mémorisées : les items présentés (information « item ») et l’ordre dans lequel ils sont présentés (information « ordre sériel »). Pour les tester, Majerus propose notamment la tâche dite de la « course aux animaux »3 (Majerus et al., 2006 ; Majerus et al., 2009 ; Majerus,

3 La course aux animaux fait partie des épreuves que nous utilisons pour évaluer les empans simples, nous la décrivons plus précisément en section 2.2.2.1. Majerus met cette épreuve à disposition des chercheurs et des cliniciens : http://www.ppc.ulg.ac.be/evaluation.htm

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2010) dans laquelle le sujet entend des séries de noms d’animaux de plus en plus longues. On lui donne ensuite des cartes représentant des animaux qu’il a ou non entendus. Il doit alors retrouver les animaux entendus et les classer selon leur ordre de présentation. Si le sujet choisit des animaux qui ne font pas partie de la série qu’il a entendue, qu’on observe des omissions ou des intrusions, il s’agit d’une erreur d’information « item ». S’il choisit les bons animaux mais qu’il ne les classe pas dans l’ordre de présentation, il s’agit d’une erreur d’information « ordre sériel ». Pour Majerus (2010), la mesure d’ordre sériel est la plus robuste pour rendre compte du développement des empans simples car le rappel de l’information «item» est fortement dépendant des connaissances langagières existantes et refléterait davantage le niveau de développement de ces connaissances langagières. L’« ordre sériel » plus indépendant du langage reflèterait ainsi plus les compétences de la boucle phonologique en tant que système distinct des connaissances langagières.

Dans notre recherche, nous nous intéressons spécifiquement aux composantes de la boucle phonologique et de l’administrateur central du modèle de MdT de Baddeley (2000). Nous utiliserons par la suite le terme d’empans simples pour faire référence aux capacités de la boucle phonologique, y compris selon le modèle de Majerus. Le terme d’empans complexes sera utilisé pour désigner les capacités de l’administrateur central couplé à la boucle phonologique en ce qui concerne les empans complexes verbaux.

1.2 Traitement syntaxique et complexité

La syntaxe se définit par la manière dont les mots se combinent pour former des phrases. Les théories linguistiques qui suivent sont focalisées sur le développement de la syntaxe et s’inscrivent dans le courant de la grammaire universelle (GU) de Chomsky. Selon cet auteur, toutes les langues ont des propriétés en commun, ou principes, et divergent sur un nombre restreint de propriétés spécifiques à chaque langue, les paramètres. Les langues existantes sont donc conçues comme autant de variations de la GU. L’enfant est équipé dès la naissance de principes et de paramètres, il acquiert ensuite la grammaire unique de la langue à laquelle il est exposé. Selon Chomsky (2005), trois facteurs interagissent pour expliquer le développement du langage : l’héritage génétique (GU), l’expérience (l’input linguistique), ainsi que les systèmes de performances indépendants du langage (mais qui interagissent avec le langage) tels que le niveau général de raisonnement, l’audition, l’état psychologique, ou bien encore la mémoire. Par exemple, un enfant ayant une déficience intellectuelle a une GU

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intacte et se développe dans un environnement linguistique typique mais l’interaction entre son niveau d’intelligence et la GU peut entraîner des limitations langagières. L’acquisition du langage, et donc de la syntaxe, est ainsi tributaire de facteurs externes à la GU. Tout au long de l’acquisition, nous pouvons nous demander comment l’enfant passe de la production de structures dites simples à la production de structures plus complexes. Nous chercherons d’abord à caractériser la complexité syntaxique (en sections 1.2.1 et 1.2.2) puis nous nous intéresserons à la manière dont elle se développe en nous basant principalement sur l’hypothèse de complexité computationnelle proposée par Jakubowicz (2007), (en 1.2.3).

1.2.1 Le nombre et la nature des opérations syntaxiques

La métrique de la complexité dérivationnelle (Jakubowicz et Strik, 2007 ; Jakubowicz et Tuller, 2008) définit la complexité syntaxique par le nombre et la nature des opérations impliquées dans la dérivation d’une phrase, elle comporte deux clauses :

A. Fusionner un constituant x n fois donne lieu à une dérivation moins complexe que fusionner un constituant x (n+1) fois.

B. La fusion interne de x donne lieu à une dérivation moins complexe que la fusion interne de x + y.

La fusion correspond à la mise en commun d’éléments du lexique, comme en (1) où la fusion du déterminant (D) et du nom (N) forme un syntagme nominal (SN).

(1) D+N=SN  « le » + « chat » = Le chat.

La fusion interne se définit par les mouvements d’éléments impliqués lors de la dérivation d’une phrase à partir de sa structure profonde ; en (2) on observe le déplacement du pronom interrogatif en début de phrase.

(2) Tu vas où ?  Où tu vas ?

Selon la métrique de complexité dérivationnelle, la complexité syntaxique est dépendante du nombre et de la nature des opérations nécessaires à la construction d’une phrase. Chacune de ces opérations entraîne un certain coût cognitif. Dans l’exemple (3), une opération syntaxique est nécessaire à la fusion du déterminant « le » et du nom « chat » qui forme le syntagme nominal « le chat » ; un calcul supplémentaire doit ensuite s’effectuer pour la mise en commun du syntagme nominal « le chat » et du syntagme verbal « boit » afin d’obtenir une phrase simple.

(3) D+N = SN  « le » + « chat » = « le chat » SN + SV  « le chat » + « boit » = « le chat boit »

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Considérons maintenant la fusion interne (ou déplacement). Dans l’exemple (4), nous observons le déplacement du mot interrogatif à la périphérie gauche de la phrase, puis l’inversion du sujet et du verbe ; deux déplacements ont été nécessaires afin de transformer la structure profonde de la question.

(4) Tu vas où ?  Où tu vas ?

Tu vas où ?  Où tu vas ? Où vas-tu ?

Plus il y a de fusions et de déplacements, plus il y a d’opérations mentales à effectuer et plus le calcul se complexifie. La complexité syntaxique augmente ainsi avec le nombre de fusions et leur nature (Jakubowicz, 2007).

Prévost (2010) étudie la production et la compréhension de questions simples chez des enfants de quatre et six ans. Il utilise une tâche de production induite de questions dans laquelle les questions posées par les enfants peuvent être de différents types :

(5) Tu pousses qui ? : In situ (0 déplacement) Qui tu pousses ? : Antéposition (1 déplacement)

Qui pousses-tu ? : Antéposition avec inversion (2 déplacements)

Cette tâche laisse apparaître une forte proportion à l’antéposition (80% environ) chez les enfants de quatre ans et dans une moindre mesure à la production de questions in situ. A six ans, les enfants produisent essentiellement des antépositions, ils commencent également à produire des questions avec une inversion du sujet et du verbe, structures que produisent principalement les adultes. La compréhension de questions à partir de scènes imagées montre de meilleures performances : les constructions syntaxiques, même les plus complexes, sont bien comprises dès l’âge de quatre ans. Les auteurs constatent que la compréhension de questions simples nécessite un calcul syntaxique moins important qu’en production. D’autres auteurs (Jakubowicz et Strik, 2008 ; Strike, 2006) étudient la production de questions chez des enfants francophones tout-venant de quatre à six ans. Ils utilisent cette fois une tâche de production induite de questions complexes, c'est-à-dire contenant une phrase subordonnée comme en (6) dans laquelle se trouve la position de base « qui1 » du mot interrogatif.

(6) [Qui3 il croit [qui2 que tu vois qui1]]

La production de ce genre de questions nécessite deux déplacements du mot interrogatif, en position médiane «qui2 » et en position finale « qui3 », laissant alors deux traces. Les auteurs observent très peu de questions in situ (« Il croit que tu vois qui ») chez les enfants de quatre

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et six ans contre une majorité d’antépositions, sans pour autant qu’il y ait un déplacement du mot interrogatif jusqu’à sa position finale. Plus précisément, les enfants les plus jeunes produisent plus de structures « exceptionnelles » : ils déplacent le pronom interrogatif en position médiane « où2 » dans l’exemple (7) ce qui implique un calcul syntaxique moindre.

(7) (Où3) Billy a dit où2 que le poisson nage (où1) ?

Seuls les adultes produisent des questions complexes avec une inversion du sujet et du verbe, comme en (8), nécessitant un calcul syntaxique supplémentaire.

(8) Où3 Billy a-t-il dit (où2) que nage le poisson (où1) ?

Les jeunes enfants adoptent un type de phrase interrogative nécessitant moins d’opérations syntaxiques. Selon la métrique de complexité dérivationnelle, l’enfant est sensible au nombre de traces laissées par le mot interrogatif et au nombre de constituants qui doivent subir une fusion interne (ou déplacement) car chacune de ces opérations nécessite un certain calcul syntaxique. Les auteurs observent ainsi des dérivations moins complexes de manière plus fréquentes chez les plus jeunes enfants de trois-quatre ans, comparés à ceux de six ans (Strik, 2007 ; Jakubowicz et Strik, 2008). Les plus jeunes enfants ont tendance à éviter les déplacements et particulièrement les déplacements dits de « longue distance », c'est-à-dire impliquant une longue distance entre l’élément déplacé et sa trace, au profit d’autres stratégies (Jakubowicz et Tuller, 2008). Jakubowicz et Strik (2008) concluent que les jeunes enfants préfèrent les opérations syntaxiques plus économiques, notamment celles qui n’impliquent pas de mouvement et quand un seul constituant se déplace à la périphérie gauche de la phrase, à savoir le mot interrogatif.

1.2.2 L’enchâssement

Un enchâssement réunit deux phrases simples en une seule, dite complexe, afin que l’une dépende de l’autre ou d’un mot de l’autre (Ancourt et Denuite, 1999) comme en (9) où la phrase subordonnée complétive est enchâssée dans la phrase principale et en dépend.

(9) Je crois [que le chat a disparu]

Nous avons vu que la complexité syntaxique pouvait se définir par le nombre et la nature des opérations à effectuer pour construire une phrase, chaque opération syntaxique ayant un coût spécifique. Or, l’enchâssement d’une proposition à l’intérieur d’une autre proposition nécessite plusieurs opérations syntaxiques successives ; dans l’exemple (9) ci-dessus, il s’agit de traiter une nouvelle proposition, introduite par un complémenteur (ou subordonnant)

« que », un nouveau référent « le chat » et un verbe, ici conjugué, « a disparu ». Pour ces raisons, l’enchâssement et à plus forte raison l’enchâssement multiple, c'est-à-dire

(19)

l’enchâssement d’une phrase à l’intérieur d’une phrase elle-même enchâssée, est un facteur de complexité syntaxique accrue.

La profondeur de l’enchâssement correspond au nombre de subordonnée(s) à l’intérieur d’autres subordonnées. En comparant les deux arbres syntaxiques de la figure 3, nous pouvons observer que la phrase subordonnée « qu’il a triché » est enchâssée plus profondément dans la phrase principale que les subordonnées « que le chat a disparu » et

« que la maîtresse sait ». Il s’agit donc de traiter une proposition supplémentaire ce qui implique un coût syntaxique plus important. La profondeur de l’enchâssement influence ainsi l’augmentation de la complexité syntaxique de la phrase (Jakubowicz et Tuller, 2008 ; Delage, 2008).

Figure 3 : Représentation structurale4 d’un enchâssement et d’un enchâssement dit « profond »

4 Abréviations utilisées : P : phrase ; SN : syntagme nominal ; SV : syntagme verbal ; V : verbe ; Psub : phrase subordonnée ; C : complémenteur.

(20)

Loban (1976) mesure l’évolution du langage de 105 enfants de six à dix-huit ans à partir de l’analyse de recueils de langage spontané. Il observe alors qu’à six ans, toutes les structures sont acquises, mais que la fréquence des structures complexes augmente avec l’âge ; cet auteur observe ainsi un accroissement de la longueur moyenne d’énoncés5, de la densité propositionnelle6, ainsi que du taux de subordination7. Hass et Wepman (1974) analysent également le langage de 180 enfants anglophones de cinq à treize ans à partir de récits d’histoires. Ils s’intéressent à de nombreux facteurs de développement de la syntaxe tels que l’utilisation du discours ou encore la variété des constructions syntaxiques utilisées. Il ressort de leur étude que parmi les dimensions syntaxiques étudiées, l’enchâssement est la seule variable fortement corrélée avec l’âge, les auteurs observent en effet une progression développementale entre cinq et treize ans. Hamann, Tuller, Monjauze et Delage (2007) étudient le langage spontané d’enfants francophones tout-venant de six, huit et onze ans, qu’ils comparent à un groupe d’enfants de six à dix ans ayant un trouble spécifique du langage8 (TSL). Ces auteurs s’intéressent particulièrement à la fréquence des subordonnées relatives, au taux d’erreurs morphosyntaxiques et aux stratégies d’évitement observés dans les recueils de langage spontané. Les jeunes enfants de six ans, ainsi que les enfants avec TSL produisent plus de pseudo-relatives9 et font plus d’erreurs que les enfants tout-venant. Le taux de phrases enchâssées est également moins important chez les enfants avec TSL. Ces derniers utilisent davantage de stratégies d’évitement de la complexité syntaxique, comme par exemple l’omission légitime du mot subordonnant en (10) ou encore la juxtaposition de deux propositions sans élément de liaison comme en (11).

(10) Je pense on va faire des jeux

(11) Non [j’ai fait avec ma maîtresse] [il s’appelle Doris]

5 La longueur moyenne d’énoncés correspond au nombre total d’énoncés sur le nombre total de mots.

6 La densité propositionnelle correspond au nombre de propositions rapporté au nombre d’énoncés verbaux.

7 Ce taux se calcule à partir du nombre de subordonnées avec un degré d’enchâssement supérieur à 1, divisé par le nombre d’énoncés verbaux.

8 Ces enfants présentent un trouble significatif et durable de la production et de la compréhension du langage sans que cela soit imputable à des déficits physiques, sociaux ou émotionnels.

9Les « pseudo-relatives » correspondent :

- aux relatives de niveau 0, c'est-à-dire non enchâssées à l’intérieur d’une principale (Un jeu qui rend fou) - aux relatives disloquées (L’ami qui était avec Harry il est mort).

- aux relatives clivées en « c’est X qui/ que » (C’est Marie qui arrive. (et pas Pierre)) - aux relatives présentationnelles en « c’est/ il y a X qui/que» (C’est une fille qui court).

La « vraie relative » (Je connais le petit qui est tombé) est triplement enchâssée tandis que les pseudo- relatives sont doublement enchâssées. La structure d’une pseudo-relative se distingue donc de celle d’une vraie relative par un enchâssement moins profond, de ce fait cette structure est considérée comme étant moins complexe (Delage, 2008 ; Delage, Monjauze, Hamann et Tuller, 2008)

(21)

Les auteurs s’intéressent ensuite à des adolescents avec TSL de onze à seize ans et observent que ces derniers ne produisent pas plus de phrases complexes que les enfants avec TSL plus jeunes. Ils produisent encore beaucoup de pseudo-relatives alors qu’elles sont de moins en moins utilisées chez des enfants ordinaires de onze ans qui produisent significativement plus de phrases enchâssées. Les auteurs notent cependant que le taux d’erreurs diminue au profit de plus de stratégies d’évitement. Alors que les enfants tout-venant sont capables de produire des phrases plus complexes avec l’âge, les auteurs concluent que les enfants et les adolescents avec TSL ont une limitation au niveau du calcul nécessaire à la construction de la phrase, ce qui les empêche de produire des phrases complexes correctes et les oblige à développer des stratégies d’évitement.

1.2.3 Théories explicatives

Les théories explicatives qui suivent s’inscrivent dans le courant de la grammaire universelle (GU) de Chomsky. Rappelons que selon cet auteur, trois facteurs interagissent pour expliquer le développement du langage : l’héritage génétique (la GU), l’expérience (l’input linguistique), ainsi que les systèmes de performance indépendants du langage, mais qui interagissent avec le langage. Wexler (1998) s’intéresse particulièrement au facteur de l’héritage génétique et propose une approche maturationnelle du développement de la syntaxe selon laquelle toutes les étapes du développement linguistique seraient contraintes par les principes de la GU et émergeraient progressivement sans que les données de l’expérience n’interviennent. Ainsi, il postule que les principes de la GU, les procédures syntaxiques, seraient biologiquement programmés pour devenir opératoires à un certain stade du développement linguistique. Par exemple, Wexler montre qu’il existe un stade dans le développement linguistique du jeune enfant au cours duquel il produit des phrases dont le verbe principal est à l’infinitif (« dormir bébé ») bien qu’il connaisse les propriétés de la flexion des verbes. Une fois programmées, les procédures syntaxiques deviendraient disponibles. Les états immatures seraient alors remplacés par des états plus avancés.

Jakubowicz (Jakubowicz, 2007 ; Jakubowicz et Tuller, 2008) s’intéresse aux limitations computationnelles qui entravent le développement linguistique de l’enfant, en partant de l’idée que les divergences dans le développement linguistique entre les enfants ordinaires et les enfants ayant un trouble spécifique du langage (TSL) ne sont pas dues à un déficit au niveau de leur GU. Les enfants avec TSL n’ont pas un développement du langage qui pourrait être qualifié de déviant mais il se différencie de celui d’enfants tout-venant par un retard de développement. En ce qui concerne les limitations langagières des jeunes enfants, nous avons

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vu par exemple en section 1.2.1 que les jeunes enfants ont tendance à éviter la production de questions dites de longue distance, c'est-à-dire impliquant une longue distance entre l’élément déplacé et sa trace (Jakubowicz et Tuller, 2008). Ces productions nécessitent deux déplacements successifs du mot interrogatif ainsi qu’une inversion sujet-verbe, chacune de ces opérations syntaxiques ayant un certain coût. Les mouvements syntaxiques étant coûteux, les jeunes enfants les évitent, ils préfèrent les constructions de phrases plus économiques et privilégient les questions moins complexes (Strik, 2007 ; Jakubowicz et Strik, 2008). Les limitations langagières seraient donc dues à un calcul syntaxique trop coûteux à effectuer.

Jakubowicz met cela en lien avec des limitations au niveau des systèmes de performances externes à la GU, donc indépendants du langage, qui affectent le calcul syntaxique. Ainsi, le calcul, trop complexe à effectuer, serait limité par des contraintes développementales, comme les capacités de MdT. Les capacités de MdT seraient donc sensibles à la complexité du calcul nécessaire à la construction d’une phrase (Jakubowicz et Tuller, 2008). Jakubowicz formule l’hypothèse de complexité computationnelle dans le but d’expliquer les limitations langagières observées chez les enfants avec TSL. Comme nous avons vu plus haut, il est possible de comparer le développement linguistique d’enfants avec TSL à celui d’enfants ordinaires plus jeunes ; nous pouvons donc appliquer l’hypothèse de Jakubowicz qui vise à expliquer les troubles des enfants avec TSL à des enfants tout-venant. Ainsi, les phrases simples, impliquant un coût syntaxique faible, seraient traitées facilement alors que le calcul syntaxique plus important, nécessaire à la production et à la compréhension de phrases complexes, pourrait entraîner une surcharge en MdT. La limitation des capacités de MdT chez le jeune enfant favoriserait donc des phrases plus courtes et moins complexes qui exigent un stockage et un traitement par les ressources de MdT plus limités. Cette limitation disparaîtrait avec la maturation normale de la MdT libérant ainsi des ressources permettant par la suite le traitement de phrases plus complexes.

En synthèse, selon la théorie de Jakubowicz, théorie qui n’a pas encore été testée et que nous appliquons à des enfants tout-venant, les ressources limitées des jeunes enfants en MdT induisent l’utilisation de structures moins complexes nécessitant un calcul peu coûteux.

Quand les capacités de MdT se développent, les enfants deviennent alors capables de produire un langage plus conforme à la cible adulte.

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1.3 Lien entre MdT et syntaxe dans le développement du langage oral chez l’enfant

Beaucoup d’études établissent un lien entre le développement du lexique et celui de la MdT chez les enfants tout-venant (Gathercole, 2006 ; Majerus et al. 2006), mais peu d’études se sont intéressées au lien précis entre la MdT et le développement de la syntaxe.

Adams et Gathercole (1995) s’intéressent au lien entre les empans simples, testés via la répétition de pseudo-mots et l’empan de chiffre, et la production de langage spontané chez des enfants anglophones de trois ans. Ils effectuent des transcriptions et une analyse des indices du développement du langage (nombre de mots différents utilisés ; longueur moyenne d’énoncés ; complexité syntaxique : phrases nominale, verbale, interrogative, négative ; complexité de la structure allant d’une combinaison de deux mots à une phrase contenant plusieurs verbes). Les enfants avec un empan simple plus élevé produisent des phrases plus longues et grammaticalement plus complexes que les enfants ayant un empan simple plus faible. Ces mêmes auteurs (2000) testent alors de la même manière des enfants de quatre ans.

La répétition de pseudo-mots corrèle avec tous les indices de développement du langage. Les enfants avec un meilleur empan simple produisent en moyenne plus de mots variés, des phrases plus longues avec un degré de construction syntaxique supérieur que les enfants dont l’empan simple est plus faible. Ces auteurs confirment donc la relation entre l’acquisition de la syntaxe et le développement des empans simples chez des enfants de quatre ans. Willis et Gathercole (2001) s’intéressent au rôle des empans simples dans la compréhension et la répétition de phrases chez des enfants anglophones de quatre à cinq ans. La tâche consiste à lire à l’enfant une phrase qu’il doit répéter immédiatement. Ensuite, quatre images lui sont présentées et il doit choisir l’image correspondant à la phrase entendue. Les phrases sont issues du TROG10 (Bishop, 1982) et sont de complexité syntaxique variable. Les auteurs administrent également aux enfants les tâches d’empans simples de répétition de pseudo-mots et d’empan de chiffres. Le groupe d’enfants ayant un meilleur empan simple est plus performant et plus précis en répétition de phrases mais la différence n’est cependant pas significative en ce qui concerne la compréhension. Gathercole et Willis postulent alors que la répétition de phrases serait contrainte par les capacités d’empans simples. Elle serait plus fortement soutenue par l’accès aux représentations phonologiques temporaires alors que la compréhension serait davantage dépendante de la capacité de l’enfant à traiter la phrase aux

10 Nous utilisons la version française du TROG (Bishop, 1982), l’ECOSSE (Lecocq, 1996), que nous décrivons dans notre méthodologie en 2.2.3.2.

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niveaux syntaxique et conceptuel. Montgomery, Magimairaj et O’malley (2008) cherchent à étudier le rôle de la MdT dans la compréhension de phrases complexes chez des enfants anglophones de six à douze ans. Ils s’intéressent aux empans simples, évalués par une épreuve de répétition de pseudo-mots, ainsi qu’aux empans complexes, qu’ils évaluent avec une épreuve adaptée du listening span. Cette épreuve d’empans complexes se compose de vingt phrases dont le dernier mot est un pseudo-mot. L’enfant doit retenir ce pseudo-mot tandis qu’une question fermée concernant la phrase entendue lui est posée comme dans l’exemple (12) ci-dessous.

(12) The bird is singing at the dopedgi.

Is the bird singing?

Finalement, ces auteurs proposent une épreuve de compréhension de phrases qui se compose de phrases simples contrôles et de phrases complexes passives ou contenant un pronom. Ces structures de phrases sont familières pour les enfants dès six ans. La répétition de pseudo- mots ne corrèle pas avec cette épreuve de compréhension de phrase ; ces résultats rejoignent les observations de Willis et Gathercole (2001). En effet, les empans simples n’apparaissent pas comme étant impliqués dans le traitement et la compréhension de phrases complexes dont la structure est familière, en tout cas pas pour les phrases courtes utilisées ici. D’autre part, les empans complexes corrèlent avec la compréhension de phrases complexes, ce qui n’est pas le cas pour les phrases simples. Les auteurs concluent que les empans complexes jouent un rôle considérable dans la compréhension de phrases complexes, même quand la structure est familière.

Par ailleurs, de nombreuses études se sont intéressées à la recherche d’un lien entre les troubles développementaux du langage et la MdT (Danahy, Windsor et Kohnert, 2007 ; Majerus, 2006 ; Majerus et al., 2009). Comme nous avons vu en section 1.2.3, les enfants avec un trouble spécifique du langage (TSL) se différencient des enfants tout-venant par un retard dans leur développement langagier (Jakubowicz, 2007), nous pouvons alors imaginer que les liens observés entre la MdT et la syntaxe chez des enfants avec TSL peuvent se retrouver chez des enfants ordinaires plus jeunes. Gathercole et Baddeley (1990) comparent le niveau d’empans simples d’enfants de sept à neuf ans avec TSL à celui d’enfants tout-venant.

Ils observent alors des performances plus faibles chez les enfants avec TSL dans les tâches évaluant les empans simples, notamment en ce qui concerne l’empan de mots et la répétition de pseudo-mots. Les auteurs n’expliquent pas ces résultats par des limitations langagières, en effet ces données persistent même quand les enfants n’ont pas besoin de donner une réponse

(25)

verbalement. De plus, en répétition de pseudo-mots, la complexité articulatoire a les mêmes effets chez les enfants avec TSL et chez les enfants contrôles. Les faibles performances aux tâches testant les empans simples ne sont donc pas induites par des limitations langagières ou articulatoires et font bien appel aux capacités mnésiques. Ces auteurs concluent ainsi qu’un déficit au niveau des empans simples pourrait être à la base des difficultés langagières observées. Bishop, North et Donta (1996) désirent étendre les travaux de Gathercole et Baddeley (1990) et testent alors des jumeaux de sept à neuf ans, dont l’un au moins a une histoire de TSL passée ou actuelle. Ils évaluent les empans simples avec une épreuve de répétition de pseudo-mots. Les matrices de Raven sont utilisées pour s’assurer d’un raisonnement non-verbal dans la norme et une série d’épreuves évalue les capacités langagières telles que la compréhension (TROG, Bishop 1982) et la répétition de phrases. Ces auteurs retrouvent des performances plus faibles en répétition de pseudo-mots chez les enfants avec TSL, comparés à des enfants tout-venant, mais aussi chez certains enfants dont le TSL est résolu. En 2009, Majerus et al. étudient également le niveau d’empans simples chez des enfants avec TSL comparés à deux groupes contrôles d’âge chronologique et d’âge lexique.

Dans une première tâche, ils présentent des séquences de chiffres à l’enfant dont seul l’ordre de présentation varie. Ils utilisent ces items familiers et connus à l’avance dans le but de minimiser l’influence des capacités langagières. L’enfant doit reconstruire l’ordre à l’aide de cartes sur lesquelles les chiffres entendus sont imprimés, il doit donc seulement se rappeler de la position des chiffres. Dans un second temps, deux séquences de chiffres sont présentées à l’enfant ; il doit juger si elles sont de même longueur et si elles sont identiques au niveau de la position des chiffres. Les résultats montrent que les enfants avec TSL ont des niveaux de performances réduits dans les tâches nécessitant la rétention d’une information « ordre sériel » comparés à des enfants tout-venant du même âge. Ces difficultés s’observent surtout pour la tâche de reconstruction de l’ordre sériel dans laquelle les informations de la séquence en entier doivent être rappelées. Les performances sont moins déficitaires pour la tâche de reconnaissance de l’ordre qui est probablement moins sensible étant donné que l’enfant peut rejeter la séquence même s’il n’est pas capable de la reconstruire en entier. Les auteurs observent par ailleurs une diminution des performances surtout quand les informations

«ordre» et «item» doivent être combinées comme c’est le cas pour la tâche de répétition de pseudo-mots où ils notent un déficit sévère des empans simples pour les enfants avec TSL, rejoignant les observations de Gathercole et Baddeley (1990) ainsi que celles de Bishop et al.

(1996). A partir des travaux de Montgomery et al. (2008), Montgomery et Evans (2009) s’intéressent au rôle des empans simples et des empans complexes dans la compréhension de

(26)

phrases complexes chez des enfants avec TSL de six à douze ans, comparés à deux groupes contrôles d’âge chronologique (AC) et d’âge lexique (AL). L’épreuve de compréhension utilisée est la même que dans leur recherche précédente. Les empans simples sont évalués avec une épreuve de répétition de pseudo-mots et les empans complexes avec une épreuve adaptée du listening span. L’enfant entend une phrase simple de trois mots, il doit retenir le dernier mot tandis qu’une question fermée concernant le sens de la phrase lui est posée. Les performances des enfants avec TSL sont plus faibles que celles des enfants du même âge sur toutes les tâches de MdT. Les trois groupes obtiennent des performances similaires en compréhension de phrases simples, cependant les enfants avec TSL et les enfants AL ont de moins bonnes performances pour la compréhension de phrases complexes. Les auteurs observent chez les enfants avec TSL et AL une relation entre la compréhension de phrases complexes et les empans complexes, ce qui n’est pas le cas pour les empans simples.

Cependant, les empans simples corrèlent avec la compréhension de phrases simples chez les enfants avec TSL. Les auteurs concluent que la compréhension de phrases simples et complexes est une activité qui requiert des ressources en MdT de manière plus significative pour les enfants avec TSL que pour les enfants tout-venant ; par ailleurs les faibles scores en compréhension des phrases complexes chez les enfants avec TSL sont associés à une limitation des empans complexes. Danahy et al., (2007) s’intéressent alors à un outil permettant de différencier les enfants tout-venant d’enfants avec TSL à partir de leurs performances à une épreuve d’empans complexes. Ces auteurs utilisent l’épreuve du counting span pour comparer les performances de trois groupes d’enfants appariés en âge : des enfants monolingues de langue maternelle anglaise, des enfants bilingues dont l’anglais est la langue seconde ainsi que des enfants monolingues anglophones avec TSL. Cette étude examine la performance de ces trois groupes d’enfants dans une tâche d’empans complexes qui requiert une charge linguistique relativement faible. Les auteurs observent alors un meilleur niveau d’empans complexes pour les deux groupes d’enfants ordinaires, monolingues ou bilingues, comparé à celui des enfants avec TSL. Ils établissent ainsi un lien entre un faible empan complexe et un TSL et posent l’hypothèse que les enfants avec des performances faibles au counting span auront plus de risque d’avoir un TSL.

Certains auteurs retrouvent également un lien entre les empans complexes et les performances syntaxiques chez des adultes (Gibson et Thomas, 1999 ; Gimenes, Rigalleau et Gaonac’h, 2007). Gimenes et al. (2007) présentent une épreuve composée de phrases doublement enchâssées comme dans l’exemple (13).

(27)

(13) Le poisson / [que le vieux marin / [que la municipalité et la communauté / ont congratulé] / a pêché en pleine mer] / mesurait un mètre de longueur.

Le deuxième syntagme verbal, ici souligné, peut être omis, il est alors remplacé par un syntagme nominal pour contrôler la longueur de la phrase ce qui la rend agrammaticale comme en (14).

(14) Le poisson / [que le vieux marin / [que la municipalité et la communauté / ont congratulé] / la semaine dernière / mesurait un mètre de longueur.

Le syntagme nominal le plus enchâssé est composé de deux prénoms ou de deux noms communs ([que la municipalité et la communauté] ou [que Marie et Anne]). Les auteurs constituent des blocs de mots à rappeler composés de trois mots similaires aux mots de la phrase, c'est-à-dire de même catégorie lexicale (noms communs : messe institution ambassade ou prénoms : Tiffany Amandine Elsa) ou composées de trois mots différents, c'est-à-dire de noms communs si la phrase contient des prénoms et inversement. Le sujet écoute les trois mots, il doit les rappeler ; la phrase lui est ensuite présentée, il doit en évaluer subjectivement la difficulté puis rappeler à nouveau les trois mots. Le rappel de mots s’avère être moins bon lorsque les mots sont similaires aux mots de la phrase, surtout dans la condition dans laquelle le deuxième syntagme verbal est présent. Cet effet n’est pas constaté pour les phrases jugées plus faciles par les lecteurs. L’accroissement de la complexité grammaticale induit par la présence d’un verbe supplémentaire augmente l’effet d’interférence entre les mots à rappeler et les mots de la phrase. Ainsi, une phrase à double enchâssement réduit spécifiquement la mémorisation de mots appartenant à la même catégorie lexicale que les mots de la phrase. Le double enchâssement induirait donc bien un coût spécifique en MdT. Par ailleurs, selon Kimball (1973 cité par Gibson et Thomas, 1999), la limitation des ressources est quantifiée en termes de nombre de propositions partielles qui sont stockées en MdT à tout moment du traitement de la phrase. C'est-à-dire que lorsque le lecteur commence à traiter une phrase à plusieurs enchâssements, il traite d’abord le premier nom, ce qui débute une proposition, il attend donc un verbe, mais un deuxième sujet apparaît et ouvre une deuxième proposition ; il faut garder en MdT ces propositions partielles en cours pour comprendre la phrase au moment où les verbes apparaissent. Pour Gibson, en lisant une phrase complexe, le lecteur commence par traiter des noms sans connaître les verbes auxquels ces noms doivent être rattachés. La MdT permet de maintenir les noms et les prédictions syntaxiques, ce qui deviendrait particulièrement coûteux lors de la lecture du troisième nom de la phrase. Il propose ainsi une métrique permettant d’évaluer le coût du maintien de chaque prédiction en MdT. Ce coût dépendrait du nombre de référents discursifs traités à partir du moment de l’élaboration de la

(28)

prédiction. La difficulté de traitement des phrases à multiples enchâssements ne serait donc pas due à une limitation des compétences langagières mais serait plutôt liée à une restriction des capacités de calcul (Gibson et Thomas, 1999 ; Gimenes et al., 2007). Les enchâssements multiples entraîneraient ainsi une surcharge des capacités de MdT qui seraient sensibles à la complexité computationnelle des opérations successives à effectuer pour comprendre la phrase. Les observations de Gibson se rapprochent de la théorie de Jakubowicz chez les enfants (Jakubowicz, 2007 ; Jakubowicz et Tuller, 2008) présentée précédemment (cf. section 1.2.3). Les limitations langagières entrainées par des ressources limitées en MdT chez le jeune enfant se retrouvent donc également chez les adultes dans le traitement des phrases à multiples enchâssements (Gibson et Thomas, 1999).

1.4 Hypothèse théorique

En synthèse, nous avons vu que les empans simples augmentent fortement jusqu’à l’âge de neuf ans (Miller, 1956 ; Barrouillet et Camos, 2007) puis la progression se poursuit plus lentement jusqu’à l’âge adulte (Baddeley, 1998). Les empans complexes augmentent dès six ans jusqu’à l’âge adulte (Siegel, 1994 ; Gathercole et al. 2004). Par ailleurs, nous avons vu que les enfants sont capables de maîtriser des structures syntaxiques de plus en plus complexes avec l’âge (Hass et Wepman, 1974 ; Strike, 2006 ; Hamann et al., 2007). Certains auteurs établissent un lien entre l’acquisition de la syntaxe et le développement de la MdT chez des enfants ordinaires (Blake et al., 1994 ; Adams et Gathercole 1995, 2000 ; Montgomery et al. 2008), chez des enfants avec TSL (Gathercole et Baddeley, 1990 ; Bishop et al.,1996 ; Danahy et al., 2007 ; Majerus et al., 2009) et également chez des adultes (Gibson et Thomas, 1999 ; Gimenes et al., 2007). Notre étude se base sur l’hypothèse de complexité computationnelle (cf. section 1.2.3) de Jakubowicz (Jakubowicz, 2007 ; Jakubowicz et Tuller, 2008) qui prédit que les limitations langagières des enfants avec TSL seraient dues à des ressources limitées en MdT11 contraignant ainsi le calcul syntaxique des phrases complexes.

L’hypothèse de Jakubowicz, que nous appliquons à des enfants tout-venant, n’a cependant pas encore été testée. Notre recherche se propose donc d’étudier le lien précis entre la MdT et la syntaxe chez des enfants tout-venant en testant la relation entre l’augmentation des capacités

11 Jakubowicz (Jakubowicz, 2007 ; Jakubowicz et Tuller, 2008) parle de MdT, mais nous ne savons pas exactement à quoi elle se réfère. Il semblerait que cet auteur considère la MdT comme un tout sans en différencier les composants. Dans notre recherche, nous distinguons cependant l’administrateur central et la boucle phonologique, que nous évaluons avec des tâches d’empans complexes et d’empans simples.

(29)

en MdT avec l’âge, c'est-à-dire des empans simples et des empans complexes, et l’augmentation de la maîtrise des structures syntaxiques complexes avec l’âge chez des enfants de cinq à douze ans. Plus spécifiquement, nous cherchons à savoir si les performances en MdT augmentent de manière proportionnelle à celles des compétences syntaxiques et donc s’il y a une relation de dépendance entre l’augmentation de ces deux compétences. Si cette relation existe nous cherchons à savoir si les performances en MdT peuvent prédire celles en syntaxe.

2. Méthode

2.1 Participants

Notre échantillon est composé de 48 enfants âgés de 5;2 ans à 12;9 ans. Nous avons constitué trois groupes d’âge distincts : les 5-6 ans, les 8-9 ans et les 11-12 ans. Tous les enfants sont de langue maternelle française, monolingues et n’ont jamais été suivis en logopédie. Ces enfants sont scolarisés dans deux écoles ordinaires de Genève (N=26) et dans différentes écoles en France (N=22)12. La catégorie socioprofessionnelle des parents a été relevée à chaque fois que c’était possible. Le tableau 1 résume les données relatives aux participants.

Tableau I : Distribution des participants en fonction de leur âge et de leur sexe.

Age: année; mois Sexe

N Groupe d’âges

(en année) Moyenne Ecart-type Filles Garçons

16 5-6 6.0 0.6 9 7

16 8-9 9.1 0.6 8 8

16 11-12 11.1 0.7 8 8

Nous disposons également des données recueillies par Cruz (2011) sur une population de 20 jeunes adultes (18 femmes et 2 hommes) étudiants à Genève âgés de 19.0 à 25.7 ans (M=21.1

; ET=1.8), francophones, monolingues et sans histoire de trouble du langage passée ou actuelle. Ces jeunes adultes ont été évalués sur toutes les épreuves de MdT ainsi que sur l’épreuve de répétition de phrases complexes en ce qui concerne la syntaxe.

12 Nous avons veillé à constituer des groupes d’âge proportionnels dans chaque école.

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