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2. Méthode

2.2 Matériel et procédure

2.2.3 Evaluation de la syntaxe

2.2.3.1 Analyse syntaxique du langage spontané

Conditions du recueil

Pour rendre compte des compétences syntaxiques de nos sujets en situation écologique, nous avons procédé à un recueil de langage spontané. A l’aide d’une histoire en images extraite de l’ECL-C (Khomsi et Nanty, 2001), (voir Annexe II) nous avons ouvert le dialogue avec l’enfant le mettant à l’aise et permettant un échange plus naturel par la suite. La conversation était ensuite entamée et portait le plus souvent sur les loisirs, les activités scolaires et extrascolaires pour ce qui est du langage spontané ainsi que sur les films, les jeux ou encore les livres pour le récit. Nous avons veillé à obtenir un récit pour donner la possibilité à chaque enfant de produire des phrases plus longues et ainsi d’obtenir des structures à priori plus complexes. A l’aide d’un enregistreur numérique, nous avons ainsi recueilli environ dix minutes de langage spontané par sujet comprenant un récit pour chacun d’entre eux.

Transcription

Nous avons sélectionné 50 à 60 énoncés par sujet et avons veillé à transcrire dans les mêmes proportions les énoncés de dialogue et de récit (25 à 30 énoncés de dialogue et 25 à 30 énoncés de récit) afin de pouvoir analyser des extraits produits dans différents contextes d’énonciation. Nous avons débuté la transcription, pour l’ensemble des sujets, dès la fin de l’histoire en image14. Les conversations ont été transcrites à l’aide du logiciel CLAN, sous le format CHAT (CHILDES, MacWhinney, 2000). En ce qui concerne le découpage en énoncés, nous nous sommes basées sur les critères syntaxiques conventionnellement utilisés (Rondal, 1999). Nous avons donc considéré comme énoncé :

- toute proposition indépendante ;

- toute proposition principale avec ses subordonnées ;

- toute phrase nominale ou constituée de mots isolés, délimitée par un contour intonatif prégnant.

Les propositions coordonnées avec la conjonction « et » ont été comptabilisées comme deux énoncés distincts. Celles coordonnées avec « mais » et « ou » ont été considérées comme un seul énoncé, sauf en cas de coupure intonative importante.

14 L’histoire en image permet de mettre à l’aise l’enfant, mais nous ne l’analysons pas, le but étant d’obtenir un recueil de langage dans un contexte le plus naturel possible.

Nous avons exclu :

- les énoncés constitués d’un seul mot (adverbe isolé, oui, non, si...) ; (18) *ART: oui. [+ exc]

- les répétitions exactes du même énoncé ; (19) *ART: et p(u)is titi@c et p(u)is tita@c.

*EXP: comment?

*ART: et p(u)is titi@c et p(u)is tita@c! [+ exc]

- les énoncés interrompus par l’expérimentatrice (cas rares) ;

(20) *ART: et i(l) est [PR] comme ça <sur> [///] derrière l' arbre.

*ART: et après +/. [+ exc]

*EXP: il est comme ça sur?

- les énoncés contenant du matériel verbal incompréhensible, plus précisément ceux contenant plus d’un mot inintelligible.

(21) *ART: xxx &en ensuite fait la noisette. [+ exc]

Codage

Dans le but d’analyser les indices de complexité syntaxique, nous avons codé manuellement chaque type de proposition :

- [PR] pour une proposition principale ;

(22) *OSK: oui c’ était [PR] dans le stade de Genève.

- [CO] pour une proposition coordonnée ;

(23) *OSK: j' sais [PR] pas mais j’ aime [CO] bien.

- [SUB] pour une proposition subordonnée qu’elle soit relative, complétive, circonstancielle, gérondive ou causative ;

(24) *MAT: et même j' en ai [PR] un que j' ai essayé [SUB1].

- [SUB] [NF] pour les subordonnées non finies, dans lesquelles le verbe est à l’infinitif ; (25) *OSK: non j' voulais [PR] rester [SUB1] [NF] avec mes copains.

- [INCISE] pour les propositions incises.

(26) *CAM: après y a [PR] Arthur je crois [INCISE].

Le degré d’enchâssement des propositions subordonnées est indiqué par un chiffre (de 1 à 3) à droite du code de la proposition. On parle d’enchâssement profond (cf. section 1.2.2) à partir d’une subordonnée de degré 2, comme en (27)

(27) *LEO : mais c' est [PR] que exceptionnellement qu' on a [SUB1] le droit de regarder [SUB2] [NF] la télé.

Le chiffre 0 correspond à un degré d’enchâssement nul, c'est-à-dire à une subordonnée qui ne se rattache pas à une proposition principale dans le même énoncé comme en (28).

(28) *AGA: quand j(e) serai [SUB0] en six ou cinquième.

Pour tous les autres codages comme les pauses, les reprises, les fragments phonologiques, etc., nous avons utilisé les conventions de transcription décrites dans le système CHAT15. Chaque transcription a été systématiquement relue par un transcripteur expert afin de vérifier et de corriger le découpage en énoncés ainsi que le codage. Trois exemples de transcription sont fournis en Annexe III.

Mesures

Notre mesure de base est la longueur moyenne d’énoncé (LME) correspondant au nombre total de mots sur le nombre total d’énoncés. Nos mesures de complexité syntaxique sont le taux de subordination qui correspond au nombre de phrases comportant au moins une subordonnée divisé par le nombre d’énoncés verbaux ainsi que le taux d’enchâssement profond calculé à partir du nombre de subordonnées avec un degré d’enchâssement supérieur à 1, que l’on divise par le nombre d’énoncés verbaux.

2.2.3.2 ECOSSE

Pour tester la compréhension syntaxique, nous avons utilisé une épreuve de compréhension de phrases en modalité auditive, l’ECOSSE (Lecocq, 1996) adaptée du Test for Reception Of Grammar (Bishop, 1982). Cette épreuve testant spécifiquement la compréhension syntaxique est étalonnée pour des enfants de quatre à onze ans. Dans le but de limiter le temps de passation, nous avons supprimé les blocs les plus simples ou dont les constructions syntaxiques étaient moins pertinentes pour notre travail telles que les phrases négatives simples ou encore les phrases avec un comparatif ou un superlatif. Nous avons conservé onze blocs de quatre items, soit 44 items au total. La connaissance du vocabulaire de l’épreuve est vérifiée avant la passation ; si un mot est inconnu de l’enfant, on le lui donne oralement. Il s’agit d’un test de désignation d’images ; l’expérimentatrice énonce la phrase oralement, elle présente ensuite les quatre images et l’enfant choisit celle qui correspond le mieux à la phrase entendue. Les capacités mnésiques interviennent nécessairement dans cette tâche dans la mesure où l’enfant doit retenir la phrase énoncée le temps que les images lui soient présentées. Le score de l’enfant correspond au nombre total de réponses correctes.

15 Source : http://childes.psy.cmu.edu

2.2.3.3 Epreuve de répétition de phrases complexes

Dans le but d’évaluer la complexité syntaxique en répétition, nous avons utilisé une épreuve construite spécifiquement pour cette recherche (Delage, 2010). En effet, les épreuves disponibles plafonnaient trop tôt par rapport à nos groupes d’âge16. De plus, dans cette tâche, toutes les structures ont été contrôlées de manière précise. Des phrases de 14 syllabes sont lues au sujet qui doit les répéter immédiatement. Il est important de noter que cette épreuve requiert la rétention à court terme de la phrase nécessaire à la répétition immédiate ; cette épreuve est donc dépendante des capacités des empans simples (Willis et Gathercole, 2001).

Au total, 24 phrases sont présentées oralement.14 d’entre elles sont des « phrases contrôles », c’est-à-dire sans enchâssement, afin de vérifier que la difficulté à répéter la phrase ne soit pas due à un effet de longueur17. Les 15 autres phrases, dites complexes, ont été contrôlées en terme de structure visée : relative sujet (29), relative objet (30) et relative objet avec inversion sujet-verbe (31) comme dans les exemples suivants.

(29) Rel suj 1 : La maîtresse voit le garçon [qui lit un livre sur Noël].

(30) Rel obj 1 : Il y a une fille [qu'elle préfère dans son cours du mercredi].

(31) Rel obj 1 avec inversion : C'est un chat [que caressent tous les enfants après l'école].

Le degré d’enchâssement a également été contrôlé : de 0 à 3 incluant des pseudo-relatives (cf.

note de bas de page 9, p. 19) comme en (32).

(32) Rel 0 suj : Regarde! Un homme [qui porte un pull et un pantalon bleu].

Les productions des sujets ont été enregistrées à l’aide d’un enregistreur numérique et cotées selon le respect de la structure et du degré d’enchâssement des phrases complexes. Une phrase est considérée comme correcte selon cette mesure si l’enfant produit la structure de relative attendue ainsi que le degré d’enchâssement correspondant à la cible. Dans l’exemple suivant, l’enfant devra produire une relative objet dans une phrase comprenant trois enchâssements.

(33) Rel 3 obj : Vous dites [qu'elle pense [que le cheval lèche le chien [qu'il préfère]]]?

16 ELO, Khomsi 2001, plafonne dès 5-6 ans.

17 La comparaison effectuée entre les phrases simples et des phrases complexes laisse apparaître un effet de complexité (t(92)=4,71 p <.001*) au détriment des phrases complexes (phrases complexes < phrases simples). Il est donc confirmé que les phrases complexes sont plus difficiles à traiter que les phrases simples.

La production de l’enfant est également considérée comme correcte si le sens de la phrase diffère comme en (34) par exemple.

(34) Production de l’enfant : Vous dites [qu'elle pense [qu'elle lèche le cheval qu'elle préfère]] ?

Cependant, si un des critères de la mesure est absent, la production de l’enfant est rejetée. Plus précisément, la phrase n’est pas correcte si elle correspond à la cible au niveau de la structure de la relative mais pas au niveau du degré d’enchâssement, comme en (35).

(35) Production de l’enfant : Vous dites [que le cheval lèche le chien [qu'il préfère?]]

De la même manière, si la phrase respecte le degré d’enchâssement de la phrase cible, mais pas la structure de relative attendue (36), alors nous ne considérons pas cette production comme correcte.

(36) Production de l’enfant : Vous dites [qu'elle pense [que le cheval lèche le chien [qui préfère ?]]]