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L'ARBITRAGE OBLIGATOIRE
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Etude Economique
et JuridiqueEc.H
LARBITRAGË OBLIGATOIRE
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-£(ude Économique et Juridique
PAR
Bertrand NOGARO
Docteuren Droit(Sciences Économiques et Sciences Juridiques) Ancien Boursier de Voyage autour du Monde de l'Université de Paris
Examinateurde Sortieà l'ÉcoledesHautes-Études Commerciales
PARIS
Librairie des Publications Officielles et du Bulletin des Lois Georges
ROUSTAN,
Libraire5, 17, 17bis, Quai Voltaire 1906
DU MEME AUTEUR:
LE ROLE DE LA MONNAIE DANS LE COMMERCE INTERNATIONAL
in-8 210 p. Paris Giard et Brikrk1904.
TOUS DROITS RKSKRVES.
ERRATA
r*Mge
A M. ALBERT KAHN
Donateur des bourses de voyage autour du monde.
Nogaro
L ARBITRAGE OBLIGATOIRE
Etude économique
et juridiqueINTRODUCTION
Une
tendance se manifeste dans lespays civilisés,où
se posent lesproblèmesnés del'évolution indus-trielle en faveur d'un régime légal, qui se substi- tuerait, dans les rapports entre patrons et ouvriers, au
mutisme
plein d'équivoque et d'arbitrairedu
« contrat de travail » (i) individuel, et
au
droit dela force, tel qu'il se manifeste par les grèves et les
I.Au point de vue juridique il n'y a pas actuellement en France un a contrat de travail« unique, mais divers contrats telsque louage d'ouvrage, entreprise ; cependant cette expres- sion, correspondà la réalité économique,et des projetsrécents
.tendent à luidonner une consécration juridique. Voir le rap- port de M. Perreau à la Société d'études législatives. Bull., n" 2, 1906.
—
8—
lock'Ont.
En
d'autres termes,on
cherche à propager\econtratcollectif,
pour
donnerune
base juridique plus préciseetplusjusteaux
relationsnormalesentre le chefd'entreprise et les salariés ; et l'on songe à Varbitrage ^owTTèsoxxàveéquitablement et pacifique-ment
lesconflitsquiviendraient à s'élever entre eux.Au moment même
oùl'intérêt toujours plus pres- sant dece problème semble exiger des eflbrtsimmé-
diatsen vuedesa solution, il convient d'examinerles
expériences qui ont déjà été tentées ; de toutes, la plus importante est celle de Varbitrage obligatoire, qui fonctionne depuis dix ans en Australasie.
L'attention
du
public français a déjà été attirée sur cette législationpar plusieurs auteurs (i) ; et les grandes lignesensont déjà connues. Mais, au cours des années qui se sont écoulées entre les enquê- tes demes
prédécesseurs etcelle qu'ilm'a
étédonné
de faire en igoS, certains résultats se sont plus net-tement affirmés, et il s'est accompli une évolution qui fait
mieux
voir le vrai point de vue sous lequelcette tentative doit êtreconsidérée.
D'abord, en ce qui concerne l'efficacité de l'arbi-
I. A. Métin. Le socialisme sans doctrines.
—
Pierre Leroy-Beaulieu.Lesnouvelles sociétésanglo-saxonnes.
—
L.Vigoureux.L'évolution sociale en Australasie.
—
A. Siegfried. La démo-cratieenNouvelle-Zélande.
—
Classer. Annalesdesmines, igoS.8^ livraison.
—
Roustan. Tour du Monde.—
9—
Irage obligatoire
comme moyen
de réprimer lesgrèves et les lock-oat, Texpérience des dernières annéesa fourni des indications qui ne résultaient ni de l'examenthéorique, nides premières applications
du
système. Ellemontre
qu'il faut chercher dans l'arbitrage obligatoiremoins un moyen
de réprimerlagrève qu'un
moyen
delaprévenir.Mais, s'il exerce
une
influence préventive, c'estassurément moins à cause des prohibitions édictées par la loi qu'en vertu de caractères tout différents, sur lesquels l'attentionne s'est pas assez portée.
On
esttrop habitué à considérer l'arbitrage obligatoire
comme une
institution destinée à résoudre les con-flits aigusqui s'élèvent entre letravail et le capital.
Une
évolution nécessaire en a fait, au contraire,un mode normal
de détermination des conditionsdu
travail,
un moyen
de répandre— comme M.
Albert Métin l'avait prévu et indiqué (i)—
les clausesessentielles
du
contrat collectif.En
effet,lerecours àun
tribunal d'arbitrage étant,pour
les ouvriers, infinimentmoins
dangereux quele recours à la grève, l'usage s'introduisit rapide-
ment
de lui soumettreune
foule de différends qui n'eussent pasdonné
lieu àun
conflit aigu etmême
de susciter des différends fictifs, dans le but de
donner
à l'industrieune
réglementation équitableI. A. Méim, op cit.,
i). 169.
lO
et précisedes conditions
du
travail. Les syndicats ouvriers, qui ne parvenaient pas à conclure des contrats collectifs avec les patrons,ou
quine réus- sissaientpas à leur faire accepter les clauses qu'ils désiraient, s'adressèrentau
tribunal. Aussi les sen- tences (awards) de ce tribunalsont-elles semblables, par leur forme et parleur contenu, aux conventions (agreements) conclues spontanémentpar lesparties.Ainsi, l'expérience faite dans diverses colonies australasiennes et particulièrement en Nouvelle- Zélande nous
montre
qn'unemême
institutionpeut répondre au double desideratum de régler d'une manière collective les conditionsdu
travail^ et de résoudre les conflits entre employeurs et employés.C'est l'obligation de l'arbitrage qui, enNouvelle- Zélande, permet aux ouvriersd'imposer
aux
patronsle contrat collectif,
ou
la décision d'unejuridiction spéciale.Cependantlacréationd'unecourd'arbitrage n'estpas indispensablepour aboutir aumême
résul- tat.Dans
l'Etat de Victoria,on
aétabli successive- ment, dansun
grandnombre
de métiers, desconseils spéciaux,composés
de représentants des patrons etdesouvriers,en
nombre
égal, etd'unprésident,choisien dehors des intéressés, qui peut, par son vote, trancherla discussion. Cesconseils ontpourmission de déterminer les éléments les plus importants
du
contrat de travail, et principalement le taux des
—
II—
salaires. Ils remplissent
donc
sensiblement lamême
fonction que la cour d'arbitrage en ce qui concerne
lesrelationsnormalesentre employeursetemployés;
et
nous pouvons
ajouter que, sans avoirpour
corol- laireune
prohibition expresse de la grève, ils exer- cent en matière de conflits industriels, lamême
influence préventive.
Notre tâche
va donc
consister principalement à faireune
étudecomparée
de cesdeux
institutions :« arbitrage obligatoire » et « conseils spéciaux »,
dont le développement convergent est sans doutele
phénomène
le plus original de l'évolutionrécente delalégislationouvrièreenAuslralasie. Considérés sous leur aspect essentiel
—
la détermination collective des conditionsdu
travail—
lesdeux
systèmes ont ce caractèrecommun
d'exigerlaparticipation active desintéressés, etd'impliquercependantl'intervention d'un tiers, qui, en cas de désaccord, imposesadéci- sion.L'interventionde ce tiers—
jugeou
président—
quiestpeut-êtreleseul
moyen
pratiqued'arriverdans tous les cas àune
détermination collective des con- ditionsdu
travail, estune
innovationtrèsimportante, par ses conséquences à la foiséconomiques
et juri- diques.Au
point de vue économique, elle contient legerme
d'un principenouveau
quant à la détermina- tiondes conditionsdu
travail et surtoutdu
salaire.12
Au
point de vue juridique, elle impliqueune
dérogation grave au principe de la liberté des con- ventions ou, en d'autres termes^une
extensiondu
droit public sur
un domaine
jusqu'ici réservéau
droit privé.
Les trois premiers chapitres de ce travail seront consacrés à l'exposé des systèmes de 1' « arbitrage obligatoire » et des « conseils spéciaux ». Daiis le
quatrième et le cinquième,
nous
examinerons les effetséconomiques de leur introduction en Austra-lasie.Enfin,dansnos conclusions, nousapprécierons in abstracto la nature et la valeur
du
régime qui résulte de leur application.CHAPITRE
lArbitrage obligatoire et contrat collectif
La
législation de V arbitrage en Aiistralasie.— A
la suite de la grande grève maritime, en 1890, le Parlement dela Nouvelle-Galles
du Sud
adoptaune
loi dite de conciliation etd'arbitrage. «
On
comptait beaucoup, ditM.
Mélin, sur le prestige de laCour
et surle
mouvement
d'opinion que produiraient ses délibérations ; aussi ne crut-on pas nécessaire de rendre l'arbitrage obligatoire. » Ces espérances furent déçues ; car, cetteinstitution, dénuée de sanc- tion, fut égalementdépourvue
d'efficacité. L'Aus-tralie
du Sud
expérimenta, en 1894,un
système qui comportait des jugements obligatoires dansun nom-
brede cas limités, etlorsque les
deux
parties avaient préalablement consenlià sesoumettre àlajuridictiondu
tribunal ; cette tentative se heurta à la défiancenon
seulement des patrons, mais des organisations ouvrières elles-mêmes (i).I. Métin, op. cit., p. 162.
-
i4-
Enfin, en cette
même
année 1894, legouvernement
dela Nouvelle-Zélandesoumit au Parlementun
pro- jet deloi ayant pour butad'encourager laformation des syndicats ouvriers et de faciliter la solution des conflits industriels ». Sans rendre l'arbitrage obliga- toire d'une manière absolue, cette loi devait le met- tre àladisposition des syndicats ouvriers, qui, plus confiants que dans l'Australiedu
Sud, prirent l'ha-bitude d'y recouriret le rendirent ainsi obligatoire en fait.
Vu
l'origine de ces divers essais législatifs, leParlementnéo-zélandais n'aperçutdansleprojet pré- paré et soutenu parM. Reeves au
nom du
ministèreSeddon
qu'une tentativedestinée àsubstituer le sys-tème
de l'arbitrage àcelui de la grève etdu
lock-out;et
comme,
en dehors de la grande crise de 1890,les conflits industriels étaient assez rares, il laissa pas- ser, sansy
attacher d'importance,une
loi qui ne semblait guère devoirêtre appliquée(t).Nous
allons voir cependant que son textemême
contenait legerme
de l'évolution que nous avons déjà signalée.Les appels fréquentsdes syndicatsouvriersàla
Cour
d'arbitrage eurent pour eff'et de propager le contrat collectif, et aboutirent
même
àune
sorte de régle-mentation
du
travail.Aussiest-ce enpleine connaissance de cause que
la législation néo-zélandaise a
pu
être adoptée, aveci.Cf. Reeves. State experiments.
—
It)—
quelques modifications, par TAustralie occidentale en 1900, par la Nouvelle-Galles
du Sud
en 1902, etpar le Parlement fédéral en 1904 pour les affaires qui dépassent les limites d'un Etat.
Son
applicationaux
autres Etats de la Confédération est aujourd'hui réclamée par le partiouvrier.La
loi originalede Nouvelle-Zélande, complétée et modifiée par desamendements
successifs, estencore l'expression la plus parfaitedu
système ; et c'est elle qui servirad'abord de texte ànotre étude.A.
—
L'arbitrage obligatoire enNouvelle-Zélande
Arbitrage et contrat collectif.
— La
loi de l'ar- bitrage obligatoire,couramment
désignée sous lenom
d' « arbitration act », semble, d'après sontitrecomplet (i), avoir
deux
objets distincts: d'une part, l'encouragement à la formation des syndicats, et, d'autrepart, lasubstitutionde l'arbitrage à la grève.En
réalité, il ressortdu
plan suivi dans larédaction de son texte (2), qu'elle était destinée à généraliser1. « Anactto encourage theformation of industrial unions, andto facilitalethe seulement ofindustrial disputes by conci- liation and arbitration. »
2. Nous citerons les articles d'après le texte le plus récent.
Industrialconciliation andarbitrationactscompilation, 1906.
—
5. Edw. VII, 1905, n° 82. New-Zealand.
—
i6—
et
même
à imposer l'usagedu
contratcollectif: ellerègle d'abord la formation des syndicats {unions)^
qui, seuls, ont qualité pourreprésenter les ouvriers dans des conventions avec les patrons ; puis, elle déflnit ces contrats colllectifs (agrée
ment
s) et fixe les conditions requises pour leur donnerune
sanc- tion légale; elleinstitue ensuite des conseils de con- ciliation (boardsqf
conciliation), chargés d'aider, aumoyen
d'une recommandation,les partiesàsemettre d'accord; et, enfin,quand
la conciliation n'aboutit pas, un tribunalou
« cour d'arbitrage » (arbitration court) intervient pour trancher les points contes- tés et imposer une solution. Cette gradation suffît, semble-t-il,malgré l'illusionde ceux qui l'ont votée, à indiquer l'esprit véritable de la loi, et le carac- tère que devaient prendre nécessairement les « sen- tences » {awards) de la cour d'arbitrage.Domaine
d'applicationdelaconciliation etde Var- bitrage.— La
conciliation et l'arbitrage s'appli-quent en principe à toutes les industries, à tous les métiers (i) ; etlesjiiHdictions établiesparla loicon- naissent detoutesles « affaires industrielles » (indus- trial matters) que l'article 2, alinéa 6 définit « tout cequi se rapporte au travail accompli
où
à accom-I. Les employés de cheminsde fer
—
employés del'Etat bénéficient aussi de l'arbitrage (art. 119).—
17—
plir par des travailleurs
ou aux
privilèges, droits et devoirs des employeurs dans toute industrie » (i) ; et la notion d'atelier ou de fabrique s'étend à tout localoù deux
personnes aumoins
se livrent àun
tra- vail industriel.Dans
quelle mesure V arbitrage est obligatoire^—
Cependant, tous les individus quiy participent,comme
employeursou comme
employés, nesontpas fatalement soumisau
régime de l'arbitrage. Car, d'abord, si les patronspeuvent y être soumisindivi- duellement, les ouvriers ne peuvent l'être que s'ilsforment des syndicats ; or, le syndicat n'est pas obligatoire.
En
outre, les syndicatsexistants nésont pas forcésdese faire enregistrer, et,une
foisenregis- trés, ilspeuvent obtenirleur radiation(art. 20).Bien plus,même
lorsqu'il existe des syndicatsdûment
enregistrés, maisqueles
deux
parties ne veulent ni faireune
convention spontanée, ni s'adresseraux
juridictions instituées parla loi,elles ensont libres ;
par conséquent, dans toutes ces hypothèses, les con- ditions
du
travail ne fontpasl'objet d'un règlement ;et, s'il se produit
un
conflit, ilpeuty
avoir grèveou
lock-out, sans aucune infraction
aux
prescriptions légales.L'arbitrage n'est obligatoire que lorsque l'une des
I.
A
l'exclusion seulement de cequi est soumis à la procé- durerelative aux u indictablesoffences v».—
i8—
parties acité l'autre devant la cour(i); etlesparties admises à figurer devant elle sont : « les syndicats
ou
fédérations de syndicats de patronsou
d'ou- vriers,ou
les patrons individuels » (art. 25,53 cet 'j'j). Encore les patrons n'y ont-ils souvent qu'un
rôle passif, puisque les ouvriers peuvent les pour- suivre
même
lorsqu'ils nesontpas syndiqués,tandis qu'ils ne peuvent traduire devant la cour que des ouvriers syndiqués.Mais ce qui a fait l'efficacité
du
système, c'est qu'ila mis rai'bitrage obligatoire à la disposition des salariés, lesquels ont eu, jusqu'ici, intérêt à en faire usage. Il leur suffît, en effet, de former
une
«union » et de la faire enregistrerpour
pouvoir imposer l'ar- bitrage aux chefs d'entreprise,que
ceux-ci soient syndiquésou
non, et alorsmême,
ajoute l'arti- cle io4, qu'aucun desmembres
de V union ouvrièreI. L'arbitrage obligatoire implique non seulement la com- parutionde lapartie citée, mais l'interdiction « de tout cequi estde lanatured'une grèveou d'un lock-out » (art. 107). Cette prohibitionneporteexpressémentquependantla duréedu pro-
cès. Mais il paraîtévident qu'une grève ou un lock-out posté- rieurs à la sentence constitueraient une infraction punissable ; d'autre pa?!, l'une des partiespeuttoujoursempêcherl'autrede recourir à ce moyen en portant l'affairedevant les juridictions compétentes (conseilsde conciliation et cour d'arbitrage).
Tout renvoi d'ouvrierqui se rattacherait au conflit estéga- lement puni coihme infraction (art. 108).
—
19—
ne serait intéressédans le conflit. Ainsi,
un
patron peut n'employeraucun
«unioniste » ; il sera néan-moins
exposéaux
poursuites de l'union. Telles sont les dispositions qui, en faisant de l'arbitrageun
instrument entre lesmains des salariés, en ont géné- ralisé remploi et l'ont rendu obligatoire en fait,malgré la latitude laissée par la loi.
Le mécanisme
de la loi néo-zélandaise.
Entrons dans
un examen
plus détaillé de la loinéo-zélandaise.
Formation
etenregistrement des syndicats etasso- ciations de syndicats.—
L'ouvrier isolé nepouvant
recourir à la juridiction qu'elle institue, elle édicté d'abord les règles relatives aux syndicats qu'elle reconnaît sous le
nom
d' « unions industrielles» (industrial unions). Sept individus suffisent pourfor-mer
une « union » ouvrière,deux pour
constituerune
union de patrons. Ces syndicats peuvent segrouper en « associations » qui sont investies de la
même
personnalité en ce qui concerne l'application de la loi (art. 22). Les formalitésde l'enregistrement sont gratuites, et simples:on
exigeseulement queles statutssoientcommuniqués,
etqu'ilsmentionnent de quelle manière les contrats collectifs seront faits et exécutés, ainsi que la façon dont le syndicat sera20
—
représenté devant les conseils de conciliation et la
cour d'arbitrage (art. 5 et suiv.).
Un
seul syndicatpar
profession dans unemême
région.
—
Mais nous rencontrons aussitôt une dis- position quimontre
toute l'extension quedonne
cette loi à lanotion de contratcollectif. Article 1 1 :
«
Pour empêcher
la multiplication inutile d'unions industriellesappartenant à lamême
industrie, dansla
même
localitéou
dans lemême
district indus-triel », le greffier pourra refuser d'enregistrer
une
union dans tous les cas où il estime que ses^mem-
bres pourraient, sans inconvénient, s'affilier à
une
union déjàexistante.L'union intéressée peut appeler de cette décision à la cour d'arbitrage, mais il luiincombe
deprouver que,vu
ladistance, la diversité des intérêtsou
une autre raison, « il est pluscom- mode
pour sesmembres
de se faire enregistrer à part ».Cet article implique
évidemment
la prohibitiondes syndicats a jaunes ».De
plus, ilmontre
clairement la vraie tendance de la loi : il ne s'agit pas seule-ment
de contrats collectifs restreints, entre les ouvriers d'une usine et leur patron,ou
les ouvriers d'un groupe d'usines et quelques patrons, mais deladétermination desconditions
du
timvaildanstoute uneindustrie etdans touteune région. Si lespatrons n'ont pas formé de syndicat, les ouvriers se borne- ront souvent à citer l'un d'eux devant le tribunal;Ùï
mais le syndicat, qui représente, en principe, toute rindustrie
du
district,demandera
queles conditionsdu
travail soient fixéesnon
seulementpour un
éta- blissement, mais pour tous les établissements simi- laires et s'appliquent à tous les ouvriers, syndiquésou
non.Les«agreements»oucontratscollectifsproprement
dits.
— La
loinéo-zélandaise, après avoir édicté les règles relatives à la formation des syndicats, s'oc-cupe des contrats collectifs {industriai agreements) qui peuvent être conclus spontanément soit entre syndicats ouvriers et pati^onaux, soit entre le syn- dicatouvrier et
un ou
plusieurs patrons isolés.La
durée deces conventions doit être limitée et ne pas excéder trois ans (art. 25-2°); mais elles restent en vigueur(i)jusqu'à ce qu'elles soient remplacées par une convention nouvelleou
par une décisiondu
tri-bunal, et à moins que le syndicatintéressé n'ait fait
rayer son inscription sur le registre public. L'arti- cle28 prévoit la possibilité d'adhésions aux parties signataires d'un contrat collectifde ce genre.
La
sanction des agreements estlamême
que celle des sentences ouawards du
tribunal (voir plusloin).
Les conseils de conciliation.
—
Lorque l'une desI. Art. a5 §4- Résulted'unamendement au texte primitif.
Nogaro %
—
212—
parties
—
telles qu'elles ontété définiesplus haut(i)—
nepeutamener
l'autreà accepter.ses propositions, elle peut la traduire d'abord devantun
conseil deconciliation. Ces conseils sont
composés
de troisou
de cinqmembres, nommés
pour trois ans et rééligibles (art. 3^ et 38);les syndicats et associa- tions de patrons (2), ainsi que les syndicats et asso- ciations d'ouvriers élisent, suivant les cas, deuxou
quatremembres,
lesquels choisissent à leur tourun
président pris en dehors des intéresses.
A
défaut d'élection, le gouverneur peutnommer
lesmem-
bresde ces conseils.
Le
pays est divisé en districts industriels ; et, dans chacun de cesdistricts, ilexisteun
conseil de conciliation etun
fonctionnaire, le clerk ofawards, qui est chargé d'en assurer la for-mation et lefonctionnement. Le
nombre
des districts industriels est fixéactuellementà huit; mais les limi- tes deces districts, et leurnombre, sont sujets à des remaniements (art. 3i et 32).Dans
les cas où la solution des difficultés serait principalementd'ordre technique, la loi prévoit, en outre (art. 5i), des conseils spéciaux, établis sur lemême
modèle, et avec lemême
pouvoir, dans n'im-1. C'est-à-dire syndicats ouvriers {trade-unionsouindus- trialunions) et patronaux, et patronsisolés.
2. Lespatrons isolés, quoique soumis àcette juridiction, ne sont pasélecteurs (art. 37 b).
porte quel district, avec celte différence que leurs
membres
appartiennent—
sauf leprésident—
àl'in-dustrie
même
où le conflit s'estproduit.Une
grande latitude est laisséeàces conseils ; «ils feront leur enquête, dit la loi (art. 54), de tellemanière qu'il leur paraîtra convenable » ; dans ce but elle leur
donne
le pouvoir de convoquer des témoins, de déférer le serment, d'admettre des preu- ves, etc. ; enun
mot, ils possèdent tous les droitsque nous verrons plus loin attribués à la cour d'ar- bitrage, excepté celui d'exiger la production des livres.
«
Agreements
» et « recommandations ».— Au
cours de l'enquête, le conseil doit faire tout ce qui est de nature à
amener une
entente amiable ; si elle se produit, les parties rédigerontun
« agreement », c'est-à-direun
contrat collectifproprement
dit.En
cas dedifficultés, le conseil rédigeraune
recomman-
dation.has, parties pourront, si elles l'acceptent, s'en inspirer pour rédiger
un
« agreement »,ou
signerun mémorandum
de règlement(mémorandum
ofsettle- ment, art. 56) ;ou
bien encore, il leur suffira de laisser passerun
mois sans faireappel àlacourd'ar- bitrage pour que larecommandation
seule tienne lieu de règlement. L'article 58 prévoitmême
queles parties peuvent s'engager d'avance à accepter larecommandation du
conseil.Ainsi, tout avait été
ménagé
dans le texte primitif-
^4-
dela loi pour pousserles partiesàs'entendre, àfaire directement
un
contrat collectif. Mais,Tamende- ment
de 1901, en autorisant Tune des deux parties à porter l'affaire directement devant l.a cour d'arbi- trage, a portéun
coup fatal au principede la conci- liation, modifiant ainsi très notablement le caractère originel de la loi.La
cour d'arbitrage.—
C'est à la cour d'arbi- trage {arbitration court) que les parties doivent recourir pour aboutir àune
transaction, lorsqueles divergences sont trop graves pour donner prise à la conciliation. Elle se
compose
de troismembres
qui sont
nommés
par le gouverneur; mais, de ces troismembres, un
est désigné par les ouvriers,un
autre par les palrons ; seul le troisième, unjuge de
la
Cour
suprême, estun
magistrat (art. 62 et suiv.).Les deux autres sont plutôt des représentants des partis, et cette disposition semble indiquer
combien
le législateur tenait à réduire au
minimum
l'inter-ventionjudiciaire, et à laissera cette détermination collective des conditions
du
travailun
caractèrecon- tractuel.Les
membres
sont,enprincipe,nommés
pourtrois ans, et leurs pouvoirs peuvent être renouvelés.C'estun
tribunal ambulant (art. ;j8) ; il siège suivant les cas, dans lesdivers districts industriels. Il a touslespouvoirsnécessaires à ses investigations, y compris
ledroit d'exiger laproduction des livreset d'endon-
—
25—
/
ner connaissance aux parties dans la
mesure
conve- nable (art. 8i). Les intéressés peuvent se faire repré- senter ; mais les avocats etles avoués ne sontadmis que si lesdeux
parties y consentent (art. 79).Double rôle de la cour d'arbitrage,
— La
cour d'arbitrage joueun
double rôle. D'une part, c'estun
tribunal qui connaît des aflaires relatives à l'ap- plication des lois industrielles. Il les interprète, etpunit les infractions
commises
; il sanctionne par desamendes
les contratscollectifs conclussoit spon- tanément, soitavecleconcours desconseils de conci- liation, aussibien que ses propres sentences (art. 97et loi).
Incorporations de contrats collectifs dans sessen- tences.
—
Mais sa fonction originale, c'est de rendre des sentences (awards),où
sont incorporés de véri- tables contrats collectifs, qu'ilmet
en vigueur après avoir tranché tous les points contestés.La
durée des sentencesestfixéeparlacour, sans pouvoirexcé- dertrois ans; mais,comme
les « agreements », elles restenten vigueur jusqu'à cequ'elles soient rempla- cées par d'autres, à moins que les parties ne soient d'accordpour y renoncer,ou que
lesyndicat ouvrier seul ne se fasse rayer des registres (art. 90 et s.).La
cour d'arbitrage peut aussi modifier ses propres sentences, mais seulement dans le but de remédier àun
défaut, ou deles rendre plusefficaces, soitsponta- nément, soit sur lademande
de l'unç des partie?—
26—
(art. 92 et 93 al. i).Mais la loin'admet
aucun
appel pour vice de forme ni pour toute autre cause (i) (art. 96).Etendue d'application des sentences.
— La
cour d'arbitrage a aussi le pouvoir de déterminer l'éten-due de ses sentences : car, elles s'appliquent
non
seulement aux parties qui ont
comparu
avant quela sentence ne fût rendue (original parties), mais encore elles peuvent être étendues sur la
demande
des intéressés, à des syndicats ouvriers
ou
patro-naux
ou à des patrons isolés appartenant àlamême
industrie ouà une industrie connexe (art. 90, 91 et 92) (2).
Normalement,
les sentences couvrentainsi toutun
district industriel (art. 90 § 3), mais ellespeuvent aussi être étendues à deux ou plusieurs autresdistricts, et
même
à toutela Nouvelle-Zélande, pour les industries dont lemarché comprend
indis- tinctement ces districts,ou
la colonie tout entière, etlorsque la majorité desindustriels etdes ouvriers1. Cette disposition n^empêchepas laHigh Courtdedécider
si la cour darbitrage excède ses pouvoirs. Nous verrons plus loin que,en Nouvelle-Galles du Sud, l'intervention de la High Court etde la cour fédérale a restreint l'action de lacourd'ar- bitrage,
2. Le gouverneur peut (art. 24 § 3) déclarer dans le
Journal officiel que certaines industries sont en connexité avecd'autres {relaies trades). Dèslorslaprocédure encours lesimplique, et la prohibition defaire,grèveles atteint.
—
37—
y
sont déjà soumis (art. 92. b) ; elles peuvent aussiêtre limitées à
une
villeou
à une partiedu
district, soitpar leurs termesmêmes,
soit par une décision postérieure àleur mise en vigueur (art. 90 §§4 et 6)mais lesintéresséspeuvent toujours
demander
l'ex-tensiond'une sentence ainsilimitée à tout ledistrict (art. 90 §5).
Ce droit d'extension étant à la discrétion de la
cour(the court maj^), tousles industriels d'un
même
district ne sont pas nécessairement placés sous
un
régime uniforme ; la courpeut refuser d'y englober certainsd'entre eux, ouintroduire desamendements
(art. 92 a).
Malgréle droitconféré à la cour d'arbitrage d'ad- joindre des syndicats
ou
des patrons isolés aux par- ties primitives, la sentence n'est pas une réglemen- tation s'appliquant ipso facto à touteune
région ; mais elle contient une sorte de contrat collectif dontles bases ontété fournies par les parties primitives, et qu'on ne peut étendre à d'autres qu'après les en avoir avisés, et en leur laissant des
moyens
de défense. Cependant,un
doutes'estélevésurce point.L'article 90 §3 porte en effet : «
La
sentence s'é-tendra en vertu de cette loi (bj" force oj this act) à tout syndicat...
ou
à tout patron quin'était pasune
des parties primitives (not beingan
original partythereto), et se trouvera, à toute
époque
où la sen- tence est en vigueur, engagé dans l'industrie à—
28—
laquelle elles'applique,
ou
dansune
industrie con- nexe, dans les limitesdu
districtindustriel (within the industrial district) auquel elle se rapporte ; et elle lesobligeraentantque« parties subséquentes » {pind as subséquentparties).La
rédaction de cet article adonné
à penser que, dans les limitesd'un district industriel, la sentence s'appliquait de plein droitaux
industries visées,dans leur ensemble, c'est-à-dire à tous les intéres- sés, alors
même
que certains d'entre eux n'auraient pas été cités devant la cour d'arbitrage. Celle-ci a,dans
un
jugement trèsintéressantdu
27mai
1904(1),rejeté cette interprétation,
comme
contraireaux prin- cipes générauxdu
droit. «La
première règle, dit le juge, et la plus importante qui s'impose à,touteslescours dejustice, est que toutes les personnes expo- sées à être liées par
un
jugement doivent avoirl'oc-casion d'être entendues avant qu'il soit prononcé ».
Or, ajoute-t-il plus loin, « la sentence quidétermine
les conditions
du
travail et la situationdes parties...est de la nature...
dun
jugement..., et rappelle à cet égard d'autres sortes de sentences réglementai- res {statutorj- awards) qui sont familières à notre droit ; elle a, en outre, les traits caractéristiquesI. Jugement relatif aux ouvriers du bâtiment. Cour d'ar- bitrage. District, nord. Auckland. Juge F.-R. Chapman, 27 mai 1904.
—
29—
d'une loi subsidiaire, définissant les devoirs d'un
nombre
limité de personnes, àpeu
prèscomme
le font des règlements.La
loi ne contient rien qui puisseamener
à penser qu'une sentence est de lanature soit d'unjugement
m
rem, qui lierait touslesintéressés, qu'ils aient été partie
ou
non, soit d'uneloi affectant une industrie particulière et les person- nes qui y sont engagées, sans les
nommer
».Le
juge conclut qu'il s'agit de jugements inpersonam
; quele
demandeur
doitdonc
s'efforcer de désigner à lacour d'arbitrage toutes les personnes
ou
sociétés actuellement engagées dans l'industrie considérée, lorsqu'il désire les voir soumettre à la sentence. Etsi elles n'ont pas été avisées avant qu'elle ne soit
prononcée, il faut introduire
une
nouvelle action, etrecommencer
toute la procédure.Lejugeadmet
seu- lement que la sentence s'applique de plein droit aux personnes qui s'établissent dans le district après qu'elle a été rendue.Malgré cette résistance deprincipe, l'extension de
la sentence à toutle district se réalise généralement
;
le syndicat ouvrier a, en effet, le droit de citer
devant la cour
même
des patrons n'employant pas de syndiqués (art. io5) et, àmoins
qu'ils n'aient debonnnes
raisons à invoquer, la cour lessoumet
au régimecommun.
L'article 90 alinéa 3 s'appliquedonc en fait ; et si l'on rapproche la disposition qu'il contient de celle
—
3o—
(art. Il) quine prévoit, enprincipe, qu'unseul syn- dicat pour
un même
métier dansun
district indus-triel,
on
saisit pleinement le caractère représentatifdu
syndicat ouvrier : lesnon
syndiqués sont soumis à la sentence (ou au contrat collectif) lorsque leurs patronsle sonteux-mêmes
(art. 92, al.2); or,comme
lasentence rendue surFinilialive
du
syndicat ouvrier s'applique généralement à tout le district, tous les salariés qui y sont employés se trouvent, en fait,représentés parle syndicat, qu'ilsen soient
membres ou
non.Caractères juridiques de la sentence.
—
Le droit conféré aux syndicats, ouvriers de citermême
des patrons n'employant pas d'ouvriers syndiqués(art. io5 de la compilation de 1906) estle résultat d'un
amendement
qui indique clairement l'évolu- tiondu
système.Le syndicat et le contrat collectif spontané en sont d'abord la base ; la conciliation intervient à
titre auxiliaire
; puis l'arbitrage s'impose, sur les
points où l'accord n'a pas été atteint. Le syndicat ouvrier arrive avec son projet ; les patrons font leurs contre-propositions ; la cour remplit des espa- ces blancs, fixe des chiffres... et ainsi la sentence semble compléterle contrat collectif.
Maislerôle
du
jugeest assez difficile àdéfinirdans notrelangage juridique ; car, il ne s'agit pas ici de trancher des droits litigieux, nimême
de modifier—
3i—
un
contrat existant,comme
cela arrive parfoisdans notre droit (par ex. art. i655, al. 2, délai accordé par le juge pour le paiement ; art. 1677, rescision pour cause delésion).Son
intervention n'amême
pasle caractère d'un arbitrage (i), à moins de prendre ce
mot
dans le senstrès spécial de l'article 1092 de notreGode
civil, qui prévoit le casoù
le prix de la vente « est laissé à l'arbitrage d'un tiers ». Il coo- père à la formationmême
d'un contrat ; mais cette coopération ne fait-elle pas perdre au règlementainsi obtenu son caractère contractuel ? N'y a-t-il
pas substitution de l'autoritépublique au consente-
ment
des parties ? S'agit-ild'un contrat collectifou
d'une réglementation?Il semble bien que, parti
du
contrat collectif, ce régime incline de plus en plus vers la réglementa- ton. D'abord les sentences sont plusnombreuses
que les « agreements »(2). Puis elles tendent, grâce auxamendements
récents et à l'évolution naturelledu
système, à embrasser touteune
industrie, dans touteune
région, et à s'imposer, en dépit des scru- pules desjuges,même
à ceux qui n'ont pas figuréparmi lesparties : d'abord aux ouvriers qui se trou- vent
normalement
représentésparlesyndicat,même
I. Remarquons, d'ailleurs, la contradiction qui existe entre lanotion d'arbitrage et celle d'obligation.
2. L'écart, cependant,diminueen Nouvelle-Zélande: en 1908,
il y a eu 19 contratscollectifs contre26 sentences.
—
32—
lorsqu'ilsn'en sont pas
membres,
puis aux patrons quis'établissent après que la senlence a été rendue.Ainsil'arbitrage obligatoire enNouvelle-Zélande a eupoureffet de soumettre lespatrons soit au contrat collectif,
quand
ils peuventtomber
d'accord avec leurs ouvriers, soit, danslecas contraire, à la régle-mentation
du
travail par l'autorité publique.B. Lois SIMILAIRES EN AUSTRALIE
Depuisque laloinéo-zélandaise sur la conciliation et l'arbitrage a été mise en vigueur, plusieurs parle-
ments
s'ensont inspirés en Australie : d'abord celui del'Australie occidentale (loide 1900,revueen 1902), puis celui de la Nouvelle-Gallesdu Sud
(1901), et enfin le parlement fédéral (1904).Australieoccidentale.
Le textede cetteloi (i) est calqué, presque article
par article, sur celui de la Nouvelle-Zélande ; les variantesproviennent pour la plupart soit de modi-
fications de détail qu'il est inutile de mentionner,
soit d'omissionsrésultant de ce queles
amendements
récents au texte primitif de Nouvelle-Zélande n'ont pas été introduits dans l'Australieoccidentale.
I. «