• Aucun résultat trouvé

Le droit fondamental à l eau en France : Du droit international au droit national

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "Le droit fondamental à l eau en France : Du droit international au droit national"

Copied!
112
0
0

Texte intégral

(1)

Université Paris 13 Sorbonne Paris Cité UFR DSPS – Master 2 de Sciences Politiques

« Coopération internationale et ONG »

Le droit fondamental à l’eau en France : Du droit international au droit national

Mémoire de recherche présenté par David Schmitz-Perrin

Sous la direction de Monsieur Julien Eyrard

Année Universitaire 2018-2019

1

(2)

2

(3)

Université Paris 13 Sorbonne Paris Cité UFR DSPS – Master 2 de Sciences Politiques

« Coopération internationale et ONG »

Le droit fondamental à l’eau en France : Du droit international au droit national

Mémoire de recherche présenté par David Schmitz-Perrin

Sous la direction de Monsieur Julien Eyrard

Année Universitaire 2018-2019

3

(4)

Avant Propos :

Le choix de ce sujet m’a été inspiré par l’observation d’inégalités dans l’accès à l’eau potable au sein de l’espace public, un accès dont la qualification reste flou par le droit et dont les enjeux d’une reconnaissance au titre des droits de l’homme sont non seulement compliqués mais divisent au sein de l’opinion publique. L’appréhension de cette problématique complexe relève d’une étude qui ne peut s’avouer entièrement impartiale face aux constats qu’elle dresse. De plus, la particularité de ce sujet de par ses abords économiques et juridico-

administratifs, mais surtout sociaux et comportementaux est un sujet d’analyse très pertinent qu’il serait intéressant d’approfondir par de la recherche de terrain.

Remerciements :

Je tiens à remercier Julien Eyrard, professeur et tuteur de ce mémoire, ainsi que Christelle Cournil pour leur soutien et les orientations données à ce mémoire.

Un grand merci à Ranzika Faïd, Présidente de l’Association Mobil’Douche, pour les échanges que nous avons eus et qui ont aidé à la compréhension et l’orientation des recherches de ce travail.

Aussi, Je souhaite remercier mes camarades de classe pour l’entraide et la solidarité qu’ils ont manifestés durant cette année ainsi que durant l’écriture de ce mémoire.

4

(5)

Avertissement :

L’Université Paris 13 n’entend donner aucune approbation, ni improbation concernant les opinions émises dans les mémoires de recherche. Ces opinions doivent être considérées comme propres à leur auteur(e).

5

(6)

Abréviations par ordre alphabétique :

DOM-TOM : Départements et Territoires d’Outre-Mer FSL : Fond de Solidarité pour le Logement

INSERM : Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale ODD : Objectif de Développement Durable

OMD : Objectif du Millénaire pour le Développement OMS : Organisation mondiale de la Santé

ONEMA : Office National de l’Eau et de Milieux Aquatiques ONG : Organisation Non Gouvernementale

ONU : Organisation des Nations Unies PDM : Plan de Mesures

SAGE : Schéma d’Aménagement et de Gestion des Eaux

SDAGE : Schéma Directeurs d’Aménagement et de Gestion des Eaux SRU : loi Sur le Renouvellement Urbain

UE : Union Européenne

6

(7)

Sommaire

Introduction

Partie 1 : Le paradigme de l’organisation de l’accès à la ressource

Chapitre 1 : L’accès à l’eau et l’assainissement comme mission de service public

Section 1 : L’organisation du bassin au versant jusqu’au robinet I. La distribution d’eau saine comme mission garantie par le

service public

II. Les modalités de prestation d’un service public essentiel Section 2. Les multiples dimensions d’un accès à l’eau

I. Les enjeux caractérisant la gestion globale de la ressource en vu de son accès

II. La réalité d’un accès à l’eau potable pour la population révélant cependant de grandes disparités

Chapitre 2. Les manifestations des conséquences du manque d’eau en contradiction au principe de dignité

I. Le constat actuel des limites à l’accès à l’eau pour des personnes en situation de vulnérabilité

II. La réalité des besoins des personnes en difficulté insuffisamment connue

7

(8)

Partie 2. Les perspectives envisageables pour la reconnaissance d’un droit à l’eau

Chapitre 1. L’appréhension d’un droit d’inspiration onusienne

Section 1. Origine et considération du droit actuel à l’eau sous le prisme de ses différentes assises juridiques

I. Un ensemble de valeurs à vocation universelle

II. L’approche communautaire : une influence majeure sur la législation française

Section 2. Le rôle prédominant de la société civile dans l’interpellation de la puissance publique

I. La fragile consolidation du droit actuel en dépit de ses limites observables

II. L’appréhension politique d’un droit sujet à une division dans le débat parlementaire

Chapitre 2 : Dynamiques et perspectives dans la recherche d’une refonte du système d’accès à l’eau

Section 1 : Des compléments de mise en œuvre du droit à l’eau I. Les innovations au sein d’un système de gestion

II. Des initiatives expérimentales en vue d’une amélioration de l’accès à l’eau

Conclusion

8

(9)

Introduction

L’eau est une ressource essentielle que nous manipulons tous les jours. Elle représente pour chaque être humain le moyen de pourvoir à son besoin le plus vital. Inégalement répartie sur la planète, elle est pourtant indispensable et a été décisive dans l’essor, l’épanouissement et la prospérité des civilisations qui ont marqué les époques de l’histoire de l’humanité. Les premiers hommes et femmes se sont en effet installés, ou sédentarisés là où il leur été possible de s’assurer quotidiennement un accès à l’eau. Plus encore, l’usage que l’humanité a su faire de la ressource a permis le développement économique et culturel de ces communautés humaines. A ce titre, nous pouvons penser à l’essor et la prospérité qu’a connue la civilisation égyptienne sur les bords du Nil et la manière dont l’eau a pu, au-delà de son bienfait pour la santé des hommes et femmes, être mis à contribution notamment dans l’agriculture. A cette époque ont donc émergé ce qu’il convient de qualifier des « civilisations de l’eau »1. Ce terme est riche dans ses significations en ce qu’il dénote l’importance que revêt la ressource dans les emplois que les humains ont su développer et s’approprier, dans ce que nous pouvons comprendre comme étant non pas seulement une nécessité mais également un moyen de développement pour l’ensemble d’un système social.

Au fil du temps, l’aménagement des cités, des villes, et la prospérité des sociétés s’est vu empiriquement assuré par l’accès le plus direct à la ressource en eau. Les fleuves, rivières, lacs, sont autant d’éléments naturels exploités par les sociétés en vue de leur approvisionnement en eau, mais, au-delà de la nature potable de l’eau, ils ont offert des moyens d’échanges et de commerce, à la base de la mondialisation des premier temps jusqu’à celle que nous connaissons aujourd’hui. Pourtant, aussi vaste qui puissent être les études que l’on voue à cette ressource dans les usages que les humains en ont fait, une constante demeure universelle à chaque homme et femme, l’usage de l’eau pour la vie et le besoin de s’en assurer l’accès. La considération de cette ressource dans sa dimension vitale est une dimension fondamentale, que nous souhaitons mettre en lumière au cours de cette analyse. Néanmoins lorsque l’on parle de considération et de valeur qu’il lui est attribuée, l’eau est chargée de symboliques importantes qui ont traversé le temps, « De Babylone au Pays Dogon, les Hommes ont toujours chargé l’eau de symboles : sources, mère, déluge, chemin du sacré,

1 M. Griffe, X. Deboffles, Chronologie de l’histoire de l’eau, Edition TSH, 2012, p. 15

9

(10)

fontaine des philosophes. L’eau révèle des besoins et des désirs conscients ou inconscients »2. L’eau dans sa conception que font les hommes et femmes est multidimensionnelle. Elle porte et alimente l’imaginaire de l’être humain qui s’accommode de l’accès qui lui est fait. Dans les interprétations qui lui sont attribuées, de nombreuses croyances et religions font de l’eau un des éléments naturel qui lie l’homme à la Terre, voire au divin. Symbole de pureté, le rapport à l’eau est très présent au sein des fondements des religions d’origine judéo-chrétiennes et de l’islam, ou encore symbole de sagesse pour les croyances d’inspiration hindouistes.

L’humanité fait en effet face aux contraintes naturelles que présente la ressource en eau. D’une part en ce que celle-ci est une ressource finie sur la Terre. Piégée dans l’atmosphère, celle-ci est primordiale dans le développement, le renouvellement et tout simplement la vie des êtres vivants et ne constitue pourtant que 0,0023%3 de la masse terrestre. D’autre part, sa répartition est inégale selon les régions géographiques et en fonction de la nature des conditions naturelles et géologiques de son stockage. Celui-ci conditionne directement le rapport que va pouvoir entretenir la société humaine sur un territoire donnée avec cet élément naturel. Ensuite, l’érosion continuelle de la ressource à la surface de la Terre constitue un autre maillon de cette chaine d’enjeu. Des contraintes et des pressions auxquelles il nous faut ajouter à prendre en compte en matière de gestion globale de l’eau : le changement climatique. Effectivement, la hausse des températures globales qui affectent l’atmosphère représente une menace sur les maitrises et connaissances que l’humanité a forgée jusque-là en matière d’eau. Les multiples manifestations de ce phénomène en matière d’eau amènent notamment au constat d’un dérèglement climatique dont les conséquences résultent en une variabilité des pluies, un appauvrissement des stocks, et une intensification de la masse gazeuse qui, par sa densité dans l’atmosphère, génère ainsi des gaz à effet de serre.

Est-il nécessaire de rappeler au combien l’eau est importante pour l’organisme humain, qui lui-même composé d’eau, ne pourrait être viable si une privation ou une impossibilité d’accès lui est opposé ? Vivre sans manger est une chose que le corps est capable de supporter durant plusieurs jours, nous pouvons par ailleurs penser à la grève de la faim de 21 jours que Gandhi a érigée comme preuve de l’importance qui est collectivement vouée par la communauté humaine à la satisfaction des besoins vitaux, et de ce que cela

2 G.P Husson, Historique de l’alimentation en eau potable de la ville de Paris, J. Europ.Hydrol. 1996.p. 97- 108,p. 97

3G. Wackermann, H. Rougier, L’eau : Ressources et Usages, Carrefours, Ellipses Marketing, 2010, 270, p.16

10

(11)

suscite dans la conscience collective au sein d’une société. En revanche, vivre sans eau, au- delà de trois jours, présente le risque de la mort pour l’individu. La satisfaction de la soif est l’objet premier qui conduit l’être humain à vouloir s’assurer l’accès à de l’eau potable, mais de la même manière l’usage de l’eau se retrouve aussi dans la nécessité de pouvoir avoir le moyen de se laver, de s’assurer un soin et une propreté corporelle et par la maitrise qui est faite de l’eau, pouvoir accéder à un moyen d’assainissement pour la satisfaction d’autres besoins vitaux également, celui d’uriner et de pouvoir déféquer dans des conditions adaptées à la propreté et l’intimité souhaitées.

Le rapport à l’eau, pour les hommes et femmes de toutes sociétés relèvent de systèmes d’exploitations de sources d’eau, le plus souvent via la captation de la ressource dans les profondeurs de zones aquifères stockant l’eau dans des nappes phréatiques souterraines, mais encore par le recours à des eaux de surface comme les rivières, et autres sources naturelles.

Cependant, de par la rareté que la ressource présente à certains endroits du monde, notamment dans nombre de pays du Sahel ou encore ou Moyen Orient, et de par les technologies disponibles quant à l’extraction ou à l’accès physique à l’eau, des contraintes structurelles représentent une première contrainte. L’eau se doit ensuite d’être acheminée vers des points de stockage à partir desquels s’opèrera sa distribution. L’étape ultime de cet accès revient donc, nous l’aurons compris, à la fourniture d’eau pour les hommes et femmes, qui peut se réaliser de manière collective (le plus souvent dans des contextes de pays pauvres), soit de manière devenue individuelle. De cette simple caricature de la façon dont il est question d’apporter l’eau jusqu’au verre de celui qui l’a boit, nous distinguons plusieurs dimensions lorsque nous parlerons d’accès à l’eau. Tout d’abord, l’eau qui est destinée à la consommation humaine par l’intermédiaire d’une structure communautaire se doit d’être potable. Ceci présuppose l’absence d’éléments toxiques pour la santé. Ensuite, les modalités d’accès physique à la ressource doivent permettre un accès facile et raisonnable. Par raisonnable il est entendu en premier lieu la distance qui sépare la personne de l’eau mais également le fait de pouvoir compter sur une quantité d’eau suffisante pour ses besoins quotidiens. Cette quantité nécessaire, qui, nous le rappelons, est un minimum devrait être au sens de l’OMS de 20 litres par jour et par personne4.

L’assainissement, est également un terme qui requiert une certaine attention. Cela correspond en effet « à la mise à disposition d’installations et de services permettant

4 OMS Publication, Brian Reed, Fiches techniques Eau, Hygiène et Assainissement en situation d’Urgence, 2013.

11

(12)

d’éliminer sans risque l’urine et les matières fécales »5. Il s’agit donc de la mise en place d’un système organisé par le moyen d’infrastructures de traitement des eaux, dans l’optique de l’élimination de toute trace d’éléments néfastes présents dans l’eau que les hommes et femmes pourrait être amenés à boire. Nous parlons d’assainissement et de sa fonction en ce qu’il est intégré, avec le système d’approvisionnement et de distribution d’eau, dans un même schéma de gestion de la ressource, qui à l’échelle d’une collectivité, correspond au petit cycle de l’eau. Lorsqu’un tel système est accessible, cela relève donc de l’autorité locale en charge de ce service de veiller à son bon fonctionnement.

Qu’en est-il du rapport d’accès qui est entretenu en 2019 entre les hommes et femmes du monde entier avec la ressource en eau. ? Si la possibilité d’une gestion est effective, son accès inégal conditionne aussi la population mondiale dans la manière dont un gouvernement sur un territoire donné est en mesure de mettre en place suffisamment de moyens afin de pourvoir au besoin essentiel de sa population. L’eau si précieuse et vitale se trouve alors lié un paradoxe des plus surprenants à première vue. Selon un rapport de l’OMS, 2,2 milliards de personnes6, soit 29% de la population mondiale, n’est pas en mesure de se voir alimenter par des services d’alimentation domestique en eau potable qui soient gérés en sécurité. Par sécurité, et il est très important de le préciser, nous parlons du fait de pouvoir être fourni d’une eau exempte de toute contamination - matières fécales, vecteurs de maladies, ou encore pollutions chimique provenant ou non d’activités purement humaines. Un accès à une eau qui se complique d’autant plus pour 785 millions de personnes7, ne disposant d’aucun service élémentaires d’eau potable, ce qui signifie l’impossibilité de recourir à une eau traitée par un service organisé et donc de qualité suffisante et contrôlée, notamment dans la captation dans les eaux de surface. Quant à l’aspect de l’accessibilité par la distance géographique entre la personne et son point d’alimentation, l’OMS estime que 207 millions8 d’hommes et femmes passent plus de 30 minutes à faire un seul voyage aller-retour afin de pouvoir s’alimenter en eau. Ces chiffres, au-delà de mettre en lumière les différentes facettes caractérisant l’accès à l’eau, surprennent par la proportion de personnes ne pouvant s’estimer en mesure de satisfaire correctement leurs besoins en eau.

5Définition de l’assainissement au sens de l’OMS, Rapport de 2012 du Programme commun OMS/UNICEF.

6 Rapport du Joint monitoring Program 2019, OMS/UNICEF. 140p. p.49.

7 Ibid, p.26.

8 Ibid, p.27.

12

(13)

Par cet aperçu de la réalité de l’accès pour des millions de personnes, nous souhaitons pouvoir remettre en contexte le fait que cette ressource est partagée virtuellement par toute l’humanité car sa quantité est finie à l’échelle de la planète. La possibilité de pouvoir s’assurer un accès, considérant des facteurs climatiques, environnementaux et démographique, nous amène alors à porter une interrogation sur la valorisation qui est faite de la ressource. La valeur que l’on va en effet attribuer à l’eau est alors décisive dans la conception que les humains vont entretenir dans leurs rapports avec la ressource. Boire, se laver, laver ses vêtements, se nettoyer et user de l’eau pour l’évacuation des eaux salies par des excréments par exemple, sont autant de gestes quotidiens que les hommes et femmes conservent toute leur vie, mais n’est pas pour autant exclusif. L’agriculture, l’industrie, le textile… sont elles aussi fortement demandeuses d’eau. Entre la simple nécessité de s’en assurer un usage quotidien, et celle de son inévitable emploi dans la production agricole, industrielle nécessaire à bien d’autres besoins pour l’humanité se dresse une théorisation de sa valorisation.

Commune à tous, inégalement répartie, conditionnée à la possibilité matérielle et donc économique d’en promouvoir une gestion efficace quant à l’effectivité de son accès, cela interpelle d’une part les principes d’équité et de durabilité. Plus encore, devant sa nature finie que nous évoquons, et au vu des enjeux qui caractérisent son accès sur le long terme, le besoin de considération de cette ressource renvoie à l’apparition de la notion de Bien commun. Cette notion oppose à la conception d’une valeur marchande des ressources communes à l’humanité, l’idée d’une universalité et la reconnaissance du besoin de partager et gérer durablement ce qui est commun à tous. D’autre part, en raison du caractère vital reconnu à la ressource, nous interrogeons la question d’un droit qui serait fondamental aux hommes et femmes de pouvoir y accéder. De cet accès à l’eau, dépend pour de nombreuses personnes un certain conditionnement de la vie. Si cet accès peut présenter de nombreuses disparités de par le monde, il reste propre à chaque société le choix de pouvoir aménager un rapport à l’eau qui permette un juste accès à la population. Seulement, de par le rapport à l’eau que l’humanité entretien avec cette ressource, il semble que la question de l’accès à l’eau relève dans chaque société d’une certaine imbrication de principes et normes qui ont été forgées par l’histoire, la culture de gestion autour de la ressource, et l’ensemble des conventions sociales qui ont pu façonner le rapport des hommes et femmes avec l’eau.

Notre analyse ambitionne l’étude de ce rapport à l’eau sous le prisme des droits de l’homme, en ce qu’il est reconnu comme fondamental le fait pour toute personne de pouvoir 13

(14)

accéder à l’eau et à l’assainissement pour satisfaire ses besoins quotidiens. Indépendamment de la manière et de la conditionnalité de cet accès, il nous apparait essentiel de considérer que l’accès à l’eau se doit d’être le plus facile possible et par conséquent s’oppose à une barrière économique irraisonnable, ou bien encore une exclusion face au système d’accès comme entrave au besoin fondamental des hommes et femmes.

Le 28 juillet 2010, l’Organisation des Nations Unies (ONU) reconnait par une résolution le droit de l’homme à l’eau et à l’assainissement. La même année, le Conseil des droits de l’homme de l’ONU adopte également une résolution visant à reconnaitre ce droit au sens du droit de chacun à un niveau de vie suffisant, garanti par la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme en son article 25. L’ONU étant une organisation internationale intergouvernementale, la participation des Etats repose sur le principe du multilatéralisme, en vue de favoriser la prise de décision à l’échelle mondiale et la représentation des Etats. Une résolution, lorsqu’elle est adoptée par l’Assemblée Générale des Nations Unies, n’a pas vocation exercer une force juridique contraignante pour les parties l’adoptant. Cependant elle trouve une certaine considération au vu du droit coutumier international et représente tout de même un réel socle juridique à la mise en pratique par les Etats de l’objet qu’elle consacre. De manière générale, il appartient aux Etats qui restent souverains face à de telles dispositions de s’approprier la forme juridique qu’il convient d’inscrire dans le droit national afin de pouvoir être en accord avec le droit national. La résolution qui ne trouve pas d’écho juridique ayant force de loi ne symbolise alors qu’un engagement pris par l’état. La France a appuyé et soutenu la résolution auprès des instances onusiennes et par l’adoption de cette résolution, a émis le souhait de faire valoir ce que représente un droit de l’homme, un droit fondamental que nous pouvons également nommer droit humain à l’eau et à l’assainissement.

Ce droit, au sens qui lui est donné par l’ONU, nécessite une application en référence à certaines bonnes pratiques. Du fait de l’impulsion donnée par les Nations Unies au premier droit humain qu’elle crée pour la première fois, une Rapporteuse spéciale des Nations Unies se voit confier la mission d’un recensement des conditions nécessaire à mettre en place dans l’optique de la réalisation de ce droit. Il est reconnu au titre de la mise en application de ces droit, non seulement la reconnaissance d’un besoin fondamental comme étant un droit mais également la mesure que chaque Etat doit entreprendre afin de veiller au respect et à l’effectivité de ce droit. Les principes de non-discrimination, de participation des personnes, de responsabilité de l’Etat et de la durabilité des services d’accès à l’eau et à l’assainissent

14

(15)

sont donc autant d’orientations qui s’imposent à la manière dont le service organisée devrait opérer.

La France n’a pas reconnu le droit à l’eau comme droit fondamental. Cet engagement qui s’inscrit pourtant dans la continuité de la poursuite des Objectifs du Millénaire pour le Développement devenu les Objectifs pour le Développement Durable qui vise à « Garantir l’accès de tous à l’eau et à l’assainissement et assurer une gestion durable des ressources en eau ». Au terme de cet engagement, la France finance et soutient de nombreux programmes de développement, notamment via l’Agence Française de Développement. Investie dans cette mission d’aide au développement, une loi de 2005 dite « Oudin-Santini » du nom de ces concepteurs, vise même à promouvoir l’accès à l’eau dans les pays en développements au nom de la coopération internationale décentralisée, en vue de la facilitation de l’accès à l’eau.

Or, devant l’aménagement que prévoit l’Etat dans sa responsabilité de pourvoir à la distribution, qu’en est-il de la mise en application de ce droit au sein de ses frontières nationales ? L’accès à l’eau et à l’assainissement fait l’objet d’un service public dont l’Etat, par l’intermédiaire des collectivités, est responsable. Face au constat d’une certaine inégalité face à l’accès à l’eau, il demeure intéressant de pouvoir appréhender la notion de droit fondamental, au sein du pays dit des droits de l’homme, dans ce qui est garanti au citoyen dans son rapport à l’eau. En effet, si l’accès à l’eau en France est garanti pour la majeure partie de la population, il n’en demeure pas moins qu’accéder à l’eau a un coût, auquel plus d’1 million9 de ménages ne peuvent supporter convenablement dans la limite de leurs revenus. De cette observation découle l’angle d’analyse que nous souhaitons proposer dans cette étude. Un accès qui au-delà de son coût, pose une réelle préoccupation lorsque l’on sait que 1,4 millions de français ne bénéficient pas non plus d’un accès à une eau potable gérée selon des principes de qualité suffisantes. Il est alors nécessaire de prêter attention aux personnes se trouvant dans cette situation. Des hommes et femmes dans un état de marginalisation face à un système dont le fonctionnement conserve en fin de compte une certaine opacité. Plus encore, un sensible délaissement de cette problématique semble avoir gagné l’espace public et son aménagement dans l’accès à l’eau. Au même titre, une forme de silence autour de la remise en question de l’effectivité de cet accès interroge directement le cadre juridique qui prévoit le rapport nécessaire de l’individu à l’eau. Une situation

9 Coalition Eau, Secteur de l’eau : Les chiffres clé, Note rédigée à l’attention des membres de la Coalition Eau, Juillet 2019. 11 pages. p.2.

15

(16)

notamment vécue par des personnes sans domicile fixe, des personnes migrantes ou encore des gens du voyage.

La transcription de ce droit au sein du système légal sous le prisme des droits humains suppose donc au-delà de son aspect fondamental, la création de mécanismes de recours à la justice qui soient effectifs en vue de faire valoir ce droit. Par conséquent, il ne saurait être opposable à toute personne le refus d’un accès à la ressource. Dès lors, il est pertinent au regard de ce que représente l’accès à l’eau en France de pouvoir établir le constat du rapport à l’eau qui est consacré dans le droit positif, afin d’estimer la considération qui est donnée à l’accès à l’eau et à l’assainissement. Si l’assainissement est la deuxième composante de ce droit, elle se trouve être conditionnée en premier lieu par l’état actuel de l’accès à l’eau, dans sa dimension globale. Ainsi, notre analyse fait le choix de privilégier l’étude du droit à l’accès à l’eau, que nous pouvons également appeler le droit à l’eau, qui est la condition sine qua non de la réalisation effective du droit à l’assainissement.

La charge qui incombe à l’Etat dans la gestion de l’eau jusqu’à sa distribution est fragmentée à plusieurs titres. D’une part, l’objet de gouvernance que constitue la ressource se trouve être attribuée de manière transversale aux compétences de plusieurs ministères. La responsabilité principale de la gestion de l’eau est assurée par l’actuel ministère de la Transition écologique et solidaire vis-à-vis des autres ministères au regard de ses prérogatives environnementales. Cependant l’attention accordée, et essentielle en substance, à l’eau fait l’objet d’une mission interministérielle en ce que le ministère de l’Agriculture, de la Cohésion des territoires, de la Santé et des solidarités, de l’Intérieur sont impliqués dans la gestion de la ressource. A différents échelons, sa gestion est par la suite confiée à l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques (ONEMA) dont les décisions et orientations s’appliquent aux six agences de l’eau répartie sur le territoire qui coordonnent sa gestion.

Finalement il revient aux collectivités territoriales la mise en œuvre du système de distribution qui constitue une mission de service public. Enfin, devant les choix fait par les collectivités de la délégation faite de ce service auprès d’opérateurs privés, d’entreprises, il sera nécessaire de porter une vive attention à la mise en pratique de la distribution, au travers des dérives économiques qui affectent non seulement le prix croissant de l’eau, mais surtout les personnes en situation de précarité face à la ressource.

16

(17)

Si le cadre de la gestion de l’eau en France constituera plusieurs approches de notre étude, sa nécessité se justifie au titre du droit positif, qui lui, constitue le socle analytique de ce travail. En effet, la démonstration d’une évolution du droit actuel vers le droit à l’eau ne saurait faire abstraction du cadre juridique et règlementaire qui encadre la ressource et son usage, en ce que l’accès à l’eau se définit actuellement sous le prisme d’un droit de l’eau, d’une qualité de la ressource. Cette qualification d’inspiration environnementale, certes fondamentale à la préservation d’une ressource, ne semble pas avoir investi les autres sphères du droit. Le droit français se trouve finalement grandement influencé par le droit communautaire. Les directives qu’émet l’Union Européenne ont une force contraignante mais se doivent d’être transposées au sein du système légal français. Par là même, il convient au législateur de trouver des solutions d’adéquations avec ces dispositions européennes, au demeurant que celles-ci aussi, ne semblent pas favoriser l’émancipation d’un droit à l’eau.

Une certaine pluralité dans la conception qui est vouée à l’eau en France se traduit par une qualification de celle-ci aux travers de différentes normes légales, que ce soit par la loi ou les réglementations d’origines gouvernementales visant à faire respecter sa préservation dans les différents milieux desquels elle dépend. Un enchevêtrement de normes sur semble alors venir encadrer la ressource, nous supposons alors que cela peut sensiblement confondre le citoyen, l’usager du service public, dans la compréhension qu’il peut avoir de la législation qui régie l’eau et son droit d’y accéder, « Dans le même temps, les textes règlementaires sont de plus en plus techniques – le juriste peut raisonnablement se demander si l’on fait encore du droit »10.

Le paradigme juridique français propose donc l’intéressante particularité de ne pas être en capacité de donner une réponse à l’interprétation onusienne d’un droit fondamental à l’eau.

Nous nous tenons donc face à l’interrogation de savoir, Dans quelle mesure, au regard de la reconnaissance internationale d’un droit humain à l’eau et à l’assainissement, le droit à l’eau peut-il être appliqué en France ?

Dans la conduite de cette étude, nous aborderons premièrement l’observation nécessaire de l’organisation qui est faite depuis la gestion de l’eau jusqu’à sa distribution, dans le système actuel qui caractérise le service public de l’eau et de l’assainissement (Partie 1), avant de privilégier dans une seconde approche l’examen de l’évolution actuelle d’un droit positif au regard de ce qu’impliquerait la mise en application d’un droit à l’eau dans le contexte politique et juridique français (Partie2).

10 J.L Gazzaniga, X. Larrouy-Castéra, Le droit de l’eau en France entre Permanences et mutations, Les Cahiers de droit, Vol. 51, Faculté de droit de l’Université Laval, 2010, 25 pages.p.3

17

(18)

Partie 1 : Le paradigme de l’organisation de l’accès à la ressource

Chapitre 1 : L’accès à l’eau et l’assainissement comme mission de service public

Section 1 : L’organisation du bassin au versant jusqu’au robinet

I. La distribution d’eau saine comme mission garantie par le service public

A. Une gestion avant tout déconcentrée par bassin versants

L’étude qui prétend ici être faite de ce qui constitue le droit de l’accès à l’eau ne pourrait pas faire abstraction d’une appréhension générale sur le fonctionnement du système même qui garantit cet accès. Nous comblerons ainsi, dans cette première approche, ce besoin de pouvoir obtenir la photographie d’un réseau de distribution crée par l’autorité publique, afin de pouvoir assurer l’approvisionnement de la ressource pour la population sur son territoire. Il est donc intéressant de procéder à une déconstruction de ce que représente l’aménagement basique de ce réseau en ce qu’il fixe par là même les premières contraintes naturelles dans la gestion et l’approvisionnement de l’eau.

18

(19)

Il se trouve que parler de gestion est déjà un terme plus contemporain, lorsqu’il est question de décrire l’aménagement du réseau d’eau. La gestion d’une ressource comme l’eau suppose son administration dans l’optique de sa répartition équilibrée selon les besoins identifiés, sur un territoire donné. Puisque tel n’a pas toujours été le cas, il convient de rappeler que la préoccupation autour de la répartition de la ressource n’a que rarement fait l’objet de nouvelles politiques d’aménagement du territoire. En effet, l’eau étant une condition sine qua non à la vie humaine, les communautés urbaines comme rurales se sont naturellement assuré un accès pérenne à la ressource. D’où l’emploi d’une répartition de la ressource opérant selon l’écoulement naturel des eaux au sein des différents reliefs régionaux sur le territoire. L’eau douce et sa captation dépend donc de cycles naturels, de la même manière que la quantité d’eau est régie en premier lieu par le cycle de l’eau. Les reliefs montagneux au sein desquels va s’écouler naturellement l’eau sont en quelque sorte des cuvettes assurant la conduction de l’eau via des ruisseaux et rivières vers des plus grandes surfaces d’écoulement comme les fleuves.

Se faisant, les bassins versants jouent un rôle crucial dans le renouvellement et l’apport en eau des nappes souterraines et phréatiques, que l’on limitera à la qualification générale de zones aquifères au fil de notre étude. Bien que l’on puisse questionner la pertinence de ce rappel pour le moins évident, l’importance de ces flux naturels est essentielle dans la compréhension de l’accès le plus basique à la ressource en eau. L’illustration en est faite dans l’installation de longue date, au sein de telles aires géographiques, de cultures agricoles et bovines, demandeuses en eau. Zones stratégiques d’appropriation et de contrôle sur la ressource, des compétences administratives spécifiques sont aujourd’hui reconnues aux Agences de l’Eau. Celles-ci sont des établissements publics administratifs de l’Etat créées par le biais de la loi de 1964 relative au régime et à la répartition des eaux et à la lutte contre la pollution. Pour des besoins de répartition des compétences et rôles entre les six agences de l’eau existantes, chacune se voit attribuée la gestion de plusieurs bassins versants, lesquels sont regroupés au sein de grands bassins hydrographiques11.

Il existe ainsi six agences de l’eau en métropole : Adour-Garonne, Rhône- Méditerranée-Corse, Seine et Normandie, Artois-Picardie, Rhin-Meuse et Loire-Bretagne.

Tandis que dans les territoires DOM-TOM, seules des offices de l’eau ont vu le jour en

11 C.f Annexe

19

(20)

Guyane, La Réunion, Guadeloupe et Martinique. Ces bassins hydrographiques ont connu jusqu’en 1964 une administration qui comprenait un schéma plus simple, puisqu’elle n’était régie que par des agences de bassin, une instance administrative dont les missions avaient vocation à réunir les acteurs de l’eau autour d’une prise de décision commune quant aux grandes mesures publiques à prendre pour la répartition de la ressource. Par acteurs de l’eau, il faut alors comprendre les différents secteurs d’usage de l’eau et leurs représentants pour leurs divers intérêts, aux côtés des acteurs publics que sont les autorités compétentes par la représentation d’élus de communes, départements et régions. Seront donc considérés comme tels les agriculteurs de par l’utilisation faite de l’eau, les industriels pour les mêmes raisons, les gestionnaires du réseau aussi majoritairement en charge de la prestation du service public et, enfin, les citoyens et associations de la société civile.

Dans chaque bassin versant, une synergie et une entente dans la prise de décision entre ces acteurs fut souhaitée par le biais de ces instances de bassin. Un modèle reproduit par les agences de l’eau dans l’optique d’une gestion de bassin dite intégrée12 de bassin, c'est-à-dire la garantie que l’eau et les ressources qui lui sont liées soient gérées et assurées de manière durable, afin de répondre au bien-être social, environnemental et économique de ces usagers.

Le modus operandi est simple et préfigure un schéma, toujours actuel, dans lequel les mesures d’action sur l’eau dans le bassin par l’autorité publique doivent avant tout être ouvertes au débat entre ces acteurs.

Plus spécifiquement, parmi les organes composant une agence de l’eau, il s’agit du comité de bassin qui accueille ces débats dans les proportions de représentation suivantes : à savoir 40% de représentants des collectivités territoriales, 40% de représentants des usagers de l’eau et 20% de représentants de l’Etat13. Conçus comme un espace d’échange, les comités sont surnommés les « parlements de l’eau »14, le terme est fort et se veut fort, il est en effet question d’un système de représentation des acteurs précédemment cités15.

Ces comités de bassin, dans leur fonction consultative jouent un rôle de premier plan dans le conditionnement qui sera fait de l’accès à l’eau. Tout d’abord sur l’aspect des quantités, de manières résiduelles sur le court et moyen terme, mais essentielles sur le long terme pour la préservation des stocks naturels. Sur l’aspect de la quantité en revanche, le

12 F. Laurent et E. Herlier, La gestion intégrée, Publication CNRS- UNI LEMANS, Juin 2011

13 Rapport d’évaluation de la politique de l’eau en France – « Mobiliser les territoires pour inventer le nouveau service public de l’eau et atteindre nos objectifs de qualité », Lesage Michel, Editeur : Premier ministre, Juillet 2013, 219 pages.

14 Ibid, p.30

15 Ibid p.32

20

(21)

comité de bassin se doit d’agir de manière méticuleuse et proactive dans la lutte contre les pollutions de l’eau. Le comité de bassin assure dès lors des contrats de préservation de rivières, baies, lacs et nappes souterraines et dans le cadre des échanges avec les acteurs, tente de déployer avec les acteurs de l’industrie et de l’agriculture des consensus et principes de prévention des pollutions.

Cette estimation des besoins de chaque collège d’acteur, les plans veillant à la lutte contre la pollution, l’élaboration de plans d’intervention pour le maintien ou le rééquilibrage des diverses masses d’eaux dans le bassin, constituent en soi-même un ensemble de procédés inscrit au sein de Schémas Directeurs d’aménagement et de Gestion des Eaux (SDAGE), renouvelés tous les six ans. Cette politique publique est une norme européenne introduit en 2006 et visant au renforcement de ces systèmes de gestion intégrée. Cette loi ayant entrainé des mesures majeures dans l’encadrement juridique de l’eau en Europe et en France, elle fera ultérieurement l’objet d’une attention particulière.

Notons que dans le souci de faire vivre les problématiques qui gravitent autour de l’usage de l’eau, certains comités de bassin associent à leurs ordres du jour des thématiques transversales telles que la sensibilisation autour de l’eau face aux effets du changement climatique ou encore les manières tendant à améliorer l’organisation de la gestion des ressources en eau. Les comités de bassins ont en effet pour vocation d’encourager un débat auprès de différents groupes d’intérêt et éveiller les consciences sur les réalités qui frappe l’accès à l’eau dans chaque secteur et les défis à venir. Le changement climatique est une réalité que le secteur de l’eau doit pouvoir être en mesure d’anticiper, la représentation des agriculteurs et industriels est essentielle dans la quantification des besoins à venir mais surtout dans les limites à poser dans l’utilisation de la ressource disponible. Peu d’instances de ce type permettent la consultation de ces groupes d’acteurs dans le but de pouvoir influer sur la prise de décision des dispositions du SDAGE, qui va constituer le cadre réglementaire d’application des mesures de gestion de l’eau pour tous. Il s’agit également d’une opportunité pour les citoyens présents sur le territoire d’un bassin versant, dont dépend l’eau qu’ils consomment, de prendre part à l’action publique menée en matière de préservation d’une ressource vitale. En complément des explications données sur le travail conduit par les agences de l’eau et les comités de bassin, nous ajouterons que le SGADE est mis en œuvre par l’intermédiaire de Programme de Mesures (PDM) qui visent à rendre effective les actions d’aménagement.

21

(22)

Ce rôle que jouent les agences de l’eau est crucial dans les réflexions qui doivent être entretenues par le gestionnaire public de la ressource en eau que l’on peut alors reconnaitre comme étant en « amont » du réseau de distribution. En effet il en va plus généralement du conditionnement de l’offre en eau, et des quantités qui sont vouées à la distribution pour tous les usages in fine.

Il est à cet égard déjà intéressant de relever que c’est ce motif qui a été principalement, voire, uniquement avancé lors de la refonte du système de gestion des bassins, c'est-à-dire en réaction à une augmentation sensible de la pollution des rivières par la loi de 1964, un point que nous élaborerons plus amplement dans la continuité de cette étude.

B. Le transfert progressif des compétences d’administration de l’eau vers les collectivités territoriales

La mission de service public qui incombe à l’Etat dans l’approvisionnement et la distribution d’eau est une obligation que le pouvoir public a souhaité être opérée de manière déconcentrée. Comme nous avons pu le voir précédemment, un travail en amont par bassins hydrographiques est réalisé dans ce qui relève purement de la gestion de la ressource en tant que telle. Rappelons que les quantités d’eaux disponibles peuvent varier selon l’intensité des cycles qui les régie. L’accès à l’eau doit donc relever de vaste schéma d’aménagement à échelle nationale comme le préconisent les SDAGE et SAGE employés pour la mise en œuvre de l’approvisionnement en eau.

Toujours dans une approche d’appréhension globale du système de gestion de l’eau et in fine de la chaine d’acteurs œuvrant pour l’accès à l’eau potable, il est désormais essentiel de prêter attention au pivot de cette chaine d’acteur, les collectivités territoriales.

Effectivement, si jusqu’au milieu du XIXe siècle, peu de préoccupations ont été vouées aux services d’eau potable alors relevant du secteur privé16, l’encadrement de tout ce système a depuis emprunté quelques virages juridico-administratifs. Ces changements vont conférer une toute autre importance à l’accès à l’eau et à l’assainissement car, en passant dans la sphère publique, comme nous le verrons, le rapport de l’individu à l’eau va lentement évoluer vers une progressive distanciation des hommes et femmes entre les enjeux de la gestion de l’eau

16 V. Chiu, Vers la « remunicipalisation » du service public d’eau potable en France, Pyramides, 25, 2013, pp.247-262.p.250

22

(23)

par rapport à sa simple consommation quotidienne. C’est précisément par le prisme de la consommation que l’intérêt d’une distribution mieux encadrée a émergé. Le rapport à l’eau d’un point de vue hygiénique a engrangé une augmentation de l’eau à la fin du XIXe siècle, lorsque l’on sait par exemple qu’en 1870 il était estimé qu’une personne en France prenait un bain en moyenne tous les deux ans17, l’augmentation statistique dans le temps mérite une observation.

Le levier que représente la consommation influe puissamment, comme sur n’importe quel marché, sur la façon dont l’offre doit être conditionnée. Ainsi, si 15 à 20 litres18 au XIXème siècle d’eau étaient utilisés par jour et par personne, l’avènement de la distribution d’eau dans les ménages par le robinet a fortement transformé l’usage généralisé de l’eau potable puisque plus tard cette consommation a été chiffrée à 106 litres par jour et par personne en 1975 puis 165 litres en 2004.

Aussi afin de situer le contexte, la dimension publique que prend l’eau à la fin du XIXe siècle est marquée par la mutation du droit administratif, notamment dans la prise en compte de la responsabilité de l’état dans les services publics de par l’arrêt fondateur Blanco en 1871.

C’est donc en 1877 que le caractère public est reconnu au service d’eau potable par un arrêt rendu par le tribunal administratif de Poitiers.

Cette mission de service public va dès lors être effectuée à une échelle déconcentrée, de la même manière que les agences de l’eau opèrent à l’échelle de la commune, la distribution d’eau potable est une obligation qui incombe aux collectivités, plus précisément aux communes. La loi de 1964 relative au régime et à la répartition des eaux et à la lutte contre la pollution avait déjà amorcé un vaste processus de transfert de compétences vers des instances régionales, il y avait là une volonté d’une meilleure maitrise et connaissance de ce qui est plus généralement appelé le « réseau »19.

Faisant suite à la loi de 1964 sur l’aménagement du système, un deuxième texte vient constituer avec cette dernière les fondations de la gestion de la ressource en eau en France, il s’agit de la loi de 1992 sur l’eau. Née de la transposition d’une directive communautaire votée par le parlement européen en 1991 qui portait sur le traitement des eaux résiduaires urbaines.

Cette directive visait à obtenir des Etats une meilleure maitrise des eaux usées dans les villes

17 Site Vie Publique (Direction de l’information légale et administrative) , https://www.vie- publique.fr/politiques-publiques/politique-eau-qualite/service-public-eau/

18 Ibid,

19 M. Tsanga Tabi, Chapitre 7, L’irruption du social dans le mangement des réseaux d’eau : organisation de la solidarité et nouvelles frontières du service public d’eau. Dans : Gabriel Bouleau, éd., Des tuyaux et des hommes : Les réseaux d’eau en France Versailles, Editions Quae ,pp. 135-152 , p. 136.

23

(24)

et grandes agglomérations. La loi de 1992 est donc chargée d’une certaine ambition en matière d’environnement et souhaite dès lors une gestion des collectivités au plus proche des réalités de la gestion de l’eau notamment par le biais une nouvelle loi de la lutte contre la pollution. Que cela soit dans un but de prévention ou de protection, chose dont nous discuterons ultérieurement, la loi vise à garantir la gestion équilibrée des ressources et pour se faire, prévoit la gestion autonome de la ressource dans la distribution d’eau potable par les communes20. D’autant plus, c’est cette loi qui va venir instaurer les schémas d’aménagement et compétences des collectivités territoriales dans la libre mise en œuvre des SDAGE et SAGE mentionnés précédemment. En complément de ces deux composantes qui forment ainsi les normes de planification à suivre s’ajoutent les plans de mise en œuvre et mesures d’action à anticiper dans le but de satisfaire ces engagements, ainsi c’est par le biais des Programmes de Mesures (PDM) que les territoires des communes s’organisent afin de pourvoir à une distribution de l’eau21. Ces plans doivent être validés et approuvés par les représentants de l’Etat à l’échelon départemental, les préfets ainsi que les établissements publics dédiés à la gestion des contrats avec les maitres d’ouvrage opérant sur le réseau.

Si autant de précisions sur le contexte administratif et sur la gestion publique territorialisée ont été données au fil de ces premières approches, il est important de garder en tête la façon dont l’accès à l’eau s’organise à l’échelle des territoires. Ces observations offrent pour le moins une vision d’ensemble de la manière avec laquelle les services déconcentrés de l’Etat vont opérer l’approvisionnement, à ne pas confondre avec la distribution, qui fera désormais l’objet d’une nouvelle attention.

20R apport d’évaluation de la politique de l’eau en France – « Mobiliser les territoires pour inventer le nouveau service public de l’eau et atteindre nos objectifs de qualité », Lesage Michel, Editeur : Premier ministre, Juillet 2013, 219 pages.

21 Ibid, p.23

24

(25)

II. Les modalités de prestation d’un service public essentiel

A. Les compétences des collectivités dans l’exercice de leurs prérogatives en matière de distribution d’eau potable

La mission qui incombe aux communes dans la gestion du service public est marquée en France par la possibilité de pouvoir recourir à des contrats de délégation publique. Les collectivités ont la responsabilité d’assurer la continuité de l’approvisionnement et de la distribution de l’eau potable, de la même manière au sein du petit cycle de l’eau.

L’assainissement relève de la même compétence et se doit d’être géré soit par la commune soit par un prestataire. Ces contrats sont des engagements de long terme, qui peuvent trouver une durée d’effectivité de quinze ans parfois, voire plus. La possibilité donnée à ces communes découle du principe des partenariats public/privés qui correspondent alors à des arrangements institutionnels qui prennent la forme d’impartition, de concession, de sociétés mixtes mais restent dans la plupart des cas des contrats d’affermage et de délégation de service public. Dans une approche large du sujet, il s’agit donc de pouvoir procéder à une répartition des responsabilités entre les collectivités publiques et des entreprises prestataires qui offre leurs compétences sur le réseau. Il est donc important de veiller aux projections que les collectivités prévoient sur le long terme, en ce que la qualité et l’accès à l’eau relève de l’offre qui sera alors permise par les modalités de ces partenariats. A terme, le contrôle qu’ont les collectivités sur ces délégations est crucial dans la connaissance et la maitrise des enjeux relatifs à la bonne conduite de la distribution d’eau potable et du bon fonctionnement des systèmes d’assainissement. Rappelons que c’est la recherche de performance économique qui est normalement à l’origine de cette modalité de gestion. Il se trouve que face aux nécessités de la distribution quotidienne d’eau, de nombreuses contraintes peuvent peser sur la distribution. La visée d’une telle délégation doit alors avoir pour but la satisfaction d’un accès pour toute la population, ce qui présuppose une attention de la part des collectivités aux travers et dérives qui pourraient naitre de dysfonctionnements sur ce réseau.

25

(26)

B. La critique adressée au système de service public : L’héritage d’un service public chargé d’une empreinte technico-marchande

A partir de ces mécanismes de délégation de service public, le paysage actuel se dessine peu à peu et l’on peut déjà établir une dichotomie dans les responsabilités qui incombent aux différents acteurs de la distribution d’eau potable. Le principe de libre administration des collectivités territoriales reconnue à valeur constitutionnelle permet une grande liberté de choix du mode de délégation comme nous avons pu le voir.

Ces systèmes de gestion à échelle locale obligent à un rapprochement des communes avec le secteur privé, ce qui vient définitivement inscrire le contexte actuel du système d’accès à l’eau dans une relation étroite entre le secteur public et celui du privé. Les exemples de délégation ne manquent pas depuis les contrats déjà établis au XIXe siècle comme celui de la Générale des Eaux ou encore la Lyonnaise des Eaux. Face au choix qui s’impose aux communes, il est donc question de confier la distribution de l’eau mais également, dans la grande majorité des cas, la maintenance du réseau ainsi que les investissements à réaliser en vue de son bon fonctionnement au long terme. Il s’agit bien là de l’ensemble de l’infrastructure nécessaire à l’adduction, la distribution ainsi que le traitement et l’assainissement de l’eau.

Comme le souligne Jean-François Lachaume, Professeur de droit à l’Université de Poitiers : « la collectivité territoriale doit prêter attention à plusieurs éléments : la nécessité de réaliser des investissements plus ou moins coûteux, la répartition des risques inhérents à la gestion du service, le degré d’implication que souhaite avoir la collectivité dans la gestion du service, la maîtrise du savoir-faire, la maitrise des coûts du service et du tarif ».22.

Autant de facteurs à prendre en compte dans la complexité que révèle la bonne conduite du service public et de l’infrastructure dont il dépend. Marie Tsanga-Tabi résume cet

22, J.F Lachaume, Droits des services publics, Paris, Lexis Nexis, 2012, p.231

26

(27)

ensemble par l’emploi du terme « réseau »23. Ce réseau, selon l’auteur est désormais le fruit de multiplies jeux d’investissements, notamment durant la période des trente glorieuses durant laquelle le subventionnement public battait son plein. Par des effets d’économies d’échelle, les services publics locaux ont alors pu fournir l’accès à l’eau à des prix historiquement bas via la réduction des coûts marginaux24. La conséquence d’une telle gestion résulte en un système performant pour la distribution d’eau potable et l’assainissement qui façonne alors une sorte de culture autour de la délégation de ce service envers lequel peu de collectivités doutent. Néanmoins, le fait d’externaliser un savoir-faire et a fortiori une expertise relative à un service, dont tout le monde dépend, permet l’installation d’une tradition de la délégation dans laquelle les communes semblent s’effacer au profit d’enjeux gérés par des

« professionnels ». Ce qui par ailleurs renvoi à une autre définition du réseau que propose Georges Ribeill : « Le réseau, ce système où interfèrent étroitement à double sens les hommes et les techniques dans un complexe spécialisé mais coordonné de tâches et de finalités, cela dans un parfait synchronisme ». Nous pouvons déduire de cette observation de l’auteur que ce système de fonctionnement du service prend peu à peu des aspects techniques, complexes, justifiés par la maitrise que les prestataires développent au fur et à mesures de leurs activités.

Il s’agit là de l’émergence de toute une nouvelle conception du service public de l’eau et de l’assainissement, qui va dès lors véritablement conditionner les modalités d’accès à l’eau par une logique économique semblable à celle de l’industrie. Comme d’autres services publics, l’électricité ou le téléphone par exemple, la prise en main du réseau au cours d’une période économique fleurissante a permis l’investissement et le déploiement d’infrastructures importantes. Cet essor a pour résultant la constitution d’un monopole naturel25 sur le réseau, de par le caractère essentiel, non stockable de l’eau et par les coûts élevés fixes qui s’imposent aux acteurs qui se le partagent. Le service public d’eau pouvait donc non seulement pourvoir à la fourniture mais anticiper les besoins d’un accès plus significatif par la rationalisation chiffrée des besoins c’est l’avènement de la « citadelle technique »26, d’un réseau capable de mesurer, réguler les besoins de manière précise et comptable. La desserte

23 M. Tsanga Tabi, Chapitre 7, L’irruption du social dans le mangement des réseaux d’eau : organisation de la solidarité et nouvelles frontières du service public d’eau. Dans : Gabriel Bouleau, éd., Des tuyaux et des hommes : Les réseaux d’eau en France, Versailles, Editions Quae , pp. 135-152, p. 136

24 Ibid, p. 135

25 V. Valero, Les écarts de prix de l’eau en France entre les secteurs privé et public, Revue économique, Vol 66, N. 6, 2015, pp. 1045-1066, p. 1050

26 M. Tsanga Tabi, Chapitre 7, L’irruption du social dans le mangement des réseaux d’eau : organisation de la solidarité et nouvelles frontières du service public d’eau. Dans : Gabriel Bouleau, éd., Des tuyaux et des hommes : Les réseaux d’eau en France Versailles, Editions Quae ,pp. 135-152 p.136

27

(28)

individualisée chez l’habitant permet dans les années 1970 un accès à l’eau pour la population française à hauteur de 98%27.

Les entreprises en charge du réseau et de la distribution ont donc permis une amélioration de l’efficacité de gestion, mais n’ont pas pour autant contribué à un maintien voire une diminution des prix. Comme nous venons de l’introduire, l’accès à l’eau et à l’assainissement va dépendre des offres de prestations que les gestionnaires privés de l’eau proposent et les prix qui les accompagnent reflètent également une image d’expertise allant en se renforçant au fil du temps. Le fait de confier le soin du bon fonctionnement de ces services à ces gestionnaires est une pratique inscrite dans le temps peu contestée, alors que moins d’

un tiers des français dépendait d’un prestataire privé en 1954, il a été estimé en 2003 que ce cela concernait 80% de la population28. Le comportement de ces entreprises sur le long terme semble révéler une insertion dans ce qui pourrait s’apparenter à un marché public de l’eau via le système des contrats administratifs de partenariats public/privé. Ce réseau, comme nous avons pu l’observer, est donc un espace public sur lequel concourent ces acteurs et comme tout monopole naturel, l’entrée sur le marché coûte cher. Ceci a pour effet la pérennisation des entreprises déjà insérées dans ces partenariats. A titre d’exemple, les trois grandes entreprises responsables des services d’eau et d’assainissement en France sont La Saur, Suez et Veolia29.

Si l’acquisition d’un monopole n’est pas permise sur le marché global que constitue alors ce service, une certaine mise en concurrence se constate tout de même au niveau local.

Ces observations sur la place qu’occupent ces entreprises sur le réseau et la dimension marchande qui caractérise le mode de gestion majoritaire nous amènent à mettre en lumière certains défis qui se posent à la délégation du service public d’eau et d’assainissement.

Face au système actuel de gestion du service qui se réfère à des logiques d’investissements privés, se pose la question du financement. Les communes font naturellement face à des contraintes d’entretien que le secteur privé sait gérer dans ses investissements et opte ainsi sur une vision à long terme. Ainsi, au vu du retard dans l’entretien du réseau, de certaines carences dans la connaissance des besoins d’infrastructures et les coûts que cela engendre, les communes seraient parfois dissuadées d’une meilleure prise

27 Ibid, p.136

28 Ibid, p.137.

29 V. Valero, Les écarts de prix de l’eau en France entre les secteurs privé et public, Revue économique, Vol 66, N. 6, 2015, pp. 1045-1066, p.1050.

28

(29)

en main du réseau par asymétrie de connaissance30. De plus, la littérature au sujet des partenariats public/privé fait état d’une autre raison qui serait la longueur des contrats de délégation par rapport à la durée des mandats des élus des communes qui favoriserait un report 31 de la problématique des services d’eau contre les besoins que posent d’autres services publics.

Ensuite, la qualité du service public dépend de prestations que les gestionnaires privés ont su mettre à profit dans leurs activités, ce qui a pour effet une hausse des attentes des usagers qui souscrivent à un abonnement et attendent de droit un accès de qualité et quantité à l’eau. Ce phénomène serait selon l’auteure Marie Tsanga-Tabi le résultat de cette gestion rationnelle et spécialisée de cette « citadelle technique », qui au fil du temps a favorisé une exigence du consommateur qui devient dès lors un « abonné-client »32. Le prix de l’eau est donc un enjeu majeur pour les entreprises du secteur qui ont connaissance des coûts de maintenance et de fourniture de l’eau. Celles-ci sont confrontées à des choix d’investissements tout en ayant un but lucratif, ce qui résulte en une augmentation des charges, ressentie par la suite dans le prix de l’eau. De ce fait, les normes de qualités, de quantités fixées par les lois de 1954 et 1992 et autres normes de contrôle spécifiques de la qualité de l’eau, détachent d’une certaine façon l’eau comme ressource essentielle et objet d’un service public, de son usager. Le modèle selon lequel « l’eau paye l’eau » ne peut pas être exact. Il s’agit là d’un point crucial à cette étude car l’accès à l’eau semble ici se distinguer du droit à l’eau. Par le biais des lois et réglementations autour des responsabilités et compétences des acteurs du service, par les normes relatives à la qualité et les principes de délégation public/privé, nait une doctrine du droit de l’accès à l’eau. Le droit à l’accès à l’eau va dès lors représenter la manière dont l’eau doit être accessible à tous dans sa pleine dimension, qui par déduction semble trouver des limites conséquentes dans la rationalité technique hérité du présent modèle de distribution.

30 Ibid, p. 1052.

31 M. Audette-Chapdelaine, B. Tremblay, J.P. Dupré, Les partenariats public-privé dans le secteur des services d’eau. Revue française d’administration publique, Vol. 130, No 2, 2009, pp. 233-248, p.

32M. Tsanga Tabi, Chapitre 7, L’irruption du social dans le mangement des réseaux d’eau : organisation de la solidarité et nouvelles frontières du service public d’eau. Dans : Gabriel Bouleau, éd., Des tuyaux et des hommes : Les réseaux d’eau en France Versailles, Editions Quae, pp. 135-152. p. 137.

29

(30)

Section 2. Les multiples dimensions d’un accès à l’eau

I. Les enjeux caractérisant la gestion globale de la ressource en vu de son accès

Dans la vue d’ensemble que cette approche vise sur l’état de l’art de l’accès l’eau, il est apparu judicieux d’apporter des explications sur la manière dont la ressource est amenée à être gérée à l’heure actuelle. De la même manière, la distribution de l’eau potable et son encadrement par l’Etat comme mission de service public est également une composante du droit à l’eau par le conditionnement qui est fait de l’accès à l’eau potable. In fine, si l’étude d’un droit effectif à l’eau fait l’objet de ce travail, il s’agit pourtant bien de connaitre les réalités du contexte duquel il dépend et dans lequel il devrait s’enraciner.

L’exercice de ce droit, comme nous l’avons mentionné, nécessite l’aménagement de tout un réseau physique d’acheminement de l’eau qui constitue en soi une politique de gestion par bassins, la distribution d’eau est elle aussi assurée par le service public, par le biais de partenariats ou non. En revanche, qu’en est-il de la réalité de sa consommation, dans les conditions d’usage de l’eau, qui peuvent dès lors révéler des insuffisances et inégalités. Il convient maintenant de les observer sous plusieurs angles afin compléter cette photographie de ce que constitue l’accès à l’eau.

A. Des situations de stress hydraulique comme menace sur le réseau

Avant de parler de l’accès direct des personnes à l’eau, nous nous concentrons dans cette partie sur l’appréhension des menaces qui planent autour du grand réseau nécessaire à la garantie de l’accès à l’eau. L’eau étant une ressource finie, elle reste avant tout un élément naturel sujet aux multiples transformations qu’induit le changement climatique. En ce sens, même si les aléas climatiques affectent les régions du monde différemment, une constante semble cependant frapper l’ensemble des territoires par l’augmentation progressive des

30

(31)

températures. Dans cette dimension de l’accès à l’eau dans le contexte climatique, il faut garder à l’esprit que l’air étant plus chaud, l’évaporation de l’eau s’accélère et les stocks dans les nappes phréatiques s’amoindrissent. De plus, l’eau une fois évaporée représente en soi un gaz à effet de serre, contribuant au réchauffement.

Des épisodes de chaleurs intensifiées font désormais l’objet de préoccupations majeures, allant en se renforçant, en effet un certain recul est pris depuis la canicule de 2003 par exemple. Les conséquences de ces événements ne sont absolument pas imputables à la seule question de l’eau et de son accès, mais amènent tout de même à une prise de conscience que la société doit entretenir vis-à-vis de son rapport à des ressources aussi précieuses que l’eau, et la façon de la gérer. Cette vague de chaleur, ayant entrainé la mort de 70 00033 personnes en Europe, et de 15 00034 personnes en France selon l’INSERM, a appelé en une vigilance plus affirmée par les autorités publiques sur les impacts que ces températures peuvent avoir sur la population, les terres agricoles mais aussi les services publics. On assiste alors à la mise en place par les Agences Régionales de Santé de Plan Canicule35 pendant les périodes estivales, chapotée par l’actuel Ministère des Solidarités et de la Santé. L’instance ministérielle décrit sur son site internet les précautions à prendre en vue d’éviter les risques caniculaires : « Elle [la canicule] peut entraîner des accidents graves et mêmes mortels, comme la déshydratation ou le coup de chaleur ; La pollution de l’air et l’humidité aggravent les effets de la chaleur »36.

Se pose alors la question des capacités à répondre de ses nouvelles contraintes qui affectent donc d’une part la population mais également la ressource même, dont les usages sont nombreux. Il est à rappeler que ces plans de vigilances pour la canicule concernent aussi l’usage agricole de l’eau, industriel ou domestique, qui bien qu’essentiel, représente la part principale de l’utilisation faite de l’eau. En effet, sur les 5 milliards de mètres cube captés chaque année en France, 60 % sont destinés à l’irrigation agricole37. Même si la gestion de l’eau à usage agricole relève d’autres études et se trouve peu liée au droit à l’eau, il en va tout de même de la gestion globale de la ressource qui permet notamment de souligner les

33 Le Monde, Afp, Reuters, La canicule de l’été 2003 a fait plus de 70 000 morts en Europe, selon l’Inserm, 23 mars 2007.

34 Ibid.

35 Site du Gouvernement, Ministère des Solidarités et de la Santé. Plan Canicule, https://solidarites- sante.gouv.fr/sante-et-environnement/risques-climatiques/canicule

36 Ibid.

37Chiffres CNRS, L’usage de l’eau en France, Ressource en ligne, http://sagascience.cnrs.fr/doseau/decouv/usages/menuUsages.html

31

Références

Documents relatifs

D'où l'allure étrange de cet article 9-1 : par son alinéa 1, que l'on doit à une plume législative généreuse (celle du législateur du.. 4 janvier 1993), il mérite bien sa place

Les principes et règles de portée universelle et ceux forgés à l'échelon d'un cours d'eau ou d'une région sont complémentaires et se nourrissent les uns les

Dans son commentaire à l'article 10 de la convention des Nations unies de 1997, la Commission du droit international a indiqué que les États << doivent veiller à

Ils saisirent la Commission Européenne des Droits de l’Homme au motif qu’en leur refusant , l’Administration grecque violait l’article 6. La Cour affirma que «

Cette problématique nous semble tout à fait pertinente pour notre étude puisqu’elle questionne un aspect incontournable de la pratique infirmière, la documentation, qui est

Les fonctions et compétences de l'Etat sont bien entendu une place de choix pour les droits de l'homme, mais aussi des minorités, des groupes vulnérables, des personnes

XX~ siècle alors que ses règles secondaires reflètent toujours la menta lité de l'homme de l'âge de pierre».. guene par leur formalisme et leur caractère sacraL Le droit

L’eau rassemble, dit-on, et réunit des êtres les plus divers dans l’univers insondable. Alertée sur les enjeux de l’eau potable, aujourd’hui dans le monde, au sein du