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Le constat actuel des limites à l’accès à l’eau pour des personnes en situation de vulnérabilité

Chapitre 2. Les manifestations des conséquences du manque d’eau en contradiction au principe de dignité

I. Le constat actuel des limites à l’accès à l’eau pour des personnes en situation de vulnérabilité

Dans la mesure où des personnes se voient couper leur arrivée d’eau par les gestionnaires, nous pouvons déduire qui si cela constitue une partie des personnes directement confrontée à des problèmes d’accès à l’eau. Nous avons fait le détail de l’organisation et des obligations du service public de l’eau et pouvons dès lors obtenir une photographie, aussi générale soit-elle, de la manière dont on a permis au citoyen, à l’administré, à l’usager, à l’ « abonné-client » un accès pérenne à l’eau. Cet accès est garanti par les redevances et prix de l’eau que les usagers payent via leurs abonnements, des contributions qui permettent donc au système en place de trouver les financements pour fonctionner. Seulement comme nous

82 M.Tsanga Tabi, Entre client-centrisme et droit à l’eau : le dilemme posé par l’usager non solvable dans la gestion des services publics marchands en France, Politiques et Management Public, 2006, pp.69-89.p.70

82 Goubert Jean-Pierre. La France s'équipe. Les réseaux d'eau et d'assainissement. 1850-1950. In Les Annales de la recherche urbaine, N°23-24, 1984. Les réseaux techniques urbains. pp. 47-53.p.71

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l’avons vu, certains foyers sont dans l’incapacité de satisfaire cette obligation, mais surtout, de nombreuses personnes et familles en France ne disposent tout simplement pas d’un accès au logement en premier lieu, et donc des conditions basiques et essentielles dans le système d’accès à l’eau. L’ensemble de cette recherche va désormais s’appuyer sur cette notion de précarité, et de pauvreté dans certains cas, qui en soi manquent de définition et de mesures suffisantes, afin de réellement pouvoir mettre en lumière la nécessité de l’application d’un droit à l’eau.

Cette approche finale des réalités de l’accès à l’eau en France permet d’en soulever directement ses limites. En effet, si l’on a voulu appuyer les observations précédentes par des chiffres, ces derniers manquent d’une vision d’ensemble. La Coalition Eau, une organisation réunissant plusieurs ONG françaises opérant dans le domaine de l’eau et l’assainissement généralement via la coopération internationale et l’aide au développement, s’est penchée sur les chiffres de l’accès à l’eau et publie les suivants.

En France métropolitaine, en 2013, plus d’un million de foyers avaient du mal à payer leurs factures d’eau83. Cela témoigne déjà du nombre de personnes devant la seule contrainte budgétaire que représente l’eau parmi toutes les charges que les foyers assument. Autrement, nous savons par le calcul de ses mêmes chiffres qu’avant même la seule question de l’eau, il s’agissait de 1 210 000 locataires qui se trouvaient en situation d’impayés de loyers ou dans l’impossibilité de supporter les charges du logement84. La précarité devant l’accès à l’eau est une notion aussi abstraite qu’elle ne permet pas la prise en compte réelle de toutes les personnes dans des situations très différentes. La condition du logement est déjà un élément que l’on peut garder en tête comme fondamentale. L’accès à l’eau se trouve fondamentalement liée aux situations de mal logement puisque son accès nécessite une arrivée spécifique et individuelle chez l’usager. Cet usager doit donc figurer sur les points de raccordement prévu par le réseau de distribution. Or, lorsque l’on observe les chiffres du mal logement en France, la dimension de la précarité face à la ressource se pose, surtout depuis que l’on sait que ce que cette précarité est multidimensionnelle et est source de cumul des vulnérabilités.

Le mal logement se définit difficilement lui aussi, c’est une notion qui évolue. En plus de la distinction entre la privation de logement ou de confort ou accès au logement, plusieurs

83 Chiffres (ENL 2013, calculs FAP) Coalition Eau, Secteur Eau : les chiffres-clé. Note rédigée à l’attention des ONG membres de la Coalition Eau, Juillet 2019. « Ressources », www.coalition-eau.org

84 Ibid

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autres causes de mal logement sont venues se greffer dans sa considération. La Fondation Abbé Pierre ayant fait de la lutte contre le mal logement sa mission sociale, elle publie chaque année un rapport qui comptabilise les situations de mal logement et permet plus de visibilité à cette problématique. Nous pouvons donc évoquer le rapport de 2018 qui utilise des statistiques de 2013 produites par les Enquêtes Nationales sur le Logement (ENL) réalisées tous les cinq ans par l’INSEE, sur les différents cas de mal logement, qui intéressent directement notre étude dans le droit à l’eau. Car les personnes en situation de besoin direct d’accès à l’eau sont premièrement les personnes sans domicile qui représente en 143 000 personnes85, on peut ajouter à ce chiffre que 643 000 personnes sont en situation d’hébergement « contraint » chez des tiers. Les personnes vivant dans des « habitations de fortune » (de petits bidonvilles) au nombre de 85 00086 sont également prédisposées à des problèmes d’accès à l’eau. Aussi, les « gens du voyage », non sédentarisés représentent une partie de la population sujette à cette précarité dans l’accès et qui est ici associé au mal logement avec 208 000 de personnes concernées. Enfin, une attention doit être portée aux personnes migrantes qui sont exposées à ces problèmes de ressource en eau. Le rapport indique qu’il s’agit de 42 000 personnes en foyers de travailleur, mais pose d’autant plus question quand ces personnes n’ont pas accès à aucun logement, qui les expose encore plus, mais pour lequel le recul suffisant à avoir est compliqué à trouver pour le quantifier correctement.

Nous finirons cet aperçu des inégalités dans l’accès à l’eau et l’assainissement en présentant les graves situations que connaissent les Départements et Territoires d’Outre-Mer.

Peu de d’études connues sur le sujet. La situation dans ces territoires est pourtant bien plus grave que sur le territoire métropolitain et met en avant de sérieuses inégalités dans l’accès à l’eau potable et à l’assainissement. Dans un rapport de juin 2013 sur l’évaluation de la politique de l’eau87, il est affirmé que « les DOM sont confrontés à quarante ans de retard dans la mise en œuvre de la politique de l’eau (…) ; de plus, la potabilité de l’eau reste une priorité pour les DOM et les TOM (En Guyane, par exemple, 12% de la population n’a pas accès à l’eau potable ». A la vue de ce seul chiffre concernant la Guyane, l’interrogation à propos du droit à l’eau dans la législation française, de laquelle dépendent ces départements,

85Fondation Abbé Pierre, Les chiffres du mal- logement, L’Etat du mal-logement en France, Rapport Annuel N°23, 2018

86 Ibid ;

87 Rapport Conseil Général de l’Environnement et du Développement durable, CG de l’Alimentation, de l’Agriculture et des Espaces Ruraux, , CGEIET IGF, IGA, Université Paris-Diderot, établi sous la direction de Anne-Marie Levraut –juin 2013 p. 35

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prend soudainement une dimension bien plus urgente. Sachant que selon les informations88 publiées par la Coalition Eau, 16 000 personnes en Guyane s’approvisionnent en eau par les eaux de surface, qui présentent généralement des pollutions, et ce sont 79 700 personnes n’ayant pas d’installations d’assainissement élémentaires. De manière plus complète nous ne priverons donc pas d’insister sur des chiffres encore plus interpellant. En Guadeloupe, ce sont 2.6% des habitants soit 12 000 personnes qui n’ont pas accès à des services d’eau qui répondent aux normes de qualité, ce qui les confronte à des cas de contamination « (matières fécales, arsenic ou fluor) »89. Sans citer tous les départements, qui connaissent une situation au moins équivalente à celle de la Guadeloupe, nous évoquerons le cas le plus sérieux qui est celui de Mayotte. Car il s’agit bien là de 16,3% soit 41 000 personnes ne disposant pas d’un accès immédiat ou proche du domicile, au réseau du service d’eau et d’assainissement.

De l’incapacité à surmonter les charges que peuvent présenter l’accès au manque de sécurité de pouvoir être raccordé à un réseau de distribution d’eau saine à la consommation, la superposition des cas de précarité observés nous donne un aperçu de ce que constitue réellement la pauvreté en eau, principale cible que le droit à l’eau vise alors à atteindre.

II- La réalité des besoins des personnes en difficulté