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II - L’appréhension politique d’un droit sujet à une division dans le débat parlementaire

Section 1 : Des compléments de mise en œuvre du droit à l’eau

B. Le chèque eau

Une autre alternative a émergé au fil de la dernière décennie ; elle se trouve être le chèque eau. Effectivement par l’intermédiaire d’un don par les collectivités aux ménages les plus démunis, il serait alors question de pouvoir assurer une provision minimum sur lequel le ménage pourrait compter en vue d’un paiement de facture qui s’annoncerait compliqué.

Les possibilités que nous avons énumérées, bien que manquant de détails quant à leurs concrétisations, sont autant de mesures actuelles pour lesquelles le recul suffisant, (en dehors de la tarification sociale qu’expérimente certaines villes), sera permis par le temps. Les Assises de l’Eau qui ont eu lieu en 2018 avaient déjà laissé entrevoir la possibilité de donner suite à certaines de ces alternatives. De manière générale, cela nous amène tout de même à réaliser qu’une mouvance presque introspective gagne les collectivités dans leur volonté de prendre en main un service public, qui bien qu’effectif, a au fil du temps révélé quelques failles dans sa finalité. Si le droit humain à l’eau en France n’a pas pu trouver de réponse par la voie du législateur, nous supposons cependant qu’une réponse au problème de la pauvreté en eau pourrait effectivement provenir du rôle initial et de plus en plus réaffirmé des collectivités territoriales.

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Conclusion

Le rapport à l’eau que toute personne entretient pour la satisfaction de ses besoins relève d’un ensemble de politiques d’encadrement de la ressource afin de pourvoir à son contrôle effectif. Bien que cela puisse paraitre basique dans l’approche de ce que constitue finalement le droit d’accès à l’eau, il en demeure que, dans le cas de la France, le droit qui vise à assurer cet accès est principalement consacré par un droit de l’eau et non un droit à l’eau. Cela représente pourtant un lien qui unit le citoyen à la collectivité dans laquelle il ou elle vit. Les ressources techniques et économiques de la France ont permis dès le XIXe siècle une appréhension de la gestion de l’eau ayant pu assurer une pérennité de la distribution à la population. Le réseau que constitue l’ensemble des infrastructures nécessaires au fonctionnement du service public s’est révélé d’une telle performance qu’il a été jugé bon, et à juste titre, de pouvoir privilégier la gestion de la ressource par une expertise que le secteur privé, aux cotés des collectivités s’est progressivement approprié. En effet, la généralisation d’un accès pour la population est avant tout la garantie d’un accès sécurisé à l’eau. Seulement, comme il a été possible de le constater, une certaine distanciation entre la personne et le service public a vu le jour. Le modèle de distribution de l’eau, ressource commune à tous, s’est vu devenir à tel point rationalisé, que des externalités négatives sont peu à peu apparues.

Des prix de l’eau susceptibles de varier selon les villes, et soumis à de nettes augmentations au fil du temps sont perceptibles et ont dès lors eu pour conséquence directe, l’accroissement d’une précarité face à l’eau pour une partie de la population ne pouvant faire face au coût de cette eau. Des nos jours, en 2019, cette partie de population a vu son pouvoir d’achat diminuer faisant suite aux périodes de turbulences que l’économie française a dû affronter, notamment au début de ce siècle. A cela s’ajoute une incompréhension de nombreux usagers, consommateurs, qui, devant les contraintes budgétaires qu’ils connaissent, sont amenés à remettre en question la dynamique du fonctionnement du système de distribution. Bien que cette partie de la population soit largement minoritaire, il en demeure que nous pouvons interroger la manière dont l’eau se doit d’être qualifiée par le droit qui lie l’homme à la satisfaction de ses besoins. Par conséquent, devant le constat dressé de la conduite d’un modèle de gestion du service public, nous avons pu observer en quoi son fonctionnement, bien qu’effectif ne satisfait pas exactement les conditions d’un réel accès à l’eau. Le paradigme actuel, dans la limite de la critique que nous pouvons lui adresser semble avoir dépossédé d’une certaine manière la puissance publique dans sa compréhension des

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enjeux d’un accès à l’eau. Cependant, cette seule observation ne porte que peu de sens si l’on ne perçoit pas l’accès à l’eau, et à l’assainissement comme relevant d’une responsabilité de l’Etat dans la protection de ses citoyens. Car, il est en effet question de l’importance que l’on accorde au fait de pouvoir être en mesure d’accéder à l’eau potable lorsque l’on se trouve en difficulté. De ce constat, l’analyse qui vise à examiner quel droit fondamental peut découler de ce rapport à l’eau est primordial. D’abord en ce qu’une partie de la population se trouve marginalisée dans son accès. La question de l’accès à l’eau pour les personnes ne pouvant supporter le coût d’un raccordement au réseau est essentielle de la prise en compte des réalités de l’accès. Ensuite, nous avons pu observer à quel point la pauvreté en eau peut constituer le socle d’un cumul de vulnérabilité qui à terme contrevient aux droits fondamentaux d’une condition de vie suffisante pourtant consacrée par le droit positif français. L’inertie qui résulte pourtant des tentatives de reconnaissance d’un droit à l’eau témoigne alors d’une minimisation de la problématique au sein de l’espace public. Il relève alors d’un projet de société, qui est libre d’organisation par les collectivités afin de pourvoir à une amélioration de l’accès. C’est finalement par la confrontation d’un argumentaire grandement soutenu par la société civile engagée dans ces questions, que le droit à l’eau se trouve tant bien que mal appliqué devant des juridictions qui ne semblent pas exactement arriver à déterminer comment dissocier un droit à l’eau du droit au logement. Ce droit au logement représente dès lors en France l’assise juridique principale quant à la garantie faite de l’accès, et de la prise en compte de la précarité qui affecte des personnes bien souvent en incapacité de d’accéder à un logement en premier lieu.

Il ressort de cette étude que le combat qui se doit d’être mené contre la pauvreté en eau, au nom du droit à l’eau tel qu’il est consacré par les Nations Unies, relève d’une attention qui reste à être affinée quant à la mesure même de cette pauvreté. De par la convergence des argumentaires émanant de la société civile, il est également nécessaire de prendre en compte la manière générale avec laquelle les collectivités conçoivent la gestion du service public.

Finalement, au regard du droit à l’eau dans son interprétation onusienne, le droit fondamental d’accéder à l’eau en France se trouve nié, au profit d’une valeur d’usage de l’eau qui ne saurait permettre la mise en application effectif de ce droit, envers lequel la France reste liée de par ses engagements internationaux.

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