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CONFERENCE 3 : L ENSEIGNEMENT DES MATHEMATIQUES A DES ELEVES «EN DIFFICULTE» : SITUATIONS, SIGNES MATHEMATIQUES, PHENOMENES DE CONTRAT

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CONFERENCE 3 : L’ENSEIGNEMENT DES MATHEMATIQUES A DES ELEVES « EN

DIFFICULTE » : SITUATIONS, SIGNES

MATHEMATIQUES, PHENOMENES DE CONTRAT

Isabelle Bloch

IUFM d'Aquitaine Université Bordeaux IV

Résumé : Avec les élèves en difficulté, les pratiques de résolution de problèmes et des calculs mettent en lumière des malentendus dans l'interprétation des signes mathématiques.

L'institution ne propose habituellement que la répétition des apprentissages ayant échoué, ce qui contribue à bloquer les élèves dans un contrat ancien. Nous utilisons la pragmatique de C. S. Peirce pour étudier des situations expérimentales où la dynamique de l'interprétation des signes est partie intégrante du jeu de la situation. Nous avons ainsi repris de N. Bonnet une progression de situations sur la multiplication avec des élèves de 13 ans de SEGPA : ces situations ont permis aux élèves de découvrir la structure de la table de Pythagore. Le contrat didactique a pu alors évoluer vers une interprétation des signes mathématiques comme étant des opérateurs incluant une règle, règle qui est enfin à disposition des élèves.

Mots-clés : Signes mathématiques, pragmatique peircienne, situations, multiplication.

INTRODUCTION

Les recherches sur l’ASH14 sont souvent centrées sur la façon dont les élèves entrent dans les activités proposées par l'enseignant. Notre questionnement sur les apprentissages intègre cependant un pas de côté par rapport aux activités classiques qui ont pu être rencontrées par les élèves lors de la scolarité : nous voulons travailler sur la façon dont les élèves interprètent les signes mathématiques, ce qui nous a conduit à mettre en place des situations spécifiques.

Une première nécessité nous a paru être d'interroger l’hypothèse de la non acquisition de connaissances antérieures : nos observations nous apprennent que les élèves de l'ASH, soit sont réticents à montrer leur savoir, soit ne savent pas eux-mêmes qu'ils savent. Dans de telles circonstances, nous nous interrogeons aussi sur les conditions et contraintes de l'enseignement et les phénomènes de contrat. Les auteurs s'accordent sur de nombreuses "dérives" de la relation didactique avec les élèves en difficulté, dérives rendant notamment problématique l’organisation de situations de recherche de type a-didactique. Une question récurrente est celle du milieu à construire pour que les élèves de l’ASH acceptent la dévolution d’un problème. Cependant, lorsque des situations de ce type sont expérimentées, elles sont jugées parfois à l'aune des savoirs et la conclusion est parfois que ces situations sont "trop complexes" pour ces élèves, ou contribuent à les déstabiliser davantage.

Nous constatons par ailleurs que la pression institutionnelle sur les élèves de ces classes est forte : il peut y avoir, chez les professeurs, comme une urgence à rattraper les apprentissages

14 Adaptation aux situations de handicap

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non réalisés. Il en résulte que les procédures utilisées par les élèves sont tirées vers les procédures calculatoires expertes, et leur production phénoménologique dans la situation n'est pas toujours étudiée pour elle-même. Une question qui guide notre recherche est celle de l'utilisation des signes par les élèves de l'enseignement spécialisé, et de la co-construction de signes et de connaissances. Une question contiguë est la suivante : à quoi reconnaît-on que les élèves produisent et utilisent les signes dans leur sens mathématique ?

Dans ce texte nous donnons d'abord un descriptif des phénomènes de contrat rencontrés dans l'enseignement spécialisé ; nous présentons ensuite brièvement le cadre peircien d'analyse des signes que nous utilisons ; enfin nous montrons, sur un exemple, comment cette analyse nous permet de mettre en place une situation sur la table de multiplication et d'attester de ses effets sur l'apprentissage des élèves de SEGPA.

I. CONTRATS ET SITUATIONS EN ASH

Si l'on veut pouvoir identifier et classer les difficultés que rencontrent élèves et professeurs pour faire ensemble des mathématiques en ASH, il est nécessaire de se doter d'outils multiformes mais précis. Nous avons choisi de décrire d'abord ces difficultés de la façon la plus exhaustive possible, puis de répertorier les phénomènes de contrat observés – et déjà signalés par de nombreux chercheurs, que ce soit en ZEP ou en classe spécialisée.

I.1 Les paramètres de l'enseignement en ASH

En IR, IME, RASED15…le professeur doit faire face au manque d’entraînement du groupe- classe, à des élèves qui ont du mal à dire ce qu’ils savent, ou à comprendre les attentes de savoir. En SEGPA, on peut voir, à côté d'élèves en retard d'apprentissage, des élèves caractériels pour lesquels ‘apprendre’ c’est faire – une fois ! - une technique.

Face à ces manifestations, les réponses spontanées du professeur peuvent être un ralentissement du temps de l'apprentissage, un accent mis sur les techniques, des reprises non contrôlées, une individualisation exagérée, des aides excessives ou absentes (cf. Bloch &

Salin, 2004 ; Bloch, 2007).

Il ne s'agit pas de reporter la responsabilité des 'dysfonctionnements' didactiques sur les enseignants, mais de constater que dans l'ASH, le professeur est dans un pilotage contraint par l'extrême difficulté qu'il y a à manifester (côté élèves) et à constater (côté professeur) des connaissances ; et que cette trop grande incertitude ne lui permet pas toujours de prendre les bonnes décisions.

Dans un contexte tel que l'ASH, l'enseignement s'effectue fortement sous contraintes : les contraintes du handicap – physique ou mental – et des contraintes institutionnelles. Ainsi en SEGPA, les élèves sont soumis au contrat du collège, axé sur le savoir, l’évaluation, la préparation à la vie active. Ils sont conscients de leur échec, subissent la pression de la famille et de l'institution, et tendent même vers une « sur-normalisation institutionnelle ».

On observe alors des représentations contradictoires qui se traduisent par une demande de savoirs définitifs, pas d’apprentissage, pas de reprise ni d’approfondissement ; mais, si l'on tente de revenir à des situations plus complexes, pas d’engagement, et un "zapping" prononcé.

I.2 Les trois échecs de l'ASH selon J.M. Favre

J.M. Favre (Favre 2004) repère dans l'ASH trois échecs qui pèsent lourdement sur les apprentissages possibles :

15 IR : institut de rééducation, IME : institut médico-éducatif, RASED : réseau d'aide et de suivi aux élèves en difficulté, SEGPA : sections d'enseignement général et professionnel adapté.

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- l'échec antérieur : l'élève est là parce qu'il a précédemment échoué, ou ne peut suivre dans une classe 'ordinaire' ; or il le sait, et lui aussi est en demande de "s'en sortir" ;

- l'échec actuel, qui n'est pas toujours avéré, mais parfois le professeur 'triche' : simplification des variables didactiques, reprises, effets Topaze…

- enfin l'échec anticipé, qui rend très difficile pour le professeur l'organisation des apprentissages : ce dernier ne peut que difficilement prévoir le comportement des élèves face à un problème, de plus, un fort "effet Pygmalion" empêche parfois le professeur de prédire correctement la réussite des élèves.

On peut alors observer différentes stratégies de la part des professeurs : entraînement systématique sur des algorithmes, manipulation d'objets matériels vus comme déclencheurs puis passage à des formulations expertes, baisse des exigences.

Face à ces phénomènes, on pourrait penser que la restauration d'un milieu objectif consistant serait une solution adaptée. Nous avions déjà examiné les difficultés posées par cette réintroduction des problèmes dans une classe de SEGPA (Bloch et Salin, 2004) pour en conclure qu'elle se heurtait à de nombreux écueils : interprétation de la situation comme une régression, problème de dévolution, etc…

Le constat avait en outre été fait que les signes mathématiques étaient employés par les élèves de façon hasardeuse et sans que ces signes soient porteurs des règles qu'ils sont supposés véhiculer.

I.3 Les phénomènes de contrat

Les phénomènes de contrat dans l'ASH concernent les élèves comme les professeurs. Le problème est que, contrairement à ce qui se passe dans les classes 'ordinaires' où certains phénomènes de contrat aident les élèves à dissimuler leur ignorance, et donc au final à apprendre, dans l'ASH les phénomènes de contrat semblent tous aller dans le sens d'une non reprise des apprentissages.

a) Du côté des élèves

Certains tentent de deviner les attentes du professeur et s'investissent de façon à peu près nulle dans le questionnement mathématique. Du fait de leur échec connu, ils sont dans une urgence de réussite qui les met en demande d'algorithmes, et ceci bien qu'ils les maîtrisent mal. Une situation de type a-didactique se heurte, comme nous l'avons déjà signalé, à des problèmes de dévolution, des difficultés dans la compréhension et le respect de la consigne, une non maîtrise du calcul, des validations approximatives, des difficultés de verbalisation et d'écriture. Les phases d'action ont tendance à être prises pour le but du dispositif, ce qui conduit à des phénomènes d'enlisement.

Les élèves peuvent alors refuser de passer à un savoir décontextualisé, mais aussi de revenir à un autre contexte.

b) Du côté du professeur

Le professeur se heurte, quant à lui, à une forte part d'inconnu sur les connaissances des élèves. Ses réactions peuvent alors être une attente de l'échec, mais aussi une trop grande incertitude sur les aides possibles. On observe aussi des demandes excessives de justification des connaissances : dans l'enseignement 'ordinaire', quand un élève répond, on lui attribue bien les connaissances correspondantes, alors qu'un élève de 5ème SEGPA se voit parfois demander de justifier des connaissances de base de CP, alors même que sa réponse était correcte. Ceci s'accompagne de diminution des exigences ou de simplification des variables didactiques, de la reprise ad nauseam des savoirs antérieurs, de différenciation et d'absence de synthèse (cf. Peltier, Perrin-Glorian, Butlen, Masselot, Pézard). Le résultat en est la reconduction dans l'ignorance et la stagnation du temps didactique.

Ces effets jouent de façon négative sur la réussite des élèves et sur les possibilités de gestion du professeur, et l'on observe parfois un retour aux sacro-saintes fiches, supposées porteuses

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de différenciation et "d'avancée de chacun à son rythme" ! Ces fiches, en fait, signent surtout l'enlisement dans l'échec.

I.4 Le retour à des situations de référence

Dans le texte déjà cité (Bloch et Salin, 2004) nous avions signalé que, pour éviter les phénomènes de rejet de situations vues comme reproduisant trop l'école primaire, les situations proposées devaient mener les élèves à manifester leurs connaissances … à l’insu de leur plein gré, c'est-à-dire qu'il s'agit de "situations surprise" comme les a qualifiées Conne.

Par ailleurs un certain nombre d'impératifs spécifiques à ces élèves doivent être respectés. Il faut ainsi prévoir des situations d’étayage : aider les élèves durant la recherche et ne pas tout évaluer. Le professeur pourra prévoir des effets Topaze (délibérés…) puis des relances, car ces élèves sont parfois inhibés par leur échec antérieur et ne s'engagent pas dans une nouvelle situation. Par ailleurs il faut leur faire confiance : un élève qui ne sait rien… nous n'en avons jamais rencontré.

Il est primordial de ne pas sacrifier les mises en commun et les synthèses : ces élèves sont particulièrement sensibles au manque de structuration du savoir. Malgré les difficultés relationnelles rencontrées dans ce contexte, il faut avoir le souci de ne pas sacrifier la dimension collective de l’apprentissage dans le groupe classe.

Enfin il faut être conscient de la nécessité absolue, si l'on veut que les élèves apprennent, de faire avancer le temps didactique.

I.5 Comment gérer les contrats de reprise ?

Le professeur doit mettre en place des dispositifs spécifiques : le problème est de se demander jusqu’où ? Prendre la question à la base, c'est réfléchir à d’autres façons de construire les situations … et de les articuler : des situations surprise, dont nous donnons un exemple plus loin.

Par ailleurs il s'agit de ne pas tout reprendre : l’organisation des situations et des signes doit permettre de reconstruire une histoire fictive du savoir, qui pourra in fine se relier aux connaissances antérieures des élèves et leur permettre enfin de devenir opérationnelles.

Comment alors s’assurer, au vu des productions des élèves, que l’histoire fictive est consistante relativement au savoir ? C'est l'analyse de l'usage que font les élèves des signes mathématiques, et de l'évolution de cet usage, qui permettra de l'affirmer.

SIGNES ET SITUATIONS : L'ANALYSE SEMIOTIQUE EN DIDACTIQUE

L'usage des signes mathématiques par les élèves en difficulté a été reconnu comme problématique, et des chercheurs ont tenté de l'analyser (Bloch, 2007). Ainsi les élèves connaissent quelques algorithmes mais ne maîtrisent pas leur sens ; ils sont, presque en permanence, dans le malentendu didactique et la répétition de comportements "attendus".

L’analyse du processus interprétatif est pour nous un moyen diagnostique et un outil de construction de situations adaptées. En effet son intérêt est de permettre l'étude des interactions dans une situation : or ces interactions sont les signes de l’activité mathématique et renvoient donc à des connaissances.

Par ailleurs les situations comportent une forte dimension d'expérience : or celle-ci renvoie à du sémantique qui ne peut s'exprimer que par des manifestations de type sémiotique. Enfin, le travail phénoménologique dans les situations ne peut être analysé que si l'on se donne des outils d’analyse des sémioses effectives : il s'agit de renverser la problématique des savoirs seuls, laquelle conduit à décréter une non-conformité de la part des élèves en difficulté, au profit d'une étude pragmatique de ce qui a été produit.

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Lorsqu’une symbolisation est incomprise, il s'agira donc d’analyser la sémiose effectuée, et de mesurer, éventuellement, la distance avec le sens mathématique expert.

Cette perspective nous conduit à poser la question suivante :

Y a-t-il en ASH des phénomènes spécifiques relativement aux sémioses ? Et, de façon générale, comment se fait un apprentissage des mathématiques relativement à la production de signes ?

Pour répondre à ces questions, nous utilisons la sémiotique triadique de C.S. Peirce.

II.1 Les signes et le processus interprétatif chez Peirce

C. S. Peirce est un philosophe pragmatiste étasunien de la fin du XIXème siècle, qui a conçu un système sémiotique permettant de rendre compte de la production et de l'interprétation des signes. La sémiotique générale de C. S. Peirce est conçue pour l'étude de signes de nature très variée, et donc particulièrement adaptée aux mathématiques. De plus Peirce ne dissocie pas pensée et signe, et propose une interprétation dynamique du lien entre un signe et un objet, interprétation qui peut permettre de penser les changements de statut des symboles et des énoncés, en particulier dans un processus d'enseignement / apprentissage des mathématiques. Cette prise en compte de l'aspect dynamique permet également d'aller plus loin que l'étude de la simple mise en œuvre des registres de représentation : cet aspect est associé à la dimension opérationnelle des ostensifs mathématiques, c'est-à-dire à la possibilité qu'ils offrent de fabriquer de nouveaux signes par des règles plus ou moins algorithmiques. La pragmatique de Peirce – c'est-à-dire la mise en œuvre des catégories de son système sémiotique dans des situations – permet ainsi d'engager une réflexion sur des mécanismes envisageables de construction de situations a-didactiques qui s'appuieraient sur cette dynamique. Il est également possible d'analyser, soit a priori, soit a posteriori, les sémioses à l'œuvre dans une situation, c'est-à-dire les processus interprétatifs possibles ou effectifs dans le système de signes disponibles.

Soulignons les dimensions fortes de la pragmatique peircienne16 :

Dans cette pragmatique, il n’y a pas d’un côté la pensée, de l’autre les signes qui la 'représentent' qui en 'rendent compte', voire qui la 'médiatisent' : la pensée est dans sa nature même un signe.

Tout signe est triadique et composé de 3 éléments qui sont des fonctions et non des attributions : le representamen : R ; l’objet O : ce qui représenté par R ; l’interprétant I : ce qui met en relation R et O. Ainsi que le dit Peirce (1873) :

'Ma définition est la suivante : un representamen est sujet d'une relation triadique avec un second appelé son objet, pour un troisième appelé son interprétant, cette relation triadique étant telle que le representamen détermine son interprétant à entretenir la même relation triadique avec le même objet pour quelque interprétant.’

Ces trois places sont des fonctions identifiées dans un processus sémiotique donné : ainsi ‘Pomme’ peut être representamen de l’objet pomme, ou ‘Pomme’ peut se trouver interprétant du mot ‘golden’, ou 'Pomme’ est objet du mot ‘apple' dans une traduction.

Dans un processus sémiotique l'interprétant d'un signe est dépendant du contexte d'interprétation, ou des arrière-plans, si l'on préfère. Ainsi 'apple' peut aussi renvoyer à une marque d'ordinateur…

Ce qui définit la pensée-signe, c’est la mise en relation triadique : dès qu’il y a relation triadique entre un representamen, un objet et un interprétant, il y a pensée. La pensée ne dépend pas de l’existence des 'entités' qui la 'portent' (sujet, esprit, etc.) mais de l’existence logique d’une mise en lien triadique, c'est-à-dire d'une situation où cette mise en relation est effectuée ou possible.

16 Pour une description moins schématique de la pragmatique peircienne, se reporter aux références : Everaert-Desmedt, Fisette, Marty, Muller, et les écrits de C.S. Peirce.

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Les trois instances de la pensée-signe n’existent donc pas avant leur mise en relation triadique dans une situation d'interprétation (une sémiose). Le representamen, l’objet et l’interprétant sont des fonctions : par là un 'existant' qui occuperait la fonction d’objet dans une certaine sémiose, pourrait occuper celle d’interprétant ou de representamen dans une autre.

Le sens d'un signe n'est jamais figé : l'interprétation est un processus dont le sens final est en devenir. Si un signe est vu comme une triade, l'interprétant de cette triade peut à son tour devenir un representamen (un fondement dit Fisette), point de départ d'une nouvelle triade- signe et par conséquent d'une nouvelle interprétation.

Tout phénomène (partant, chaque instance de la pensée-signe) appartient à l’une des trois catégories suivantes : priméité (catégorie de la qualité générale, de la possibilité : signes vus comme des icônes), secondéité (catégorie de l’existence, des faits, des actions et réactions, signes qui sont des indices), tiercéité (catégorie de la loi, de la médiation et signes symboles- arguments). Ainsi, un signe peut être une icône (priméité) de ce à quoi il renvoie, comme la Tour Eiffel de Paris ; il peut être un indice (secondéité) comme un panneau routier indiquant 'Paris' ; il peut être un signe-règle, comme un plan de Paris (tiercéité).

Un signe est alors représenté par la triade :

O objet, R representamen, I interprétant

Une sémiose peut donc se représenter de la façon suivante, par l'enchaînement de triades :

Comment ceci se traduit-il en mathématiques ?

Les phénomènes mathématiques et les signes qu'ils induisent, y compris dans l'enseignement du côté du professeur ou des élèves, appartiennent tous à l'ordre de la tiercéité : les interprétants mathématiques d'une situation conduisent à énoncer des règles, des propriétés, des théorèmes. Cependant :

1) toutes les règles mathématiques ne sont pas de même niveau : l'interprétation mathématique de '3' nécessite une relation de signe-règle 'dicent' – qui nous dit quelque chose de son objet – car il y a une loi qui met en relation le signe '3' et le cardinal d'un ensemble à trois éléments. Par contre '145' est un signe-règle 'argumental', que Peirce appelle symbole, et dont l'interprétation sera un argument : pour relier ce signe au cardinal convenable, il faut de plus connaître la règle de numération employée. ‘Un argument est un signe dont l’interprétant représente son objet, comme étant un signe ultérieur par le moyen d’une loi’ Peirce, (1978).

O

R I

O

R I

O

R I

O

R I

O

R I

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2) Les élèves ne voient pas toujours les signes avec l'interprétant du niveau requis : ainsi un nombre peut n'être vu par certains élèves que comme une succession de chiffres. Un representamen sera interprété de façon variable selon le niveau de la sémiose dans laquelle se trouve l’interprétant effectif, et un signe produit à un certain niveau peut être interprété à un niveau inférieur : c'est la 'déflation interprétative'. Précisons que ce phénomène de déflation interprétative se produit régulièrement à tous les niveaux d'enseignement des mathématiques, et il est compatible avec la théorie peircienne du sens comme étant à venir : le professeur énonce un concept dont la compréhension ne pourra mieux advenir que dans les relations futures du même concept avec les objets mathématiques de la même théorie ou des théories connexes, pensons par exemple aux concepts de limite ou d'intégrale.

Pragmatiquement, nous n'utilisons guère toute la complexité de la théorie peircienne.

Décidons d'appeler icône : un signe dont le rapport à l'objet est interprété au niveau 1 ; indice : un signe interprété au niveau 2 (une proposition), et un symbole/argument : un signe de niveau 3 (une règle). Ajoutons ce que Peirce appelle hypoicône ou diagramme, c'est-à-dire les signes incorporant une procédure naturalisée, du savoir incorporé, embodied dit-on en anglais.

Donnons quelques exemples :

- Numération : dizaines, centaines, … - Algèbre …

- Mais aussi figures géométriques typiques, par exemple.

II.2 La dimension sémiotique des interactions mathématiques en classe

Dans une classe, lorsque le professeur propose une situation de recherche pour le travail des élèves, le problème conduit les élèves à élaborer de nombreux signes, c'est ce qu'on appelle l'entropie phénoménologique. Les interactions des élèves peuvent être exploitées dans la logique des signes produits et utilisés et de leur relation avec le savoir : c'est ce qui est généralement pratiqué dans les situations de recherche, ou les situations a-didactiques. Le professeur devra alors s'appuyer sur les productions orales et écrites des élèves ; dans un bilan, puis une institutionnalisation, il (elle) va progressivement diriger cette abondance de signes vers les signes mathématiques usuels : l'entropie phénoménologique doit être refermée sur le savoir. Les interprétations non-conformes aux canons mathématiques peuvent être soumises à confrontation avec une situation qui permet de restaurer un sens mathématique, en gardant à l'esprit que le sens final est toujours à venir : la compréhension ne précède pas la reconnaissance, elles opèrent dans une dialectique, et c’est l’interprétant 'final' qui serait le sens.

Ce processus peut-il se produire dans l'ASH et comment ? A partir des situations qui leur sont proposées, comment les élèves avancent-ils dans le processus interprétatif ? Cette avancée permet-elle une construction des connaissances qui autorisera le professeur à institutionnaliser du savoir ? Dans les classes 'ordinaires', l'usage des signes mathématiques contribue à l'avancée du temps didactique. Dans toutes les classes, on observe cependant des avatars interprétatifs qui font partie du processus d'enseignement :

Dans l'entropie phénoménologique produite par l'action des élèves, certaines manifestations sont privilégiées – celles qui correspondent aux attentes du professeur – et les autres seront ignorées ou rejetées. A partir d'un certain niveau, les processus écrits sont privilégiés et les écritures 'incorrectes' mal tolérées.

Les schémas personnels et les procédures privées incorporent souvent des significations plus anciennes qui s'avèrent parfois source de difficultés, par exemple 17,3 × 10 = 17,30 : c'est un phénomène bien connu qui peut être à la source d'obstacles.

Les signes inversés sont toujours plus difficiles à interpréter que les signes directs, par exemple le fait qu'une division par 10 soit vue comme l'inverse d'une multiplication par 10 ;

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ou, 5 + 7 = 12 mais surtout 12 = 5 + 7 ; ou encore, au Secondaire, la relation (a/b)/c = a/(bc) est difficile à percevoir par les élèves, mais encore plus dans l'autre sens (cf. aussi Bloch 2005, sur les situations retournées).

Les observations dont nous disposons nous montrent que l'usage des signes mathématiques dans l'institution ASH est souvent plus problématique encore que ne l'est l'usage habituel dans l'enseignement. Effectivement, en ASH, les distorsions de l'interprétation sont permanentes :

Distorsions du côté du professeur, par des effets Topaze (instructions directes du professeur remplaçant une action prévue de l'élève : "Écris que 4,3 × 10 = 43") ou Jourdain (reconnaissance factice d'un savoir chez l'élève : "Bravo ! mets une virgule là, tu as bien calculé 43 :10"). Le professeur peut d'ailleurs être conscient de ces effets, et les réaliser sciemment pour ne pas décourager les élèves, ou comme relance ; cela peut s'apparenter alors à de l'étayage. Ces phénomènes font partie du contrat didactique de ces classes, contrat sur lequel nous reviendrons dans la conclusion (cf.

Favre, 2004).

Distorsions du côté des élèves. Ces distorsions sont de nature constante : les signes sont 'dégénérés' (ce que l'on appelle la déflation interprétative) ; ainsi des signes qui donnent des indices de connaissances ne seront pris que pour des icônes ; ou des signes porteurs d'arguments sont tronqués, ou des arguments pris comme de simples indices d'un savoir mathématique… c’est le cas, par exemple, dans des déclarations comme : "La proportionnalité, c'est quand on multiplie ou on divise" : il y a affaiblissement de l'interprétation, et non prise en compte du but de ce que serait l'interprétation mathématique.

Un symbole-argument est un signe porteur d'une règle : ainsi un tableau de proportionnalité fournit la loi de proportionnalité, c'est-à-dire la fonction linéaire correspondante. Si l'élève ne le voit que comme un indice de proportionnalité, c'est-à-dire une relation non spécifiée entre des nombres, il sera incapable de tirer de ce tableau les informations pertinentes si on lui demande la fonction linéaire ou sa réciproque ; et s'il ne le voit que comme une icône indiquant que, chaque fois que le professeur parle de la proportionnalité, il y a ce tableau, il ne pourra rien en faire.

De plus, en ASH, lorsque le professeur a tenté l'introduction d'une notion par une situation de recherche, ou même par un exercice, on constate que le premier mode d'introduction des signes a tendance à être ensuite figé ("gelé") par les élèves : l'usage ultérieur des signes est très fortement lié aux usages dans le premier milieu rencontré ; autrement dit, il y a arrêt du processus interprétatif, à peine a-t-il commencé. Ceci est cohérent avec la demande perpétuelle de changement qu'on observe venant des plus âgés des élèves de l'ASH : si un objet n'a aucune profondeur, si un seul emblème suffit à en épuiser la représentation et le sens, il faut en changer très vite … Or la sémiotique peircienne, en accord avec la théorie de ce qu'est un objet mathématique, insiste sur le fait que le sens d'un objet vient de la continuation du processus interprétatif : le sens est toujours à venir, dans les relations qui pourront être faites avec d'autres objets.

La caractéristique que nous avons appelée le gel de la signification chez les élèves de ces classes est aussi une manifestation d'un manque général de flexibilité dans l'interprétation. Or, comme nous l'avons dit plus haut, le caractère évolutif est une spécificité des signes mathématiques qui, dans leur relation avec d'autres signes, se trouvent représenter des objets de plus en plus complexes au fur et à mesure que l'on progresse dans le savoir et le nombre d'objets mathématiques impliqués.

Précisons que lorsque nous parlons de 'déflation interprétative', ou de signes 'dégénérés', il ne s'agit pas de porter un 'jugement' sur l'interprétation 'correcte' des signes, mais de regarder l'existant possible à un instant donné, par rapport à une interprétation mathématique visée.

Cette interprétation effective, constatée dans le travail des élèves, est un élément de diagnostic

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de la connaissance ; elle renvoie donc à la construction de situations permettant de faire évoluer l'interprétation vers celle du savoir visé par l'enseignement.

Ceci retourne la question au didactique : quels signes dans quelles situations pour un savoir donné ? Quels phénomènes d’interprétation dans ces situations ? Comment atteindre ensuite le savoir ? Assurément, l’analyse seule en termes de signes ne détermine pas la situation qui devra être organisée pour déboucher sur des connaissances et des savoirs mathématiques et donc, sur des interprétants idoines, mais le fait d’avoir analysé les interprétants finaux souhaités aide à construire une situation, et à mener son analyse a priori. Cette analyse permet aussi d'interpréter les actions des élèves dans le sens de leur prise en compte, ou non, des arguments incorporés dans la situation. Elle est donc un outil précieux qui permet de témoigner de leurs apprentissages effectifs ; pour le professeur en ASH qui pilote la classe en état quasi permanent d'incertitude quant aux apprentissages, elle fournit donc un point d'appui, et des évidences constatables quant au succès de sa démarche d'enseignement.

III. NUMERATION DECIMALE ET MULTIPLICATION EN 5EME SEGPA III.1 Construction d'une progression

Dans une classe de 5ème SEGPA nous avons observé les phénomènes décrits ci-dessus et décidé de construire une progression sur la numération et la multiplication. L'algorithme de la multiplication est réputé difficile à acquérir pour des élèves de l'ASH. Ceux-ci ont commencé l'apprentissage de la multiplication et des tables en CE1-CE2 (2ème et 3ème primaire) mais, en collège, ils sont toujours, pour la plupart, incapables de mémoriser les tables, même les plus simples pour certains : ils saisissent leur calculatrice pour effectuer 3×4. Ainsi une observation sur les produits fait apparaître que, pour les élèves de la classe expérimentale (5ème collège, 13 ans), certains interprétants ne sont pas accessibles lorsque débute le travail sur la multiplication :

63 = 6 dizaines + 3 unités est bien accessible comme un symbole qui va fonctionner comme un argument dans la numération décimale, les élèves ayant une certaine maîtrise de celle-ci ;

7 × 9 est l’indice d’un produit mais pas plus, car les élèves sont incapables de relier à cette écriture à un nombre écrit en écriture décimale ;

63 n’est pas même accessible comme l’icône d’un produit : les élèves ne peuvent pas le voir comme étant le signe d'un produit car le signe 'multiplié' est absent. Ceci illustre bien que les signes-lois implicites cachés dans les écritures mathématiques ne sont pas décodables par certains élèves.

Par ailleurs le signe '0' (zéro) est difficile à interpréter : les élèves l'ont d'abord rencontré comme un signe de dizaine, et le phénomène de "gel" des significations, signalé plus haut, joue d'autant plus avec le zéro que c'est un signe hautement polysémique : si un zéro est au départ le signe d'une dizaine, deux zéros ne sont pas le signe de deux dizaines… et même un zéro n'est dans aucun cas le signe d'une dizaine dans 20 356 208 par exemple.

La suite de situations que nous cherchons à faire jouer dans la classe a donc précisément pour but de rendre disponibles aux élèves des signes-arguments 'cachés' qu'ils n'ont pas réussi à établir jusque là. On pourrait penser que les tables de multiplication, et plus largement l'algorithme, ne sont pas des objectifs raisonnables pour des élèves en difficulté, et que les calculatrices peuvent aisément suppléer aux techniques manquantes. La table de multiplication est cependant un objet mathématique intéressant de par son utilité en calcul mental et sa signification sociale – utilité dans les problèmes de monnaie par exemple. De plus, l'objectif est de permettre aux élèves de mieux comprendre les nombres et les différentes

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façons de les écrire ; et au delà, ce que sont ces objets mathématiques et comment il est possible d'opérer avec eux. Nous avons choisi la situation des carnets de tickets de cantine pour reprendre la numération ; la multiplication sera travaillée d'abord avec la situation du jeu de Pythagore (Bonnet, 1997), puis le dénombrement des rectangles (Briand et Chevallier, 1995).

Première étape : numération ; multiplication et division par 10 ; nombre de dizaines, chiffre des dizaines

Premier problème

Une école commande 3140 tickets pour les repas de ses élèves : combien de carnets de dix tickets doivent-ils commander ?

Deuxième problème

Les élèves ont à réaliser la situation des Fourmillions (voir Destouesse, 1997). Il s'agit de ranger un grand nombre d'allumettes (3145) dans des enveloppes blanches (dizaines) puis des enveloppes marron (centaines) et enfin des paquets de mille. Nous ne décrirons pas ici le déroulement de cette situation.

Troisième problème

Écrire des 'grands' nombres comme 96 708 ; être capable de donner le chiffre des dizaines et le nombre des dizaines. Les variables didactiques sont la taille des nombres et l'existence ou non d'un zéro. Nous souhaitons voir comment les élèves prennent en compte, ou non, la place de ce zéro dans l'écriture.

Deuxième étape : la table de Pythagore

Le travail sur la multiplication débute avec une situation sur la table, « Le jeu de Pythagore » (Bonnet 1997). Les élèves ont à reconstituer la table de Pythagore par un jeu de loto avec des contraintes.

Premier jeu : le loto de la table de Pythagore

Les élèves disposent chacun des 100 cartes : les produits, et d’une table vierge. Le professeur tire 4 cartes et les pose sur la table ; puis les élèves tirent une carte chacun à leur tour ; on ne peut la poser que si elle a un bord commun avec une carte déjà posée. Cette condition est essentielle dans la construction de la situation : elle oblige les élèves à se donner des arguments pour poser une carte. Les élèves découvrent par exemple que 64 ne suit pas 63 ; que deux cartes ont un bord commun si elles sont sur une même ligne ou colonne régulière, se suivant par exemple de 6 en 6… La structure de la table peut devenir perceptible.

Deuxième jeu : les fréquences La consigne est de colorier la table suivant les fréquences d’apparition des nombres. Ceci oblige à se demander pourquoi 12 apparaît 4 fois … et à se guider sur les lignes et les colonnes, lesquelles sont des signes de facteurs du produit. La table fournit donc un signe de ce qu’un nombre est un produit – et même de plusieurs façons. La tâche qui apparaît est une tâche de décomposition en facteurs. On demande ensuite d'écrire toutes les décompositions possibles des nombres connus.

C’est une situation 'retournée' (cf. Bloch, 2005) : on ne demande plus d’effectuer un produit mais on connaît le produit et on veut le placer sur la table, ou reconnaître sa fréquence : ceci impose une reconnaissance de la structure de la table. La situation oblige les élèves à interpréter les signes-nombres comme des arguments de produits. La table est un signe de la nécessité : il ne s'agit plus d'apprendre des produits 'contingents' (7 × 9 est égal à 63 mais il pourrait aussi bien être égal à un autre nombre…) mais de voir que 63 ne pourrait pas être à une autre place, car il est nécessairement à un croisement de ligne et de colonne – 7 et 9. C'est aussi une situation de décomposition en facteurs et non plus de calcul de produits.

(11)

Troisième étape : calcul de produits 'complexes' et lien avec l'algorithme

La troisième étape consiste à calculer des produits de nombres assez grands (39 ×××× 27, 54 × 65…) disposés en tableaux rectangulaires quadrillés. Il s'agit d'exploiter la situation construite par l'équipe de G. Brousseau sur la multiplication (Briand et Chevalier, p. 199 et suiv.), en réinvestissant les connaissances et savoirs sur la table. Les élèves ont cette table à disposition.

La procédure consiste à découper le tableau en rectangles plus petits, puis à calculer les produits partiels. Il faut également appliquer les règles de multiplication par 10, 100 … qui ont été revues dans la première étape. Le quadrillage par unités est donné sur le tableau, mais pas le découpage en dizaines.

Les élèves ont à calculer successivement : 27×6, 27×16, 24×12, 26×14, 25×19, 32×18, 43×17, 42×38, 56×43. Les variables didactiques ont été choisies pour inciter les élèves à ne pas compter les carreaux, mais à faire des schémas tels que celui qui est présenté ci-dessus.

III.2 Le travail des élèves

Les situations ont été expérimentées dans deux classes de 5ème SEGPA du collège Jeanne d'Albret à Pau, en janvier 2005 et 200617. La première expérimentation de 2005 portait sur la table de Pythagore seule, un travail plus classique d'exercices ayant préalablement été mené sur la numération : cet essai nous avait permis de prendre conscience des difficultés des élèves au sujet du zéro. L'année suivante, une progression reprenant de façon plus rigoureuse les situations sur la numération a donc été organisée. Les séances observées ont donné lieu à des transcriptions.

Première étape

Premier et deuxième problèmes : la numération

Certains élèves pensent qu'il y a plus de 3140 carnets. D'autres essaient de multiplier par 10.

Dans les productions, on trouve des dessins de carnets et les nombres à multiplier :

17 Je remercie Émilie Bousté-Fréchet, professeure de la classe, pour son implication dans ce travail.

37

46

40 ×××× 30 6 ×××× 30

7 ×××× 40 6 ×××× 7

(12)

× 4 × 100 × 10 (rayé par l'élève) × 300

Ces dessins montrent une bonne compréhension du travail attendu, mais un recours massif aux dessins pour la résolution, comme si le calcul seul était inenvisageable. Ces schémas fonctionnent apparemment comme des rappels visuels de ce qu'est une dizaine (icône ou indice de dizaine) et semblent plus facile à gérer par les élèves qu'un calcul comme 10×10 ou 10×300. Cependant certains élèves posent des calculs comme 3140 ÷ 10 , lequel provient certainement d'une rencontre antérieure avec cette situation ; d'autres préfèrent 3000 + 100 + 40 mais la solution n'en devient pas pour autant évidente. Les deux signes ne sont pas équivalents pour la résolution : le premier donne la solution mais peut demeurer assez opaque pour certains élèves (et pour le professeur) ; le second ne donne pas immédiatement la solution, mais est un bon argument de décomposition qui autorise une validation plus détaillée. Ces comportements montrent que les élèves ont appris des règles de résolution de ces exercices de numération, mais que celles-ci ont pu rester déconnectées de la signification : celle-ci est mieux perçue dans les schémas. Ces écrits forment une base pour une phase de validation et d'argumentation. L'interprétation des carnets et des zéros évolue : au début simples icônes de zéros, la validation les transforme en arguments dans la décomposition du nombre. La seconde situation (les fourmillions) permet ensuite d'approfondir par la décomposition en dizaines, centaines, milliers.

Troisième problème

Nous observons des élèves qui écrivent : 96 708 = 967 × 10 + 8. Un autre déclare : "Il faut ajouter un zéro" mais ne sait dire où. Pour la plupart des élèves, un zéro fonctionne comme un signe de dizaine – une icône ou un indice de dizaine – quelle que soit sa place dans le nombre.

La persistance de ce phénomène après la situation des tickets et celle des Fourmillions est cependant surprenante. Cela montre que, lorsqu'une première signification a été 'gelée', un travail sur une durée longue est nécessaire pour restaurer une certaine flexibilité de l'interprétation de ce signe très polysémique. Les chiffres, les nombres, le zéro doivent certainement être mis en jeu dans de nombreuses situations pour que les élèves puissent saisir les relations entre les différentes significations.

Par ailleurs, la difficulté de cet exercice tient à ce que les élèves ne disposent que des nombres écrits en chiffres ; ils ne prennent manifestement pas l'initiative de schémas (carnets, ou enveloppes des Fourmillions…) qui les auraient pourtant aidés à interpréter le nombre de dizaines ou centaines et le chiffre des dizaines ou centaines.

La table de Pythagore

La table vierge a été distribuée, mais la ligne et la colonne des '1' n'y figurent pas : nous avions constaté que cette ligne jetait un grand trouble dans l'esprit des élèves et qu'ils passaient un temps considérable sur ces cartes. En termes d'interprétant, il est en effet difficile à des élèves en difficulté de comprendre que '4' a le statut de facteur lorsqu'il est dans la colonne des nombres à multiplier ; et qu'il a le statut de produit lorsqu'il figure, juste à côté du premier '4', dans les résultats de la table. Au demeurant une telle subtilité ne nous a pas semblé être une priorité pour les élèves, nous avons donc choisi d'éliminer la difficulté.

La première séance – jeu du loto – voit les élèves découvrir avec surprise que, dans la table, par exemple 64 ne suit pas 63 : le fait que la table de Pythagore ne coïncide pas avec le tableau de numération habituel n'avait visiblement jamais été perçu clairement par ces élèves.

Ceci est encore un exemple de gel de la signification : les élèves ont rencontré en CP le tableau de numération, les nombres de 1 à 100, et manifestement tout tableau de nombres se

(13)

voit assimilé à celui-ci. La déstabilisation qui s'ensuit induit la nécessité de justifier la place d'un nombre : or ceci ne peut être fait sans recourir aux lignes, colonnes, et en définitive aux produits. Cette situation introduit donc bien la nécessité mathématique de la décomposition des nombres, puisque, ce que l'élève tire, c'est un jeton comme 63, or il doit le voir comme 7 × 9 ou construire un argument de sa position pour pouvoir le placer sur la table : on est dans la ligne des 7 et le précédent est 56, or 56 + 7 = 63, par exemple. L'implication des élèves est importante : nous l'attribuons à la déconcertation produite par la situation, et au fait que les élèves sont amenés à se poser pour la première fois de telles questions de vérité mathématique. Des élèves réputés ne sachant pas écrire une multiplication arrivent à placer des produits réputés difficiles comme 56 ou 54, en raisonnant sur leur écriture multiplicative, ou sur la suite des nombres d'une ligne ou colonne : les nombres deviennent des arguments de produits alors qu'ils n'en étaient même pas des icônes.

La phase 2 (où les élèves choisissent eux-mêmes les couleurs) est également bien investie par les élèves et elle les surprend car elle prouve en acte – le coloriage – qu'un nombre n'est pas qu'un produit, ce que certains avaient déjà constaté dans la phase 1. La décomposition en facteurs des nombres de la table joue le rôle d'une vérification.

Troisième étape

Dans cette phase, les découpages des tableaux se font un peu au hasard, et certains élèves choisissent de découper en carrés de 5××××5, ce qui devient vite inefficace dès que les nombres sont un peu grands. Puis la stratégie consistant à découper en dizaines, et même en paquets de dix, se fait jour et elle est ensuite employée systématiquement. La taille des rectangles 10×10 est non significative, ce qui ne gêne pas les élèves ; ils manifestent une aisance certaine dans le calcul de produits comme 40××××30, combinant plusieurs règles de numération et disant : 3×4, 12, donc 1200… ce que la professeure n'anticipait pas (cf. Favre, 2004 ; voir ci-dessous la conclusion).

À ce moment; les carrés ne sont plus des icônes ou des indices de dizaines, mais commencent à opérer comme des arguments. Le découpage fonctionne comme un schéma qui soutient le raisonnement, avec une règle incorporée, c'est ce que Peirce appelle un diagramme ou une hypoicône, et qui est de l'ordre de la tiercéité (alors qu'icône relève de la priméité et indice de la secondéité). Cette nouvelle façon d'utiliser les signes s'étend clairement aux nombres : ainsi les élèves disposent de la table de Pythagore du jeu précédent, mais l'utilisent comme un support pour la mémorisation. Une hypoicône est précisément cela : quelque chose que l'on utilise presque sans avoir besoin d'y penser18.

Cette phase est suivie d'exercices où les produits sont donnés et les élèves ont la responsabilité de faire le schéma. Cette étape est également une phase d'évaluation du dispositif entier : si elle fonctionne de façon satisfaisante, c'est que le processus de réinvestissement de la nature symbolique et de la flexibilité des signes mathématiques a pu être enclenché.

III.3 Bilan de l'utilisation des signes

Dans le bilan de l'utilisation des signes par les élèves, nous retrouvons le gel des significations de façon massive, du côté du zéro, chargé d'une forte polysémie ; mais, à notre surprise, nous constatons que les élèves ne 'voient' pas la table de Pythagore mais se comportent comme s'ils étaient en présence du "tableau des nombres" vu en CP.

Comme prévu dans l'analyse a priori du travail des élèves, la dynamique et la flexibilité de l'interprétation des signes sont des problèmes majeurs en ASH : les interprétants sont figés.

18 Un bon exemple est donné par les formules algébriques, que l'expert fait fonctionner sans y penser…

(14)

Nous avons tendance à penser que ce phénomène est une composante forte de ce qui interdit aux élèves de progresser.

Un fait nous a frappés : le niveau algorithmique, pourtant souvent privilégié dans le contexte ASH, et parfois vu par l'enseignant comme porteur de certitudes sur les connaissances, est particulièrement difficile à contrôler, d'une part par les élèves, qui osent des formules au petit bonheur ; mais aussi par le professeur, car il est embarrassé d'y reconnaître des connaissances et choisit donc souvent paradoxalement de les mettre en doute. Ceci contribue à installer le cercle vicieux des malentendus du contrat didactique. Il s'ensuit que la négociation de ce contrat, afin que celui-ci instaure un partage plus intéressant des responsabilités mathématiques dans la classe, est rendue particulièrement problématique (cf. Esmenjaud- Genestoux, 2008). La classe et le professeur s'enferrent dans des malentendus didactiques et sémiotiques et l'échec des élèves ne peut plus être enrayé.

IV. CONCLUSION

IV.1 L'utilisation des signes mathématiques par les élèves en difficulté

Les principaux phénomènes sémiotiques repérés chez les élèves de l'ASH à l'occasion de ce travail concernent, comme nous l'avions anticipé, la non flexibilité des interprétants et le gel des significations. D'une certaine façon, comme signalé déjà dans d'autres études (Peltier- Barbier, 2004 ; Perrin-Glorian, 1993 ; Sarrazy, 2002 ; Butlen, Charles-Pézard & Masselot, 2009, dans ce même colloque) les élèves en difficulté sont des élèves piégés dans le contrat didactique des premiers apprentissages ; des élèves qui croient éternel ce contrat dès lors qu'ils l'ont rencontré une première fois sous une forme donnée.

Les situations que nous avons expérimentées montrent qu'il est possible de travailler des savoirs anciens en obtenant des élèves un nouvel investissement dans des situations ; d'autre part, ces situations permettent à certains signes mathématiques de retrouver leur statut d'argument. L'histoire fictive du savoir va pouvoir progresser à partir de ces avancées.

IV.2 Les hypothèses sur le langage et les premières symbolisations

Le décalage avec les attentes de l'école, en matière de remaniement des savoirs et des signes qui s'y rapportent, peut être dû en partie aux modalités de l'éducation familiale (Esmenjaud- Genestoux, 2000 ; Sarrazy, 2002). Il n'en reste pas moins que nous pouvons nous interroger sur la façon dont l'école leur a permis de construire les premières symbolisations. Les études sur les premiers jeux de verbalisation et de représentation chez l'enfant (Montessori, Piaget, Winnicott) et la constitution des symboles font état de la nécessité que ces symbolisations se constituent à travers des environnements familiers – jeux, albums, objets de la vie quotidienne et des représentations adaptées à la compréhension de l'enfant. Il est important de permettre à l'enfant de progresser à partir de son univers propre, sans lui imposer une utilisation prématurée de signes ne correspondant pas à son développement : nous pensons bien sûr en particulier à l'écrit.

Nous pourrions faire l'hypothèse que les élèves en difficulté avec les symboles et la plasticité des représentations ont sans doute souffert dans leur première enfance d'un manque de jeu sur le langage et les symbolisations non écrites primitives comme la lecture d'albums par l'adulte, le dessin, la manipulation d'objets (cubes, Lego, ou autres jeux de construction ; images, pâte à modeler, découpages, etc.), les jeux avec le corps (activités physiques et sportives, ateliers du goût, etc.). Quand nous nommons 'primitives' ces symbolisations, nous ne qualifions évidemment pas leur nature mais nous parlons d'un point de vue chronologique. Les réalisations d'arts plastiques sont inscrites dans cette catégorie, et elles peuvent bien entendu être fort élaborées.

(15)

Les bases symboliques de la constitution des connaissances n'étant alors pas assurées, les élèves ne peuvent accéder directement à des symbolisations algorithmiques écrites, et ils répètent inlassablement les algorithmes 'appris' sans pouvoir concevoir leur fonction.

Par ailleurs, ces premiers jeux symboliques ont une forte charge affective en relation avec la constitution de la personnalité et les relations parentales et sociales ; on peut imaginer que leur manque, ou leur trop grande pauvreté, inhibe le développement de la personnalité de l'enfant, ce qui à son tour contribue à entretenir le cercle vicieux du non-apprentissage.

IV.3 Le démarrage crucial en cycles 1 et 2

Dans le contexte actuel où certains dénoncent une primarisation rampante de l'école maternelle, il faut rappeler avec force que l'on ne contribuera pas à aider les élèves en difficulté en les contraignant trop tôt à du scolaire relevant du primaire. Il faut au contraire laisser vivre cette phase des premières symbolisations car elle est essentielle à la construction de la personnalité comme de la plasticité du cerveau, afin que l'apprentissage puisse ensuite se développer de façon suffisamment souple et adaptée. Sans elle, l'élève est comme un adulte entendant quelques mathématiques, auquel on demanderait d'un seul coup de calculer des intégrales – mais on lui aurait fourni tous les algorithmes ! Encore l'élève est-il dans une situation pire que celle-ci, puisque l'adulte pourrait, éventuellement, de par ses connaissances antérieures, comprendre qu'il y a quelque chose à apprendre, ce qui n'est pas le cas de l'élève que l'on force à l'écrit sans qu'il ait compris quel jeu c'est que de jouer à apprendre.

De même en cycle 2, le démarrage des apprentissages numériques et spatiaux doit emprunter toutes les étapes connues des didacticiens et formateurs, et qui se sont révélées efficaces, car elles engagent l'élève dans l'expérience :

Une étape essentielle de constitution des premiers référents symboliques des nombres, par l'organisation d'une collection et sa désignation ;

Une base suffisante d'expériences par des situations telles que celles décrites dans ERMEL : les carrelages, les fourmillions, le Rummy (le rami des nombres), etc.

Des allers-retours situations / formulations ;

Une base d'expériences aussi dans la découverte de l'espace, par des schémas, découpages, visées, tracés, etc. (Berthelot & Salin, 1999).

En tant que formateurs, il nous appartient de transmettre aux professeurs que nous formons la nécessité de se préoccuper, dès la maternelle, de cette dimension symbolique dans l'apprentissage, afin que les élèves qui ne trouvent pas, dans leur milieu familial, les éléments indispensables à la constitution de cette dimension puissent la rencontrer dans la classe.

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(17)

Annexe : la table des fréquences

90 100

80 70 60 50 40 30 20 10

90 81 72 63 54 45 36 27 18 9

80 72 64 56 48 40 32 24 16 8

70 63 56 49 42 35 28 21 14 7

60 54 48 42 36 30 24 18 12 6

50 45 40 35 30 25 20 15 5 10

40 36 32 28 24 20 16 12 4 8

30 27 24 21 18 15 12 9

6 3

20 18 16 14 12 10 8

6 4 2

10 9

8 7 6 5 4 3 2

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