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Sur l’origine de la non-homogénéité du rayonnement γ
de capture des neutrons lents
Bruno Pontecorvo
To cite this version:
SUR
L’ORIGINE
DE LANON-HOMOGÉNÉITÉ
DURAYONNEMENT 03B3
DE CAPTURE
DES NEUTRONS LENTSPar BRUNO PONTECORVO.
Laboratoire Curie. Institut du Radium.
Sommaire 2014 On étudie, à l’aide d’un compteur Geiger-Müller le rayonnement 03B3 émis par l’or, lors de la capture des neutrons lents; on observe par absorption dans le plomb que la composition spectrale du
rayonnement 03B3 de capture de l’or change si l’on change, avec un filtre en bore, la composition spectrale des neutrons lents. A la lumière des nouvelles idées formulées par Bohr sur la capture des neutrons, on peut interpréter les résultats expérimentaux par des règles de sélection.
Fermi et ses collaborateurs et Fleischmann
(’)
ontobservé que la
capture
des neutrons lents estgénérale-ment
accompagnée
par uneradiation y,
qui correspond
à
l’énergie
de liaison du neutroncapturé.
Rasetti
(2 )
a étudiél’énergie
durayonnement
y decapture
des neutronslents,
par la méthode descoïnci-dences,
en mesurantl’énergie
des électrons secondairesengendrés
par les rayons ,,~. Lesexpériences
de Rasettiont été ensuite
reprises
;3)
par d’autres auteurs. Les mesures deRasetti
montrent que lesénergies
des rayons y de
capture
sont engénéral
assezpetites
encomparaison
desénergies
de liaison duneutron ;
d’autrepart,
plusieurs
auteurs(;)
ont observé desnon-homogénéités
dans lerayonnement
y decapture.
Cesfaits nous conduisent à
envisager
lapossibilité
d’exis-. tence des processus dans
lesquels
l’excèsd’énergie
dû à lacapture
du neutron n’est pasexpulsé
avec un seulquantuin
y.Dans cet ordre
d’idées,
j’ai
tâché d’éclaircir par desexpériences qualitatives un
point du problème du
rayon-ncment ;
decapture
des neutrons lents. L’on sait que Bohr(~)
a récemmentexposé
des idées nouvelles sur lemécanisme de la
capture
ouneutron,
il a montré lapossibilité d’expliquer
les sélectivités observées dansl’absorption
des neutrons lents par un processus derésonance dù à
l’existence,
dans le nouveau noyauformé,
d’états intermédiaires de vie assezlongue.
Cesniveaux
d’énergie
seraient distants dequelques
volts,
dans larégion d’énergie
où se fait lacapture
desneu-trons
lents,
On
peut
alors se demander sil’énergie
des rayons y decapturede
neutrons lents est différentelorsque
lesnet-trons absorbés
appartiennent
à des groupesdifférents ;
autrementdit,
dans lelangage
deBohr,
on cherche si unneutron lent absorbé par un
noyau dans un
niveaudéter-miné A est
accompagné
d’uneradiation ydout l’énergie
(ou
mieux lacomposition spectrale)
est différente de celle de la radialion yqui
accompagne lacapture
par lemême noyau d’un neutron lent dans un niveau B. Un
peut
à ce propos remarquer que les différencesd’éner-gie
des niveaux, dont il estquestion ici,
sont de l’orclrede
quelques
volts, c’est-à-dire,
praliqueineiit
négli-geahles,
devant les éventuelles différencesd’énervé
observées entre les rayons y.Ces dernières
pourraient
êtrc facilement texpliquées
par des
règles
de sélectiou pour les niveaux deBohr ;
dans le cas d’un noyauqui
absorbe cles neutrons lentsdans deux niveaux
différents,
onpeut
penser parexemple que,
à partird(’
1’uii (lesniveaux,
gie
seraitcx pulsé
par un seulquantum
y, tandisqu’une
seuletransition Y
serait interdite àpartir
de l’autrc niveau.Pour
l’expérience
euquostiOI1,
il serait idéal de pou-voir isoler les différents groupes deneutrons ;
mais onconçoit
immédiatement que les méthodes ordinaires defiltrage
des bandes ~leneutrons,
basées surl’absorption,
ne sont pas
applicables
ici,
car unfiltre,
absorbaut par sa naturemême,
émet à son tour unrayonnement
,~,qui
vaste superposer anrayonnement y
étudié. ()n doitrenoncer à travailler avec des neutrons
appartenant
à un groupe déterminé et se borner alors à chercher si lacomposition
spectrale
durayonnement
decapture
varie,
si l’on fait varier l’intensité relative des différentsgroupes des neutrons absorbés.
On
peut
procédcr
pur l’une des méthodes suivantes :1.
Rechercher
si lapénétration
durayonnement y
decapture
émis par un élément varie avecl’épaisseur
decelui-ci;
eueffet,
puisque
l’élément absorbedifférem-ment les différents groupes de neutrons, si par
exemple
l’on diminue son
épaisseur,
OHaugmente
le nombre relatif des neutrons du groupe leplus
absorbable.2. Prendre comme filtre le
hore,
qui
n’a pas unirayonnement
y decapture
très intense(~). Puis(lu*il
absorbe différemment les neutrons de vitesses diffé-un filtre en bore
change
lvcomposition
spec-trale des neutrons incidents :j’ai appliqué
cettemé-thode,
autrementdit,
j’ai
cherché,i,
lapénétration
durayonnementy
decapture
d’un élémeiichange
lorsqu’on
recouvre celui-ci d’uneépaisseur
de bore convenable. En cequi
concerne le noyauabsorbant,
ilne faut pas oublier que, puur cetterecherche,
il est nécessaire rle chuisirun élément pourlequel
l’absorption
des neutrons512
lents ne se
produit
pas dans un seulniveau;
d’autrepart,
selon la théorie deBreit-Wigner,
l’absorption
dans le cas d’un seul état de résonance pour le noyau absorbant suit la loidans
laquelle
estl’énergie,
v la vitesse du neutronincident,
l’énergie
du niveau derésonance ;
A et13 sont des
constantes ;
onconçoit
le rôle trèsimportant
dufacteur 1 ,
dont l’existenceexplique
lefaitexpérimen-v
tal que tous les éléments
qui
ont desabsorptions
sélec-tives,
absorbent aussi les neutronsthermiques
(groupe
C) :
autrementdit,
les neutrons C sont absor-bés dans le même niveau que les neutrons de résonance. Ces deux remarques nous conduisent à choisir desélé-menl,s tcls que
l’argent, qui
absorbentplus
d’un groupe en dehors du groupe C(*).
L’étude du
phénomène
dans1 argent présente
ungrand
nombre de difficultésexpérimentales,
dues par-ticulièrement t à l’existence de deuxisotopes
radioactifset à la courte
période
desradioéléments ;
c’estpourquoi
lesexpériences
ont été faites avec l’or : cet élément s’active avec une seulepériode
et celle-ci est assezlongue
pourqu’il
soitpossible, pratiquement,
de tra-vaitler sur lerayonnement
,~ decapture
en évitant lerayonnement
,;qui
accompagne l’activitéfi.
De plus,l’or, d’après
les mesures de Amaldiet Fermi,
absorbe en
C, D,
A,
B et en un autre groupecaractéris-tique
del’or,
les coefficients Kd’absorption
étant:Il est ainsi très vraisemblable que dans le cas de l’or on a
plus
qu’un
niveau de résonance(*).
Les neutrons étaient émis par une source de Po
+
Be(environ
200 mC dansl’angle
solide2-:).
La source et lecompteur
étaientplongés
dans un bloccylindrique
deparaffine,
de dimensionspratiquement
infinies.Entre la source et le
compteur,
sur letrajet
direct des rayons, onplaçait
uneépaisseur
deplomb
de 6 cm, ’pour rendre le mouvement propre du
compteur
ati-,sipetit
quepossible,
en absorbant lerayonnement
y du Poet le
rayonnement
1~ associé à l’émission des neurons.Le
compteur
était entouré d’uncylindre
det,lom b
d’épaisseur
1,6
mm destiné à convertir en électrons lerayonnement
y etqui
n’étaitjamais
enlevé.Un
cylindre
d’or de 1 mm deparoi
étaitplacé
autourdu
compteur ;
la distance de saparoi
intérieure à celledu
compteur
étant 5 mm, onpouvait interposer
descylindres
absorbants deplomb,
coaxiaux avec lecylin-dre
d’or,
d’épaisseur 1,5
et 3 mm.Le filtre en bJre
(0,06
g/em2)
pouvait
êtreplacé
au-tour ducylindre
d’or,
sans rienchanger
aux conditionsgéométriques
dudispositif.
Ils’agit
de déterminer lapénétration
durayonnement ;
decapture
del’or,
dans les deux cas suivants :Au : L’or n’est pas
protégé
par le filtre de bore.Au
+
B : L’or est entouré par le filtre debore.
Dans cette
recherche,
l’exacte évaluation des effetsde fond est assez
délicate,
car le mouvement propre dû aurayonnement
’Y de la source des neutrons estconsi-dérable,
et d’autrepart
ilchange lorsqu’on interpose
les absorbants deplomb,
destinés à absorber le rayon-nement y decapture ;
d’autres causes d’erreurpeuvent
encoreintervenir,
parexemple
lerayonnement
decap-ture du bore, si peu intense
soit-il,
n’est pas du toutnégligeable.
J’ai tâché d’éviter les erreursd’interpré-tation en
procédant
pour les mesures de lapénétration
desrayonnements
(Au
etAu-+-B),
de lafaçon
suivante:1. Pénétration du
rayonnement
(Au).
- J’aimesuré,
toujours
enprésence
de la source de neutrons :a)
L’activité
LV ducompteur
uutourduquel
étaitplacé
lecylindre
d’or.b7
L’activitél!ô
ducompteur,
quand
onplaçait
entrel’or et le
compteur
lecylindre
absorbant deplomb
d’épaisseur
3 mm.a’)
L’activitéN’obtenue,
si on substitue aucylindre
d’or uncylindre
deplomb d’épaisseur
1,5
mm, les conditionsgéométriques
de la mesure étant pour lereste les mêmes
qu’en
(a).
b’)
L’activité obtenue en effectuant la même substitution dans les conditions(b).
On trouve :
’2. Pénétration du
rayonnement
(Au
~-
B).
- J’aimesuré,
toujours
enprésence
de la source de neutrons,:a)
L’activité I19 ducompteur,
enprésence
ducylin-dre d’or
protégé
par le filtre due bore.b)
L’activitéMo
ducompteur,
enplaçant
entre lecylindre
Au+
B et lecompteur
lecylindre
absorbant tde
plomb, d’épaisseur 3
mm.cr’)
L’activité ducompteur,
en substituant aucylindre
d’orprotégé
par le bore uncylindre
deplomb
(1,5 mm) protégé
aussi par le mêmefiltre
eubore,
les conditionsgéométriques
de la mesure étant pour lereste les mêmes
qu’en
(a)
6’)
L activitélVl’Q
en faisant la même substitution dans les conditions(b).
On trouve :
On voit que, si le
procédé
décrit estcorrect,
lapéné-tration du
rayonnement
(Au)
est nettementplus grande
513
±
0,02
et le second à0,65
rL0,0:3;
ceci revient à direqu’il
y a, dans lerayonnement"1
decapture
del’or,
unecomposante
trèsmolle, qui
n’est pas due aux neutronsles
plus
lents.Sans entrer dans des détails
quantitatifs, qui
n’ont pasbeaucoup
de sens, étant donné le caractère de cesexpériences,
on arrive à la conclusionsuivante,
quel’on
peut
expliquer
par desrègles
de sélection : Sil’hypothèse, jusqu’ici
confirmée par les faitsexpéri-mentaux,
que lacapture
des neutrons dans l’or con-duit à un seulisotope
radioactif est correcte, lesme-sures décrites ci-dessus montrent
qu’un
changement
de la
composition spectrale
des neutrons lents estaccompagnée
par unchangement
de lacomposition
spectrale
durayonnement
y decapture.
Des recherches dans cet ordre
d’idées, plus
quanti-tatives et autant que
possible
sur d’autreséléments,
serontpoursuivies.
(*) Remarque aj outée
à la correction. - Onpeut
encore remarquer que
l’absorption
des neutronsther-miques
pourrait
aussi être due à l’existence d’un niveau suffisammentlarge,
dontl’énergie
estplus
petite
quel’énergie
de liaison duneutron;
d’unniveau,
c’est-à-dire pourlequel
Eo
estnégatif.
Les neutrons desquelques
volts ne seraientpratiquement
pasabsorbés sur ce niveau. Dans un noyau pour
lequel
les niveaux sont trèsrapprochés
les uns des autresdans la
région qui
nousintéresse,
la contribution àl’absorption
des neutronsthermiques
par un niveaud’énergie
négative
sembleprobable :
dans ce cas.comme d’ailleurs dans celui où le niveau
positif
don-nerait une résonance dans larégion thermique,
onpeut
s’attendre à des différences dans lapénétration
entrele
rayonnement
y decapture
des neutronsthermiques
et celui des neutrons
plus
rapides.
Des recherches dans cette direction sont en cours.On
peut
se faire une idée sur l’ordre degrandeur
de la distance des niveaux par une méthode due à Bethe(Phys.
Rev.,
1936,
50, 33~) :
pour un élément lourdcomme
l’or,
dont lespin
nucléaireest y,
onpeut
évo-luer cette distance àquelques
volts.Je tiens à
exprimer
ici ma reconnaissance à Mon-sieurDebierne, qui
m’apermis
de travailler à l’Institut duRadium,
à Monsieur et MadameJoliot,
pour l’inté-rêt bienveillantqu’ils
m’ontporté;
je
remercie Mon-sieurNahmias,
pour l’aidequ’il
m’aprêtée.
Monséjour
à Paris a étépossible,
grâce
à une bourse italienne du Ministero dell’ Educazione Nazionale àqui
j’adresse
mes sincères remerciements.Manuscrit reçu le 30 octobre 1936.
BIBLIOGRAPHIE
(1) AMALDI, D’AGOSTINO, FERMI, PONTECORVO, RASETTI, SEGRÉ Proc.
Roy.
Soc., A. 1935, 149, 522. 2014 FLEISCHMANN. Z.Physik, 1935, 97,
242.
(2) RASETTI. Z.
Physik,
1935, 97, 64.(3) Par exemple : KIKUCHI, AOKI, HUSIMI. Nature, 1936, 137,
186.
(1) KIKUCHI, AOKI, HUSIMI. Loc. cit. 2014 HERZFINKEL et WERTEINSTEIN.
Nature, 1936, 137, 106. 2014 HENNY. C.
R., 1936, 203, 173. (5) BOHR. Nature, 1936, 137, 344. 2014 BREIT et WIGNER.
Phys. Rev.
1936, 49, 519.
(6) MOON et TILLMANN. Nature, 1935, 135, 904. 2014 BJERGE et
WEST-COTT. Proc. Roy. Soc. A, 1935, 150, 709. 2014 ARSIMOVITCH,
KOURTSCHA-TOW, MISSOWSKI, PALIBIN. C. R., 1935, 2159. 2014 PONTECORVO. Ric.
Scient., 1935, 6, 145. 2014
RIDENOUR, YOST. Phys. Rev., 2935, 48, 383. Pour ce qui concerne les groupes voir surtout : AMALDI et FERMI. Ric. Scient., 1936, 7.
(7) KIKUCHI, AOKI, HUSIMI. Nature, 1936, 137, 745, ont observé dans le bore un rayonnement y de capture très faible; je dirai
plus loin comment j’en ai tenu compte dans ce travail.
(8) FRISCH et PLACZEK. Nature, 1936, 137, 357. 2014 AMALDI et FERMI. Loc cit. 2014 VON HALBAN et PREISWERK. Nature, 1936, 137, 905. 2014