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D Du monocanal banalau multicanal infernal :tend-on vers un point d’équilibre ?

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au multicanal infernal : tend-on vers un point d’équilibre ?

Benoît Lecat

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eux conditions sont nécessaires pour qu’un réseau de distribution bancaire soit performant : qu’il maîtrise ses coûts et qu’il soit capable de stabiliser la clientèle. Or, en suscitant le développement de nouveaux canaux de distribution de produits et services bancaires, les nouvelles technologies de l’information ont sans conteste permis aux banques de réduire leurs coûts de distribution, mais elles ont aussi remis en cause la stabilité des relations entre les banques et leurs clients, qui est un des fondements de la rentabilité de la banque de détail. Pour maintenir l’équilibre entre les deux objectifs, les banques doivent désormais choisir les canaux de distribution qui répondent le mieux aux attentes des consommateurs recherchant un meilleur accès aux services bancaires. C’est pourquoi elles sont passées du monocanal incarné par l’agence traditionnelle à la combinaison de canaux traditionnels et nouveaux, c’est-à- dire à une distribution multicanal. C’est ce qui leur a permis de maintenir les éléments de la stabilité de la relation client tout en cherchant à bénéficier à terme des économies de coûts associées aux nouveaux canaux.

Par canaux de distribution, on entend « un ensemble d’organisations interdépendantes (système) participant au processus de mise à disposition des biens

1. LARGE (Laboratoire de recherche en gestion et économie, Institut d’Etudes Politiques, Strasbourg, France) et CREER (Centre for Research on the Economic Efficiency of Retailing, FUCaM, Belgique).

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et services pour usage et/ou consommation » (Stern et al., 1996). La notion de

« monocanal » signifie qu’un client utilise un seul canal pour un, voire tous les types de transaction (information, souscription, vie du produit et service après-vente) et, de manière plus précise, pour un ou plusieurs types d’opérations au sein d’une même phase ou de différentes phases de transaction. A l’inverse, la notion de « multicanal » renvoie à l’utilisation par un client de plusieurs canaux soit pour un même type de transaction (et d’opération), soit pour un ensemble de transactions (et opérations). Ainsi, un client dit monocanal utilise principalement, voire tout le temps, un seul canal (dans la plupart des cas, on entend par monocanal, les consommateurs exclusifs d’agence mais dans une moindre mesure, on peut étendre la notion aux consommateurs exclusifs de PC-banking avec les e-banques ou de tout autre canal). D’un autre côté, le client dit multicanal utilise, par exemple, internet et l’agence pour s’informer sur un produit particulier ou bien un canal précis pour s’informer, un autre pour souscrire et encore un autre pour gérer la vie de son produit.

Pouvoir identifier un client qui est principalement monocanal ou principalement multicanal ou encore monocanal par type de phases de transaction est un enjeu majeur. En effet, cela permet à la banque d’éviter de proposer des services qui ne seront pas utilisés par le consommateur (et ainsi, de réduire ses coûts de fonctionnement) mais aussi et surtout de répondre aux attentes des consommateurs afin de les fidéliser.

Bien que certains consommateurs aient tendance à rester monocanal, on peut avancer que le monocanal est condamné au profit du multicanal. D’une part, les exigences des consommateurs se sont accrues en termes de distribution des produits et services bancaires. D’autre part, le réseau d’agences est devenu trop coûteux pour le banquier (Thornton et al., 1999).

L’échec d’E-banking (ouvert de janvier à juin 2001), e-banque française monocanal et le fait que toutes les banques françaises ont maintenant un site, viennent renforcer la conviction que le multicanal ne peut que s’imposer. La multiplication des canaux liée à l’émergence des nouvelles technologies de l’information est inévitable, et elle aura un certain nombre de conséquences, comme le souligne De Young (2001) : « La combinaison (mix) des canaux de distribution qu’une banque choisit, a des conséquences sur ses dépenses, la commodité de sa clientèle et la qualité des produits et services qu’elle délivre. » Poursuivant son argumentaire, l’auteur avance qu’il semble peu probable qu’une banque traditionnelle (brick and mortar) puisse conserver une grande part de marché dans le long terme sans offrir à ses clients une possibilité de banque électronique (click and mortar), comme il est difficile d’imaginer

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aujourd’hui qu’une banque puisse fonctionner sans ATM (Automatic Tellers Machines).

Mais si le monocanal présente des inconvénients certains, le multicanal n’est pas exempt de tout défaut. Ainsi, l’inconvénient majeur du multicanal réside dans l’affaiblissement de la relation humaine entre le conseiller de clientèle et le consommateur qui se traduit par la perte d’informations relatives au client. Au vu de cette présentation, une question centrale émerge : comme la banque est contrainte d’investir dans le multicanal en vue de répondre aux attentes du consommateur, comment peut-elle passer d’un canal coûteux mais riche en information (à savoir l’agence) à une série de nouveaux canaux complémentaires ou substituables à l’agence pour certains types d’opérations ou phases de transaction, moins coûteux mais moins riche en informations ? Cet article a pour objet de mesurer les enjeux de ce passage au multicanal. Il se focalise uniquement sur les canaux de distribution de la banque de détail (ou banque des particuliers). Après un rappel relatif au contexte historique dans lequel ont émergé les différents canaux de distribution, l’article souligne les enjeux du passage au multicanal et montre l’intérêt du multicanal à travers une analyse approfondie de la performance des canaux de distribution. Celle-ci suppose réunies des conditions d’efficience, d’efficacité et d’équité, indispensables pour collecter et traiter l’information qui assure la qualité et la stabilité de la relation de clientèle.

Du monocanal au multicanal : émergence des canaux

L’agence (qui est caractérisée par la présence d’au moins un guichet physique) fut le premier canal et durant longtemps l’unique canal dont disposait le client pour entrer en contact avec sa banque. Ce n’est qu’au milieu des années soixante-dix (Harrisson, 2000) que de nouveaux canaux de distribution sont apparus avec les ATM, des automates qui permettent aux clients de vérifier leur situation de compte, transférer des fonds et payer des factures (Kalakota et al., 1997). Ceux-ci sont apparus d’abord aux Etats-Unis, puis au Royaume-Uni et en Europe continentale. En France, ces automates peuvent prendre la forme de GAB (guichet automatique bancaire), de bornes, et de DAB (distributeur automatique de billets) pour les opérations de retrait d’argent. Ennew et al. (1995) soulignent que ce canal a été créé dans deux optiques : d’une part, faire de la banque 24h/24 une réalité et, d’autre part, rendre les agences plus performantes en termes de coût et de fonctionnement. En fait, le but est de transférer du guichet vers l’automate les opérations courantes à faible valeur ajoutée pour la banque. Ces deux

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canaux sont ce qu’on appelle des canaux physiques car ils sont localisés physiquement à une coordonnée spatiale précise.

Les motifs qui président à l’usage de ces deux canaux sont multiples et divers. Selon Thornton et al. (1999), les principales raisons qui poussent les consommateurs australiens à utiliser des guichets humains (agences) sont pour 33 % des personnes sondées, l’absence d’alternatives pour certains types de transactions, pour 21 % la préférence pour le contact humain, pour 12 % l’attention personnelle qui leur est accordée, pour 7 % la sécurité, la qualité du service et la commodité et, enfin, pour 4 % la facilité d’utilisation2. Pour donner une idée de la taille du réseau bancaire physique, nous avons dressé un tableau qui reprend le nombre de points de vente et de DAB pour les principaux établissements bancaires français.

Banque Nombre

d’agences

Nombre de DAB Crédit Agricole 6.674 8.703 Crédit Mutuel +

CIC 4.713 5.291

Caisse d’épargne

4.473 5.399 Banques

Populaires 2.220 3.123

BNP-Paribas 2.093 2.977

Société Générale

2.064 3.017 Crédit Lyonnais

1.871 2.206

CCF 782 342

Crédit du Nord 574 622

La Poste (en

1999) 14.086 3.880

Sources : Eurostaf, « Les grandes banques en France », déc. 2000 ; Bases OGRB, InfoStat Marketing, 2003

Tableau 1. Nombre de points de vente et DAB des principales banques françaises en avril 2002

2. Les auteurs démontrent également que 30 % des personnes sondées utilisent des ATM parce que l’accès y est plus rapide tandis que 14 % considèrent l’accès plus agréable ; 7 % trouvent que c’est plus facile à utiliser tandis que 27 % trouvent cela plus commode.

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De nombreuses banques ont développé des canaux autres que l’agence pour toucher un nombre maximum de clients (Rose et al., 1997). Selon les auteurs, l’agence présente de nombreux désavantages que les nouveaux canaux permettent de combler. Parmi ceux-là, il y a les coûts et les ressources nécessaires pour ouvrir et gérer une agence, la restriction en termes de localisation, les horaires limités et la problématique de la gestion du temps (liée, en France, notamment à la loi sur l’aménagement et la réduction du temps de travail). C’est donc dans ce contexte que de nouveaux canaux ont émergé.

Suite au développement de services de vente par correspondance dans d’autres secteurs (notamment celui de la vente de vêtements) et au développement de centres d’appels permettant de gérer ces ventes, un nouveau canal est apparu dans la banque : le call center ou centre d’appels ou encore plate-forme téléphonique. En composant le numéro de son agence ou un numéro spécifique au centre d’appels, les clients sont accueillis par le standard de la plate-forme et sont orientés vers la personne la plus compétente en fonction de leur demande.

Un autre canal, également basé sur le téléphone permet de composer via le pavé numérique du téléphone un code donnant accès à toute une série de services, souvent courants. Pour effectuer ses transactions (virements, consultations des comptes, etc.), une voix mécanique oriente le client en lui proposant différentes formules de services que ce dernier valide en composant le chiffre se rapportant à la transaction souhaitée. Le phone banking ou serveur vocal fonctionne sans interface humaine (voix mécanique) mais permet au client de basculer à tout moment vers la plate- forme téléphonique au cas où de plus amples précisions par rapport à sa transaction seraient souhaitées. Thornton et al. (1999) ont mis en évidence que 35 % des répondants utilisent le phone banking parce que c’est commode et 36 % trouvent avantageux qu’on puisse l’utiliser n’importe quand.

La distinction fondamentale entre les deux types de banque par téléphone est que la plate-forme permet d’effectuer ses transactions par l’intermédiaire d’une personne physique tandis que dans le cas du phone banking, les transactions possibles sont plus limitées puisque c’est via une voix mécanique préenregistrée que les transactions peuvent être effectuées.

De plus, la plate-forme téléphonique permet d’accéder à une gamme de services plus large que le phone banking, des conseils peuvent être aussi formulés par des spécialistes. Les horaires sont plus étendus par rapport à ceux de l’agence sans toutefois être aussi larges que ceux proposés par le serveur vocal (24h/24). Les points négatifs de la plate-forme peuvent être la

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qualité de l’accueil ou encore le manque de personnalisation (ce ne sont pas les membres de l’agence qu’on a au bout du fil).

En France, un système particulier a été développé dans les années quatre- vingts : le Minitel. Souvent considéré comme le précurseur d’internet, le Minitel permet de passer ses transactions via un écran relié au système de la banque par une connexion électronique.

D’origine anglo-saxonne, les débuts d’internet remontent aux années soixante-dix avec la naissance du protocole TCP/IP (Hauben, 2002). La banque électronique (aussi appelée banque par internet, PC banking ou E- banking), quant à elle, apparaît bien plus tard : d’abord de manière timide aux Etats-Unis (Banque Chemical, 1983) et puis de manière plus imposante au milieu des années quatre-vingt-dix (Kalakota et al., 1997).

Les banques électroniques ont été développées par deux types de banques (cf. tableau ci-joint) :

– d’une part, les banques traditionnelles (banques commerciales et mutualistes) qui ont incorporé internet dans leur stratégie de distribution mais qui disposent avant tout de points de vente physiques ;

– d’autre part, les e-banques (Internet-only Banks) qui n’ont pas de points de vente physiques et distribuent leurs produits et services uniquement par internet.

Cette distinction est importante à souligner car la vague technologique qui avait dans son élan entraîné la création des start-up et des e-banques n’a pas eu le succès escompté (Meerts, 2002). Ainsi, en France, la e-banque E- Banking a ouvert ses portes en janvier 2001 et les a fermées en juillet 2001 (Correspondance Economique, 23 juillet 2001). Le succès limité des e-banques peut s’expliquer au moins par deux raisons : d’une part, par le manque de confiance vis-à-vis d’une enseigne sans réputation, phénomène accentué par la perception de l’insécurité des sites en règle générale ; d’autre part, par la montée des banques traditionnelles qui ont investi massivement dans ce nouveau canal et qui, surtout, n’ont pas eu trop de problèmes pour le légitimer auprès de leurs clients. En effet, ces banques avaient déjà leurs propres clients et, dès lors, ne devaient pas prospecter. En outre, la confiance que leur accordent leurs clients est plus importante, étant données l’ancienneté de la relation et la possibilité de se rendre en cas de problèmes au point de vente.

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Statuts spéciaux Banques

commerciales (AFB) (2002)

Banques coopératives et mutualistes (2001)

Principales Secondaires

Zebank Bipop

(créée en 01) (créée en 01) Crédit Mutuel Banque Directe Covefi

(CIC) (créée en 95) (créée en 87)

Banque AGF Cortal (créée en 00) (créée en 96) e.creditlyonnais ING Direct

(créée en 00) (créée en 00) Société Générale Caisse d’épargne

La Poste

CCF Le Trésor

Crédit Lyonnais Groupe Banques populaires

Banques traditionnelles e-banques

BNP Paribas Crédit Agricole

Tableau 2. Les banques en France (adapté de Burgard, 1991 ; Eurostaf (2000))

Selon Kalakota et al. (1997), l’internet (bancaire) permet aux clients de télécharger des brochures et de l’information, d’accéder aux extraits de comptes bancaires, de transférer des fonds entre comptes, de payer des factures, d’utiliser des logiciels permettant de mémoriser des données en évitant ainsi de devoir tout ressaisir et, enfin, d’effectuer des paiements en ligne avec des cartes de crédit afin de transférer des instructions de paiement entre le consommateur, le banquier et le commerçant. Meerts (2002) parle d’un accès anywhere, anytime and anyway. Latimore et al., (2000) ont démontré que pour 45 % des e-clients le choix des banques on-line est lié à la tarification des services (taux et frais de gestion).

Notons toutefois que Sathye (1999), en étudiant le processus d’adoption par le consommateur australien du canal internet pour la distribution de produits et services bancaires, a mis en exergue que la difficulté d’utilisation, le manque de clarté par rapport à la valeur ajoutée, de même que la sécurité constituent les obstacles principaux à l’utilisation du PC-banking3.

3. Dans une étude menée aux Etats-Unis, Jun et al. (2001) ont comparé les e-banques et les banques traditionnelles offrant des services sur internet. Ils concluent que peu de divergences existent entre les deux types de « banque internet ». Ils recommandent aussi que celles-ci se concentrent sur les dimensions suivantes : la réactivité, la sécurité, l’accès, la facilité d’utilisation, la précision (haut niveau de qualité et services personnalisés qui peuvent contribuer à fidéliser le client au canal) et la variété des produits et services offerts (large gamme). Pour une approche plus

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Dernièrement sont apparus de nouveaux canaux dont l’utilisation est pour le moment encore très limitée :

– le téléphone mobile via le WAP (Wireless Application Protocol) – ce qui s’appelle aussi le Mobile banking ou M-banking4 ;

– la télévision interactive ;

– et le PALM ou PDA (Personal Digit Assistant).

Une banque peut aussi demander à des intermédiaires (comme les courtiers dans le secteur des assurances ou encore les IFA (Independent Financial Adviser), par exemple de réaliser certains types d’opérations (collecte ou distribution de fonds, etc.). C’est ainsi que des grandes surfaces, agents immobiliers ou commerçants distribuent des produits ou services de bancassurance mais aussi des produits financiers conçus par leur propre société financière. Ce cas assez spécifique ne sera pas développé dans ce papier où l’on centre l’analyse sur les canaux de distribution bancaires stricto sensu.

Les enjeux du multicanal

On ne peut envisager de passer du monocanal au multicanal sans évaluer la performance des canaux. Si l’agence était plus performante que les canaux alternatifs, pourquoi faudrait-il aller vers le multicanal ? A contrario, si les nouvelles technologies de l’information étaient plus performantes que l’agence, pourquoi faudrait-il privilégier le multicanal ? La réponse à ces questions n’est pas aisée. Elle ne peut se faire qu’en prenant en compte la notion de performance des canaux de distribution.

technique de la composition et du fonctionnement des différents systèmes de PC- banking, le lecteur consultera l’inventaire dressé par Kalakota et al. (1997).

4. Le lecteur avisé a peut-être remarqué que le mailing, le fax, voire plus récemment l’envoi de message d’alerte sur un téléphone cellulaire (SMS) ne figuraient pas dans l’inventaire des canaux de distribution. Bien que certains d’entre eux peuvent occasionnellement en être un (on pense au couponing dans le cas de mailing en marketing direct), les trois canaux mentionnés ci-dessus sont, pour nous, des canaux de communication et non de distribution car ils permettent à la banque d’émettre un message en direction du client (récepteur) via un canal. Ainsi, comme le souligne Bouchat (1997), le direct mail sert surtout à la vente et n’inclut pas l’aspect de gestion et de service.

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Les conditions de la performance

Selon Stern et al. (1996), les canaux de distribution sont performants lorsqu’ils sont efficaces, efficients et équitables :

– l’équité est « le degré avec lequel chaque membre d’un pays a la même opportunité d’utiliser et la même capacité d’accéder à un canal marketing existant au sein de ce pays » ;

– l’efficience analyse « dans quelle mesure les ressources d’une société sont utilisées de manière effective en termes de gestion de coût afin d’accomplir des résultats spécifiques » ;

– l’efficacité quant à elle, est définie comme « l’aptitude mondiale d’un canal à délivrer les outputs du service requis par les consommateurs finaux et ce, au meilleur coût ».

En d’autres termes, un canal est performant s’il permet au banquier de stabiliser, voire d’accroître sa clientèle (préservation de son fonds de commerce) en répondant à ses attentes (efficacité) et s’il permet de réduire les coûts (efficience) tout en donnant à chaque acteur les mêmes chances d’accéder à ces canaux (équité).

Gestion de la relation et attentes des clients : l’efficacité des canaux

La relation entre le client et le consommateur a changé depuis l’émergence de nouveaux canaux. En monocanal (dans ce cas, l’agence), cette relation repose sur l’interaction humaine qui existe entre le conseiller de clientèle et le consommateur. Ce contact humain permet au banquier de collecter beaucoup d’informations sur les clients, et donc de mieux les connaître et de résoudre ainsi des problèmes complexes d’information qui caractérisent la technologie de production de certains produits bancaires comme les crédits. La théorie bancaire récente a bien mis en évidence que l’information collectée au travers de la relation est une condition essentielle de l’efficacité de la production de crédit et d’autres services bancaires à forte valeur ajoutée (Sharpe, 1991 ; Eber, 1999). Cette connaissance du client juxtaposée à des coûts de changement de banque élevés pour ce dernier permet une fidélisation de la clientèle basée sur le conseil (Kim et al., (2001) évaluent à un tiers du taux des crédits le coût de changement de banque en Norvège).

L’apparition de nouveaux canaux et la possibilité donnée aux clients d’utiliser ceux-ci de manière croisée pour effectuer la plupart de leurs opérations (multicanal) a modifié cette relation. Pour le consommateur, la concurrence s’est accrue (et a donc permis une meilleure diffusion de l’information), les coûts de changement ont sans doute diminué et l’accès aux services a été démultiplié. Pour le producteur, l’accroissement de la

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concurrence l’a contraint à investir dans les nouvelles technologies de l’information. Cette multiplication des canaux a généré des pertes d’informations sur les clients.

L’information est capitale pour le banquier car une part importante de son métier consiste à gérer cette information. Celle-ci est acquise principalement par la relation qui permet d’observer le fonctionnement des comptes.

Acquérir cette information a un coût mais elle permet de construire une relation forte et donc, de fidéliser le client. C’est dans ce contexte que les banques tentent d’appliquer le CRM (Customer Relationship Management) ou GRC (gestion de la relation client) afin de mieux répondre aux attentes de leurs clients et donc, de les fidéliser. Selon Parasuraman et al. (1985), conquérir un nouveau client coûte cinq fois plus cher que conserver un client existant. Le terme « gestion de la relation client » comprend selon Harisson (2000) les activités visant à attirer, maintenir ou accroître la relation entre un client et une organisation. On passe de la vente d’un produit ou service bancaire à la construction d’une relation continue dans le long terme et basée sur des niveaux élevés de service à la clientèle, de proximité avec cette clientèle et de qualité de service. On gère donc la satisfaction de la clientèle à travers la qualité et le service avant, pendant et après la vente. Cette relation est d’autant plus facile à mettre en œuvre en agence étant donné qu’elle met en contact deux êtres humains : le consommateur et le conseiller de clientèle (ou tout autre membre du personnel).

Tous les produits et services bancaires ne nécessitent pas la même quantité d’information. Les nouveaux canaux conviennent plus à certains types d’opérations plutôt courantes et standardisées tandis que celles qui sont plus personnalisées et lourdes de conséquences pour les clients se passeront vraisemblablement uniquement en agence. Le souci du banquier est de savoir si un canal ou un ensemble de canaux peut stabiliser voir accroître sa clientèle, c’est-à-dire savoir finalement si le canal répond aux attentes de ses clients et permet donc de préserver ou d’accroître son fonds de commerce.

Le consommateur de services financiers n’adopte pas forcément un comportement identique par rapport aux différents canaux de distribution.

En effet, le canal doit répondre à ses besoins mais aussi, dans la mesure du possible, à ses souhaits. Parmi les besoins d’un client bancaire, on trouve entre autres la conservation de sa richesse, la possibilité d’emprunter, l’accès à certains services (comme le retrait de liquidités, la possibilité de faire des virements, etc.) ou encore la possibilité de s’assurer contre un sinistre. Ces besoins sont, à de rares exceptions près, remplis par toutes les banques pour leurs clients : les banques sont toutes identiques aux yeux du consommateur.

C’est ici qu’interviennent les souhaits. Le souhait transposé au secteur

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bancaire est beaucoup plus subtil que le besoin et est propre à chaque individu. Ainsi, certains consommateurs peuvent souhaiter avoir accès à des services durant les heures de bureau, d’autres sur le temps de midi et le soir, d’autres le samedi matin, etc. D’autres clients préféreront effectuer des virements à partir de chez eux (par téléphone, par ordinateur ou par Minitel), ou encore par l’intermédiaire d’un guichet, etc. Comme le souligne Cliquet (1992), deux formes de « contact-consommateur » existent : d’une part, le « contact-consommateur localisé » (au point de vente) qui utilise le réseau physique de la banque, le guichet pour tout type d’opération, et l’automate (GAB/DAB) pour des opérations plus courantes et, d’autre part, le « contact-consommateur délocalisé » qui peut utiliser différents canaux pour entrer en contact avec sa banque (soit à partir de son domicile, soit à partir du bureau ou de tout autre endroit où il peut être – cybercafé, amis, etc.) : il utilise des canaux dits « à distance » qui peuvent être les plates- formes téléphoniques (call centers), le Minitel, le téléphone et le web (e- banking), ainsi que plus récemment, le téléphone mobile (m-banking), la télévision interactive et le PDA.

Les souhaits peuvent donc se traduire par la commodité avec laquelle le client peut satisfaire ses besoins et donc, se voir distribuer ses produits et services par le banquier mais aussi obtenir un service de qualité à un prix (taux) avantageux. La distribution est au centre de ce triangle qualité/prix/accès et couvre donc un champ assez large : obtention d’informations sur des produits et services, souscription, réalisation d’opérations courantes ou encore des demandes de conseils, voire réclamations. C’est ce que nous appelons les phases de transaction. Ces souhaits seront exprimés différemment en fonction des phases de transaction et des produits. Parmi ces derniers, il y a des produits nécessitant plus de conseils – produits soit complexes (assurance vie liée à un Plan d’épargne par actions) soit contraignants (prêt immobilier) ainsi que des produits et services dits « courants » (effectuer un virement, consulter ses comptes, etc.). Un grand nombre de souhaits des consommateurs peuvent donc être réalisés à travers les canaux de distribution. De manière plus précise, on peut affirmer que ces souhaits émis par les clients se traduisent en termes de canaux par leurs dimensions fondamentales, à savoir les caractéristiques propres des différents canaux appelés attributs. Connaître ces caractéristiques et surtout, l’importance de celles-ci pour les clients, permet de répondre aux souhaits de la clientèle en dosant ces attributs en fonction des segments. En ce qui concerne les attributs souvent cités dans la littérature académique spécialisée, différentes dimensions reviennent fréquemment : la confiance, la compétence, l’interactivité, l’accessibilité (par exemple en termes d’horaires), le temps, l’accueil, l’ergonomie ou encore la tarification.

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Le tableau 3 (page suivante) illustre les différentes possibilités d’utilisation des canaux par phase de transaction, famille de produits et pour quelques produits courants au sein de chaque famille. Il montre que le choix du canal développé par la banque (et utilisé par le consommateur) dépendra non seulement du type de produits mais aussi de la phase de transaction. Par phase d’information, on entend la recherche d’information(s) que le client entreprend avant de souscrire ; la phase de souscription concerne la signature du contrat ; la phase vie du produit concerne les opérations courantes de tous les jours (alimentation de comptes, transferts, etc.) ; la phase de service après-vente comprend à la fois la demande de conseils à l’échéance du produit tout comme la gestion de problèmes (sinistres pour l’assurance, plainte du client, etc.).

Comment les attributs des canaux répondent à ces attentes ?

Outre le fait de générer de nouveaux canaux de distribution, l’apparition de nouvelles technologies a eu un impact sur le comportement du consommateur de produits et services bancaires : le client a maintenant l’opportunité d’utiliser une multitude de canaux. De plus, elle a un impact sur le comportement du banquier qui, pour répondre aux nouvelles attentes du consommateur, a dû mettre en œuvre toute une série de canaux pouvant aussi réduire ses coûts de distribution.

Ces attributs (exprimés sous forme de modalités) influencent le consommateur dans son choix du canal car ils répondent à ses souhaits et lui apportent une valeur ajoutée et cela, selon le produit, le segment et la phase de transaction (ou opération) envisagés. Le concepteur d’un produit ou service bancaire peut donc jouer sur un certain nombre de caractéristiques ou attributs qui vont rendre le canal par lequel est diffusé ce service plus ou moins attrayant pour le consommateur.

Mieux comprendre, analyser et anticiper le comportement du consommateur est donc capital pour le banquier. En étant capable d’identifier les attributs des canaux répondant aux souhaits de ses clients, le banquier sera en mesure de prévoir l’impact des changements technologiques sur le comportement du consommateur de produits et services bancaires et pourra ainsi généraliser dans le futur lors de l’apparition de nouveaux canaux l’importance des attributs de ces nouveaux canaux ou en d’autres termes, voir dans quelle mesure l’apparition de nouvelles technologies va faire décliner différemment l’importance de ces attributs pour le consommateur.

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Canaux\famille de

produits Services Services Services Services

Agence o o o o o o o o o o o o o o o o o o o o o o o o o o o o

Automates n n n n n n n n n n n n n n o o ? ? ? ? o n n n n n n n

Internet o o o o o o o ? ? ? n n n o o o o o o o o ? ? ? ? ? ? ?

Serveur vocal n n n n n n n n n n n n n n o o ? ? ? ? o n n n n n n n

Plate-forme o o o o o o o o o o ? o o o o o o o o o o o o o o o o o

Minitel o o o o o o o n n n n n n n o o ? ? ? ? o n n n n n n n

Wap o o o o o o o ? ? ? n n n o o o o o o o o ? ? ? ? ? ? ?

Télévision

Interactive o o o o o o o ? ? ? n n n o o o o o o o o ? ? ? ? ? ? ?

Palm o o o o o o o ? ? ? n n n o o o o o o o o ? ? ? ? ? ? ?

Mono ou multi- canal

Canaux\ phases de transaction

Information (recherche d’infos sur un produit)

Souscription (signature du contrat)

Vie du produit (alimentation, remboursement, …)

Service après-vente (conseils/ gestion réclamations) Epargne Crédit Assurance Epargne Crédit Assurance Epargne Crédit Assurance Epargne Crédit Assurance

Canaux\produits

courants PEL Conso Immo Auto Maison PEL Conso Immo Auto Maison PEL Conso Immo Auto Maison PEL Conso Immo Auto

Phase plutôt multi-canal Phase plutôt mono-canal Phase plutôt multi-canal Phase plutôt mono-canal

Gestion de compte Livret Gestion de compteMaison

Livret Gestion de compte Livret Gestion de compte Livret

Légende : o = oui, n = non, ? = probable

Tableau 3. Mono et multicanalisation par phase de transaction et produit

Du monocanal au multicanal

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Le consommateur de produits et services bancaires doit, avant de souscrire un produit, voire de choisir un établissement bancaire, se renseigner. Ainsi, l’information est la première étape. L’agence souvent remplit bien cette fonction : le conseiller de clientèle s’il est compétent et peut recevoir fréquemment le client – ou tout au moins lorsque celui-ci le lui demande – peut fournir énormément d’informations en sus des brochures mises à disposition. Le monocanal agence est donc un atout qui permet au conseiller de clientèle de construire une relation durable et solide avec le consommateur. Les dangers de la multiplication des canaux, et donc indirectement de la diminution de la fréquentation de l’agence, sont que la relation ne soit pas aussi solide, que l’information soit moins riche et que la visibilité de l’enseigne soit moins forte. Ces dangers sont d’autant plus accentués quand les produits se complexifient. Dans une approche multicanal, tous les moyens devront donc être mis en œuvre pour fournir (ou tout au moins donner la possibilité aux consommateurs de pouvoir obtenir) une information aussi fine que celle fournie par le conseiller de l’agence.

Le client, s’il est intéressé par l’offre, peut souscrire le produit bancaire.

La souscription se fait pratiquement toujours en agence car d’un point de vue légal, une signature est à apposer sur le contrat. La souscription est donc, à l’heure actuelle, principalement monocanal.

Le client qui a souscrit un produit (ou service) bancaire, dispose d’un produit qui vit : il peut donc par exemple vouloir effectuer des transferts entre ses comptes et donc utiliser différents canaux pour réaliser cette tâche comme l’agence mais aussi internet, et le phone banking par exemple. Cette phase « Vie du produit » est donc plus multicanal.

Le produit bancaire termine son cycle lors de l’échéance, par exemple,

« phase de service après-vente : conseil », voire en cas de problèmes : « phase de service après-vente : gestion des réclamations ». Cette phase est plutôt monocanal car en conseil comme en réclamation, le conseiller de clientèle de l’agence traditionnelle est une interface (humaine) souvent préférée par le consommateur.

Le comportement du consommateur varie en fonction de la phase du cycle de vie du produit dans laquelle il se trouve mais aussi en fonction de la complexité du produit. Ainsi, il est plutôt monocanal en phase de souscription et de conseil alors qu’il est plutôt multicanal en phase d’information et de vie du produit. Une bonne gestion ou anticipation des attentes des consommateurs devrait permettre à la banque de maintenir, voire d’accroître son fonds de commerce.

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Le dilemme pour le banquier est finalement de développer les canaux les moins coûteux, sans perdre l’information qui est à la base de la relation de clientèle. Il doit en outre ne pas perdre de vue les attentes des clients. Ceci nous permet de faire le lien avec la notion d’efficience.

L’efficience des canaux ou comment développer des canaux à moindre coût sans perdre d’information ?

L’apparition de nouveaux canaux est fortement liée à la volonté des institutions financières de réduire les frais de fonctionnement de leurs agences (Thornton et al., 1999). C’est ainsi que les nouveaux canaux ont été introduits et que les services fournis initialement par les agences ont été facturés (notamment dans la plupart des pays européens mais pas forcément en France) afin de contraindre les consommateurs à utiliser les canaux alternatifs. La plupart des institutions bancaires ont « éduqué », voire contraint (par facturation ou en n’exécutant plus certaines opérations au guichet), leurs clients à utiliser des canaux alternatifs afin de réduire leurs frais de fonctionnement et ainsi, dégager du temps pour que les membres du personnel se focalisent sur d’autres activités (conseils, prospections, etc.).

Créer de nouveaux canaux, les gérer au quotidien et les faire adopter par les consommateurs mais aussi par les commerciaux sont des décisions fondamentales pour les Etats-majors des banques. D’un côté, ce genre de décision implique d’importants investissements. De l’autre, le nouveau canal doit être plutôt complémentaire que concurrentiel (cannibalisation) par rapport aux autres canaux et notamment par rapport au réseau physique.

Même si ces nouveaux canaux répondent aux attentes des consommateurs, il faut qu’ils fournissent une information homogène et soient conformes aux souhaits des clients (par exemple, avoir toujours la possibilité de choisir le canal qu’on souhaite utiliser comme souhaiter un canal convivial). Meerts (2002) souligne que grâce à des architectures hautement intégrées, on devrait contribuer à réduire la redondance, à minimiser les coûts d’intégration et rendre les environnements cohérents.

Ces nouveaux canaux sont donc des moyens pour mieux allouer les ressources de distribution et ainsi, générer des économies d’échelle.

Toutefois, il faut être vigilant : Van Diepen (2000) affirme qu’une approche multicanal ne peut être développée qu’en adaptant la structure de l’organisation car trop souvent, les canaux opèrent chacun comme une zone autonome avec ses propres politiques et stratégies. Van Diepen soutient que les nouveaux canaux se développent souvent de manière très indépendante et isolée par différentes divisions qui ont développé des processus indépendants sans prendre en compte les autres canaux de distribution.

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C’est pour cette raison que ces nouveaux canaux ont leur propre politique marketing, leur propre service de vente, de clientèle et leur propre infrastructure IT, tous indépendants des autres canaux existants. Les dangers sont : la diffusion d’informations différentes (et donc, conflictuelles entre les canaux) et l’entrave de la vente croisée. Or, comme les clients souhaitent souvent utiliser de multiples canaux différents les uns à côté des autres, même pour un service identique, il appartient donc à l’Institution financière de fournir un service cohérent et uniforme au travers des différents canaux et aussi de créer de la complémentarité entre ces canaux de distribution. Ceci n’est donc possible que par la coordination des canaux.

Cette problématique de coordination comme le souligne Van Diepen peut être traitée sous quatre angles : la coordination entre les dimensions des produits, des canaux de distribution et des clients ; la coordination entre différents canaux de distributions et les processus y afférant afin d’obtenir une image complète du client ; la coordination de l’ensemble du processus du front-office au back-office en passant par le mid-office ; et la coordination, à l’intérieur d’un canal, des différents produits.

La gestion de l’information

En multicanal, le banquier perd de l’information sur le client car ce dernier ne centralise plus toutes ses opérations en agence (mais via une multitude de canaux). En plus, le client est devenu plus mobile qu’auparavant puisque les coûts de transfert ou de changement d’institutions sont plus faibles qu’en situation monocanal. En quelque sorte, la banque perd de l’information, de la relation et du pouvoir sur son client.

Elle perd donc un peu de son « monopole ». Or le banquier a besoin de cette information-client qui lui permet de prendre des décisions notamment en termes de ligne de crédit. Les gains générés par le multicanal – les économies d’échelles liées à la gestion du réseau (coût fixe) et celles liées au fonctionnement (coût variable) – ont un prix qui se traduit par la perte d’information sur le client et une mobilité plus grande de la clientèle engendrée par un meilleur accès à la concurrence et des coûts de changement assez faibles. Kalakota et al. (1997) qualifient les nouvelles technologies d’arme à double tranchant car elles permettent aux banques d’être plus compétitives mais favorisent aussi l’entrée de nouveaux concurrents venant du secteur non bancaire. Si le banquier n’y prend pas garde, ceci peut considérablement diminuer ses revenus et lui faire perdre des parts de marché.

Le banquier doit donc connaître son client et ainsi, collecter un minimum d’informations pour pouvoir le conseiller dans des placements ou lui

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octroyer des crédits. Il semble que par l’entremise de l’agence (incarnée par un conseiller de clientèle, interface humaine), la relation entre le banquier et le client (et donc, la connaissance qu’a le banquier du client) soit à première vue plus forte qu’avec une interface technologique. Toutefois, il existe des outils qui permettent de combler ce manque de connaissance de la clientèle que le multicanal peut réduire par rapport à l’agence et ce, quelque soit le canal utilisé. On trouve notamment parmi ces outils le data-mining.

Le data-mining est « un processus permettant de découvrir des corrélations, des tendances et des modèles nouveaux et significatifs, en tamisant d’énormes bases de données stockées dans des entrepôts via l’utilisation de technologies de reconnaissance de modèles et des techniques mathématiques et statistiques » (Gartner Group, 1996). Cette technique est devenue nécessaire pour traiter les données relatives aux clients provenant des différents canaux et qui ne peuvent plus être traitées par les techniques traditionnelles d’analyse de données. Parmi ces bases, on en trouve sur les habitudes de consommation du client notamment par l’enregistrement d’historiques relatifs aux mouvements de compte ou à la détention des produits bancaires des consommateurs.

Si la banque peut identifier au niveau individuel les souhaits de ses clients, elle pourra segmenter sa clientèle c’est-à-dire la diviser en sous- ensembles homogènes et atteindre un double objectif : d’une part, effectuer des économies d’échelle en ciblant chaque client (appartenant à un segment) par rapport à ses souhaits et d’autre part, fidéliser le client qui prend conscience que la banque va au-delà des autres banques, qu’elle se démarque, qu’elle se différencie en répondant à ses attentes.

L’équité des canaux de distribution

Donner à chaque consommateur les mêmes chances d’accéder aux différents canaux c’est, d’une part, lui proposer au moins les canaux offerts par la clientèle et, d’autre part, au niveau du réseau physique, lui permettre de trouver des agences mais aussi des ATM. Ainsi, il y a des coûts supportés par le développement mais aussi le non-développement de certains canaux : sur le marché français, les banques qui n’ont pas développé un réseau de DAB-GAB suffisamment étendu doivent ainsi payer d’importantes commissions interbancaires liées à l’utilisation par leurs clients des DAB des banques concurrentes.

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Conclusion

Le titre de cette contribution renvoie au dilemme suivant : comment maximiser les profits de la banque sous la contrainte d’une stabilité des relations avec la clientèle ? Faut-il investir plus dans le banal en se maintenant dans les murs des agences ou bien, au contraire, dans les innovations technologiques permettant de développer des nouveaux canaux complémentaires ou substituables à l’agence selon les types d’opérations ou de phases de transaction ? Peu d’études ont été consacrées à ces questions. On ne peut donc répondre avec certitude à ces interrogations comme on ne pouvait avoir de vision claire au début des années quatre- vingts quant à l’avenir des nouveaux instruments financiers.

De Young (2001) affirme que la réalité se trouve quelque part entre les deux extrêmes : la banque traditionnelle et l’e-banque, toutes deux banques monocanal. Cet article a montré que la réalité n’est plus monocanal mais bien multicanal. Les agences sont devenues trop coûteuses par rapport aux nouveaux canaux et le papier a montré que la perte de relation client qui en résulte peut être compensée par une meilleure gestion de l’information. En somme, le monocanal a sans doute vécu : sur le marché bancaire français, quelques e-banques ont fermé leurs portes ou n’ont pas atteint les objectifs qu’elles espéraient et toutes les banques traditionnelles proposent au moins un ou plusieurs produits ou services via un site web ; elles sont toutes passées du brick and mortar au click and mortar.

Deux raisons militent en faveur du multicanal :

– premièrement, les banques se trouvent en situation d’incertitude stratégique c’est-à-dire qu’aucune vision claire n’existe quant au devenir de ces technologies. Si les banques ne veulent pas perdre d’avantages compétitifs durables liés à l’expérience acquise par les premières qui auront investi dans ces canaux (first-mover advantage), elles doivent donc investir.

Elles n’ont donc pas le choix : elles sont obligées d’aller vers le multicanal car elles auraient plus à perdre qu’à gagner en refusant ce choix ;

– deuxièmement, comme le montre cet article, ne pas investir dans les nouveaux canaux, c’est courir le risque de perdre des clients ou de ne pas en recruter de nouveaux, même si cela implique des coûts d’investissement élevés. Ces coûts sont certainement compensés par les revenus potentiels que la banque tire d’un meilleur accès offert aux clients mais aussi du maintien de sa réputation, d’un support de prospection et de l’occupation du terrain (favorisée par les faibles coûts de changement de banque).

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Notons toutefois qu’il y a des limites à cette contrainte de mouvement. Le banquier devra suivre de près le degré d’aversion ou de prédisposition des consommateurs par rapport à ces canaux, soit par des enquêtes, soit par des techniques comme le data-mining. Le choix du canal dépend du type de produits à vendre, des besoins des consommateurs et du profit qui peut être généré par la banque.

Une bonne coordination des canaux, tout comme une prise en compte des attentes des consommateurs, devraient permettre le maintien d’un équilibre entre les canaux. Cela devrait aussi engendrer une réduction des coûts, une meilleure transmission et collecte de l’information et donc, une meilleure fidélité des clients. Un canal ne doit pas en cannibaliser un autre, il doit être au service de l’autre, il doit être complémentaire. A l’heure actuelle, on ne peut pas dire qu’il y ait équilibre tant l’incertitude est grande. Tout ce qu’on peut dire, c’est que ne pas investir dans ces technologies conduirait inévitablement à un déséquilibre à cause des pressions concurrentielles, des coûts comme des attentes des clients. L’équilibre se trouve donc quelque part entre le monocanal banal et le multicanal infernal ; il consiste en un savant dosage entre innovations et opportunités.

Remerciements

L’auteur tient à remercier Estelle Bourgin, Christelle Fessard, Martine Gendre, Céline Margala, Claude Pace et Serge Vinet de la Confédération nationale du Crédit Mutuel pour leurs remarques et suggestions, ainsi que les Professeurs Alain Bultez et Michel Dietsch pour leur soutien constant.

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