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Article pp.301-310 du Vol.27 n°4-5 (2007)

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© Lavoisier – La photocopie non autorisée est un délit

FOCUS : Sucre, sucreries, chocolat, quelle place ?

L’apport calorique des boissons sucrées est-il régulé ?

M. Fantino

SUMMARY

Is the energy supplied by caloric sweetened beverages regulated?

Previous experimental data indicates that the energy supplied by caloric sweetened beverages may not be taken in consideration by the physiological regulation of the energy balance, and thus may favor obesity. The aim of this paper is to review the experimental and epidemiologic data in favor, or not in favor, of this hypothesis. Since results differ sometime it is not possible to assert that soft drinks are a main cause of the recent increase of overweight and obesity, although they probably contribute at least for some people.

Keywords

caloric sweetened beverage, food intake, energy balance, human, review.

RÉSUMÉ

Il a été observé que l’énergie procurée par les boissons caloriques (BCS) est mal comptabilisée par le contrôle physiologique de la prise alimentaire. En conséquence la consommation de telles boissons en quantité excessive pourrait favoriser le déséquilibre de la balance énergétique et contribuer à la genèse de l’obésité. L’objectif de cet exposé est de faire la revue des argu- ments expérimentaux et épidémiologiques en faveur ou non de cette hypo- thèse. Globalement, au vu de résultats parfois divergents, il n’est pas possible de formellement conclure à la responsabilité certaine des BCS dans la récente progression du surpoids et de l’obésité. Il est cependant probable qu’elles puissent y contribuer, au moins pour certains sujets en raison de dif- férences de susceptibilité individuelle. La prudence incite donc à limiter la consommation de BCS en les réservant à leur seule véritable fonction qui est de procurer du plaisir orosensoriel dans des circonstances festives.

Mots clés

boissons caloriques sucrées, prise alimentaire, régulation énergétique, humain, revue.

CREABio® – CHU de Dijon – Univ de Bourgogne – 7, bd Jeanne-d’Arc – BP 87900 – F-21079 Dijon Cedex – France.

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1 – INTRODUCTION

Il n’est plus nécessaire de souligner la progression de la pandémie de surpoids et d’obésité tant cette réalité est devenue, dans tous les pays d’abon- dance, une évidence d’observation quotidienne. Certaines publications rappor- tent qu’aux USA 64 % de la population âgée de 20 à 74 ans serait en surpoids (personnes dont l’index de masse corporelle, ou l’IMC, est supérieur à 25 kg/m2), ce qui signifie que pratiquement 130 millions d’individus sont concernés dont 30 % sont réellement obèses (IMC supérieur à 30 kg/m2) [Morrill & Chinn, 2004 ; Flegal et al., 2002]. Même si la situation semble un peu moins critique en France, l’augmentation continue de la corpulence des enfants et adolescents augure de perspectives préoccupantes [Heude et al., 2003].

De multiples causes de cette évolution délétère sont entrevues, mais la réelle responsabilité et le poids spécifique de chacune restent souvent imprécis.

C’est ainsi qu’une consommation excessive de boissons caloriques sucrées (BCS) est fortement suspectée d’être une cause majeure de l’actuelle dérive pondérale, en particulier chez les enfants. Les BCS regroupent l’ensemble des sodas, colas, limonades, nectars et autres jus, carbonatés ou non, sucrés par des glucides simples, mono- ou disaccharides de diverses origines (saccha- rose, fructose ou glucose essentiellement) qui apportent tous ~4 kcal (~16 kJ) par gramme. Même en l’absence de « sucre ajouté », la teneur en sucres de la plupart de ces boissons caloriques varie d’un peu moins de 50 g/l, à quelque 175 g/l comme par exemple certains jus de raisin « naturels ». Étant donnée l’augmentation constante au cours des dernières décennies de la consomma- tion de BCS, notamment par les enfants, la quantité d’énergie qu’elles procu- rent, d’une valeur quasi nulle il y a un demi-siècle, devient de plus en plus significative. Ainsi, toujours aux USA, en quelque 40 ans (de 1962 à 2000) la quantité d’énergie dérivée des produits sucrés a augmenté en moyenne de 75-80 kcal/jour, dont 80 % proviennent des mono- et disaccharides apportés par les « soft-drinks » [Popkin & Nielsen, 2003].

Peut-on, pour autant, formellement attribuer à cette consommation de

« sucre liquide » une responsabilité prépondérante dans l’actuelle évolution pondérale délétère puisque la consommation de nombreux autres aliments riches en énergie s’est simultanément accrue ? (comme par exemple les protéi- nes animales, mais aussi de nombreux aliments riches en lipides). L’objectif de cet exposé est de s’interroger sur la pertinence de cette hypothèse, en faisant un bref point sur les données scientifiques disponibles.

2 – PRÉMICES DE L’HYPOTHÈSE

L’une des premières observations d’une non compensation des calories liquides a été apportée par une étude de notre laboratoire dont l’objectif était de savoir si une consommation accrue de liquide pouvait moduler le contrôle régulateur de la prise alimentaire de sujets humains normaux (en réduisant la densité énergétique du contenu digestif, ou par distension gastrique par exem- ple) [Beridot-Therond et al., 1998]. Pour cet essai, 24 jeunes adultes (12 hom-

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mes et 12 femmes) normo-pondéraux n’ont eu accès, au cours de séances expérimentales de 24 h, qu’à un seul type de boisson qu’ils pouvaient consom- mer ad libitum, mais correspondant, selon la séance, soit à :

– de l’eau minérale pure,

– soit à la même eau aromatisée (orange) mais non sucrée,

– soit à la même boisson aromatisée et édulcorée par de l’aspartame (50 mg/l),

– soit sucrée par 100 g/l de saccharose.

Lors d’une 5e séance les sujets ont dû consommer, selon le même profil temporel que celui qu’ils avaient spontanément adopté lors de la séance « eau pure », la même eau minérale en double quantité que précédemment. Par ailleurs les sujets se sont nourris ad libitum au laboratoire à partir d’un large buffet librement accessible, et leurs ingérés caloriques et macro-nutritionnels au cours de chaque journée expérimentale ont été minutieusement quantifiés.

Alors qu’on s’attendait à une modulation de ces ingérés en fonction de la nature et du contenu énergétique des boissons consommées, la prise alimen- taire des sujets a été quantitativement et qualitativement rigoureusement la même au cours de chacune des cinq journées expérimentales. En consé- quence, l’ingéré calorique total a été significativement supérieur au cours de la journée où la boisson était énergétique parce que sucrée avec du saccharose (+ 2 500 kJ en moyenne). Après la prise de quantité non négligeable de cette boisson (~1 500 ml), les sujets n’ont donc présenté aucune adaptation régula- trice de leur prise énergétique au cours des repas subséquents (à l’échelle d’une journée) comme si le contrôle physiologique de leur balance énergétique, qui devrait normalement s’exercer dans de telles circonstances [Fantino, 2001], était mis en échec par l’ingestion préalable d’une boisson calorique. Ce travail fait donc naître un doute sur l’efficacité de la régulation énergétique vis-à-vis des calories liquides sucrées. Le contrôle de la prise alimentaire serait-il incapa- ble de tenir compte des apports caloriques liquides ?

Cette hypothèse, que nous avions formulée dès 1998, ne pouvait cependant être considérée comme démontrée sur la base d’une simple étude de labora- toire à très court terme. Il est en effet possible que la réponse des sujets nor- maux soient plus efficace dans une situation de vie « normale », ou que la compensation énergétique attendue après consommation d’une BCS soit plus tardive et s’établisse sur plusieurs jours. D’autre part, s’il existe réellement, quel est l’impact de ce phénomène sur la masse corporelle et l’adiposité des sujets à long terme puisque d’autres réponses compensatoires, telles que l’augmenta- tion de la thermogenèse, peuvent aussi se concevoir ?

3 – CONFIRMATION DANS LE CADRE DE LA RÉGULATION ÉNERGÉTIQUE À LONG TERME : ABSENCE D’APPRENTISSAGE DU CONTENU

CALORIQUE DES BOISSONS

Deux ans plus tard DiMeglio et Mattes [DiMeglio & Mattes, 2000] ont confirmé la relative incapacité du contrôle physiologique de la prise alimentaire

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de l’Homme à intégrer un supplément calorique liquide (+ 450 kcal), même lors- que celui-ci est quotidiennement administré pendant 28 jours, contrairement à des apports énergétiques équivalents mais donnés sous forme solide. En con- séquence la régulation énergétique globale de leurs sujets a été débordée et ils ont significativement engraissés de 0,5 kg en 4 semaines.

Le contrôle quantitatif de la prise alimentaire reposant très largement sur l’apprentissage de contenu calorique des ingestas, nous avons aussi cherché à savoir si l’exposition répétée (pendant 30 jours) à une même boisson calorique pouvait finalement permettre aux sujets d’acquérir la capacité d’en discerner le contenu énergétique, et ainsi de rétablir un contrôle efficace de leur balance énergétique. Le résultat fut négatif [Van Wymelbeke et al., 2004].

Cependant, bien que les résultats de quelques autres travaux expérimen- taux se soient également inscrit en faveur de l’hypothèse d’une incapacité du contrôle physiologique de la prise alimentaire à prendre en compte l’énergie procurée sous forme de boissons caloriques, comme les boissons alcoolisées [Mattes, 1996], sa validation définitive exige que d’autres approches scientifi- ques apportent des résultats concordants. Il faut notamment que l’hypothèse soit vérifiée à l’échelle de groupes de sujets beaucoup plus larges, voir de la population entière. Bref, une approche complémentaire épidémiologique appa- raît indispensable. Or deux types d’études épidémiologiques peuvent se compléter : les études transversales (les « cross sectional studies » des anglo- saxons), et les études longitudinales ou de suivi de cohortes.

4 – INCERTITUDES NÉES DES ÉTUDES ÉPIDÉMIOLOGIQUES

En ce qui concerne les épidémiologiques nutritionnelles transversales, c’est aux USA qu’ont été réalisées les enquêtes sur les plus larges cohortes. Ainsi, les différentes phases de la « National Health and Nutrition Examination Survey » (NHANES I-II-III), ont impliqué plus de 10 000 sujets. Elles indiquent que, tous âges confondus, les boissons caloriques contribuent aux apports énergétiques totaux (AET) pour 20 à 24 %, et que les soft drinks représentent 8 % de l’énergie ingéré par les adolescents de 12 à 19 ans. De plus les enfants de 6 à 11 ans des deux sexes en surpoids et les adolescents masculins (12- 19 ans) en surpoids, mais non les adolescentes, consomment plus de BCS que les jeunes de poids normal. En moyenne ces boissons contribuent aux AET des jeunes les plus gros pour ~ 2 % de plus que pour leurs congénères normo-pon- déraux [Troiano et al., 2000]. Donc, avant l’âge adulte, l’association consomma- tion de BCS-surpoids semble modeste et non systématique. D’autre part, la mise en évidence d’une « association » n’est pas la démonstration d’une

« relation de causalité » puisqu’il est possible, et même probable, que les sujets les plus gros consomment plus de tout, des BCS certes, mais aussi d’autres aliments caloriques.

Pour les adultes, une autre enquête américaine réalisée sur près d’un millier d’hommes et autant de femmes adultes de plus de 50 ans [Liebman et al., 2003] a trouvé significativement plus de sujets en surpoids ou obèses parmi les

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consommateurs réguliers de soda (plus d’un soda par semaine) que chez ceux n’en prenant pas ou seulement occasionnellement (p < 0,05).

La littérature scientifique rapporte aussi des résultats plus négatifs. Mais parmi la multitude des études épidémiologiques s’étant intéressées aux consommations alimentaires ou de BCS, beaucoup présentent des méthodolo- gies, une taille de la population étudiée, et surtout des résultats extrêmement variables et parfois discutables. Pour clarifier la situation, Malik et collabora- teurs ont proposé l’an dernier une revue exhaustive de ces publications en sélectionnant minutieusement les contributions dont la méthodologique était acceptable [Malik et al., 2006]. Il en ressort que parmi les 264 études réperto- riées dans la base Medline pour la période 1965-2005, et dont au moins l’un des objectifs était la recherche de relations entre prise de BCS et index d’adi- posité, seulement 15 études transversales répondaient à l’exigence d’une qua- lité suffisante : deux sur l’adulte et 13 sur des enfants. Parmi ces dernières, six études rapportent bien une association positive significative entre consomma- tion de BCS et l’adiposité des enfants, trois trouvent une association positive mais non significative, tandis que trois autres études n’ont pas trouvé d’asso- ciation positive et une étude rapporte une relation inverse pour certains sujets féminins. Les études épidémiologiques transversales ne permettent donc que d’aboutir à des conclusions mitigées quant à la certitude qu’une consommation élevée de BCS favorise l’inflation adipeuse, bien que de sérieux indices exis- tent.

5 – LES ÉTUDES LONGITUDINALES, DE SUIVI DE COHORTES, SONT-ELLES PLUS INFORMATIVES ?

L’une d’elles, l’« U.S. Growing up Today Study » de Berkey et collaborateurs [Berkey et al., 2004] est particulièrement instructive. L’objectif de ce travail était de répondre aux deux questions : Quel est le gain pondéral (ou d’IMC) relevé en un an en fonction de la quantité absolue de BCS quotidiennement consommée ? Quel est le gain annuel supplémentaire de poids (ou d’IMC) engendré par l’augmentation, d’une année à l’autre, de la quantité de BCS quo- tidiennement consommée ? A cette fin, 16 771 enfants âgés de 9 à 14 ans en 1996 (23,2 % de garçons et 17,4 % de filles) et en surpoids au départ ont été suivis pendant trois ans au moyen de trois questionnaires, à un an d’intervalle, sur leur poids et à leurs habitudes alimentaires. Il en ressort que la consomma- tion de BCS est associée à une modeste augmentation supplémentaire de l’IMC, qui est significative pour les garçons (p = 0,04) et de + 0,03 kg/m2 par unité de consommation (par « serving » ie. par canette, par verre, etc.) ; mais elle était non significative pour les filles (p = 0,096) et de seulement +0,02 kg/m2 bien que la prise de poids (en kg) de celles-ci ait été significativement d’autant plus grande que le nombre d’unités consommées l’était. De plus, le fait d’aug- menter d’une année à l’autre le volume de BCS consommé accroît significative- ment l’inflation adipeuse (de + 0,04 kg/m2 par unité). Cependant, l’ajustement de ces variations sur la prise énergétique totale fait disparaître la significativité des résultats, probablement en raison de la relation entre énergie apportée par

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les BCS et apports énergétiques totaux. On peut cependant en conclure que la consommation de BCS peut contribuer au gain pondéral des adolescents pro- bablement par leur contribution à un apport énergétique total élevé, mais on ne peut pas conclure à une relation de causalité directe, les résultats obtenus pou- vant à nouveau ne traduire qu’une simple association.

Globalement, parmi les 10 études prospectives méthodologiquement rece- vables rapportées par la revue de Malik et al. [Malik et al., 2006], notamment celles portant sur des cohortes de taille suffisante (de plus de 200 à plus de 11 000 sujets, dont 4 sur adultes et 6 sur enfants ou adolescents), six études rapportent une association positive significative entre consommation de BCS et évolution de l’adiposité (dont 4 chez les enfants), deux études font état d’une association NON significative et deux études n’ont pas trouvé d’association.

Par exemple, par une étude longitudinale du comportement alimentaire de 422 hommes et femmes norvégiens suivis de 15 à 33 ans, Kvaavik et collabora- teurs n’ont trouvé aucune association entre leur consommation de soft drink et leur masse corporelle en dépit d’apports énergétiques totaux et d’apports de sucre plus élevés chez les grands consommateurs de BCS [Kvaavik et al., 2005].

Donc, les études épidémiologiques longitudinales, comme les transversales, ne font que renforcer la pertinence de l’hypothèse qu’une consommation excessive de BCS puisse contribuer à l’actuelle augmentation de surcharge pondérale et d’obésité, mais elles n’en apportent pas l’irréfutable démonstra- tion. D’autres méthodologies doivent donc être mises en ouvre pour clarifier cette incertitude, notamment des études expérimentales ou d’intervention. Plu- sieurs donnent des informations intéressantes et relativement convaincantes.

6 – DONNÉES APPORTÉES PAR LES ESSAIS D’INTERVENTION NUTRITIONNELLE

RABEN et collaborateurs ont soumis 41 sujets (6 hommes et 35 femmes) en surpoids (IMC 25-30 kg/m2) à une intervention nutritionnelle durant 10 semaines [Raben et al., 2002]. Un groupe (n = 21) a reçu un supplément quotidien de sac- charose (+ 3,4 MJ/jour) dont 30 % a été ajouté à certains aliments (yaourts, compotes) et 70 % aux boissons (sodas). L’autre groupe (n = 20) n’a reçu que des suppléments iso-sucrés par édulcorants n’apportant que 1 MJ/jour en plus.

Les sujets se sont, par ailleurs, nourris ad libitum. Les comparaisons de leurs consommations énergétiques spontanées relevées avant le début, puis mesu- rées à la 5e et à la 10e semaine de l’intervention, ainsi que de leur poids et leur composition corporelle, ont montré qu’une part importante du saccharose sup- plémentaire s’est surajoutée aux ingestas spontanés habituels, entraînant une surconsommation énergétique totale de 1,6 MJ/jour en moyenne. Celle-ci a persisté jusqu’à la fin de l’étude, si bien que le groupe au saccharose a gagné 1,6 kg en 10 semaines d’intervention, dont + 1,3 kg de masse grasse, tandis que le groupe ayant reçu les produits édulcorés a perdu dans le même temps 1 kg de poids, dont 0,3 kg de graisse (p < 0,001).

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Rappelons cependant qu’au cours de l’intervention rapportée plus haut [Van Wymelbeke et al., 2004], dont l’objectif était de savoir si une consommation répétée de boissons sucrées ou édulcorées permet aux sujets d’en apprendre le contenu calorique et d’utiliser cette information pour réajuster leur balance énergétique, aucune modification du poids n’avait été enregistrée bien que l’apprentissage escompté ne soit pas apparu.

Une autre étude d’intervention, à visée éducative et impliquant 644 enfants de 7 à 11 ans, a eu un grand retentissement médiatique par les perspectives favorables qu’elle ouvre au plan de la prévention. James et collaborateurs ont introduit en milieu scolaire un programme éducatif visant à informer répétitive- ment (3 fois en un an) les enfants des dangers pour la santé des BCS, dans le but de les inciter à moins en consommer [James et al., 2004]. Pour limiter le ris- que d’interférences interindividuelles, le programme a été délivré de façon homogène dans certaines classes ou certaines écoles primaires, tandis les enfants d’autres écoles, servant de contrôle, n’ont reçu aucune information.

Après un an, les enfants ayant reçu les messages d’éducation nutritionnelle avaient en moyenne diminué leur consommation totale de boissons caloriques de ~ 150 ml/jour (– 0,6 « drinks » de 250 ml !) alors que les enfants contrôles n’ayant reçu aucune information avaient accru leur consommation moyenne de

~ 50 ml/jour. Corrélativement le pourcentage d’enfants en surpoids ou obèses avait augmenté de 7,5 % chez les contrôles, alors qu’il n’avait pas changé ou même légèrement diminué (de 2 %, selon la façon d’évaluer le surpoids !) chez les enfants informés.

Ebbeling et collaborateurs ont récemment publié les résultats d’une autre étude d’intervention nutritionnelle longue (~ 6 mois) visant à également appré- cier les effets, sur la balance énergétique à long terme, donc sur le poids, d’une réduction de la consommation de BCS [Ebbeling et al., 2006]. Cent trois ado- lescents de 13-18 ans ont été assignés, soit au groupe contrôle poursuivant ses habitudes de consommation quotidienne de boissons caloriques, soit au groupe expérimental bénéficiant d’une substitution, pendant 25 semaines consécutives, de produits « light », donc édulcorés et peu ou pas caloriques, aux boissons caloriques qu’ils consommaient précédemment. Les nouveaux produits étaient directement livrés à domicile pour faciliter la compliance des sujets. En conséquence, la consommation de BCS par les jeunes du groupe

« intervention » a diminué de 82 % sans changer pour les autres. Durant l’inter- vention, l’IMC (ajusté en fonction du sexe et de l’âge) a augmenté pour les deux groupes, cependant moins pour les sujets ayant réduit leur consommation de BCS : delta de + 0,07 ± 0,14 kg/m2 vs. + 0,21 ± 0,15 kg/m2, mais sans que la différence ne soit significative. Cependant, l’examen de la relation entre le delta d’IMC de chaque sujet et son IMC initial indique que les corrélations étaient nettement différentes au sein de chaque groupe, les sujets les plus adipeux qui ont bénéficié de l’intervention nutritionnelle (le tertile supérieur, correspondant à un IMC initial > 25,6 kg/m2) ont eu une réduction significative de leur index d’adiposité de 0,63 ± 0,23 kg/m2, contre une augmentation de 0,12 ± 0,26 kg/m2 chez les contrôles.

Il semble donc possible que la réponse de tous les sujets humains aux calo- ries apportées par des boissons sucrées (ou à leur réduction) ne soit pas identi- que. Cette dernière étude indique que de telles boissons pourraient ne constituer un risque que pour certains, possiblement les plus gros, avec d’ailleurs la possibilité qu’ils soient déjà « plus gros » précisément en raison

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d’une prédisposition à ce risque. Mais il semble raisonnable de suggérer que leur surpoids ne puise être imputé aux seules BCS car il est probable que ces sujets répondent également de façon défavorable à d’autres ingestas riches en énergie.

7 – QUESTIONS SOULEVÉES

De l’analyse de l’ensemble des travaux évoqués ci-dessus naît incontesta- blement un doute quant à la capacité des mécanismes physiologiques assurant la régulation de la balance énergétique à intégrer correctement les calories apportées sous forme de liquides sucrés par mono ou disaccharides. Mais compte tenu de résultats contraires ou négatifs on ne peut affirmer que la régu- lation énergétique soit totalement, et systématiquement mise en échec par de tels apports énergétiques, un point de vue partagé par d’autres auteurs (voir à ce sujet l’excellente revue récente [Drewnowski & Bellisle, 2007]). Il est d’abord possible que cette relative inefficacité de la régulation énergétique ne concerne que certains sujets plus exposés au risque de surcharge pondérale en raison de leurs caractéristiques biologiques ou comportementales propres. Il est aussi possible que pour ces sujets la relation, mise en évidence par certaines études épidémiologiques, entre une plus grande consommation de BCS et une sur- charge adipeuse ne soit qu’une association et le reflet du moyen par lequel ces sujets programmés pour être plus gros (trop gros !) augmentent leur ingéré calorique total.

La première question soulevée est de savoir si toutes les boissons calori- ques présentent des risques équivalents pour l’équilibre du bilan énergétique.

Un travail de Almiron-Roig et Drewnowski semble s’inscrire dans cette perspec- tive. Il montre que la consommation, 2 h 25 avant le déjeuner, par des sujets adultes en bonne santé (14 H + 18 F de 18 à 35 ans) de 590 ml (20 oz) soit de lait (1 % de matière grasse), soit de jus d’orange, soit d’un cola classique (tou- tes ces boissons apportant 1036 kJ) n’entraîne pas de modification des inges- tas caloriques subséquents au déjeuner comparativement à la prise de 590 ml d’eau pure [Almiron-Roig & Drewnowski, 2003]. Pourtant le décours de la sen- sation de faim après les différents pré-charges n’était pas exactement le même.

Toutes les boissons caloriques, même le lait écrémé, pourraient donc être équi- valentes en ce qui concerne leur interaction avec le contrôle physiologique de la prise alimentaire.

Ces réflexions posent aussi le crucial problème de savoir si l’exposition à la saveur sucrée, notamment par la consommation de BCS, conditionne une pré- férence accrue pour le goût sucré, et pourrait ainsi favoriser la recherche ulté- rieure et l’ingestion de plus grandes quantités de tels produits. La réponse à cette question nécessiterait de larges développements. En bref, les données tirées de l’expérimentation animale sont en faveur d’un possible, et même pro- bable, conditionnement de la préférence pour les produits à saveur sucrée s’ils sont également caloriques. Leur apport énergétique, par l’effet métabolique post-ingestif qu’il induit, constitue en effet le stimulus inconditionnel du méca- nisme d’apprentissage. Des données expérimentales obtenues sur des sujets

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humains vont dans le même sens, tout au moins pour les enfants (mais non les adultes) [Liem & De Graaf, 2004]. Mais deux nouvelles interrogations surgissent : 1) le conditionnement de préférence ainsi établi à l’égard d’une boisson donnée, sensoriellement bien caractérisée, peut-il se transposer à d’autres aliments ou boissons sucrés qui se différencient cependant par d’autres caractéristiques sensorielles propres ? et 2) un conditionnement de ce type peut-il également s’établir à l’égard de produits édulcorés non caloriques qui ne peuvent donc pas induire d’effet métabolique post-ingestif ? Ces ques- tions restent sans réponse définitive bien qu’une de nos contributions [Van Wymelbeke et al., 2004] apporte plutôt une réponse négative à la seconde, ce qui ouvre le débat sur l’utilité potentielle des édulcorants de synthèse (débat qui sort largement du thème de cet exposé).

8 – CONCLUSIONS

Quels que soient les doutes qui persistent sur la réalité, ou la portée physio- pathologique d’une mauvaise prise en compte des calories liquides sucrées par le processus de régulation physiologique de la balance énergétique, et parce qu’en matière d’équilibre hydrique seuls des apports d’eau pure sont indispen- sables, dans l’état actuel de nos connaissances scientifiques on ne peut que maintenir, au titre du principe de précaution, une certaine prudence à l’égard des boissons sucrées caloriques. En limiter la consommation semble donc sage, et sans doute est-il raisonnable de les consacrer à leur seule véritable fonction qui est de procurer un supplément de plaisir sensoriel. En les réservant aux consommations festives, y compris les jus de fruits dont les vertus ne peu- vent être automatiquement assimilées à celles des fruits frais, aurons-nous plus de chance de mettre des sujets prédisposés par leurs caractéristiques biologi- que à l’abri de risques pour leur santé. Ainsi pourrait-on maintenir et renforcer la situation de la France qui est le pays occidental où le volume de BCS annuelle- ment consommé par tête d’habitant est le plus faible ? Il convient aussi d’encourager la démarche de certains acteurs économiques qui s’efforcent de réduire la teneur en sucre des produits qu’ils mettent sur le marché, une démar- che qui est susceptible d’être labellisée par le PNNS-2 dans le cadre des char- tes d’engagement d’amélioration de la qualité nutritionnelle de l’offre alimentaire récemment mise en place.

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