Pr´epa. Agr´eg ´ecrit d’Analyse, mars 2002.
Weierstrass et Stone-Weierstrass
Le th´eor`eme classique de Weierstrass
Pour d´emontrer une version du th´eor`eme de Weierstrass sur R
d, consid´erons la fonc- tion r´eelle g d´efinie sur R
dpar
∀x ∈ R
d, g(x) =
³ 4 −
X
di=1
x
2i´
+o` u la notation u
+signifie max(u, 0). Cette fonction g est r´eelle ≥ 0, continue `a sup- port compact et atteint un unique maximum au point 0. Par ailleurs elle est polyno- miale dans la boule (euclidienne) de rayon 2. Ensuite, pour tout entier n ≥ 1, posons c
n= ( R
Rd
g
n(x) dx)
−1; la formule g
n(x) = c
ng
n(x) permet de d´efinir une suite (g
n) de fonctions int´egrables qui fournira une approximation de l’identit´e par convolution (on a vu l’analogue avec les “noyaux de Rudin” b
n(1 + cos x)
npour les s´eries de Fourier).
Si f est une fonction continue sur R
d, `a valeurs r´eelles ou complexes, `a support dans la boule unit´e, la suite (f ∗ g
n) tend uniform´ement vers f par les th´eor`emes g´en´eraux d’approximation par convolution ; on va voir de plus que f ∗ g
nest polynomiale dans cette boule unit´e. On a
(f ∗ g
n)(x) = Z
Rd
g
n(x − y)f (y) dy = Z
kyk≤1
g
n(x − y)f (y) dy.
Si kxk ≤ 1, compte tenu du fait que l’int´egration est limit´ee aux y tels que kyk ≤ 1 (`a cause du support de f ), on aura kx − yk ≤ 2 pour tous les y du domaine d’int´egration, et on aura donc x − y dans la boule de rayon 2, dans laquelle
g
n(x − y) = c
n³ 4 −
X
di=1
(x
i− y
i)
2´
n= X
k∈M
x
kP
k,n(y),
o` u k = (k
1, . . . , k
d) parcourt la famille M des multi-indices tels que 0 ≤ k
1+· · ·+k
d≤ 2n, o` u on a pos´e x
k= Q
di=1
x
kii, et o` u les P
k,nsont des polynˆomes en y. On a donc pour tout x dans la boule unit´e
(f ∗ g
n)(x) = X
k∈M
x
kZ
kyk≤1
P
k,n(y) f(y) dy qui est bien un polynˆome dans les coordonn´ees (x
i).
On peut bien entendu remplacer la condition que le support de f soit dans la boule unit´e par n’importe quel support compact. On a ainsi obtenu une version du th´eor`eme classique de Weierstrass.
Th´ eor` eme (Weierstrass). Pour toute fonction continue f sur R
d, `a support contenu dans un compact K de R
d, il existe une suite de fonctions polynomiales qui tend vers f uniform´ement sur K.
Si la fonction f est r´eelle, on peut prendre des polynˆomes `a coefficients r´eels ; si f est complexe, on doit ´evidemment prendre des coefficients complexes. On peut ensuite s’affranchir de l’hypoth`ese que f soit d´efinie sur R
d, `a support compact, et traiter les fonctions d´efinies et continues sur un compact K de R
d; ce pas suppl´ementaire est inutile pour notre objectif, qui est le th´eor`eme de Stone-Weierstrass.
1
Weierstrass complexe
Sur C
d, on pourra consid´erer les d coordonn´ees complexes z
j= x
j+iy
j, j = 1, . . . , d.
D’apr`es ce qui pr´ec`ede on peut approcher toute fonction complexe continue par des fonctions polynomiales `a coefficients complexes des variables x
j, y
j; de plus, comme x
j=
12(z
j+ z
j) et y
j=
2i1(z
j− z
j), on peut remplacer les polynˆomes `a coefficients complexes en x
j, y
jpar des fonctions polynomiales `a coefficients complexes en z
j, z
j, j = 1, . . . , d, de la forme
∀z = (z
1, . . . , z
d) ∈ C
d, g(z) = X
j,k,p,q
c
j,k,p,qz
pjz
kqo` u la somme est finie et utilise des quadruplets (j, k, p, q) tels que 1 ≤ j, k ≤ d et p, q ≥ 0.
Le th´eor`eme de Stone-Weierstrass
On peut trouver une d´emonstration standard de Stone-Weierstrass dans tous les bons ouvrages (par exemple Hirsch-Lacombe). La d´emonstration suivante est un peu moins habituelle : elle consiste `a utiliser des id´ees tr`es habituelles (du type partition de l’unit´e) pour ramener le th´eor`eme de Stone-Weierstrass au th´eor`eme classique de Weierstrass.
Lemme. Soient Λ un ensemble fini dans C et (Y
λ)
λ∈Λune famille de compacts de R
Ntelle que Y
λ∩ Y
µ= ∅ lorsque |λ − µ| ≥ δ ; il existe une fonction complexe continue g sur R
N, `a support compact et telle que |g − λ| ≤ 2δ sur Y
λ, pour tout λ ∈ Λ.
D´emonstration. Pour tout couple (λ, µ) ∈ Λ
2tel que |λ − µ| ≥ δ on a par compacit´e, d’apr`es l’hypoth`ese du lemme,
dist(Y
λ, Y
µ) = min {d(y
λ, y
µ) : y
λ∈ Y
λ, y
µ∈ Y
µ} > 0.
Posons
α = min {dist(Y
λ, Y
µ) : λ, µ ∈ Λ, |λ − µ| ≥ δ} > 0.
Pour chaque λ ∈ Λ et tout y ∈ R
Nposons χ
λ(y) = ¡
α − d(y, Y
λ) ¢
+. Cette fonction χ
λest continue ≥ 0 sur R
N, `a support compact, ´egale `a α > 0 sur Y
λ. Par ailleurs, si χ
λ(y) 6= 0, on a d(y, Y
λ) < α, ce qui implique que y ne peut appartenir qu’`a des Y
µpour lesquels |λ − µ| < δ. Autrement dit,
(∗) ∀y ∈ Y
µ, |µ − λ| χ
λ(y) ≤ δ χ
λ(y).
Posons enfin pour un ε tel que 0 < ε < δ α ¡
max
λ∈Λ|λ| ¢
−1∀y ∈ R
N, g(y) = P
λ∈Λ
λ χ
λ(y) ε + P
λ∈Λ
χ
λ(y) .
Cette fonction g est continue sur R
N, `a valeurs complexes et `a support compact. Si y ∈ Y
µ, on ´ecrit
g(y) − µ = −εµ + P
λ∈Λ
(λ − µ) χ
λ(y) ε + P
λ∈Λ
χ
λ(y) . En tenant compte de la remarque (∗) et de χ
µ(y) = α, on obtient
|g(y) − µ| ≤ δ P
λ∈Λ
χ
λ(y) ε + P
λ∈Λ
χ
λ(y) + εµ α ≤ 2δ.
2
Th´ eor` eme (Stone-Weierstrass, cas complexe). On suppose que X est un espace topo- logique compact et A une famille de fonctions continues sur X qui s´epare les points de X. Pour toute fonction f complexe continue sur X et tout δ > 0, il existe un entier N, des fonctions ϕ
1, . . . , ϕ
N∈ A et une fonction P sur C
N, polynomiale des variables z
j, z
j, j = 1, . . . , N tels que
∀x ∈ X, |f(x) − P(ϕ
1(x), . . . , ϕ
N(x))| < δ.
D´emonstration. Soit f une fonction complexe continue sur X ; on consid`ere le compact K = {(x
1, x
2) ∈ X × X : |f(x
1) − f(x
2)| ≥ δ/2}.
Pour chaque (x
1, x
2) ∈ K, on a x
16= x
2, donc il existe une fonction ψ ∈ A telle que ψ(x
1) 6= ψ(x
2) ; on trouve alors un ouvert U
x1,x2dans K contenant (x
1, x
2) et tel que ψ(u
1) − ψ(u
2) 6= 0 pour tout (u
1, u
2) ∈ U
x1,x2. Par Borel-Lebesgue, on peut s´electionner une famille finie ϕ
1, . . . , ϕ
Ndans A telle que si on pose ϕ(x) = (ϕ
1(x), . . . , ϕ
N(x)) ∈ C
N, on ait que |f (x
1) − f (x
2)| ≥ δ/2 implique ϕ(x
1) 6= ϕ(x
2), pour tous x
1, x
2∈ X.
Soit Λ ⊂ C un ensemble fini tel que S
λ∈Λ