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Le droit marocain dans la tourmente du nouvel ordre migratoire international

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Academic year: 2022

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Revue de droit comparé du travail et de la sécurité sociale 

3 | 2019

Les migrations internationales de travail

Le droit marocain dans la tourmente du nouvel ordre migratoire international

Rachid Filali Meknassi

Édition électronique

URL : https://journals.openedition.org/rdctss/1465 DOI : 10.4000/rdctss.1465

ISSN : 2262-9815 Éditeur

Centre de droit comparé du travail et de la sécurité sociale Édition imprimée

Date de publication : 1 novembre 2019 Pagination : 40-71

ISSN : 2117-4350 Référence électronique

Rachid Filali Meknassi, « Le droit marocain dans la tourmente du nouvel ordre migratoire

international », Revue de droit comparé du travail et de la sécurité sociale [En ligne], 3 | 2019, mis en ligne le 01 novembre 2021, consulté le 12 novembre 2021. URL : http://journals.openedition.org/rdctss/

1465 ; DOI : https://doi.org/10.4000/rdctss.1465

Revue de droit comparé du travail et de la sécurité sociale est mise à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International.

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Rachid Filali Me nassi

Le droit marocain dans la tourmente du nouvel ordre migratoire international

ABSTRACT

If Morocco has long remained a country of emigration, marked by a small presence of permanent foreign residents, it seems that a new immigration and asylum politics is now in working order. The ratification of the United Nations Convention on the protection of the rights of migrant workers in 1 3, the adoption of the Law 02-03 on the entry and residence of foreigners in Morocco in 2003 and the accession to the Pact of Marrakech on migration in 201 , have gradually transformed the Moroccan migration politics. Now committed to the recognition of equal rights for migrant workers and the affirmation of their fundamental rights, the country offers protective measures to immigrants, while respecting the security objectives of the European Union.

KEY WORDS : Collective Migration, Individual Migration, Migrant Law, Common Politics.

RÉSUMÉ

Le Maroc est longtemps demeuré un pays d’émigration, La conclusion des conventions bilatérales de main-d’ uvre puis de sécurité sociale, comme la ratification en 1 3 de la Convention des Nations Unies sur la protection des travailleurs migrants et des membres de leur famille, ont ainsi exprimé la finalité principale de promouvoir le travail des Marocains à l’étranger et la défense de leurs droits.

Mais l’arr t de l’immigration par les pays européens depuis les années 70 et l’intégration d’une grande partie de la communauté marocaine de l’étranger dans les pays d’accueil ont considérablement réduit l’effectivité de ces normes conventionnelles. En revanche la mise en place d’une politique commune européenne dotée d’un volet sécuritaire qui associe les pays de voisinage à sa mise en uvre a eu pour effet à la fois d’amplifier les flux migratoires sur le territoire marocain et d’imposer une nouvelle politique pour leur traitement dans le respect des droits fondamentaux des migrants et des objectifs de sécurisation des frontières convenus avec les partenaires européennes. L’adoption en 2003 de la loi relative à l’entrée des étrangers au Maroc et à la lutte contre la migration irrégulière a exprimé surtout l’adhésion à la démarche sécuritaire. L’annonce en 2013 de la nouvelle politique d’immigration et d’asile prend acte de ses limites et engage le pays dans la continuité de de la coopération avec l’Union européenne à déployer une nouvelle stratégie ouverte aussi sur les pays d’origine des migrants, dont les traits fondamentaux correspondent aux engagements du Pacte de Marrakech sur les migrations de 201 .

MOTS CLÉS : Migration collective, migration individuelle, droit des migrants, politique commune.

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Le droit migratoire marocain dans la tourmente

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endant longtemps, la mobilité des Marocains pour le travail a été très de faible envergure et plutôt temporaire. Sous le Protectorat, une grande partie des populations rurales de l’est du pays faisait régulièrement le voyage vers les fermes d’Algérie, tandis qu’une migration ouvrière, provenant essentiellement du sud, apportait l’appoint nécessaire à un marché de l’emploi fluctuant en métropole. C’est principalement dans les conventions de main-d’ uvre conclues au lendemain de l’indépendance de l’Algérie, que la France et d’autres pays européens ont mis en place une politique d’immigration plus stable. Les accords bilatéraux conclus dans les années 0 et ceux de sécurité sociale qui les ont suivis ont aménagé des conditions favorables à la sélection des migrants, leur transfert et installation, en leur assurant l’égalité des droits au travail et à la protection sociale avec les nationaux. Les contingents de la migration collective vers la France, l’Allemagne, la Belgique et les Pays-Bas ont atteint 300 000 personnes en 1 74 gr ce à ces mesures d’encouragement et à l’ouverture au Maroc de services de recrutement relevant des chancelleries de ces Etats.

Le retour de situation à la suite du premier choc pétrolier a mis fin à la migration collective. Mais la migration individuelle s’est poursuivie sous diverses modalités. Les restrictions apportées à la mobilité des étrangers et leur extension à la suite des Accords de Schengen, n’y ont pas mis fin. Elles auraient m me eu un effet inverse en décidant ceux qui caressaient encore le projet de retour en fin de carrière à exercer pleinement leurs droits de citoyenneté, et à procéder au regroupement familial pour assurer aux membres de leur famille l’accès au territoire et la pleine jouissance des droits sociaux1. L’immigration irrégulière a elle-m me donné lieu à de fréquentes régularisations en faveur des travailleurs intégrés dans l’activité professionnelle.

Cette évolution a eu pour effet de geler l’application des mesures de sélection et de transfert des émigrés. Les autres dispositions des conventions sont elles-m mes devenues désuètes en raison de l’accès des migrants à l’égalité de traitement et aux droits de citoyenneté. Le droit marocain de l’émigration est longtemps resté conventionnel. Sa dimension institutionnelle s’est consolidée en 1 0 par la création d’un Département et d’une Fondation spécialisés dans les affaires des Marocains Résidants à l’Etranger (MRE).

Selon certaines estimations, leur nombre s’élève aujourd’hui à 5 millions2, dont 45 de binationaux, confortant ainsi le sentiment que le Maroc demeure un pays d’émigration (I).

1 R. Filali Meknassi, O. Sidibé, A. Supiot, Entretien sur la politique française d’immigration, Revue Travail et Emploi : https: www.college-de-france.fr media alainsupiot UPL27 5 3730 03115 2007 Sidibe Filali AS Entretien sur la politique franc aise d immigration.pdf

2 https: www.iom.int fr countries morocco

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Ce sentiment se matérialise par la faible présence de résidents étrangers permanents sur son territoire. Sous le régime du Protectorat qui n’a duré qu’une quarantaine d’années, le peuplement européen essentiellement urbain, n’a guère dépassé les 0 000 personnes. Outre les nombreux départs d’étrangers au lendemain de l’indépendance, la marocanisation de l’économie en 1 75 a réduit davantage ses effectifs. Malgré l’ouverture économique du pays dans les années 0, on compte aujourd’hui à peine 22 000 travailleurs étrangers immatriculés à la Caisse nationale de sécurité sociale. Le droit régissant leurs conditions d’emploi et de protection sociale demeure principalement constitué de dispositions du Code du travail qui ont repris les mesures instituées dans les années 30 et 40 relatives à l’autorisation préalable pour l’emploi des étrangers.

Deux faits majeurs sont venus toutefois perturber cette apparente stagnation du droit marocain des migrations, au moins au plan formel. D’une part, la ratification par le Maroc de la Convention des Nations Unies sur la protection des droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille qui réaffirme leurs droits fondamentaux et, d’autre part, l’adoption de la loi 02-03 relative à l’entrée et au séjour des étrangers au Royaume du Maroc à l’émigration et à l’immigration irrégulières3.

Dans le contexte des restrictions européennes aux droits des migrants, le Maroc a figuré parmi les pays du sud qui ont uvré dans l’enceinte des Nations pour la reconnaissance de l’égalité de droit en faveur des travailleurs migrants et l’affirmation de leurs droits fondamentaux, m me lorsqu’ils se trouvent - en raison des nouvelles lois - en situation irrégulière. Il fut le deuxième Etat à ratifier la Convention des Nations Unies et l’un des premiers à présenter un rapport initial d’application après son entrée en vigueur en 2013.

D’inspiration très différente, la loi 02-03 reproduit quasiment à l’identique les mesures de contrôle de la mobilité transfrontalière adoptées par de nombreux pays européens depuis la dévolution à l’Union Européenne de compétences en matière de migration. Elle confère aux autorités le contrôle relevant de la Direction générale de la s reté nationale des attributions étendues, relatives à l’admission, au séjour et au travail des étrangers au Maroc. De leur exercice discrétionnaire découle la qualification de leur présence au Maroc - régulière ou non – et le recours aux mesures sécuritaires qu’elle autorise : rétention, reconduite à la frontière, expulsion, poursuite pénale, etc. Dans le silence de la loi, les droits des immigrés tendent à se définir à travers l’exercice de ce pouvoir, quand bien m me la Convention des Nations Unies en indique l’étendue (II).

Cette situation paradoxale trouve naturellement son explication dans l’adhésion du Maroc à la stratégie européenne de fortification des frontières extérieures, avec l’appui des pays voisins. Alors que l’Europe vise par un tel régime répressif à éloigner les candidats à la migration de son sol, sa mise en uvre par le Maroc a pour effet pervers de maintenir sur son territoire tous les candidats à la migration vers l’Europe. Autant les mesures de contrôle à l’entrée permettent à la police de refouler tous ceux qui lui ne la rassurent pas suffisamment sur l’objet réel de leur arrivée, autant elles s’avèrent inefficaces à l’égard de ceux qui se maintiennent au pays ou y pénètrent clandestinement au péril de leur vie, avec le dessein de traverser co te que co te la Méditerranée. A l’égard de ces dizaines de milliers de clandestins, embusqués aux environs des présides espagnoles de Ceuta et Melilla, guettant le départ de pateras ou cherchant à s’infiltrer dans des véhicules, les 3 Promulguée par le Dahir du 11 novembre 2003, Bulletin Officiel, n 51 2 du 20 novembre 2003.

Voir également son principal texte d’application, le Décret du 1er avril 2010, Bulletin Officiel, mai 2010, p. 132 .

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autorités de contrôle ne peuvent recourir qu’à la répression. Les déplacements collectifs vers les frontières de l’est et du sud, avec leur lot de violations des droits fondamentaux des personnes, se superposent aux images de naufrages répétés et de fortification des frontières, altérant le regard extérieur porté sur le Maroc et achevant de convaincre des limites d’une politique migratoire essentiellement sécuritaire.

Une nouvelle politique d’immigration et d’asile est en ordre de marche. Elle vise à concilier d’une part la poursuite des engagements sécuritaires pris à l’égard de l’Europe dans le cadre de la politique globale de mobilité et de voisinage, et d’autre part la nécessaire gestion humanitaire de la transhumance migratoire. Son succès politique s’explique davantage par son adéquation avec le consensus atone du Pacte mondial de Marrakech sur les migrations, plutôt que par son impact sur la condition des migrants et des demandeurs d’asile en situation irrégulière. Si sa mise en uvre dépend largement de la coopération des pays de destination et d’origine, sa durabilité ne peut toutefois s’envisager qu’au travers d’un parfait équilibre entre le droit des Etats à limiter l’accès des étrangers à leur territoire, et le droit au respect de la vie et de la dignité humaines (III).

I - LA CONDITION JURIDIQUE DES MIGRANTS MAROCAINS

Les conventions bilatérales de main-d’ uvre constituent la principale source du droit marocain de l’émigration (A). Leur contenu est devenu obsolète s’agissant des mesures régissant l’émigration collective, sauf en ce qui concerne les travailleurs saisonniers (B). Ces conventions ont été suivies d’accords sur la sécurité sociale, permettant notamment la portabilité des droits (C). Des conventions plus récentes s’appliquent à une émigration individuelle sélective (D).

A - Les conventions bilatérales de main-d’ uvre

L’Allemagne fédérale a été le premier pays à conclure une convention de main-d’ uvre avec le Maroc4. L’accord signé avec la France5 quelques mois plus tard a laissé la voie ouverte à la poursuite des flux migratoires telle que confiée à l’Office national d’immigration depuis 1 45. Son contenu a inspiré les accords qui furent conclus par la suite avec la Belgique en 1 4 et les Pays-Bas en 1 . Les conventions ultérieures avec l’Espagne (2001) et l’Italie (2005) reproduisent des mesures similaires, sans faire état de la sélection et de l’envoi de travailleurs.

4 La RFA avait auparavant conclu des accords de main-d’ uvre industrielle avec l’Italie (1 55), l’Espagne (1 0) et la Turquie (1 1) selon un modèle de rotation emp chant l’installation durable.

Ce n’est qu’en 1 70 que les étrangers ont été autorisés à tre rejoints par les épouses et les enfants, d’o la faible présence de la communauté marocaine en Allemagne. La Convention avec le Maroc a été conclue le 21 mai 1 3.

5 Convention de main-d’ uvre entre la France et le Maroc du 1er juin 1 3, entrée en vigueur en France par le Décret n 3 77 du 27 juillet 1 3 portant publication de la Convention de main- d’ uvre entre la France et le Maroc du 1er juin 1 3.

La Convention conclue avec la Belgique n’a été publiée que le 17 juin 1 77, en m me temps que d’autres conventions bilatérales, sans doute pour éviter la revendication de l’alignement de son contenu avec les accords plus favorables conclus avec d’autres pays, notamment la Turquie.

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Renouvelables par tacite reconduction, ces accords engagent les parties à simplifier les formalités administratives pour le départ du Maroc, l’entrée dans le pays d’accueil, la délivrance des titres de séjour et de travail, et la réduction des frais y afférents. Ils permettent de recourir aussi bien au recrutement nominatif qu’anonyme. Dans tous les cas, l’exercice de l’activité professionnelle demeure suspendu à la conclusion d’un contrat de travail visé par l’autorité chargée des questions de travail au sein du pays d’emploi. Ils prescrivent, parfois en annexe, les modalités de mise en uvre relatives à la sélection des candidats, la prise en charge des frais de voyage et la formation.

Le principe de base consiste en une égalité de traitement entre les travailleurs migrants et les travailleurs nationaux du pays d’emploi en ce qui concerne les conditions de travail, de rémunération, et de logement. Le droit aux allocations de chômage et au transfert des revenus est garanti. Il est également prévu qu’en cas de non engagement ou de rupture du contrat de travail, des mesures soient prises par les services administratifs compétents pour l’insertion du travailleur dans des conditions similaires. Le regroupement familial est autorisé. La Convention conclue avec la France l’énonce en ces termes : les familles des travailleurs marocains peuvent rejoindre ces derniers et toutes facilités seront accordées à cet effet par le Gouvernement français dans le cadre de la législation et de la réglementation actuellement en vigueur 7. Des recommandations sont adressées aux employeurs pour permettre aux travailleurs migrants de jouir des jours fériés et chômés au Maroc. Par ailleurs, une commission mixte est instituée, afin de suivre l’exécution de la Convention, de proposer le cas échéant sa révision et d’aplanir toute difficulté d’application.

B - Le droit applicable aux migrations temporaires

La migration saisonnière agricole des Marocains n’est pas nouvelle. Très développée sous le Protectorat entre l’est du pays et les exploitations agricoles d’Algérie, elle a aussi connu un certain essor vers la France méridionale gr ce aux contrats dits OMI, dénomination qui subsiste malgré les transformations de cet établissement public . L’élargissement de l’Union Européenne a occulté sa visibilité dans la mesure o les travailleurs espagnols, portugais et yougoslaves qui alimentaient les statistiques migratoires ont cessé d’ tre 7 Voir art. 11 de la Convention franco-marocaine. La Convention signée avec la Belgique l’année suivante a été suivie de l’adoption, en 1 5, d’une réglementation qui prévoit que la moitié des frais de voyage de l’épouse et des enfants qui l’accompagnent seront remboursés si la famille compte au moins trois enfants mineurs. L’encouragement en faveur du regroupement familial a fait l’objet d’une brochure du ministère de l’emploi et du travail intitulée : Vivre et travailler en Belgique . Pour attirer les mineurs, son annexe prévoit aussi de mettre à la disposition des travailleurs un

logement convenable et une nourriture conforme ( ) à leurs habitudes alimentaires .

L’Office des Migrations Internationales (OMI) est l’appellation donnée en 1 à l’Office national d’immigration (ONI). Celui-ci a reçu en 1 45 le monopole du recrutement, de l’acheminement et du placement des travailleurs étrangers en France. Financé par les redevances forfaitaires versées par les employeurs lors de la signature de chaque contrat de travail, il a été rebaptisé en 2005 Agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations (ANAEM), puis Office français de l’immigration et de l’intégration (OFI) en 200 . Désormais sous tutelle du Ministère de la migration et non plus du travail, il a perdu son monopole sur le recrutement des migrants. Voir A. Morice, Quelques repères sur les contrats OMI et ANAEM , in Travailleurs saisonniers dans l’agriculture européenne, Etudes Rurales, n 1 2, 200 Décret n 200 -331 du 25 mars 200 : http: www.ofii.

fr qui-sommes-nous

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considérés étrangers. Au final, 10 000 à 15 000 saisonniers maghrébins font le voyage pour assurer les récoltes dans les serres et les vergers du sud de la France.

Pour le Maroc, comme pour la Tunisie, la durée du séjour ne doit pas tre inférieure à 4  mois ni supérieure à mois, sauf dérogation autorisant soit un temps plus court si l’employeur s’engage à prendre en charge le retour du travailleur, soit 2 mois supplémentaires .

Les contrats de l’Agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations (ANAEM ci-après) donnent lieu à la délivrance d’une carte de séjour temporaire (CST) pour une durée maximale de trois ans renouvelable. Le droit au séjour en France est limité à la période fixée et ne saurait excéder six mois par an, le travailleur s’engageant à maintenir sa résidence hors de France10. A son retour, il est tenu de se présenter à la délégation de l’OFI à Casablanca. Depuis cette année, celle-ci a cessé de prendre en charge les co ts du voyage. L’accord hispano-marocain s’en inspire tout en profitant des mesures de soutien instituées par l’Union Européenne. Il n’a été rendu public que années après sa conclusion11. Toutefois, l’article 1 2 prévoit son application provisoire 30 jours à compter de la date de signature12. En conséquence, il a pu dès 2004 servir de support à la conception et à la mise en uvre du Schéma de migration saisonnière instauré avec la municipalité de Huelva. Comparativement aux conventions de main-d’ uvre conclues antérieurement, la nouveauté de cet accord réside dans l’inclusion d’un titre réservé à la migration saisonnière, sans pour autant aborder réellement ses spécificités. C’est essentiellement par des arrangements entre les administrations concernées que les conditions de sa mise en

uvre se déterminent.

La Convention use de la nouvelle terminologie afférente à la régulation de façon ordonnée et coordonnée des flux de la main-d’ uvre entre les deux pays . Son champ d’application concerne les seuls citoyens marocains autorisés à exercer pour le compte d’autrui une activité rémunérée sur le territoire espagnol . L’Ambassade d’Espagne à Rabat est chargée de communiquer aux autorités marocaines les besoins en main-d’ uvre tels qu’ils lui parviennent des employeurs espagnols ou de leurs représentants. Par le m me canal, les autorités marocaines lui adressent, en retour, les informations sur les possibilités de les satisfaire.

A. Morice et B. Michalon, Les migrants dans l’agriculture : vers une crise de main-d’ uvre , Etudes Rurales, n 1 2, 200 , p. .

10 En 201 , le Maroc occupait la 2e place après l’Albanie avec 15 du total des migrants saisonniers arrivés dans les territoires de l’UE.

11 La signature de cet Accord a suivi l’adoption d’une loi sur la migration en 2000 qui a permis de procéder à une large régularisation. Mais suite à un changement de majorité, une politique de restrictions à la migration a été mise en place, donnant la préférence à la conclusion d’accords de main-d’ uvre avec le Maroc (2001). Voir : https: www.fidh.org IMG pdf rapport fraises fr.pdf 12 Publié en vertu du Dahir du 17 avril 2007 B.O. n 5532 du 7 juin 2007, l’accord a été conclu le

25 juillet 2001 par le Premier ministre marocain et le Chef du gouvernement espagnol. Son article 2 désigne comme autorité compétente du côté marocain le Ministère du travail, et du côté espagnol les Ministères des affaires étrangères, de l’intérieur et du travail dans le cadre de leur compétence respective en matière d’immigration.

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Les offres peuvent tre nominatives ou anonymes. La fidélisation des recrues par les employeurs espagnols s’effectue par le renouvellement de leur engagement et l’octroi de permis de séjour et de travail, sans passer par la procédure collective13.

Une Commission paritaire de sélection est prévue. Elle doit sélectionner les travailleurs dont le profil professionnel répond aux offres d’emploi existantes, organiser les cours de formation préalable nécessaires, conseiller et assister les travailleurs tout au long du processus de recrutement. Pourraient également faire partie de cette Commission l’employeur ou son représentant .

Les travailleurs retenus après examen médical signent le contrat de travail et reçoivent leurs billets de voyage-aller, le retour restant à leur charge. Le visa de séjour ou de résidence leur est délivré par les services consulaires dans les plus brefs délais et le cachet qui en atteste sur le passeport indique la finalité et la durée du séjour autorisé. Il tient lieu de permis de travail, chaque fois que cette durée est inférieure à mois.

Les autorités marocaines facilitent les opérations de sélection, de formation et de départ. Outre une copie de leur contrat, les personnes retenues reçoivent un document écrit indiquant les informations relatives à leur séjour, emploi, logement et rémunération.

Les autorités espagnoles fournissent quant à elles les permis correspondant à leur travail et séjour.

L’Accord prévoit l’égal exercice des droits au travail conférés par la législation espagnole et les conventions collectives. Le transfert des revenus s’effectue dans le respect de la législation de change. La convention bilatérale sur la sécurité sociale est appliquée.

Les modalités conjointes d’application de l’Accord relèvent du côté marocain du Ministère du travail par le biais de la direction de l’emploi, et du côté espagnol du Ministère de l’intérieur par le biais de la délégation du Gouvernement pour les étrangers et l’immigration. L’Accord fait référence à des engagements déjà souscrits par les deux pays pour renforcer leur coopération dans le domaine du contrôle de la législation du travail, notamment afin d’éviter l’exploitation des Marocains en situation irrégulière 14.

Un comité mixte de coordination est constitué pour suivre l’exécution de l’Accord, proposer son amélioration, diffuser l’information, résoudre les difficultés d’application, etc.

La définition du travailleur saisonnier exclut l’application de l’Accord aux Marocains régulièrement installés en Espagne. Elle confère une flexibilité extr me à la durée du séjour convenu et au temps du travail effectif correspondant, tout en insérant les opérations y afférentes au dispositif commun applicable à la migration de la main-d’ uvre marocaine, en ce qui concerne la sélection, le déplacement et l’accueil en Espagne. L’art 14 déclare toutefois que les conditions de séjour et de retour des travailleurs saisonniers feront l’objet

13 Les travailleuses ainsi fidélisées sont qualifiées de répétitrices (repeticiones) en Espagne.

L’article 13 déclare que les demandes d’autorisation de séjour et de travail annuelles et renouvelables, formulées par les travailleurs marocains ayant exercé en Espagne pendant 4 ans consécutifs ou non, à titre de saisonniers, seront examinées par la partie espagnole, avec une bienveillance particulière .

14 Le rapport de la FIDH précité fait état d’un accord administratif relatif aux travailleurs saisonniers marocains en Espagne signé à Madrid le 30 septembre 1 pour une durée de 3 ans renouvelable par tacite reconduction (p. 21, note 2 ).

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d’un engagement écrit des intéressés vis-à-vis des autorités espagnoles, conformément aux lois et règlements en vigueur dans le pays d’accueil 15.

La province de Huelva, qui assure 0 des exportations de fraises, est le principal artisan de cette expérience1 qui a bénéficié du soutien décisif de l’UE17. Ce dispositif cible en particulier les travailleuses agricoles gées de 25 ans à 45 ans, mères de 2 enfants au moins1, moins disposées à changer d’employeur ou à s’installer définitivement dans le pays. Le nombre de Marocaines parmi les migrantes saisonnières à Huelva est ainsi passé de 200 en 2001, à 14 000 en 200 . Après avoir chuté au cours de la crise économique, il a rebondit au cours des deux dernières années, pour atteindre 1 000 en 201 .

Le modèle de contrat usuel est exclusivement rédigé en espagnol. C’est un contrat type que la travailleuse signe avant d’ tre engagée1. Conclu en principe pour une durée de 3 mois en ce qui concerne la Province de Huelva, le séjour peut toutefois tre écourté en cas de surplus de main-d’ uvre ou, au contraire, rallongé jusqu’à mois comme l’autorise la législation du travail. La durée hebdomadaire de travail est limitée à 3 heures, conformément à la législation en vigueur. Ce plafond reste cependant indicatif.

Le contrema tre désigne d’autorité les t ches et leur durée. Son pouvoir discrétionnaire détermine ainsi les revenus du travail et l’identification des repeticiones qui seront nommées dans l’établissement des besoins de la saison suivante20.

15 L’engagement que les migrantes signent pour le travail à Huelva leur impose de se présenter personnellement au Consulat d’Espagne dans le mois qui suit leur retour.

1 Voir D. Zeneidi, Femmes fraises Import export ch1, Global food et migration utilitaire dans la province de Huelva , PUF, 2013, p. voir également https : www.cairn.info femmes-fraises--

7 2130 245 5-page-27.htm

17 La ville a obtenu en 2004 un financement européen de 1 1 000 euros dans le cadre du programme Aeneas (Programme of assistance to third countries directed related to migration management) pour mettre en place un outil d’encadrement des ouvrières marocaines. Ce programme a été prolongé jusqu’en 2013 par un nouveau financement attribué par l’Union Européenne.

Voir : https: halshs.archives-ouvertes.fr halshs-015253 3 (p. 4, note ).

1 Selon le rapport précité de la FIDH (p. 2 ), l’année 2002 a connu un taux de fuite des femmes saisonnières qui dépassait les 0 sur un total de 500. Il est resté élevé jusqu’à la mise en place de procédures de recrutement par les gouvernements espagnol et marocain et seront affinées dans le cadre du projet AENEAS Cartaya. Le directeur de l’ANAPEC assure que le taux de retour s’établit depuis 2005 à au moins 5 .

1 Un accord national a été signé en 200 entre les autorités centrales, les syndicats et les organisations patronales agricoles portant sur l’organisation des flux migratoires dans les campagnes agricoles saisonnières. Sa mise en uvre est confiée à une Commission au niveau étatique, ainsi qu’à des commissions provinciales en charge de l’analyse, de la planification des besoins en main-d’ uvre, de l’établissement du nombre de travailleurs nécessaires, de la localisation de la main-d’ uvre, de l’organisation de la venue des travailleurs et de leur intégration.

20 L’examen du contrat annexé au rapport de la FIDH confirme qu’il prévoit 3 mois au minimum de travail et une période étalée de janvier à juin (art 3). L’art 4 prescrit une durée de travail hebdomadaire de 3 heures de lundi à dimanche, ce qui semble exclure le repos hebdomadaire (art 5). L’art 7 renvoie à la convention collective en ce qui concerne les journées de chômage technique. Or cette dernière prévoit l’indemnisation des seuls travailleurs ayant travaillé pendant 270 jours, ce qui exclut les saisonniers. En revanche, le modèle de contrat examiné auprès des travailleuses fait état de 3 mois fermes. Il semble que c’est à ces caporaux qu’ont été imputées les allégations de harcèlement sexuel.

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Le salaire varie entre 34 et 37 euros par jour. L’employeur assure le logement ainsi que les frais de transport de la ville de Tanger vers le lieu de travail. Les ouvrières supportent les co ts de visa espagnol, les frais du passeport, et les dépenses de trajet de leur domicile au point d’embarquement à Tanger.

Au Maroc, c’est l’agence nationale ANAPEC qui a été désignée pour gérer ces opérations, avant m me sa création. Le montage institutionnel a également bénéficié de l’appui technique et financier du programme européen AENEAS dans le cadre de l’Accord de MEDA II. Il prévoit la création au sein de la future ANAPEC d’une Division Internationale (DI) et de 4 agences régionales. L’expérience figure aujourd’hui sur le site du partenariat entre l’UE et l’Union Africaine comme relevant d’une bonne pratique 21.

La Convention signée en 2010 entre la FUTEH22 et l’ANAPEC prévoit la garantie par les employeurs contractants de :

- 1 jours de travail effectif au minimum par mois - la déclaration à la sécurité sociale

- la non rétention des passeports pendant le séjour

- la prise charge du co t total du voyage de retour par l’entreprise en cas de licenciement du travailleur dans les 15 premiers jours.

La partie espagnole se charge de l’accueil, du transfert et des retours. Le suivi est assuré par des médiateurs relevant de la mairie de Cartaya. Les inspecteurs de travail et les syndicats supervisent le respect des conditions légales du côté espagnol. L’ANAPEC est admise sur les lieux23.

Malgré la pénibilité du travail et les aléas de cette migration, elle est fortement sollicitée.

Les conditions de travail et de rémunération qu’elle garantit sont nettement meilleures et plus s res que celles qui prévalent au Maroc dans la m me activité, notamment dans les exploitations espagnoles.

21 Voir  : https: www.africa-eu-partnership.org fr success-stories appui-institutionnel-la-circulation- de-personnes-aux-fins-de-travail-entre-lue-et-le. Le projet a aussi été cofinancé par le Maroc et a bénéficié de l’assistance technique d’un consortium composé d’établissements publics français (Pôle Emploi, Office Français de l’Immigration et de l’Intégration), espagnols (FIIAPP - Fondation Internationale pour l’Amérique Latine d’Administration et Politiques Publiques) et belges (FOREM - Office Wallon de la Formation Professionnelle et de l’Emploi et ACTIRIS -Office Régional Bruxellois de l’Emploi).

22 Fondation pour les travailleurs étrangers à Huelva, créée par le patronat à Cartaya.  

23 Un communiqué commun rapporte la signature par le Ministre du travail et de l’insertion professionnelle, et le Ministre délégué chargé des Marocains résidant à l’étranger et des affaires de la migration, d’une Convention pour améliorer la procédure d’emploi des travailleuses saisonnières dans les exploitations agricoles espagnoles, leur garantir des conditions de travail décent et établir un mécanisme de suivi tout au long de la saison agricole . Elle prévoit également la mise en place d’une commission mixte pour effectuer des visites dans les exploitations agricoles, afin de suivre les conditions de travail des travailleuses saisonnières, en coordination avec les autorités espagnoles compétentes.

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Le droit migratoire marocain dans la tourmente

C - Les conventions bilatérales de sécurité sociale

L’égalité de traitement entre les migrants et les ressortissants du pays d’accueil en matière de sécurité sociale a comme corolaire la conservation des droits à la sécurité sociale. Sur les 1 conventions conclues par le Maroc à cet effet, 15 sont en vigueur. La portabilité des droits qu’elles devraient garantir éprouve néanmoins de nombreuses difficultés de mise en uvre.

Les accords bilatéraux de sécurité sociale ont pour objet commun de : - supprimer les dispositions discriminatoires fondées sur la nationalité

- adapter les restrictions affectant le champ d’application territoriale de la législation - soutenir l’élaboration de carrières d’assurance pour les migrants

- instaurer une coopération entre les institutions et les organismes nationaux de sécurité sociale.

Les conventions reposent généralement sur le principe de la territorialité de la sécurité sociale. Il est courant toutefois d’écarter le principe d’application de plein droit de la règle d’égalité pour certaines catégories de travailleurs, à l’instar des salariés détachés et des travailleurs au sein d’entreprises de transport.

Lorsque le travailleur et les membres de sa famille résident dans le pays d’emploi, leur couverture est garantie, mais des différences apparaissent d’une part, lorsque le travailleur ou les ayants droits se trouvent provisoirement hors du pays d’emploi, d’autre part lorsque la famille du travailleur est restée dans le pays d’origine.

Ainsi la Convention avec la Suède retient à ce sujet la règle d’égalité de traitement (art. 3) et celle de cumul des périodes d’assurance dans les deux pays (art. 10), sans décider expressément de la solution à appliquer eu égard aux délais minimums à respecter pour prétendre à indemnisation. En revanche, l’article 5 de la Convention avec l’Allemagne écarte toute règle pouvant suspendre le bénéfice des prestations en nature ou en espèces à une condition de stage. De leur côté, les Conventions passées avec la France et l’Espagne disposent simplement que seules les règles du pays de résidence reçoivent application. Elles prévoient explicitement la couverture des membres de la famille restés au pays d’origine, alors que les Conventions avec le Danemark et la Suède n’abordent pas la question. Pour sa part, la Convention avec l’Allemagne renvoie à l’adoption d’un texte d’application qui tiendrait compte de l’état du droit dans les deux pays.

La question du séjour à l’étranger de l’assuré et de ses ayants-droits conna t aussi des différences dans le traitement formel. Dans la Convention avec la France, seul le congé annuel dans le pays est mentionné. En revanche, la Convention avec l’Espagne ajoute à celui-ci les absences autorisées. D’autres conventions enfin mentionnent la résidence temporaire (Belgique, Allemagne, Portugal et Pays-Bas) ou plus généreusement le séjour à l’étranger (Danemark).

En ce qui concerne le transfert de résidence durant le congé de maladie, certaines conventions disposent que pour avoir droit à l indemnisation, il est nécessaire qu’il ait été préalablement autorisé ou qu’il donne lieu à régularisation. En cas de retour définitif au pays, les nouvelles conventions passées avec la France et l’Espagne prescrivent explicitement le maintien des prestations, alors que d’autres conventions n’abordent pas l’hypothèse.

S’agissant de la réparation des accidents de travail et des maladies professionnelles, le maintien de la couverture en cas de changement de résidence est prévu par toutes les

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conventions. Les accords passés avec le Portugal, la Belgique et le Danemark, spécifient néanmoins qu’il doit s’agir de séjour au pays d’origine. Le versement des allocations familiales est prévu, abstraction faite du lieu de résidence. Leur montant peut tre différent selon que les enfants se trouvent dans le pays d’emploi ou non (France, Belgique, Allemagne). La Convention avec la Suède est muette à ce sujet, et celle du Danemark prévoit des arrangements administratifs au sujet des enfants qui restent dans le pays pour des nécessités liées à leur éducation. Toutes les conventions retiennent le maintien et le transfert des droits à pension d’invalidité, de retraite et d’ayants-droit.

Pour la France et la Belgique, les modifications récentes introduites dans les conventions bilatérales de sécurité sociale concernent l’extension des prestations de maladies aux assurés installés définitivement au Maroc. En revanche, les Pays-Bas ont décidé de réduire progressivement le montant des allocations familiales servies au titre des enfants installés au Maroc, à concurrence de 40 en janvier 201 , et leur arr t définitif en janvier 2021.

La portabilité des droits sociaux présente un intér t particulier pour la décision de retour des migrants au pays et celle de regroupement familial. Une récente étude sur la question a ciblé les droits à la retraite des migrants marocains24. Ce Rapport (Projet Sharaka) rapporte qu’en 2010-2011, plus de 2 000 Marocain(e)s gé(e)s de plus de 5 ans, majoritairement de sexe féminin résidaient dans les pays de l’OCDE. Deux tiers d’entre eux étaient sur le marché de travail, mais leur taux d’emploi était de 47 seulement et celui du chômage de 2 . La majorité des retraités se trouvaient en situation de précarité, subsistant par des pensions partielles et les minima sociaux. La tendance est appelée à s’aggraver. La majorité de ces migrants ne parvient pas à concrétiser le v u de retour au pays, faute de sécurité économique et juridique. Outre les raisons familiales, notamment le souhait de maintenir une proximité avec les enfants et petits-enfants, leur transhumance est motivée par des logiques plus économiques liées à la pérennisation des droits sociaux acquis, ou le bénéfice d’autres aides non ouvertes à la portabilité (versement des pensions, accès aux soins de santé, minimums vieillesses complémentaires, aides au logement, etc.).

En outre, les emplois précaires qui se sont multipliés avec la crise économique et qui ont davantage touché les travailleurs immigrés, risquent de peser au moment de la retraite.

Aussi, les conditions semblent réunies pour que progresse, dans les années à venir, le nombre de personnes en difficulté chez les migrants gés, particulièrement ceux qui ont séjourné en Espagne et en Italie.

Le Rapport estime que la problématique de la portabilité des droits des retraités concerne prioritairement les personnes qui sont rentrées définitivement au Maroc, ainsi que leurs ayants droit bénéficiant des droits dérivés. La diversité des régimes de pensions et leur articulation avec les autres prestions sociales compliquent le schéma. L’ouverture de ces droits repose sur des conditions marquées par des différences importantes entre pays, tant aux niveaux des durées de cotisation, d’ ge, et d’ouverture des droits, qu’au niveau des pensions.

24 Projet Sharaka, la portabilité des droits sociaux : http: marocainsdumonde.gov.ma wp-content uploads 201 01 C3 tude-sur-la-portabilit C3 A -des-droits-des-retrait C3 A s-MRE- au-Maroc.pdf

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La migration saisonnière constitue sans doute aussi un risque de contribution des migrants à un régime de sécurité sociale étranger, sans perspective réelle d’accéder aux prestations sociales qu’il institue au terme de périodes de stages, difficilement atteignables par eux.

D - L’aménagement d’une migration en cols blancs

Loin des accords bilatéraux de main-d’ uvre, d’autres conventions sont conclues pour organiser la mobilité transfrontalière par l’octroi des visas, le rapatriement et le séjour régulier.25Elles s’adressent à des cibles différentes.

La plupart des étudiants post-masters éprouvent peu de difficulté à s’engager, dès la fin de leurs études, dans une activité professionnelle en Europe, au Canada et aux USA. Les conditions matérielles, les perspectives de carrière, l’environnement socioculturel et la prise en compte de leur séjour antérieur pour l’obtention de la nationalité concourent à favoriser cette option, m me si un retour ultérieur au pays n’est pas écarté. De nombreux Marocains deviennent binationaux, avant m me l’échéance de leur première ou seconde carte de séjour. Ils sont rejoints par plusieurs lauréats de grandes écoles marocaines, déçus par les faibles possibilités d’emploi et de carrière que leur offre le marché de travail local, ainsi que par des profils professionnels supérieurs saisissant les opportunités de reconnaissance et de promotion que leur offrent les maisons-mères et les réseaux dans lesquels les insère leur activité. Il semble m me que la migration des jeunes cadres soit devenue un signe de réussite intellectuelle et ou professionnelle. L’expression fuite de cerveaux restitue imparfaitement ses motivations et son ampleur.

L’immigration choisie s’inscrit dans la compétition scientifique et technologique, comme l’a affirmé la stratégie européenne de Lisbonne. La plupart des législations prévoient l’octroi de titres de séjour et de travail à tous les cadres et titulaires de diplômes supérieurs pour la durée de leur premier CDD et pour une durée d’un an au moins renouvelable de plein droit en cas de poursuite de l’engagement par CDI. Le premier titre de séjour et de travail est remplacé par une carte de séjour ou de résidence dès que l’attributaire justifie de la continuité de l’exercice d’une activité professionnelle lui procurant des revenus suffisants.

C’est sous cet angle que doit tre appréhendé l’Accord en matière de séjour et d’emploi, conclu à Rabat le octobre 1 7 entre le Royaume du Maroc et la République française2.

A la différence des conventions de main-d’ uvre qui régissent l’émigration collective, cette Convention aborde dans le cadre de la réciprocité, la délivrance des titres de séjour et de travail aux ressortissants de chaque pays par l’autre partie.

25 Voir notamment l’Accord conclu à Madrid le 13 février 1 2 entre le Maroc et l’Espagne relatif à la circulation des personnes, au transit et à la réadmission des étrangers entrés irrégulièrement, qui a fait l’objet de publication par le Dahir du 2 ao t 2012, (BO n 214 du 1 décembre 2013).

2 Publié par le Dahir du 2 ao t 2011, B.O. n 0 0 du septembre 2012.

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Ses dispositions décident que les Marocains, titulaires à la date de son entrée en vigueur d’un titre de séjour d’une durée de 3 ans au moins, reçoivent de plein droit à son terme une carte de séjour valable pour 10 ans au moins. Cette carte est renouvelable de plein droit et vaut autorisation de séjourner sur le territoire de la République française et d’exercer, dans ses départements européens, toute profession salariée ou non 27.

Les Marocains ne relevant pas de cette catégorie, désirant exercer une activité salariée en France pour une durée d’une année au minimum, reçoivent sur présentation d’un contrat de travail visé par les autorités compétentes un titre de séjour renouvelable, valable une année et portant la mention salarié , avec éventuellement des restrictions géographiques ou professionnelles. Après 3 ans de séjour continu en France, ils peuvent obtenir le titre de séjour de 10 ans. Il est statué sur leur demande en tenant compte des conditions d’exercice de leurs activités professionnelles et de leurs moyens d’existence. Des règles identiques s’appliquent aux ressortissants français remplissant les m mes conditions au Maroc.

Les conjoints et les enfants mineurs bénéficiaires de regroupement familial sur le territoire de l’un et l’autre Etat sont admis, quelle que soit la date de leur arrivée, à y résider dans les m mes conditions que les titulaires des autorisations de séjour et de travail. Ils accèdent dans les m mes conditions à l’emploi, sur présentation d’un contrat visé par l’autorité compétente, sans que la situation de l’emploi puisse leur tre opposée (art. 7).

Sous réserve des mesures communes européennes, les durées plus longues accordées aux titres de séjour et de travail par l’un des Etats, aux ressortissants de l’autre, entrainent réciprocité.

Il est vrai que la stratégie de Lisbonne avait fixé comme objectifs à l’Union de développer une politique commune des migrations visant, d’une part l’attraction des meilleurs profils pour gagner la bataille de la compétitivité aux plans technologique et scientifique, et d’autre part la lutte contre la migration irrégulière. Le premier n’a pas besoin de la coopération bilatérale pour se réaliser, tandis que le second est tributaire de l’intégration de la coopération sécuritaire dans la vision euro-méditerranéenne par une politique dite de voisinage .

II - LA CONDITION JURIDIQUE DES IMMIGRÉS AU MAROC

L’inclusion du pays dans la stratégie européenne de la migration a conduit le Maroc à se doter d’une législation de lutte contre la migration et l’immigration irrégulières (A). Son application dévoile les limites du dispositif légal applicable au travail des étrangers et tend à lui conférer une position faitière (B).

27 Une mesure similaire est prévue pour les ressortissants français régulièrement installés sur le territoire marocain depuis 3 ans. Il leur est délivré de plein droit, pour 10 ans, une autorisation de séjour et visa par les autorités compétentes les autorisant à exercer toute profession salariée, sur toute l’étendue du territoire. A son échéance décennale, l’autorisation de séjour et de visa de travail sont renouvelés de plein droit pour 10 ans.

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A - Un droit de l’immigration dominé par les dispositifs de lutte contre les migrations irrégulières

Inspirée par la nouvelle législation française et rédigée dans le contexte de la négociation de l’Accord de coopération MEDA avec l’Union Européenne, la Loi 02 03 a été adoptée par le Parlement, promulguée par le Roi et publiée au Bulletin Officiel avec une rapidité extr me pour prendre effet le 20 novembre 20032. Un texte similaire a été adopté par l’Espagne à une semaine d’intervalle2. Ses dispositions posent les règles de base d’admission et de séjour des étrangers au Maroc. Leur mise en uvre et la sanction de leur violation sont confiées aux autorités de contrôle placées sous l’autorité du Directeur général de la S reté Nationale.

La nouvelle loi abroge et remplace les dispositions antérieures applicables, tant à l’entrée et au séjour des étrangers au Maroc qu’à la soumission des migrants à l’autorisation administrative préalable pour exercer une activité professionnelle30. Elle confère aux autorités de de larges attributions pour décider de l’admission des étrangers sur le territoire à leur arrivée, de l’octroi de titres de séjour, de leur retrait et annulation, ainsi que de leur maintien dans des zones de rétention, leur reconduite à la frontière et leur expulsion.

La règle de base présume que l’entrée sur le territoire s’effectue par les postes de contrôle frontalier et doit tre attestée par le cachet porté sur le document de voyage. Toute personne qui n’est pas en mesure d’en justifier l’existence se trouve en situation irrégulière.

Le contrôle à l’entrée porte sur les documents de voyage, les moyens d’existence, l’objet du séjour et les garanties de rapatriement. L’admission est refusée lorsque les agents commis à cette fonction estiment que les justificatifs présentés sont insuffisants, ou que la présence de l’étranger constituerait une menace pour l’ordre public . L’étranger est alors renvoyé par le m me moyen de transport qu’il a emprunté pour arriver. Il a le droit d’aviser la personne à laquelle il a déclaré rendre visite, un avocat de son choix et son Consulat, sans que les modalités de d’exercice de ce droit soient mentionnées dans quelque instrument juridique. La décision est immédiatement exécutoire et justifie le maintien dans des locaux relevant de cette m me autorité jusqu’à l’aboutissement de la mesure31.

Le séjour sur le territoire est autorisé pour la durée du visa et, au plus, pour une période de 0 jours. Au-delà, l’étranger doit obtenir une carte d’immatriculation ou de résidence.

2 Loi n 02-03 relative à l’entrée et au séjour des étrangers au Royaume du Maroc, à l’émigration et l’immigration irrégulière promulguée par le Dahir du 11 novembre 2003, Bulletin Officiel du 20 novembre 2002.

2 Voir M. Ben Messaoud, La situation des migrants entre la loi marocaine 02/03 du 11/11/03 et la loi espagnole 14-03 du 20/11/03, in Lecture de la loi sur la migration , INEJ, Actes du séminaire, journées d’études n 7, janvier 200 , p. 4 .

30 Son article 5 abroge le Dahir du 15 novembre 1 34 réglementant l’immigration en zone française du Maroc, le Dahir du 2 janvier 1 40 réglementant le séjour de certaines personnes, le Dahir du 1 mai 1 41 relatif aux autorisations de séjour, le Dahir du 17 septembre 1 47 relatif aux mesures de contrôle établies dans l’intér t de la sécurité publique, et le Dahir du novembre 1 4 portant réglementation de l’émigration des travailleurs marocains. La rapidité avec laquelle ce texte a été adopté a d surprendre les rédacteurs du projet de Code du travail qui ont maintenu, bien après l’entrée en vigueur de la Loi 02-03, dans la liste des textes qu’il abroge les Dahirs de 1 34 et 1 41 abrogés mois plus tôt.

31 Combinaison de l’art. 4 5 et de l’art. 34 1.

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Pendant tout le séjour il doit tre en mesure de présenter à toute réquisition les pièces et documents justifiant la régularité de sa présence.

Mais le droit à un séjour inférieur à 0 jours, ou dont la durée est fixée par le visa, la carte d’immatriculation ou le récépissé en tenant lieu, peut tre révoqué si l’étranger exerce au Maroc une activité lucrative, sans y avoir été régulièrement autorisé, ou s’il existe des indices concordants permettant de présumer que l’intéressé est venu au Maroc pour s’y établir, ou si son comportement trouble l’ordre public 32. La mesure peut tre assortie de reconduite à la frontière33. A moins qu’il soit titulaire de la carte de résidence, l’étranger peut aussi tre soumis en raison de son attitude ou de ses antécédents, à une surveillance spéciale pouvant donner lieu à l’interdiction de résider dans une ou plusieurs provinces ou préfectures ou à l’indication, à l’intérieur de ces dernières, d’une ou plusieurs circonscriptions de son choix. Il ne peut alors se déplacer en dehors de la zone de validité de son titre de séjour sans tre muni d’un sauf-conduit délivré par les services de police ou, à défaut, ceux de la gendarmerie royale34.

La carte d’immatriculation est délivrée pour une durée de 1 à 10 ans et porte mention, selon les cas, du statut d’étudiant, de la profession autorisée, ou de la qualité de visiteur pour la personne qui vit de ses revenus propres. Lorsqu’à échéance, le titulaire du titre ne demande pas son renouvèlement ou lorsqu’il a été notifié du refus de son octroi ou de son renouvellement, il doit quitter le territoire dans les 15 jours.

Quant à la carte de résidence, elle est attribuée à l’étranger qui réside depuis 4 ans au moins sur le territoire de manière régulière au terme d’un contrôle portant sur les moyens et les conditions d’existence, d’exercice de l’activité professionnelle et le cas échéant, sur tous faits qu’il peut invoquer à l’appui de son intention de s’établir durablement sur le territoire marocain. La loi indique 7 catégories de personnes qui peuvent en bénéficier, mais semble autoriser des dérogations indéterminées35. Le rejet de la demande et le retrait de l’autorisation peuvent faire l’objet d’un recours en référé devant le président du tribunal administratif dans le délai de 15 jours. Son introduction n’emp che pas la prise d’une décision de reconduite à la frontière ou d’expulsion conformément aux chapitres III, IV et V du Titre Premier de la présente loi 3. Elle a pour effet de reporter son exécution jusqu’au prononcé de la décision de justice.

La m me voie de recours est autorisée à l’encontre de toute décision de reconduite à la frontière. Le président du tribunal administratif saisi est tenu dans ce cas, de statuer dans les 4 jours. Lorsque la mesure a été assortie de la rétention du demandeur dans les locaux de l’autorité de contrôle, c’est à ce magistrat, s’il le souhaite, de se déplacer, au

32 Art. 40.

33 L’étranger qui a fait l’objet d’une mesure administrative de reconduite à la frontière et qui saisit le président du tribunal administratif, en sa qualité de juge des référés, peut assortir son recours d’une demande de sursis à exécution , Art. 33.

34 Art. 41.

35 Il s’agit de l’époux de Marocain(e), de l’enfant étranger ou apatride d’une mère marocaine, du parent qui a la garde d’un enfant résident au Maroc et naturalisé par le bienfait de la loi, 2 ans au moins avant sa majorité, du conjoint et des enfants mineurs d’un titulaire de la carte de résidence, de ces m mes enfants à leur majorité, des réfugiés et de l’étranger en situation régulière lorsqu’il établit qu’il a sa résidence habituelle au Maroc depuis 15 ans au moins ou depuis l’ ge 10 ans, pendant une durée de 10 ans au moins.

3 Voir art. 20.

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siège de la juridiction la plus proche du lieu de rétention pour auditionner le demandeur.

A cette occasion, ce dernier peut lui demander la communication du dossier, contenant les pièces sur la base desquelles la décision attaquée a été prise , ce qui présume qu’il peut n’en avoir pas pris connaissance jusqu’à ce stade de la procédure. Il peut aussi formuler une demande d’interprète et la désignation d’un avocat commis d’office. On a du mal à imaginer comment ce magistrat peut, dans le délai imparti, satisfaire à ces demandes et se prononcer en audience publique dans les 4 jours. La présence du demandeur à l’audience publique n’est d’ailleurs pas nécessaire dès lors qu’elle lui a été notifiée. Nonobstant la mention faite à la voie de référé, la décision de ce magistrat porte en réalité sur le fond.

L’article 24 2 déclare que si la décision de reconduite à la frontière est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues à l’article 34 ci-dessous, et l’étranger est muni d’une autorisation provisoire de séjour jusqu’à ce qu’une décision relative à sa situation soit de nouveau prononcée par l’administration . La sentence est susceptible d’appel devant la juridiction administrative supérieure dans le délai d’un mois.

Mais ce recours n’est pas suspensif. L’administration procède donc sans délai à la reconduite à la frontière si la demande en annulation a été rejetée et il lui revient de revoir elle-m me sa décision lorsqu’elle est annulée.

Le contrôle de la justice sur les conditions de rétention présente aussi certaines singularités. La loi déclare que le procureur est immédiatement averti de toute décision de maintenir un étranger dans les locaux ne relevant pas de l’ordre judiciaire et pénitencier.

La loi l’autorise à s’y rendre pour vérifier les conditions de son déroulement et les registres dans lesquels sont consignées les informations portant sur l’état civil des personnes et les motifs de leur maintien dans ces locaux. Après l’écoulement de 24 heures, l’autorité de contrôle ou le parquet doit saisir le président du tribunal de première instance, en qualité de juge de référé pour décider éventuellement du prolongement de la mesure ou de l’assignation à résidence de la personne concernée pour une période de 15 jours au plus.

Ce magistrat peut tre saisi ensuite par les m mes parties d’une demande de reconduction de la décision pour 10 jours encore. Ses décisions sont susceptibles d’appel devant le président de la Cour d’appel qui est tenu aussi de statuer dans les 4 heures.

Le rattachement au droit administratif des attributions dévolues aux autorités de contrôle, comme l’implication formelle du Parquet et des juges civils dans la prise de décision privative de liberté, ne sont pas de nature à présumer de la conformité de telles pratiques avec les droits fondamentaux des migrants. Il suffit de rappeler à ce sujet que l’article 22 de la Convention des Nations Unies sur la protection des travailleurs migrants et des membres de leur famille stipule que la décision d’expulsion prise par l’autorité compétente doit tre systématiquement écrite, motivée et notifiée aux intéressés dans une langue qu’ils comprennent. Aux termes du 4, En dehors des cas o la décision finale est prononcée par une autorité judiciaire, les intéressés ont le droit de faire valoir les raisons de ne pas les expulser et de faire examiner leur cas par l’autorité compétente, à moins que des raisons impératives de sécurité nationale n’exigent qu’il n’en soit autrement. En attendant cet examen, les intéressés ont le droit de demander la suspension de la décision d’expulsion .

La voie pénale accentue la dissuasion et l’efficacité des mesures qualifiées d’administratives par la loi. Le Parquet peut à tout moment recourir notamment à l’article 42 pour écarter toute velléité de contestation des décisions de l’autorité de contrôle. Le texte sanctionne la tentative de pénétration sur le territoire national, comme l’irrespect des prescriptions légales ou réglementaires relatives au séjour et à sa prolongation au-delà de

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la durée autorisée, d’une amende de 2 000 à 20 000 dirhams et d’un emprisonnement de 1 à mois, ou de l’une de ces deux peines seulement. Toutefois, l’autorité administrative peut, eu égard aux impératifs découlant de la sécurité et de l’ordre public, expulser l’étranger vers le pays dont il est ressortissant ou vers un autre pays, selon son souhait.

La résidence sur le territoire sans tre titulaire de la carte d’immatriculation ou de résidence est punie d’un mois à un an d’emprisonnement, et d’une amende pouvant atteindre 30 000 dirhams, tandis que la soustraction à une décision d’expulsion vaut à son auteur 2 années de prison. La plupart de ces infractions et de nombreuses autres sont punies du double en cas de récidive.

La procédure pénale prévoit bien l’assistance judiciaire et la présence d’un interprète dans la phase de jugement lorsque le prévenu parle une langue inaccessible au magistrat.

En revanche, rien de tel n’est prévu dans la phase de l’enqu te policière et de la garde à vue. Les prévenus sont de ce fait acculés à signer des procès-verbaux rédigés en arabe et ne mentionnant pas les questions posées. Comme ces documents font foi jusqu’à inscription de faux, les chances d’un procès équitable paraissent d’autant plus limitées que de nombreux tribunaux manquent cruellement de moyens37.

On peut déduire de ce survol de la Loi 02 03 que ses dispositions confèrent un pouvoir discrétionnaire quasi illimité à l’autorité de contrôle pour déclarer un étranger en situation irrégulière et décider à son encontre, de manière expéditive, des mesures de rétention, de reconduite à la frontière ou d’expulsion, voire une action publique aboutissant à son emprisonnement. Un tel dispositif est des plus dissuasifs à l’égard des migrants qui envisagent de s’installer au Maroc pour y travailler et y vivre. Il est en revanche de peu d’effet sur tous ceux qui inscrivent leur projet d’émigration dans l’irrégularité depuis la pénétration sur le territoire national et dont l’identification est rendue difficile en conséquence. Or, c’est à l’encontre de cette migration irrégulière que la stratégie européenne a été mise en place et étendue aux pays de voisinage.

B - Un droit du travail en retrait par rapport aux besoins d’intégration des immigrés

La ratification de la Convention sur la protection des droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille n’a manifestement pas retenu l’attention des rédacteurs du Code du travail, entré en vigueur en 2004, pas plus d’ailleurs que l’entrée en vigueur quelques mois plus tôt de la Loi 02 03.

Le Chapitre IV du livre IV du Code du travail a ainsi repris des textes antérieurs les dispositions embryonnaires qui confèrent à l’autorité gouvernementale chargée du travail la mission d’autoriser l’emploi salarié des travailleurs étrangers, en apposant son visa sur leur contrat de travail3. La Loi 1 -12 relative aux travailleuses et travailleurs domestiques3 a étendu l’application de la règle à cette catégorie de salariés. Toutefois, les pouvoirs

37 Voir N. Khrouz, De la respécification de la notion de transit , in Les migrants au Maroc : https : books. openedition.org cjb 5

3 Le modèle antérieur du contrat de travail de l’étranger était régi par l’arr té du Ministre du travail et des affaires sociales n 714. 4 du 25 décembre 1 4, fixant le modèle de contrat prévu au Dahir du 15 novembre 1 34 relatif à l’immigration.

3 Promulguée par le Dahir du 10 aout 201 , B.0 n 10 du 5 octobre 201 , p. 103 .

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qu’exerce l’administration du travail à ce titre n’ont qu’une faible emprise sur leur droit au séjour sur le territoire (1). La situation des travailleurs étrangers non-salariés semble encore plus confuse en l’absence d’un régime juridique déterminant clairement dans quelles conditions ils sont admis à exercer des activités professionnelles (2).

1 - L’emploi salarié des étrangers

L’article 51 du Code du travail dispose que tout employeur désireux de recruter un salarié étranger doit obtenir une autorisation de l’autorité gouvernementale chargée du travail. Cette autorisation est accordée sous forme de visa apposé sur le contrat de travail.

La date du visa est la date à laquelle le contrat de travail prend effet. Toute modification du contrat est également soumise au visa mentionné au premier alinéa du présent article.

L’autorisation peut tre retirée à tout moment par l’autorité gouvernementale chargée du travail . La disposition suivante ajoute que le contrat de travail des étrangers doit tre conforme au modèle fixé par l’autorité gouvernementale chargée du travail .

En vertu de ces dispositions, l’autorité chargée du travail a adopté l’arr té du février 200540, dans la continuité de la pratique administrative antérieure qui aboutissait à transformer tous les engagements contractuels en CDD en accordant un visa pour un an au plus. Le dispositif a été modifié par l’arr té du 30 octobre 201 41 et finalement remplacé en vertu de l’arr té du 1 avril 201 42 actuellement en vigueur.

Tous ces textes sont d’une sobriété extr me et reportent une partie de leurs prescriptions sur le modèle de contrat qui leur est annexé. C’est à travers la liste des documents requis qu’on présume des critères retenus. Leur liste est actuellement fixée par une décision du Ministère du travail43.

Le nouveau modèle de contrat apporte une modification substantielle à la pratique antérieure en prévoyant la possibilité d’opter pour un CDI ou un CDD. Rien n’indique cependant si l’administration peut accorder d’office une durée moins longue, obligeant le requérant à procéder au renouvellement de la demande à l’échéance, comme elle l’a fait jusqu’à présent, ou à s’en tenir à l’option choisie par l’employeur pour accepter ou refuser sa demande. C’est d’ailleurs seulement au moyen d’un document d’information publié sur le site web du ministère que l’on peut glaner des informations sur la pratique administrative suivie44.

Une procédure commune dématérialisée administrée par le Département chargé du travail aboutit à l’apposition du visa d’autorisation sur le contrat de travail. Elle est

40 Arr té du Ministre de l’emploi et de la formation professionnelle n 350-05 du février 2005 fixant le modèle du contrat de travail réservé aux étrangers, Bulletin Officiel n 5540 du 5 juillet 2007, p. 0 .

41 B.0 n 73 du 20-12-201 , p. 1 52.

42 B.0 n 7 du 13 juin 201 (éd. en arabe).

43 Décision du MTIS n 1 Taechir 201 du 1er juillet 201 .

44 Procédure d’emploi des salariés étrangers au Maroc mise à jour en juillet 201 .

Références

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