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Quatrième journée juridique : 10 octobre 1964

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Conference Proceedings

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Quatrième journée juridique : 10 octobre 1964

SCHONLE, Herbert, et al.

SCHONLE, Herbert, et al . Quatrième journée juridique : 10 octobre 1964 . Genève : Georg, 1965, 120 p.

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:141215

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HERBERT SCHÔNLE - ALAIN HIRSCH MICHEL VIRALLY - JACQUES BERNHEIM

QUATRIÈME

,

JOURNEE JURIDIQUE

GENÈVE

LIBRAIRIE DE L'UNIVERSITÉ GEORG & (le S.A.

1965

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JOURNÉE JURIDIQUE

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et d'adaptation réservés pour tous pays.

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20

HERBERT SCHÔNLE - ALAIN HIRSCH MICHEL VIRALL Y - JACQUES BERNHEIM

QUA1rRIÈME

,

JOURNEE JURIDIQUE

GENÈVE

LIBRAIRIE DE L'UNIVERSITÉ GEORG & cie S.A.

1965

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et us an ces uniformes

relatives aux crédits documentaires

l. INTRODUCTION

par Herbert ScHONLE Professeur à la Faculté de droit

r. Historique des nouvelles Règles et usances

2. Les différents crédits documentaires . . .

a) Le crédit documentaire dans sa forme la plus simple b) Classification d'après les modalités d'exécution . . c) Classification d'après la nature de l'engagement bancaire . . . . II. PORTÉE JURIDIQUE DES NOUVELLES RÈGLES ET USANGES EN GÉNÉRAL . . . . r. La teneur des Règles et usances . . . . 2. Les nouvelles Règles et usances: règles de droit positif?

3. Les nouvelles Règles et usances: règles de droit com- mercial coutumier? . . . . 4. Les nouvelles Règles et usances: règles contractuelles?

5. Conclusions . . . . a) Champ d'application . . . . b) Interprétation des nouvelles Règles et usances . . III. LES NOUVELLES RÈGLES ET USANGES ET LES RAPPORTS JURIDIQUES ENTRE LES DIFFÉRENTES PARTIES EN

Pages

9 9

IO IO I I

I2

I3 I3 I4 I5 I6 I6 I7 I8

PRÉSENCE . . . .. . . 20

r. Le rapport entre le dormeur d'ordre et le bénéficiaire 20

a) La teneur des Règles et usances . 20

b) Qualification du rapport juridique 2I

c) Conséquences juridiques . . . . 22

(11)

Pages 2. Le rapport entre le donneur d'ordre et la banque

émettrice . . . 24 a) La teneur des Règles et usances . . . 24 b) Qualification du rapport juridique . . 24 c) Conséquences juridiques (la responsabilité de la

banque émettrice) . . . 26 3. Le rapport entre la banque émettrice et la banque

notificatrice . . . 29 a) La teneur des Règles et usances . 29 b) Qualification du rapport juridique 29 c) Conséquences juridiques . . . . 30 4. Le rapport entre la banque émettrice et le bénéficiaire 3I a) La teneur des Règles et usances . 3I b) Qualification du rapport juridique . . . 3I c) Conséquences juridiques . . . 33 5. Le rapport entre la banque notificatrice et le béné-

ficiaire . . . 34 a) La teneur des Règles et usances . 34 b) Qualification du rapport juridique 34 c) Conséquences juridiques . . . . 35 6. Le rapport entre le donneur d'ordre et la banque noti-

ficatrice . . . 36

7. Le transfert de l'accréditif 36

IV. CONCLUSIONS 38

Littérature consultée 39

(12)

r. Historique des nouvelles Règles et usances

La Chambre de commerce internationale à Paris a recommandé en 1962 aux associations bancaires des différents pays d'adopter de nouvelles «Règles et usances uniformes relatives aux crédits docu- mentaires».

Le septième Congrès de la Chambre de commerce internationale, tenu à Vienne en 1933, avait déjà codifié de telles Règles et usances uniformes. Révisées par le treizième Congrès de Lisbonne en 1951 et adoptées officiellement par les associations bancaires de 28 pays (et à titre individuel par des banques de 49 autres pays), ces règles ont donné, par la suite, un essor considérable à la pratique de l'accré- ditif 1.

Toutefois, il a été jugé opportun, en 1962, de revoir le texte en vigueur afin d'assurer a:ussi l'adhésion des associations bancaires des pays - comme par exemple la Grande-Bretagne, le Canada, l'Australie, la Nouvelle-Zélande, l'Afrique du Sud, l'Inde et le Pakistan - qui ne s'étaient pas ralliés jusqu'alors aux Règles et usances uniformes. La Chambre de commerce internationale a donc élaboré un texte nouveau en recommandant de l'adopter dès le

ler juillet 1963 2.

1 REGLlNG, p. 238. (La référence aux ouvrages et articles énumérés dans la liste jointe au présent exposé ne se fera que par la seule citation du nom de l'auteur.)

2 Cf. Résolution du Conseil de la Chambre de commerce internationale, novembre 1962, Paris 1962, brochure no 222 de la CCI en édition bilingue français-anglais et en édition allemande ainsi qu'en d'autres langues.

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Les nouvelles Règles et usances tiennent compte dans une large mesure des desiderata anglais, ce qui a permis également l'adhésion des banques du Royaume-Uni et du Commonwealth. Aujourd'hui, les associations bancaires de 100 pays (et à titre individuel des banques de 34 autres pays) ont adopté les nouvelles Règles et usances uniformes 1. On estime qu'actuellement au moins 90% des crédits documentaires dans le monde entier sont soumis à ces principes établis par la Chambre de commerce internationale 2

2. Les différents crédits documentaires

a) Le crédit documentaire dans sa forme la plus simple

Les dispositions générales des nouvelles Règles et usances défi- nissent le crédit documentaire dans sa forme la plus simple en ces termes:

arrangement, par lequel une banque (banque émettrice) agissant à la demande et conformément aux instructions d'un client (donneur d'ordre) est chargée d'effectuer un paiement à un tiers (bénéficiaire) ou à son ordre ... contre remise des documents prescrits et pour autant que les conditions stipulées soient respectées.

L'ouverture d'un crédit documentaire simple se présente donc comme une opération à trois personnes - selon les Règles et usances:

le «donneur d'ordre», la «banque émettrice» et le «bénéficiaire».

Le donneur d'ordre et le bénéficiaire ont conclu, dans la plupart des cas, un contrat de vente à distance à l'exécution duquel la banque émettrice est appelée à collaborer. Le donneur d'ordre correspond à l'acheteur, à l'importateur, le bénéficiaire au vendeur, à l'exporta- teur.

Le crédit documentaire donne au vendeur la garantie d'être payé. Le vendeur obtient le prix d'achat au comptant lorsqu'il remet à la banque certains documents (documents de transport ou d'assurance ou factures commerciales) sans qu'il doive attendre que la marchandise se trouve en possession de l'acheteur. Celui-ci,

1 REGLING, loc. cit.

2 Renseignements aimablement fournis par la CCI, Paris, le 1•r oct. 1964.

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de son côté, obtient la garantie de la livraison; il peut être sûr de ne pas payer le prix d'achat avant que le vendeur ne se soit dessaisi de la marchandise. ·

Souvent, mais pas nécessairement, le crédit documentaire tend aussi à assurer le financement de la vente à distance (surtout de la vente maritime) pendant la période du transport. Dans ce cas, l'acheteur-donneur d'ordre ne fournit pas immédiatement à la banque la couverture nécessaire au paiement du prix d'achat. Il ne rembourse la banque qu'au moment où celle-ci lui remet les docu- ments. La banque ne court pas de risques car elle possède des sûretés réelles. Elle détient par exemple le connaissement pourvu d'un

·endossement de garantie ou même d'un endossement pur et simple, et elle a un droit de gage sur les marchandises transportées, éven- tuellement même la propriété transmise à titre de garantie.

b) Classification d'après les modalités d'exécution

Les dispositions générales des nouvelles Règles et usances per- mettent de modifier la forme la plus simple du crédit documentaire en chargeant la banque émettrice non pas d'effectuer au vendeur- bénéficiaire un paiement en espèces mais de

payer, d'accepter ou de négocier des effets de commerce tirés par le bénéficiaire.

Le vendeur peut donc, par exemple, obtenir un crédit par accep- tation. Il tire une traite sur la banque émettrice. Celle-ci l'accepte, contre remise des documents engageant les marchandises vendues.

Le vendeur remet l'effet de commerce à l'escompte et entre ainsi immédiatement en possession de la contre-valeur du prix d'achat.

La banque émettrice s'oblige à ne pas recourir contre le tireur, c'est- à-dire le vendeur-bénéficiaire. Dans cette forme de crédit docu- mentaire, un crédit par acceptation prend donc la place du paiement en espèces effectué par la banque au vendeur.

Au lieu de s'engager à payer comptant ou à accepter une traite sur elle-même, la banque peut s'engager aussi à escompter un effet tiré sur le donneur d'ordre.

D'après le mode de réalisation de la promesse du banquier, nous .avons donc la classification suivante:

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1) le crédit documentaire réalisable au comptant, 2) le crédit documentaire réalisable par acceptation et 3) le crédit documentaire réalisable par escompte.

c) Classification d'après la nature de l'engagement bancaire D'après les caractères de l'engagement bancaire, les nouvelles Règles et usances distinguent:

1) le crédit docummtaire révocable, 2) le crédit documentaire irrévocable et 3) le crédit documentaire irrévocable confirmé.

Avec un crédit révocable, la banque ne s'oblige pas envers le vendeur-bénéficiaire. Le crédit documentaire irrévocable, par contre, comporte un engagement ferme de la banque émettrice envers le vendeur de respecter les clauses de paiement, d'acceptation ou d'escompte convenues avec l'acheteur. La banque ne peut plus annuler ou modifier, de son propre chef ou par convention avec l'acheteur, son obligation irrévocable envers le vendeur auquel l'ouverture du crédit a été notifiée.

Le crédit documentaire irrévocable peut en outre être confirmé.

Cela suppose qu'il soit notifié au vendeur-bénéficiaire par l'intermé- diaire d'une autre banque, que les Règles et usances uniformes appellent la «banque notificatrice ». La notification, elle-même, ne crée pas d'engagements de la deuxième banque envers le vendeur:

il s'agit alors seulement d'un «crédit irrévocable non confirmé».

Mais si la deuxième banque confirme expressément le crédit irré- vocable, elle déclare se charger d'un engagement propre et ferme envers le vendeur-bénéficiaire,

soit que les clauses de paiement ou d'acceptation seront exécutées, soit, dans le cas d'un crédit réalisable par négociation de traites, que les traites seront négociées sans recours contre le tireur (art. 3, al. 2 des Règles et usances).

Dans le cas de l'effet escompté, c'est donc la banque notificatrice qui s'engagera à escompter sans recours un effet tiré par le bénéfi- ciaire sur la banque émettrice ou sur l'acheteur-donneur d'ordre.

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Je ne vous apprends certes rien de nouveau en rappelant que c'est le crédit documentaire irrévocable et confirmé qui dans la pratique joue le rôle le plus important. Il donne, en effet, la plus grande sécurité possible au vendeur. Après la notification d'un crédit irrévocable et confirmé, le vendeur peut en toute sécurité acheter à crédit les marchandises qu'il doit livrer et les expédier.

Car il est alors au bénéfice de l'engagement ferme de deux banques - une banque notificatrice locale et une banque émettrice étrangère dans le pays d'importation. Les deux banques s'engagent à lui payer le prix de vente (en espèces ou par un crédit d'acceptation) contre remise des documents d'expédition ou autres exigés d'avance par l'acheteur.

Nous voilà donc en présence de quatre personnes:

l) l'acheteur, appelé par les Règles et usances le «donneur d'ordre»,

2) la banque émettrice, chargée d'ouvrir le crédit documentaire, 3) la banque notificatrice, qui éventuellement «confirme» un

crédit irrévocable, et

4) le vendeur, «bénéficiaire» de l'opération bancaire.

Je vous propose d'examiner maintenant tout d'abord la portée juridique des nouvelles Règles et usances uniformes en général, et en second lieu les rapports juridiques qui existent entre le donneur d'ordre, la banque émettrice, la banque notificatrice et le béné- ficiaire, et ceci selon les nouvelles Règles et usances.

II. PORTÉE JURIDIQUE DES NOUVELLES RÈGLES ET USANCES EN GÉNÉRAL

I. La teneur des Règles et usances

La première phrase du nouveau texte prétend que les Règles et usances uniformes

s'appliquent à tout crédit documentaire et lient toutes les parties y intéressées à moins qu'il n'en soit convenu autrement de façon expresse.

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C'est beaucoup dire. Il est légitime de se demander sur quel fondement juridique cette constatation est basée. Elle présume d'une part que les nouvelles Règles et usances s'appliquent même si une des quatre parties intéressées n'a pas donné son consentement exprès ou tacite. Elle implique d'autre part que si, dans un cas particulier, la banque émettrice voulait déroger aux Règles et usances uniformes, l'accord exprès des quatre parties intéressées - le vendeur bénéficiaire inclus - devrait intervenir.

Pour qu'il en soit ainsi, les nouvelles Règles et usances devraient avoir la nature de normes juridiques d'un caractère au moins dispositif. Et cela ne suffirait même pas, car le droit dispositif peut encore céder le pas à des accords conclus tacitement 1 .

Soyons donc plus modestes: demandons-nous quelle est la portée juridique générale des nouvelles Règles et usances uniformes et, partant, l'interprétation qu'il faut donner à la première phrase du nouveau texte.

2. Les noitvelles Règles et itsances : règles de droit positif?

Il est vrai que le chef du groupe juridique de la Chambre de commerce internationale, M. Frédéric Eisemann, soutient dans sa récente monographie sur le crédit documentaire que les Règles et usances constituent un droit international autonome. Il s'ensuit, selon lui, qu'il faut se garder de toute interprétation procédant de conceptions ou d'institutions propres à un pays déterminé et de toute interprétation tenant compte d'une volonté subjective, pré- sumée ou fictive des contractants 2•

En réalité, la Chambre de commerce internationale, créée en 1919 avec un secrétariat général à Paris, est un organisme privé.

Elle réunit en quelque quarante commissions et comités techniques, des hommes d'affaires, des experts désignés par les pays membres

1 Voire simplement sur la base d'usages divergents, si, selon le principe de la confiance, ceux-ci sont considérés comme étant incorporés dans le contrat; pour les rapports entre droit dispositif, convention tacite et usances cf. p. ex. BGH allemand in LINDENMAIER-M6HRING, Nachschlagewerk des BGH,

§ 157, BGB no l; OLG-Stuttgart, Der Betriebs-Berater, Heidelberg, 16, 1961, 67; OLG-Celle, Betriebs-Berater, Heidelberg, 16, 1961, 1341; YuNG, L'inter- prétation, pp. 41 ss.

2 ElSEMANN, p. 76.

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et au total une cinquantaine d'organisations internationales. Elle n'a aucun pouvoir législatif. Les résolutions des congrès de la Chambre de commerce internationale et de son conseil ne sont pas des conventions interétatiques qui pourraient devenir, par le truche- ment des droits constitutionnels des différents Etats, du droit national. Dès lors, ni les résolutions de la Chambre de commerce internationale ni le consentement des associations bancaires natio- nales ne peuvent créer un droit commercial positif et autonome.

3. Les nouvelles Règles etusances: règles de droit commercial coutumier?

La première phrase des nouvelles Règles et usances aurait, tout au plus, sa raison d'être si les nouvelles directives pouvaient être qualifiées de droit commercial coutumier. Les normes d'un droit coutumier s'imposeraient aux contractants sans qu'une déclaration de volonté de leur part soit nécessaire.

L'on peut douter cependant, malgré l'application mondiale des Règles et usances depuis l'adhésion des banques de la zone d'in- fluence anglaise, que la première condition, c'est-à-dire l'élément objectif d'un droit coutumier, soit réalisée. Car l'existence d'une coutume dépend tout d'abord de l'observation uniforme de la règle de droit par la généralité des intéressés et cette pratique doit remon- ter assez haut dans le temps 1.

Or, dans certains pays, il y avait jusqu'ici des usages commer- ciaux qui différaient des nouvelles Règles et usances uniformes 2

Rien ne garantit que ces usages disparaissent dans l'avenir 3 • L'on ne peut donc pas dire à l'heure actuelle que les nouvelles Règles et usances uniformes consacrent une pratique observée par la géné- ralité des intéressés et remontent assez haut dans le temps.

D'autre part, même si l'on présume l'existence de l'élément objectif du droit coutumier, ill manque en tout cas la condition subjective, 1'« opinio necessita#s ». Pour que les nouvelles Règles

1 Cf. p. ex. Du PASQUIER, p. 50. Les Règles et usances uniformes sont considérées comme du droit coutumier, par HEROLD-LIPPISCH, p. 5 I. Ce ne peut être juste que pour quelques règles; exemple cité chez SCHMITTHOFF, p. 56.

2 Cf. p. ex. SCHINNERER, Bankve,rtrage, 47·

3 C'est la raison pour laquelle ScHINNERER, p. 10, va trop loin en quali- fiant les Règles et usances comme usages commerciaux pour les pays dont les associations bancaires ont recomm:i.ndé leur adoption.

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et usances deviennent des normes impératives, la conscience de leur caractère obligatoire devrait régner dans les milieux qu'elles concer- nent. Déjà le titre des nouvelles directives précise cependant qu'il s'agit seulement de règles et usances, donc d'usages commerciaux qui, s'ils n'existent pas déjà, doivent être introduits et observés à l'avenir.

4. Les nouvelles Règles et usances: règles contractuelles?

Nous pouvons conclure que les nouvelles Règles et usances ne représentent donc pas un ordre juridique «sui generis» et qu'elles ne constituent pas un droit international uniforme comme on l'a prétendu 1-ni en tant que droit écrit ni en tant que droit coutumier.

Leur véritable nature juridique est celle de conditions commerciales générales - Allgemeine Geschéiftsbedingungen. Leur observation par les banques émettrices et notificatrices a été promise à la Chambre de commerce internationale par les associations bancaires nationales respectives.

Dès lors on peut admettre que les nouvelles Règles et usances ne tirent leur force que de la volonté des contractants. Elles tiennent lieu de « lex contractus ». Dans leur ensemble, elles ne lient les parties que dans la mesure où celles-ci les ont incorporées dans leurs contrats.

Il est vrai que la soumission aux Règles et usances peut se faire tacitement. Mais il reste des cas dans lesquels les nouvelles règles ne font pas partie intégrante des contrats des intéressés et ceci même pas sur la base d'une soumission tacite. Elles ne sont alors applicables que dans la mesure où elles précisent des usages commerciaux déjà établis et où le contrat particulier ne s'écarte pas expressément de ces usages.

5. Conclusions

Nous pouvons tirer dernx conclusions de cette qualification des nouvelles Règles et usances uniformes comme conditions générales précisant en partie (et seulement en partie!) des usages commerciaux déjà établis :

1 EISEMANN, p. 76.

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a) Champ d'application

Première conclusion: il est inexact à plusieurs égards de préten- dre, comme le fait la première phrase des nouvelles Règles et usances, que celles-ci

s'appliquent à tout crédit documentaire et lient toutes les parties y intéressées à moins qu'il n'en soit convenu autrement de façon expresse.

Premièrement, les nouvelles Règles et usances ne sont pas appli- cables, dans la mesure où elles ne précisent pas des usages commer- ciaux établis, si les quatre parties en présence ne s'y sont pas toutes référées, au moins tacitement. Une jurisprudence volumineuse, surtout des tribunaux allemands, examine dans quelles conditions une partie peut se soumettre tacitement à des conditions générales 1 Le Tribunal fédéral suisse, dans l'arrêt Esteve Hermanos contre Bank Hoffmann AG. de 1961 admet, par exemple, qu'il suffit que la banque émettrice se réfère aux Règles et usances uniformes et que l'acheteur-donneur d'ordre se taise pour que dans les rapports juridiques entre les deux parties, les usances s'appliquent en tant que lex contractus 2Il n'y a pas lieu ici de développer cette question générale controversée. Retenons simplement que des cas particuliers peuvent se produire, dans lesquels une des quatre partiesenprésence, surtout le donneur d'ordre ou le bénéficiaire, ne s'est pas soumise au moins tacitement aux nouvelles Règles et usances. Celles-ci ne s'appliquent alors pas, bien qu"elles n'aient pas été écartées par une convention expresse, comme l'exigerait leur première phrase.

Deuxièmement, contrairement au libellé des dispositions géné- rales des nouvelles Règles et usances, celles-ci ne sont pas applica- bles, si une ou plusieurs des parties en présence les refusent expressément. La banque émettrice qui, dans un cas particulier, voudra déroger aux Règles et usances uniformes d'un commun accord avec le donneur d'ordre, n'a pas besoin de s'assurer du consentement exprès et préalable du bénéficiaire. Il suffit que, dans

1 Cf.p.ex. la compilation chez BAUMBACH-DUDEN, note 3 de l'introduction au

§ 343. ZAHN, p. 8, va trop loin en exigeant une soumission expresse ( aiisdrûckliche Parteive·1'einbarung).

2 ATF 87 II, p. 237; cf. aussi ATF 88 II, pp. 34r ss; YuNG, Les éléments objectifs, pp. 183 ss en ce qui concerne la portée juridique des conditions générales en droit suisse, avec d'autres références.

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la notification, l'offre faite au bénéficiaire ne comprenne pas les Règles et usances uniformes et que le bénéficiaire ne soit pas protégé en vertu du principe de la confiance. Les nouvelles directives ont alors été exclues sans le consentement exprès et préalable du béné- ficiaire, contrairement au libellé de la première phrase des Règles et usances uniformes.

Troisièmement, les nouvelles Règles et usances ne lient pas les parties, et cela sans qu'une convention expresse les écarte, si elles violent une règle de droit impératif. C'est le cas notamment des articles 9 et 12 des nouvelles Règles et usances uniformes concernant l'exonération de la banque émettrice de toute responsabilité dans certains cas. Nous examinerons plus bas ces dispositions. Mais nous pouvons retenir d'ores et déjà qu'en tant que conditions générales précisant en partie des usages commerciaux, les nouvelles Règles et usances uniformes ne sauraient faire échec à l'application d'une loi nationale impérative.

La jurisprudence de certains pays va même plus loin en soutenant que la partie qui se soumet tacitement aux conditions générales en ignorant leur contenu exact donne à l'autre partie en quelque sorte le droit de déterminer les modalités du contrat. Ce droit ne pourra être exercé qu'en appréciant de manière équitable les intérêts du cocontractant. Si une disposition des conditions commerciales géné- rales s'éloigne de l'équité, sans pour autant violer une loi impérative particulière, elle sera nulle 1 ..

Je répète donc notre première conclusion: les nouvelles Règles et usances uniformes exagèrent quand elles prétendent que leurs dispositions

s'appliquent à tout crédit documentaire et lient toutes les parties y intéressées à moins qu'il n'en soit convenu autrement de façon expresse.

b) Interprétation des nouvelles Règles et usances

Seconqe conclusion: contrairement à ce qui a été soutenu dans la doctrine 2, les nouvelles Règles et usances uniformes relatives

1 Cf. la jurisprudence et la littérature indiquées dans 'l'arrêt du LG Tübingen du 13 déc. 1963, Neue ]uristische Woclienschrift, Munich et Berlin, 17, 1964, 1798 ss, qui, lui, applique le§ 315 BGB per a11alogiam.

2 ElSEl\IANN, p. 76.

(22)

aux crédits documentaires ne doivent pas être interprétées comme des dispositions légales, mais comme des déclarations de volonté des parties contractantes.

Il est vrai que les nouvelles règles - édictées non pas pour un cas particulier mais pour un nombre illimité d'opérations bancaires - exigent une interprétation qui tienne compte en premier lieu des intérêts-types, et ensuite seulement des intérêts particuliers du litige en cause 1. Mais ce n'est qu'une conséquence logique du prin- cipe de la confiance, qui est valable comme règle d'interprétation des déclarations de volonté en droit suisse comme à l'étranger 2 Les nouvelles Règles et usances doivent être interprétées comme l'acheteur-donneur d'ordre ou le vendeur-bénéficiaire ont pu et dû les comprendre de bonne foi, si l'on tient compte de leur expérience commerciale. Ni la volonté réeUe des contractants, ni le libellé et la teneur abstraite des dispositions n'importent. C'est la confiance que le cocontractant a pu avoir dans une certaine teneur des dispositions qui détermine leur interprétation. Des dispositions imprécises doivent en principe, selon la jurisprudence, être interprétées au détriment de la banque 3 • Ce sont donc les méthodes d'interpréta- tion employées en matière contractuelle et non pas en matière légale qui sont applicables ici.

Il est erroné, en outre, d'imaginer que les Règles et usances ne peuvent pas être interprétées « en fonction de conceptions ou d'insti- tutions propres à un pays déterminé » 4Puisque les nouvelles Règles et usances constituent des règles contractuelles, c'est lé droit national des différents pays qui prescrit la manière de les interpréter. En outre, dans la mesure où les nouvelles règles ne donnent pas de réponse aux questions juridiques qui se posent dans un cas particu- lier, c'est le droit dispositif national qui s'applique. Ce droit indique quelles normes de la partie spéciale du droit des obligations

1 BGH allemand in BGHZ 7,368 et 17,3; critiqué par BRANDNER, p. 237, qui estime que les circonstances du cas particulier doivent être prises en considération.

2 ATF Bo II, pp. 31 et 264; en droit allemand§ 157 BGB, SoERGEL-SIEBERT, N° 2, ad§ 157.

3 BGH allemand in BGHZ 5,115 et 24,45, Nette ]itristisclle Wocllensclirift, Munich et Berlin, 12, 1959, 38; critiqué par BAUMBACH-DUDEN, note 3 C de l'introduction au § 343 HGB.

4 EISEMANN, p. 76; interprétation selon le droit suisse: ATF 87, II, p. 235.

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(concernant par exemple l'assignation, le mandat, le contrat d'entre- prise, le prêt, etc.) et de la partie générale (concernant par exemple la promesse abstraite d'une prestation, la stipulation pour autrui, l'inexécution, la demeure, etc.) régissent le crédit documentaire.

Il est vrai que les règles générales du droit des obligations reposent plus ou moins sur les mêmes principes dans différentes législations.

Mais il n'en reste pas moins que c'est le droit national qui déter- mine les principes d'interprétation des Règles et usances. C'est le droit national qui définit les conditions de fait qui doivent être réalisées pour que les normes, régissant une certaine institution juridique, s'appliquent aussi au crédit documentaire. Il est difficile de ne pas penser que le chef du groupe juridique de la Chambre de commerce internationale, quand il prétend le contraire, présente comme réalité juridique des vœux qui devraient être formulés de lege ferenda. Ce serait méconnaître la véritable nature juridique des nouvelles Règles et usances uniformes que de ne pas imaginer leur interprétation <<en fonction de conceptions et d'institutions propres au pays déterminé», dont la législation est applicable selon son droit international privé.

III. LES NOUVELLES RÈGLES ET USANCES UNIFORMES ET LES RAPPORTS JURIDIQUES

ENTRE LES DIFFÉRENTES PARTIES EN PRÉSENCE

I. Le rapport entre le donne'l!.ir d'ordre et le bénéficiaire

a) La teneur des Règles e,t usances

Les nouvelles Règles et usances uniformes comprennent des dis- positions générales et cinq divisions relatives:

r) à la forme et la notification des crédits,

2) à la responsabilité des banques émettrices et notificatrices, 3) aux documents à présenter,

4) à l'interprétation des termes et 5) au transfert du crédit documentaire.

(24)

Du point de vue juridique, ce sont les dispositions générales et les sections concernant la forme et la notification des crédits, la responsabilité et le transfert qui importent le plus, alors que les autres règles ont plutôt un intérêt de technique bancaire.

Pour ce qui est du premier rapport à envisager, le rapport juri- dique entre l'acheteur-donneur d'ordre et le vendeur-bénéficiaire, les nouvelles Règles et usances se taisent complètement.

b) Qualification du rapport furidique

Les deux contractants - acheteur et vendeur - ont conclu une vente commerciale à distance avec une clause spéciale concernant le paiement par voie d'accréditif.

Naturellement, nous n'examinerons pas ici la question préalable du droit applicable ni les questions de fond relatives aux obligations du vendeur envers l'acheteur, au transport de la marchandise, à la possession et la propriété, aux documents, au transfert des risques, au paiement, à l'acceptation de la marchandise, etc.1. Il est entendu que l'acheteur peut être mis en demeure par l'interpellation du vendeur, si le crédit documentaire n'est pas ouvert en temps voulu et conformément aux dispositions du contrat de vente. L'action en dommages-intérêts comprend alors la différence entre le prix convenu et le prix pour lequel la marchandise a été revendue de bonne foi (cf. les articles ro7 et 215 CO) 2

Je me borne ici à vous rappeler que selon une jurisprudence récente de la Cour de Justice civile de Genève - arrêt Ferunioncontre Kollerich & (ie 3 - on se trouve en présence d'un Fixgeschajt, au sens de l'article ro8, al.3 CO ~1, lorsque l'acheteur limite la durée

1 Cf.p.ex. les ouvrages de ADRIAENS, BELLOT, HEGETSCHWEILER.

2 L'obligation de faire ouvrir un accréditif peut être convenue en tant que Fixgeschiift au sens de l'art. ro8, al. 3 CO, dont l'exécution doit avoir lieu exactement à un terme fixé ou dans un délai déterminé; cf. jurisprudence citée chez ZAHN, 16; les lieux d'exécution du contrat de vente ne sont pas changés par l'obligation de faire ouvrir un accréditif, OLG, Francfort/M., Neue juristische Wochenschrijt, Munich et Berlin, 4, 1951, pp. 965 et RAMER, lit. Akk/Er.

3 Cour de Justice civile de Genève, arrêt du 21 déc. 1962, Semaine judi- ciaire, Genève, 86, 1964, pp. 124 ss.

4 § 376 Handelsgesetzbuch allemand et autrichien, art. u46 Code civil français, art. l 172 ss Codice civile ainsi que art. 62 et 63 Codice di commercio italiens, art. 1279 Burgerlijk Wetboek néerlandais.

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de l'accréditif qu'il a fait ouvrir par la banque émettrice en faveur du vendeur. Dans ce cas le vendeur doit avoir exécuté, avant l'expi- ration du délai ainsi fixé, les démarches qui lui donneront le droit d'être payé sur l'accréditif. La Cour de Justice s'exprime ainsi:

En stipulant que la validité de l'accréditif ouvert à sa demande était subordonnée au transfert du connaissement à la banque émettrice au plus tard à la date déterminée, l'acheteur, ce faisant, assignait au vendeur un terme fixé à la même date pour l'exécution des obligations incombant à ce dernier, soit pour la livraison juridique de la marchandise représentée par son connaissement. Autrement dit, l'acheteur faisait savoir au vendeur qu'il tiendrait le montant du prix d'achat à sa disposition jusqu'à la date déterminée, mais pas au-delà.

Ajoutons qu'il ne suffit pas que l'acheteur donne l'ordre à sa banque émettrice d'ouvrir un crédit irrévocable - qui doit porter une date extrême de validité selon l'article 35 des nouvelles Règles et usances - pour que la vente commerciale ait ce caractère de Fixgeschaft. Il est nécessaire que le contrat de vente prévoie déjà la clause d'un accréditif irrévocable portant une date extrême de validité. En d'autres termes, l'exécution de la vente dans un délai déterminé doit être convenue d'un commun accord entre l'acheteur et le vendeur. L'ordre unilatéral donné par l'acheteur à sa banque émettrice d'ouvrir un crédit irrévocable en faveur du vendeur ne peut pas, par lui-même, entraîner l'application des règles sur le Fixgeschaft à la vente commerciale.

Retenons donc ceci: le rapport juridique entre l'acheteur et le vendeur doit être qualifié comme une vente commerciale contenant une clause spéciale relative à son paiement par voie d'accréditif.

Si les contractants conviennent d'un accréditif irrévocable, il résulte de l'article 35 des nouvelles Règles et usances que cette vente a le caractère d'un Fixgeschaft au sens de l'article 108, alinéa 3 CO, et que l'exécution doit avoir lieu dans un délai déterminé.

c) Conséqitences furidiq·ues

Je n'ai pas besoin d'énumérer ici d'une manière systématique toutes les conséquences juridiques résultant d'une vente commer- ciale exécutable dans un délai déterminé. Le texte révisé des Règles et usances uniformes n'y apporte rien de nouveau.

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Tout au plus faut-il remarquer que l'acheteur-donneur d'ordre n'est pas censé manifester d'une manière expresse sa volonté de se départir du contrat de vente, si les documents prévus dans l'accré- ditif irrévocable ne sont pas transmis en temps utile. «L'article

190 CO, qui institue une présomption de caducité du contrat, dispense l'acheteur de l'obligation de suivre la procédure prescrite par les articles ro2 et ro7 CO » pour mettre en demeure le vendeur et pour résilier le contrat 1. Une déclaration de volonté n'est exigée de l'acheteur que dans le cas où il entend maintenir le contrat, nonobstant la demeure du vendeur. Et il faut, pour que soit détruite la présomption de caducité de l'article 190 CO, que l'acheteur donne son avis «immédiatement» après avoir appris que le vendeur n'a pas fourni les documents dans les délais prescrits (article 190,

alinéa 2 CO).

Si l'acheteur ne fait pas immédiatement sa déclaration, son omission le délie de toutes ses obligations contractuelles. Le marché conclu entre les parties devient caduc de plein droit en raison de la demeure du vendeur, soit de l'inobservation du terme fixé dans le contrat.

C'est le cas jugé par la Cour de Justice civile de Genève. Une entreprise nationalisée hongroise, n'ayant pas présenté, dans le délai déterminé, à la banque notificatrice hongroise les documents exigés par l'importateur suisse dans l'accréditif irrévocable ouvert en Suisse, n'était plus fondée à faire valoir une prétention quelconque.

Peu importe que la marchandise ait été chargée à bord du bateau et que celui-ci ait quitté le port d'embarquement avant l'expiration du terme fixé pour la présentation du connaissement. Peu importe également que la maison suisse n'ait pas manifesté d'une manière expresse sa volonté de se départir du contrat en raison de la non- transmission en temps utile du connaissement et des autres pièces justificatives. Le contrat de vente devait être considéré comme résilié de plein droit.

1 Cour de Justice civile de Genève, 21 déc. 1962, Semaine judiciaire, Genève, 86, 1964, 127; de même en droit allemand et autrichien selon§ 376 H andelsgesetzbuch; en droit italien, pour la vente maritime, cf. l'art. 63 Codice di commercio.

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2. Le rapport entre le donneur d'ordre et la banqite émettrice

a) La teneitr des Règles et: usances

Les nouvelles Règles et usances ne s'expriment pas, comme nous l'avons dit, sur le rapport entre l'acheteur et le vendeur. Par contre, elles sont très explicites sur le deuxième rapport juridique à analyser, le rapport entre l'acheteur-donneur d'ordre et la banque émettrice:

les nouvelles règles confirment, par exemple, l'obligation du banquier de s'assurer de la régularité apparente des documents (article 7) et de refuser les documents en cas de non-conformité avec ceux indiqués dans l'accréditif (article 8, alinéa 3 et 4). Elles précisent les obligations du donneur d'ordre vis-à-vis de la banque émettrice, en ce qui concerne la levée des documents et le remboursement des débours de la banque (article 8, alinéa 2). Elles stipulent l'obligation pour le donneur d'ordre de couvrir la banque émettrice des avances que celle-ci a été amenée à consentir à la banque notificatrice pour la réalisation du crédit (article 12, alinéa r), etc.

b) Qualification du rapport J°uridique

Ce qui importe, c'est de qualifier les relations juridiques entre l'acheteur-donneur d'ordre et sa banque émettrice, par rapport aux institutions juridiques connues, pour savoir

r) si les nouvelles Règles et usances uniformes ne violent pas des dispositions de droit impératif, et

2) quelles règles du droit dispositif s'appliquent en cas de lacunes des nouvelles directives.

Lorsque nous essayons de faire entrer l'opération du crédit documentaire irrévocable dans le moule d'une institution classique du droit privé, nous sommes en présence d'une foule de théories qui varient très sensiblement selon les législations. C'est ainsi que par exemple en doctrine française, l'opinion dominante se refuse à assimiler l'ordre donné par l'acheteur à la banque émettrice à une stipulation pour autrui, à une délégation ou à une assignation. Elle considère que la situation du banquier dans le crédit documentaire

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est similaire à celle d'un débiteur cambiaire 1 . Les auteurs allemands, par contre, y voient un contrat d'entreprise qui a pour objet un acte d'administration (Geschaftsbesorgitngsvertrag) au sens du paragraphe 675 BGB 2 et une stipulation pour autrui 3 • La doctrine et surtout la jurisprudence suisses reconnaissent presque unanime- ment que la constitution d'un accréditif équivaut à une assignation au sens des articles 466 et suivants CO, subordonnée à la fourniture des documents prescrits 4 • Ce rapport serait généralement doublé d'un rapport de mandat entre l'acheteur-donneur d'ordre et la banque émettrice chargée d'ouvrir l'accréditif 6 •

La qualification d'assignation a été écartée en doctrine alle- mande d'une part parce que l'assignation au sens des §§ 783 ss BGB ne comporte pas une obligation mais seulement une double autorisation: celle du banquier de payer et celle du bénéficiaire de recevoir le paiement. Il faut relever que sur ce point la situation est la même en droit suisse. D'autre part, mais contrairement au droit suisse, ces autorisations doivent être incorporées dans un document écrit 6 . La doctrine :française estime en outre que, dans l'assignation, l'acceptation du bénéficiaire est nécessaire pour que la promesse de celui qui s'engage directement envers lui devienne irrévocable. En droit français, au contraire, selon la solution retenue par la Cour de cassation, l'engagement du banquier est irrévocable dès que le vendeur a reçu notification de l'ouverture du crédit 7 •

Quoi qu'il en soit, ici encore, on constate des différences d'appré- ciation selon les législations nationales, qui peuvent conduire à des conséquences juridiques différentes. Les nouvelles Règles et usances

1 FRIEDEL, pp. 546 ss; cf. l'énumération de toutes les théories défendues en France chez BELLOT, pp. 577 SS.

2 BAUMBACH-DUDEN, note 8 c de l'annexe au § 406; ZAHN, 18.

3 Echter Vertrag zi,egimsten Dritter lors de l'ouverture d'un crédit irrévo- cable, RGZ 105,398, Hnechter Vetrag z11gunsten Dritter si le crédit reste révo- cable (qualification controversée!)

4 GAUTSCHI, p. 34; ATF 49 II, p. 195, ]oi1rnal des Tribunaux, Lausanne, 72, 1924, p. 12; ATF 54 II, p. 176, ]dT, 76, 1928, p. 421; ATF 78 II, p. 42, jdT, 100, 1952, p. 514·

6 ATF 78 II, p. 42, JdT, 100, 1952, p. 514.

6 § 783 BGB et ULMER, p. 298.

7 FRIEDEL, p. 549 avec d'autres références pour ce qui est de la critique de la conception snisse; Cour de cassation, Corn., 20 oct. 1953, S., 1954,r.

125 (2• espèce), note P. Lescot; voir aussi ci-dessous 4. b.

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ne mentionnent que quelques obligations de l'acheteur-donneur d'ordre et de la banque émettrice. Elles spécifient seulement que les crédits documentaires sont, par leur nature,

des opérations commerciales distinctes des ventes ou d'autres contrats qui peuvent en former la base mais qui ne regardent les banques en aucune façon et ne sauraient les engager (lit. c des dispositions géné- rales).

Il appartient au droit national applicable de déterminer quelles dispositions légales régissent l'accréditif en vue de combler les lacu- nes que les nouvelles Règles et usances contiennent.

c) Conséquences J°uridiques (la responsabilité de la banque émettrice)

Je me permets de n'approfondir ici que l'une de toutes les questions qui peuvent surgir dans le rapport juridique entre l'ache- teur et la banque émettrice, celle de la responsabilité de la banque.

Prenons l'obligation de la banque émettrice d'examiner les docu- ments que le vendeur lui fournit directement si une deuxième banque n'intervient pas comme banque notificatrice. Le nouvel article 7 des Règles et usances uniformes, mieux rédigé que la disposition correspondante de l'ancien texte 1, stipule ceci:

Les banques doivent examiner tous les documents avec un soin raisonnable pour s'assurer qu'ils présentent l'apparence de conformité avec les conditions du crédit.

Il est entendu que la banque qui transgresse fautivement cette règle viole une obligation contractuelle envers son client. Elle en est responsable, selon les dispositions spéciales ou générales du droit

·national des obligations applicable. Une jurisprudence volumineuse dans tous les pays illustre d'ailleurs cette constatation. Ainsi la banque est, par exemple, tenue pour responsable envers l'acheteur si l'expertise de qualité d'une livraison de carburant diesel est effectuée à la température de 15° au lieu des 20° exigés dans l'ac- créditif 2.

1 Pour une comparaison systématique entre l'ancien et le nouveau texte, cf. LrsoN, Crédits documentaires.

2 D'autre part, si un expert considère les données comme équivalentes,

(30)

Cependant, dans le nouveau texte des Règles et usances comme

·dans l'ancien,

les banquiers qui le rédigèrent ont cru habile de stipuler en leur faveur de nombreux cas de non-responsabilité dans des circonstances où le droit commun engage au contraire leur responsabilité. Ils ne se sont ainsi procuré qu'une fausse sécurité, la pire de toutes 1.

Deux exemples:

Primo: L'article 9 des nouvelles Règles et usances prévoit que les banques n'assument aucune responsabilité quant à la forme des documents et quant à la désignation des marchandises. Dans le contrat obligeant la banque à ouvrir le crédit documentaire, par contre 2, la banque s'engage aussi à examiner« avec un soin raison- nable» (article

7

des Règles et usances) la forme des documents (par exemple la question de savoir si le connaissement à ordre pré- senté par le vendeur a bien la forme d'un connaissement à ordre comme l'a exigé l'acheteur). Elle s'oblige en plus à regarder de près la désignation des marchandises (et à refuser les documents si par exemple ceux-ci se rapportent à un carburant diesel qui a été mesuré à une température de I5° au lieu de celle de 20° prévue dans 1' accréditif).

Or, la plupart des législations considèrent comme nulle toute stipulation tendant à libérer d'avance le débiteur de la responsabilité qu'il encourrait en cas de dol ou de faute grave commises lors d'une

mais si la banque notificatrice ne lève pas les documents, les deux banques ne deviennent pas responsables envers le vendeur, BGH allemand, Betriebs- Berater, 13, 1958, 218; autres exemples BAUMBACH-DUDEN, annexe I après

§ 406, note 8 E, et LrnsECKE. La banque ne peut s'écarter de l'ordre que dans la mesure l'art. 397 CO, §§ 675/665, BGB, le permet, cf. BGH allemand l9.1r.1959, Monatssclirift für Deutsclles Recht, Hambourg, 1960, 218 et HAMER, lit.Akk/Abw. Si la banque accepte des documents non conformes à l'ordre de l'acheteur, elle ne peut pas exiger le remboursement de ses débours, LG Hambourg, 19 déc. 1952, Betriebs-Berater, Heidelberg, 7, 1952, 130 et HAMER, lit.Akk/Do.

1 MARAIS, p. 80.

2 Le contrat est en général conclu par l'ordre donné par l'acheteur à sa banque et le silence de celle-ci, cf. art. l, al.2, 6 et 395 CO,§ 362 HGB allemand et autrichien; d'avis contraire: EISEMANN, 45, selon lequel le contrat entre l'acheteur et la banque émettrice ne pourrait se former du seul fait qu'ayant reçu un ordre d'ouverture, la banque a observé le silence.

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violation de ses obligations contractuelles. Certaines, comme le droit suisse à l'article roo du CO, limitent même la validité des clauses tendant à libérer d'avance le débiteur de toute responsabilité en cas de faute légère. L'article 9 des nouvelles Règles et usances unifor- mes, dans la mesure où il se trouve en contradiction avec ces dispo- sitions de droit impératif, ne saurait déployer d'effets juridiques.

Il y a plus: même dans la mesure où une exonération anticipée de la responsabilité est valable en principe, celle de l'article 9 des Règles et usances doit être considérée comme contraire à l'équité car, en effet, elle annule pratiquement les obligations essentielles qui incombent à un banquier diligent. Dans certaines législations, notamment en droit allemand 1, comme nous l'avons vu plus haut, une soumission tacite à des conditions commerciales générales est exclue, dans la mesure où les dispositions de celles-ci s'éloignent de l'équité. Donc, dans ces législations, l'article 9 des Règles et usances n'est pas valable non plus.

Second exemple: L'article 12 des nouvelles règles est ainsi libellé:

Les banques utilisant les services d'une autre banque pour donner suite aux instructions du donneur d'ordre le font pour le compte et aux risques de ce dernier.

Elles n'assument aucune responsabilité au cas où les instructions qu'elles transmettraient ne seraient pas suivies, même si elles ont pris elles-mêmes l'initiative du choix de l'autre banque.

L'exonération de la banque émettrice de toute responsabilité pour les agissements de la banque notificatrice constitue une dérogation conventionnelle licite à l'article 101 CO (article 1994,

§ l, Code civil français, § 278 BGB allemand, etc.). Pour ce qui est du droit suisse, Gautschi a fait remarquer dernièrement que selon l'article 399, alinéa 2 CO le mandataire répond en tout cas du soin avec lequel il a choisi le sous-mandataire et que cette responsabilité ne peut être écartée d'avance sinon dans les limites de l'article

lOO CO, soit à la rigueur en cas de faute légère 2. Si donc la banque émettrice suisse choisissait avec insouciance un petit établissement

1 § 315 BGB, cf. ci-dessus ll.5.a. in fine.

2 GAUTSCHI, p. 51.

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bancaire japonais inconnu comme banque notificatrice et si celui-ci acceptait des documents non conformes à l'accréditif, la banque suisse serait responsable malgré l'article 12 des nouvelles Règles et usances, et ceci selon les articles 399, alinéa 2 et roo CO.

Vous pouvez donc constater que les clauses concernant l'exoné- ration du banquier de sa responsabilité ne donnent pas à celui-ci une sécurité totale. La deuxième partie spéciale des Règles et usances traitant de la responsabilité des banques reste <<fort médiocre, très confuse et même dangereuse» 1, puisqu'elle est susceptible de tromper le banquier sur ses véritables droits et obligations et sur ses responsabilités.

3. Le rapport entre la banque émettrice et la banque notificatrice a) La teneur des Règles et u:sances

En parlant de la responsabilité de la banque émettrice pour le choix de la banque notificatrice, nous avons déjà mentionné implicitement le rapport juridique qui existe entre ces deux ban- ques. En ce qui concerne ce troisième rapport à examiner, les nou- velles Règles et usances sont muettes.

Il est vrai que le Tribunal fédéral, dans l'arrêt Bar et Contramet contre Aktiengesellschaft Leu & Co de 1952 2, a interprété l'article ro, alinéa 2 des anciennes Règles et usances (qui correspond à l'art. 8, al. 2 des nouvelles) comme disposition régissant aussi le rapport juridique entre les deux banques. Cette règle déclare ce qui suit: la partie qui donne l'autorisation d'accepter les documents est obligée de rembourser la banque qui a effectué le paiement, l'accep- tation ou la négociation.

b) Qualification du rapport furidique

Or, selon le Tribunal fédéral, un crédit documentaire irrévocable confirmé comporte la conclusion d'un mandat dans lequel la banque

1 MARAIS, p. 80; autre exemple de non-validité de l'exonération de la responsabilité: BGH allemand 19 nov. 1959, Monatsschrijt für Deutsc.hes

Recht, Hambourg, 1960, 218 et HAMER, lit.Akk/Abw.

2 ATF 78 II, p. 42 (50), Joiwnal des Tribunaux, Lausanne, 100, 1952, p. 519.

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émettrice est le mandant et la banque notificatrice le mandataire chargé de confirmer l'accréditif. Ce rapport serait en principe du même genre que le rapport qui s'est établi entre l'acheteur et la banque émettrice.

Le Tribunal fédéral va même plus loin: il affirme que la banque·

émettrice est d'une part l'assigné de l'acheteur et d'autre part l'assignant de la banque notificatrice. Il y aurait de ce fait deux assignations, deux ordres d'ouvrir un accréditif, celui de l'acheteur et celui de la banque émettrice.

Si cette conception de deux assignations, de deux accréditifs,.

a été vivement critiquée en doctrine 1, il n'en reste pas moins que la banque notificatrice chargée de notifier et, le cas échéant, de confirmer l'ouverture du crédit documentaire irrévocable, exerce les fonctions de mandataire de la banque émettrice. Les deux banques ont conclu un contrat de mandat 2, la banque émettrice en tant que représentant indirect, en son propre nom mais pour le compte de l'acheteur a.

c) Conséquences juridiques

La conception du Tribunal fédéral entraîne la conséquence suivante: la banque notificatrice peut exiger de la banque émettrice qu'elle accepte les documents, qu'elle rembourse ce qui a été dépensé en exécution du mandat et qu'elle paye la rémunération usuelle ou convenue au moment où la banque notificatrice entre elle-même en possession des documents. La banque notificatrice peut aussi exiger que la banque émettrice l'indemnise, le cas échéant, du dommage causé par l'exécution du mandat (art. 402, al. 2 CO). D'autre part, elle répond naturellement envers la banque émettrice de la bonne et fidèle exécution du mandat (art. 398, al. 2 CO).

1 GAUTSCHI, Das Akkreditiv, 49; cf. aussi SoDER, pp. 7 ss.

2 De même en droit français, HAMEL, 639 ss; en droit allemand Geschiifts- besorgimgsvertrag au sens du § 675 B'GB et contrat de travail au sens des

§§ 611 ss BGB (selon d'autres: contrat d'entreprise,§§ 631 ss BGB), la banque notificatrice étant ErfiUlimgsgehilfin de la banque émettrice au sens du

§ 278 BGB. En cas de crédit par acceptation accordé au bénéficiaire par la banque notificatrice, celle-ci a en outre reçu de la banque émettrice un ordre de crédit au sens des art. 408 ss CO, § 778 BGB.

3 Art. 12, al.1, des Règles et usances: 6 Les banques utilisant les services·

d'une autre banque pour donner suite aux instructions du donneur d'ordre le font pour le compte et aux risques de ce dernier.o

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4. Le rapport entre la banque ém,ettrice et le bénéficiaire a) La teneur des Règles et usances

Quant au quatrième rapport juridique, celui entre la banque émettrice et le bénéficiaire, nous devons distinguer entre le crédit révocable et le crédit irrévocable. Un crédit révocable ne constitue pas un engagement liant juridiquement la banque émettrice envers le vendeur-bénéficiaire. Un tel crédit peut être modifié ou révoqué à tout moment sans qu'on doive aviser le bénéficiaire. C'est ce que stipule l'article 2 des nouvelles Règles et usances et c'est ce que le Tribunal fédéral suisse avait déjà reconnu en 1928 1.

En ce qui concerne le crédit irrévocable, par contre, l'article 3 dit ceci:

Un crédit irrévocable est un engagement ferme de la banque émettrice et comporte l'obligation de celle-ci vis-à-vis du bénéficiaire ... que les clauses de paiement ... seront dûment exécutées pour autant que toutes les conditions du crédit soient respectées.

L'engagement de la banque émettrice peut être notifié par l'intermédiaire d'une autre banque, la banque notificatrice, agissant comme représentant direct au sens de l'article 32 CO. Une déclara- tion directe de la banque émettrice à l'adresse du vendeur-bénéfi- ciaire n'est nullement nécessaire.

b) Qualification du rapport J°u,ridiqite

Les difficultés surgissent quand nous cherchons à qualifier juridiquement ce rapport existant entre la banque émettrice et le bénéficiaire, pour déterminer les règles de droit auxquelles il est soumis. Nous retrouvons ici la constatation que nous avions faite en examinant le rapport juridique entre l'acheteur-donneur d'ordre et la banque émettrice. La qualification d'assignation admise en Suisse est écartée en France, parce que l'engagement de la banque émettrice ne serait irrévocable qu'au moment où le bénéficiaire l'accepte. Or, dans le crédit documentaire, le banquier doit être engagé irrévocablement dès que l'accréditif est parvenu au béné-

1 ATF 54 II, p. 176, JouYnal des Tribunaux, Lausanne, 76, 1928, p. 42I.

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