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et organisations analogues

B. LES CARTELS

5. Le cartel est, dans la règle (cf. art. z, al. r), une convention quï influence le marché de certains biens par une limitation collective de la concurrence.

Les membres du cartel peuvent, par exemple, s'entendre sur les prix de vente de leurs produits, se répartir les marchés, s'interdire de fabriquer certains produits nouveaux, etc. Les cartels peuvent aussi, dans une perspective a priori plus digne d'intérêt, imposer des normes de qualité pour les produits ou fixer des plafonds pour les.

budgets publicitaires (ce qui contribue à freiner la hausse des prix).

6. Pour qu'un cartel existe, au sens de la loi, il faut obli-gatoirement une limitation collective de la concurrence. Sont ainsi exclus du champ d'application de la loi tous les contrats bilatéraux où chaque partenaire ne recherche que son propre

avantage, sans agir de concert avec d'autres pour restreindre la concurrence. Ainsi les contrats d'exclusivité de toutes sortes, conclus entre deux entreprises, qui tombent souvent sous le coup des législations cc antitrust» étrangères, ne sont notamment pas affectés par la loi.

Dans la règle, cette limitation collective de la concurrence existe toujours dans les cartels dits «horizontaux», c'est-à-dire lorsque les membres du cartel sont des entreprises directement concurrentes, fabriquant les même produits. Une limitation collective de la con-currence peut cependant parfaitement résulter de cartels dits cc verticaux», c'est-à-dire conclus entre des entreprises situées à un stade différent de la production ou de la distribution et qui ne sont donc pas concurrentes.

Le cartel vertical classique,, le plus dangereux pour la concur-rence, est conclu entre deux cartels horizontaux: par exemple, un accord d'exclusivité liant un cartel de fabricants et un cartel de grossistes. De même, une limitation collective de la concurrence résulte d'un accord cartellaire liant une entreprise et un cartel horizontal: par exemple, un accord d'exclusivité entre un fabricant déterminé et une association de grossistes. Une limitation collective de la concurrence peut aussi être admise lorsqu'un accord est conclu entre une série d'entreprises individuelles situées à plusieurs stades de la production et de la distribution d'un produit: par exemple, un accord conclu entre les cinq ou six entreprises qui fabriquent les différentes pièces d'un produit (chacune fabriquant par hypothèse des pièces différentes, et n'étant donc pas concurrentes), l'entreprise qui confectionne le produit définitif, un grossiste et quelques détail-lants.

7. Si les cartels sont, dans la règle, des conventions en bonne et due forme, un cartel peut aussi résulter des statuts d'une société, ou de simples décisions prises par une association ou une société (art. 2, al. I). Pour que l'accord cartellaire ait une valeur juridique, il faut simplement qu'il soit conclu par écrit (art. n), pour éviter que de tels engagements ne soient contractés à la légère.

La loi assimile même aux cartels les accords «sans force obliga-toire», c'est-à-dire sans portée juridique, appelés communément

«gentlemen's agreement». Pour ces derniers, la forme écrite n'est

évidemment pas nécessaire; un cc gentlemen's agreement» purement oral est encore un cartel au sens de la loi. En revanche, un accord exprès est nécessaire: un accord qui serait purement tacite ne tombe dans le champ d'application de la loi que s'il conduit à une position dominante (cf. ch. 20).

8. Tout en confirmant la validité des engagements cartellaires, quels qu'ils soient, la loi les assouplit cependant à deux égards, tant pour des raisons d'équité juridique que pour assurer économique-ment le système de la cc concurrence possible >>.

Tout d'abord, le cartel ne doit pas rendre la sortie d'un membre cc difficile à l'excès>> par les conditions de sortie qui sont prévues, notamment sur le plan pécuniaire, ou par les délais de dénon-ciation (art. 13, al. 2). Cette notion d' cc excès >> revient à plusieurs reprises dans la loi. Elle implique, à notre avis, une comparaison objective des intérêts concrets en présence: l'intérêt légitime du cartel à assurer une certaine stabilité de ses membres et l'intérêt légitime de l'un d'eux de pouvoir sortir du cartel (cf. ch. 16, note 1).

Il ne nous semble donc pas possible de juger in abstracto si telle condition de sortie est licite ou interdite. La même condition peut être normale dans un cartel et excessive dans un autre. La même clause dans le même cartel pourrait même être normale aujourd'hui et excessive dans quelques années: par exemple une clause d'ordre pécuniaire assez sévère, parfaitement supportable en période de prospérité et absolument prohibitive dans une période moins favo-rable. Un compromis délicat doit être trouvé pour respecter à la fois l'esprit de la loi et la sécurité juridique.

Le membre d'un cartel peut en outre demander en tout temps au juge de le libérer de ses engagements cartellaires, cc lorsque sa position s'est notablement détériorée ou lorsqu'un autre juste motif rend son engagement incompatible avec les règles de la bonne foi>>

(art. 12). Le juge peut le libérer totalement de ses engagements; il peut aussi ordonner seulement une libération partielle, s'il admet que, même ainsi limités, les engagements cartellaires auraient néanmoins été conclus. Le jugement déploie en principe ses effets rétroactivement, au jour de l'introduction de la demande. A notre avis, cette demande ne doit être admise que lorsqu'un membre déterminé d'un cartel est dans une situation tout à fait particulière,

qui était imprévisible au moment où les engagements cartellaires ont été pris. Cette opinion suppose cependant que l'on interprète plutôt largement, au contraire, l'article 13, alinéa 2 concernant les condi-tions générales de sortie.

9. La loi prévoit un second assouplissement des engagements cartellaires, en posant certaines limites aux sanctions internes que les cartels peuvent prendre contre l'un de leurs membres qui aurait violé ses engagements ( art. 14).

Tout d'abord ces sanctions doivent être prévues expressément dans les engagements cartellaires eux-mêmes (donc par écrit, art. 14, al. 3). Si un cartel applique à l'un de ses membres une autre sanction, celle-ci sera jugée comme si elle était appliquée à un tiers, qui n'a pas contracté d'engagement cartellaire, en vue de le con-traindre à s'y soumettre; elle sera donc assimilée à un boycottage, en principe illicite (cf. ch. I I ss).

Même lorsque lesdites sanctions sont expressément prévues dans un engagement cartellaiire, elles ne doivent pas causer au membre récalcitrant «un préjudice excessif par rapport au but visé ou du fait de leur nature et 1 de la façon dont elles sont appliquées».

Voilà de nouveau la notion d'« excès» qui réapparaît, impliquant ainsi, à notre avis, une comparaison objective des intérêts concrets en présence (cf. ch. 16, p. 55, note l).

10. L'article 14 de la loi ne s'applique bien entendu nullement aux actions civiles normales que le cartel peut intenter contre l'un de ses membres qui aurait violé ses engagements: action en exécution de la convention cartellaire (éventuellement sous peine d'une astreinte fixée par le juge), action en dommages-intérêts, etc. La validité des engagements cartellaires n'est en effet pas affectée par la nouvelle loi.

On peut en revanche se demander si la réclamation d'une peine conventionnelle tombe sous le coup de l'article 14. Le message du Conseil fédéral contient à cet égard deux passages contradictoires:

à propos de l'article 13 du projet, il est écrit que la peine

conven-1 Le texte français de la loi dit « oit de la façon ». Ce texte est erroné. En allemand, l'art. 14, al.1 in fine reproduit exactement l'art. 5, al.1 in fine (cf. ch. 16).

tionnelle constitue la plus importante des entraves à la concur-rence de caractère interne; à propos de l'article I4 du projet, il est précisé que les limites posées à la juridiction arbitrale, notamment pour les mesures prises à titre de sanction interne, ne s'appliquent pas aux contestations portant sur des peines conventionnelles.

D'un côté, il est évident que si les peines conventionnelles échappaient complètement à l'article I4 de la loi, cette disposi-tion ne serait qu'un coup d'épée dans l'eau. D'un autre côté, l'inter-prétation littérale de cette disposition semble exclure les peines conventionnelles, puisque l'article I4 se réfère à l'article 4 et qu'il est par définition impossible qu'un cartel réclame une peine conven-tionnelle à un outsider.

La controverse n'a peut-être pas une importance décisive, puis-que l'article I63, alinéa 3 CO prévoit déjà que le juge doit réduire les peines qu'il estime excessives. La compétence des juridictions arbitrales reste cependant douteuse. Pour notre part, nous avons tendance à admettre, de manière tout à fait générale, que les peines conventionnelles constituent une entrave à la concurrence au sens de l'article I4.

C. LE BOYCOTTAGE EFFECTUÉ PAR UN CARTEL