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Deuxième journée juridique : 13 octobre 1962

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Conference Proceedings

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Deuxième journée juridique : 13 octobre 1962

GRAVEN, Jean, et al.

GRAVEN, Jean, et al . Deuxième journée juridique : 13 octobre 1962 . Genève : Georg, 1963, 133 p.

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:141277

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JEAN GRAVEN - GEORGES BROSSET PIERRE LALIVE - CHARLES-A. JUNOD

DEUXIÈME

JOURNÉE JURIDIQUE

GENÈVE

LIBRAIRIE DE L'UNIVERSITÉ GEORG & Cie S. A.

1963

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JOURNÉE JURIDIQUE

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JEAN GRAVEN - GEORGES BROSSET PIERRE LALIVE - CHARLES-A. JUNOD

DEUXIÈME

JOURNÉE JURIDIQUE

GENÈVE

LIBRAIRIE DE L'UNIVERSITÉ GEORG & Oe S. A.

1963

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L'an dernier, dans l'avant-propos qui précédait la publication des exposés présentés à la Journée juridique de I96I, nous indiquions brièvement les raisons pour lesquelles la Faculté de droit de l'Univer- sité de Genève avait décidé d'organiser, groupées sur une journée, quelques conférences au cours desquelles des problèmes juridiques d'actualité seraient présentés aux juristes de notre ville.

Le volume était intititlé: Première Journée juridique, ce qui démontrait l'intention de la Faculté de droit de renouveler périodique- ment l'organisation de telles journées.

La Deuxième Journée juridique a eu lieu le IJ octobre I962. On trouvera ci-après le texte des exposés qui y ont été prononcés et qui touchent à la procédure pénale, au droit civil, au droit international privé et au droit administratif.

Alexandre BERENSTEIN Doyen

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à la lumière de la jurisprudence

par

Jean GRAVEN

Professeur à la Faculté de droit Président de la Cour de cassation

I

LE ROLE DE LA COUR DE CASSATION COMME JURIDICTION SUPRÊME DE CONTROLE Il est un moyen dont on parle beaucoup - à vrai dire, presque dans chaque affaire importante qui trouble et passionne l'opinion publique - et un moyen qui pourtant s'applique assez peu souvent i

et n'est qu'assez mal connu: c'est celui de la revision des jugements pénaux. C?-r en réalité le législateur, en admettant cette «voie de recours extraordinaire » comme une sorte de soupape de sûreté contre l'erreur J°udiciaire, a voulu qu'elle soit si strictement réglée et appliquée qu'on ne puisse toucher au principe de la chose jugée que si des motifs graves, et pour ainsi dire impérieux, le font appa- raître justifié.

Reconnaître qu'un jugement pénal définitif peut être soumis à la revision, annulé, et que toute la procédure sera reprise, est l'une des fonctions dont le législateur

a

investi la Cour de cassation. Et elle l'est souverainement. Car si, quand elle connaît des recours en cassation, elle statue sous réserve de la possibilité du recours en nullité devant la Cour de cassation du Tribunal fédéral (art. 268 ss LF du 15 juin 1934 sur la procédure pénale fédérale), lorsqu'il

1 Le nombre des pourvois en revision soumis à la Cour de cassation genevoise s'est élevé, de sa fondation en 1848 à la fin de 1949, à 89 (il n'y en eut point, au début, de 1848 à 1866); de 1950 à la mi-juin 1961, leur nombre a été de 17, d'après les indications du greffe de la cour: ce qui fait un peu plus d'une centaine de cas, en n'oubliant pas que certains ont donné lieu non seulement à l'arrêt final, mais à des arrêts ordonnant une information préalable ou complémentaire.

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s'agit de l'application de dispositions de droit pénal fédéral 1, en matière de revision au contraire, où il s'agit d'appliquer les règles de la loi de procédure cantonale, le recours n'est pas ouvert devant la juridiction fédérale suprême; ou du moins il ne l'était pas et il ne l'est, depuis l'entrée en vigueur du Code pénal de 1937 au début de 1942, que dans la mesure où les principes de l'article 397 CP ne seraient pas respectés par les cantons en instituant ou appli- quant leur système de la revision.

*

Le rôle de la Cour de cassation genevoise, instituée par la loi du 4 mars 1848 sur le modèle de la Cour de cassation française, est analogue à celui qu'exerce cette dernière par sa Chambre cri- minelle. Le projet de loi organique des tribunaux (du 3 novembre 1847) a entendu établir, comme le relevait le Conseil d'Etat, «un tribunal de cassation remplissant, en tant qu'une telle institution s'applique à Genève, l'office de la Cour de cassation de France» 2 • La Cour de cassation, à la différence de l'ancien Tribunal de recours prévu par la constitution de 1814, cc n'aurait plus à juger que sur des questions de droit pur », a précisé le Mémorial du Grand Conseil;

en tant que cc premier tribunal du pays», elle devrait présenter« le maximum d'indépendance et de garantie pour les citoyens» 3 . La loi du 22 novembre 1941, reproduisant presque mot pour mot les termes de la loi de 1848, n'a pas apporté de modification au régime de la Cour de cassation telle qu'elle a été alors instituée. Le projet de revision de 1957 a respecté aussi le système existant, qui a fait ses preuves et donne satisfaction. 4

1 Cf. l'arrêt de la Cour de cassation fédérale sur recours en l'affaire Conti, du 5 décembre 1946, Sem. jud., 1948, p. 215.

2 Les affaires civiles sont déférées à la Cour de justice civile (Tribunal cantonal), en partie du moins, par la voie del'« appel extraordinaire» (art. 339 LPC), afin de ne pas trop charger et compliquer l'organisation judiciaire du canton. Cf. Mémorial du Grand Conseil, du 24 septembre 1847 au 1•• novembre 1848, tome I, p. 345.

3 Voir, outre l'ouviage de A. FLAMMER, Lois pénales, d'instmction oriminelle et de police du canton de Genève, 1862, G. FoËx, Les origines et l'institution-de la Cour de cassation pénale genevoise, publication commémorative du Centenaire de la Cour de cassation de Genève, 1951, pp. 11 ss, et GRAVEN, La tdc!ie et les pouvoirs de la Cour de cassation, ibidem, pp. 31 ss.

4 L'exposé des motifs de l'ancien procureur général Ch. CORNU, actuellement juge à la Cour de cassation, à l'appui du projet de CPP revisé, fixant les conditions formelles du pourvoi et les règles de procédure suivant lesquelles il s'exerce, relève

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Conformément à la tradition française, la Cour de cassation genevoise connaît donc du recours ou pourvoi en cassation (art. 437- 45I CPP) et du pourvoi en revision (art. 452-458 CPP).1 Elle doit assurer le respect de la loi par ces deux voies de droit dites extraor- dinaires, parce qu'elles ne sont ouvertes que dans des cas exception- nels et à des conditions strictement limitées par la loi. Elles sont qualifiées d'autre part de voies d'annulation parce qu'elles tendent à faire réduire à néant le jugement définitif attaqué. Ce jugement devra être remplacé, si la Cour de cassation accueille le recours, par un nouveau jugement relevant de la juridiction compétente pour

d~cider le fond, à qui la Cour de cassation renvoie l'affaire.

La Cour de cassation ne constitue donc pas, puisqu'elle ne statue pas elle-même à nouveau sur le fond, un troisième degré de juri- diction, au-dessus du tribunal de première instance et du tribunal d'appel (dans les seules affaires de police à Genève).2 Son rôle n'est pas de reprendre l'ensemble de la cause, de revoir les faits, d'en administrer de nouveau la preuve et de trancher définitivement la cause. On ne s'adresse pas à elle par voie de réformation (comme l'appel), ni même de rétractation (comme l'opposition à la suite d'un

que le projet l'a fait <•sans s'écarter du reste beaucoup des dispositions de droit actuellement en vigueur», dont il s'est borné à préciser quelques-unes, sur la base même de l'expérience de la Cour de cassation; exposé des motifs, Chancellerie d'Etat, 1957, p. 185.

1 Voir nos développements dans l'étude citée sur La ttJ.che et les pouvoirs de la Cour de cassation, op. cit., ad II, pp. 34 ss, ainsi que notre Esquisse dit système de la cassation et de la revision à Genève et de sa réforme possible. Actes du l er Congrès pénal et pénitentiaire hispano-luso-américain, à l'occasion du Centenaire de la Cour de cassation d'Espagne, Madrid, 1952.

2 L'appel à Genève n'est en effet possible que contre les jugements du Tribunal de police (art. 406 ss CPP); on ne l'a pas admis pour les jugements de la Cour correc- tionnelle (même sans jury), ni pour ceux de la Cour d'assises (le jury étant censé souverain et n'ayant pas à motiver ses verdicts). On a estimé que le pourvoi pou- vant être exercé devant la Cour de cassation cantonale et devant la Cour de cassa- tion fédérale, donnait des garanties suffisantes. Mais c'est une erreur, puisque les faits, leur preuve et leur discussion ne peuvent être repris, et qu'un appel serait bien plus nécessaire et justifié contre les arrêts de la Cour correctionnelle que contre ceux du Tribunal de police: les intérêts en cause, soit les conséquences de la déclara- tion de culpabilité et de la fixation de la peine, y sont en effet beaucoup plus impor- tants. Les dispositions existantes ont été critiquées par la Commission de revision du CPP, car elles mêlent les moyens d'appel et de cassation. Elle a dès lors admis que tous les jugements du Tribunal de police seraient susceptibles d'appel lorsque la sanction prononcée ou requise est d'une certaine gravité (et décidé d'ouvrir la voie de la cassation contre les arrêts rendus par le Tribunal de police ou sur appel de ceux-ci). Exposé des motifs, pp. 160 ss. Mais rien n'a été changé au reste du système.

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jugement rendu sur défaut). Elle se situe dans une autre sphère;

sa mission particulière est, comme on l'a dit, de« juger les jugements et non les parties, le droit et non les faits ». La Cour de cassation a dû souvent et doit encore constamment le rappeler: elle n'est pas une juridiction d'appel suprême, mais uniquement une juridiction de contrôle de la juste application de la loi, et cela toujours sur l'uni- que point de la prétendue violation qui lui est soumise. Elle ne prend en considération et n'apprécie que tel motif légal précis, limité, dont la loi permet de la saisir. Il ne lui appartient nullement de rechercher si l'arrêt attaqué devant elle lui paraît justifié au fond, et conforme à ce qu'elle aurait elle-même décidé si elle avait eu à statuer; elle n'a pas à se substituer au tribunal du fond dans l'exercice de ses compétences; son rôle est uniquement d'examiner si l'un des motifs légaux - de cassation ou de revision - existe bien et justifie l'annulation, à ce titre, de l'arrêt contesté.1

La Cour de cassation l'a rappelé maintes fois: sa mission est strictement délimitée, tant en matière de revision que de cassation, par les dispositions impératives de la loi. Il ne lui appartient donc en aucune manière d'apprécier le fond et de se substituer au juge du fond, de dire si par exemple le recourant a été trop sévèrement condamné, ou aurait dû bénéficier de circonstances atténuantes.

Elle ne peut non plus, dans une demande en ·revision, être saisie de prétendues violations de la loi de procédure et des droits de la défense, qui doivent être proposés, dans le délai utile immédiat, par la voie de la cassation.2 Elle l'a rappelé encore récemment:« La revision, voie de recours extraordinaire et moyen exceptionnel portant atteinte à la règle fondamentale de la chose jugée, n'est pas et ne saurait être une forme détournée d'appel.» 3

1 Voir l'exposé cité, dans le Centenaire de la Cour de cassation, pp. 35 ss avec les références aux arrêts prononcés, en matière de revision, jusqu'en 1949, à la note II.

Les mêmes principes ont dû être rappelés dans presque tous les arrêts de cassation, où la confusion avec l'appel et la discussion générale des faits et du fond ont toujours tendance à reparaître.

2 Arrêt Luhr, du 21 mai 1954·

3 Arrêt du 16 septembrê 1957, en l'affaire Girsberger, confirmant les principes déjà répétés dans les arrêts Allison, Mora, Tissot et dame Campeanu-Popesco, publiés dans Sem. ]ud., 1945, pp. 321 et 563, 1947, p. 427, et 1950, p. 433. Confirma- tion récente dans l'arrêt Frutiger, du 9 mai 1962.

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Son rôle n'est donc pas «de substituer au mal jugé des juridic- tions de fond un mieux jugé ». En matière de cassation, elle doit se borner à dire si, dans la décision attaquée, la juridiction de juge- ment a observé les dispositions du droit de fond ou les règles essen- tielles de la procédure appliquée aux faits retenus, c'est-à-dire si elle a commis ou non une erreur d'application des dispositions fon- damentales du droit. En matière de revision la Cour de cassation devra dire si, en jugeant, la juridiction du fond n'a pas prononcé une décision de culpabilité ou une condamnation à tort, par le fait d'une erreur de faits ultérieurement révélée, et qui doit être établie.

Voilà pourquoi on dit communément que le pourvoi en cassation est donné aux parties pour réparer les erreurs de droit, et le pour- voi en revision - qui correspond à l'ancienne« proposition d'erreur»

du droit français - pour réparer les erreurs de fait commises au pré- judice du condamné.1 Faustin Hélie, la grande autorité française en la matière, a très clairement précisé la ligne de démarcation des deux voies de recours, qui «n'ont rien de commun» entre elles:

«La cassation ne s'applique qu'aux seules infractions à la loi; la revision s'applique aux méprises du juge, à l'injustice du jugement, à l'appréciation même des faits; elle a pour objet, non de faire casser la sentence, mais de la faire rétracter, non de provoquer une autre interprétation de la loi, mais de proclamer et de réparer une erreur.>> 2

Nous laissons de côté, dans cet exposé, les problèmes de cassa- tion qui ne doivent pas en faire l'objet 3 , pour nous tenir à ceux de revision. Des affaires plus ou moins récentes ont donné d'ailleurs

1 Voir notamment sur ces distinctions, en doctrine française, les traités fonda- mentaux de F. HÉLIE et HÉLIE et DEPEIGES (Pratique des cours et tribunaux), et R. GARRAUD, et les manuels classiques de VIDAL et MAGNOL, Cours de droit criminel et de science pénitentiaire, 9• éd., 1949, tome Il, pp. 1238 ss et 1302 ss; Roux, Cours de droit criminel français, tome II, Procédure pénale, 2• éd, 1927, pp. 443 ss et 576 ss; DoNNEDIEU de VABRES, Traité de droit criminel et de législation pénale comparée, 3• éd. 1947, pp. 837 ss et 856 ss; BouzAT, Traité théorique et pratique de droit pénal, 1951, Il• partie, pp. 914 SS et 937 SS.

2 HÉLIE, Traité de l'instruction criminelle, Paris, 1845, tome IX, p. 518.

3 Nous renvoyons à notre exposé dans le Centenaire de la Cour de cassation, ad III, pp. 37 à 43, avec les· références. Depuis, voir l'exposé de jurisprudence de M. G. FoËx, juge à la Cour de cassation:« Notes sur la jurisprudence de la Cour de cassation de Genève~. Rev. pénale suisse, 1959, pp. 361-380. Cet exposé ne traite pas de la revision.

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un vif regain d'intérêt et d'actualité aux questions, suffisamment complexes, qu'elle pose.

Il faut préalablement rappeler cependant que si les fonctions de la Cour de cassation genevoise sont, dans les grands traits, les mêmes que celles de la Chambre criminelle de la Cour de cassation française, et que si les voies de recours dont elle connaît sont les mêmes de par leur nature et leur but, particulièrement aussi en matière de revision 1, on doit bien se garder d'assimiler générale- ment aussi les motifs qui les autorisent, les conditions de leur admis- sion, et les règles de procédure qui permettent de les soutenir. Les dispositions légales qui régissent le système français et le système genevois qui en est issu étant aujourd'hui différentes, il est clair qu'elles peuvent varier, et elles varient en effet sensiblement sur nombre de points importants. C'est pourquoi la doctrine et la juris- prudence françaises, si utiles qu'elles puissent être dans certains cas douteux en tant que guide - et la Cour de cassation genevoise y a recouru plus d'une fois pour élucider certains principes de pro- cédure peu clairs ou controversés - ne doivent pas être invoquées automatiquement et admises sans un examen comparé très atten- tif, comme plusieurs arrêts ont dû le rappeler, en matière de revi- sion 2 non moins que de cassation.

II

LE PRINCIPE DE LA REVISION

r. Voyons d'abord quelles sont les dispositions pénales appli- cables et, en premier lieu, celles du Code de procédure pénale gene- vois actuel.

Aux termes de l'article 452 CPP, «un jugement de condamna- tion définitif peut être ~oumis à la procédure de la revision lorsque l'un des cas suivants est invoqué:

1 Consulter les deux thèses genevoises de G. FAZY, La revisio11 en matière pénale, 1899, et de Y. MAUNOIR, La revision pénale en droit genevois et suisse, 1950. Sur les distinctions entre les diverses voies de recours et spécialement la cassation et la revision, cf. MAUNOIR, notions générales, pp. 23 ss.

2 Notamment les arrêts Allison et Mora, des 13 novembre 1944 et 23 mai 1945, Sem. Jud., 1945, pp. 324 et 568.

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a) deux accusés ont été successivement condamnés à raison de la même infraction et les deux condamnations ne peuvent se concilier;

b) un ou plusieurs témoins ont porté dans le procès, au préjudice du condamné, un faux témoignage, ou il a été fait usage d'une pièce fa us se et le faux témoignage ou la pièce fa us se étaient de nature à infiuer sur le verdict du jury ou la décision des juges;

c) il a été attribué au condamné un état civil qui n'est pas le sien;

d) depuis la condamnation, il a été découvert des indices sérieux de l'innocence du condamné ou des faits graves dont la constatation est de nature à faire douter de la légitimité de la condamnation. »

C'est le texte qui remonte à notre loi du 26 mai 1897, corrigeant et améliorant l'article 472 du Code d'instruction pénale genevois de 1884, lequel avait remplacé le Code d'instruction criminelle fran- çais (art. 443 du texte de 1808) 1, à la suite d'une affaire Bérard qui fit passablement de bruit.2 La lol. de 1897 a été remplacée elle-même par les dispositions de la loi du r8 juin r9ro, incorporée au CPP actuel.

En dehors des qitatre motifs légalement retenus, il n'y a pas possibilité de demande de revision, soit de reprise et de réexamen d'un procès jugé. Et c'est facile à comprendre. La cc chose jugée»

définitivement est en effet censée l'expression de la vérité (res jitdicata pro veritate habetur), et elle ne doit pas pouvoir être remise en question sous n'importe quels prétexte ou contestation, dans l'intérêt même de l'administration de la justice, de la stabilité du

1 La revision ou proposition d'erreur, virtuellement supprimée à la Révolution, n'a été rétablie en France que très partiellement, en 1793; elle n'a été admise d'abord que «lorsqu'un accusé aura été condamné pour un crime, et qu'un autre accusé aura aussi été condamné par un autre arrêt comme auteur du même crime, si les deux arrêts ne peuvent se concilier, et sont la preuve de l'innocence de l'un ou de l'autre condamné». C'était le cas dans l'affaire Lesurques, dite du Courrier de Lyon;

voir notamment sur celle-ci J. DELAYEN, L'afjaire du Courrier de Lyon, Paris, 1905.

L'affaire Lesurques amena une modification de la loi sur la revision en 1867. Puis de nouvelles affaires (Vaux et Borras) aboutirent à la loi du 8 juin 1895 formant l'ar- ticle 443 nouveau du Code d'instruction criminelle. Sur le sujet en général, voir notamment: Gu1LHERMET, Comment se font les erreurs judiciaires, Paris, s.d., et LAILLER et VoNOVEN, Les erreiws judiciaires et leurs causes, Paris, 1897.

2 Sur la genèse des dispositions genevoises actuelles, voir la thèse de FAZY, pp. 43 à 176, spécialement pp. 147 ss et celle de MAUNOIR, pp. 69 à 75.

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droit et des relations humaines, comme la Cour de cassation a eu aussi l'occasion de le rappeler plus d'une fois.1

Quant à la genèse des dispositions genevoises, on peut rappeler brièvement que le Code d'instruction pénale de I884 admettait la revision dans le cas de faux témoignage ayant amené une injuste condamnation, dans celui de contradiction de deux jugements, et dans celui où il existerait des preuves d'innocence, disposition qui d'ailleurs «constituait une innovation, un progrès incontestable sur le droit français, qui n'avait pas encore pu se décider à adopter un cas général» 2• Il introduisit de plus la possibilité d'accorder à la victime d'une erreur judiciaire des dommages-intérêts proportion- nés au préjudice souffert.

En I897, un inconnu ayant été condamné sur un état civil em- prunté à un individu honorable et étranger à tout délit (affaire Bérard), on remania les dispositions du code, en assurant une meil- leure rédaction et en améliorant la procédure. Puis à la suite d'une nouvelle affaire (BalleydieretTruffet), dans laquelle la Cour d'assi- ses, en I90I, avait prononcé une double condamnation à quinze et vingt ans de travaux forcés pour meurtre, malgré les protestations d'innocence des deux accusés, on admit, en Igrn, et vu le doute continuant à planer à cause de certaines irrégularités de l'instruc- tion 3 , la possibilité d'une revision plus souple et plus large lorsque, depuis la condamnation, il aurait été découvert non plus stricte- ment des « preuves précises et concordantes », mais « des indices sérieux faisant présumer l'innocence du condamné». Après d'assez longs débats sur ce texte, on en arriva au compromis de la formule actuelle, passée intégralement dans le CPP du 7 décembre Ig40 (litt. d).

Le projet de la loi d'organisation judiciaire en cours de revision (art. 70) conserve les quatre cas actuels, dont il simplifie la forme

1 Notamment arrêt Allison, du 13 novembre 1944, Sem. ]ud., 1945, p. 324, dont les principes ont été plusieurs fois confirmés.

2 MAUNOIR, op. cit.

8 Le recours en cassation formé par Balleydier et Truffet, en 1912, a d'ailleurs été rejeté par la Cour de cassation, voir Sem. ]ud., 1913, pp. 51 ss. Sur l'affaire elle-même, voir MoRHARDT: Une erreiw judiciaire à Genève, l'affaire Balleydier et Truffet, Paris, 1910. On peut constater que les affaires de revision genevoises inté- ressaient dès alors le grand public et provoquaient des publications à l'étranger comme, depuis, ce que le public a appelé« l'affaire Popesco & et t l'affaire Jaccoud &.

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et établit un ordre meilleur.1 L'exposé des motifs est fort bref à ce sujet puisqu'il se borne à relever que «ces dispositions sont précises et n'appellent pas de commentaires» 2 • Elles sont pourtant déli- cates à interpréter, comme le montrent la doctrine et la jurispru- dence, et ce sont précisément ces explications ou ces commentaires que nous aurons à donner pour les éclaircir.

2. La situation s'est d'autant plus compliquée que le Code pénal suisse du 21 décembre 1937, entré en vigueur au début de

1942, a fort embrouillé les choses pour le droit cantonal, en intro- duisant son article 397 sur la revision, lequel dispose que:

Les cantons sont tenus de prévoir un recours en revision en faveur du condamné contre tes jugements rendus en vertu du présent code ou d'une autre loi fédérale, quand des faits ou des moyens de preuve sérieux et dont le juge n'avait pas eu connaissance lors du premier procès viennent à être invoqués.

On voit aussitôt que c'est imposer là aux cantons un mode de revision - ou, en allemand, .de Wiederaufnahme des Verfahrens - qui peut ne pas correspondre à leur tradition, alors que l'article 64bis de la Constitution fédérale leur a garanti que la procédure pénale et l'administration de la justice (qui comprend la détermi- nation de la validité et l'exécution des jugements) cc demeurent aux cantons dans la même mesure que par le passé», c'est-à-dire au moment où la revision constitutionnelle du 13 novembre 1898 a reconnu à la Confédération le seul droit de légiférer en matière de droit pénal de fond. Il est même justifié de se demander si l'article 397 CPS n'est pas anticonstitutionnel, et l'on peut rappeler que les

1 Le nouveau texte du projet de 1957 est le suivant: «La voie de la revision n'est ouverte contre un jugement de condamnation définitif que lorsqu'un des cas suivants est invoqué:

a) deux accusés ont été successivement condamnés en raison de la même infraction par des jugements inconciliables;

b) le jugement a été influencé, au préjudice du condamné, par un faux témoignage ou une pièce fausse;

c) il est fait état d'indices sérieux de l'innocence du condamné ou de faits graves de nature à faire douter de la légitimité de la condamnation et dont le juge n'avait pas eu connaissance dans le premier procès;

d) il a été attribué au condamné un état civil qui n'est pas le sien. »

2 Exposé des motifs de 1957, p. 185.

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le texte n'a en vue que l'erreur portant sur l'identité du condamné;

une erreur partielle sur l'état civil, comme la date de naissance, ne joue aucun rôle sur cet article, qui ne permet d'ailleurs jamais d'être soumis à un nouveau jugement, mais seulement d'obtenir la rectification d'identité qui s'impose.1

Ce n'est donc pas à proprement parler une revision sur le fond, mais une sorte de revision ou plutôt de rétractation administrative.

Il existe bien un fait nouveau qui était inconnu des juges et ce fait exerce une influence sur la condamnation, puisque celle-ci a été prononcée contre une personne qu'elle ne concernait en réalité pas. Mais il manque l'élément caractéristique de la revision, soit l'annulation du jugement et la possibilité de recommencer le procès.

Cependant, si la place d'une telle disposition parmi les cas de revi- sion proprement dite est discutable, son existence même ne l'est pas. Elle s'est révélée nécessaire et très utile puisque, sur 26 deman- des en revision admises à Genève entre 1900 et 1945, 23 ont été fondées sur la rectification d'état civil.2

La fausse identité peut d'ailleurs aussi, dans certains cas, in- fluer sur le jugement au fond, comme par exemple lorsque, s'accom- pagnant d'une erreur sur la nationalité du condamné, elle entraîne l'application, à un citoyen suisse, de l'expulsion (art. 55 CP), qui n'est possible qu'à l'égard des étrangers. Nous verrons plus loin s'il faut retenir là un «fait nouveau» grave justifiant la revision de ce chef.

2. La contradiction des jugements

Ce motif a été admis par tradition, sous l'influence de la légis- lation française (consacrée après l'affaire Lesurques par la loi de 1867); mais en réalité il n'a encore jamais eu à s'appliquer à Genève.

On en comprend la justification: il convient de pouvoir remédier à la situation qui serait créée lorsque deux personnes différentes

1 Arrêt Vaskoff, du 29 septembre 1923, Sem. Jud., 1923, p. 512.

2 MAUNOIR, op. cit., p. 83.

8 Ainsi dans l'arrêt Knacker (alias Mandowsky), du 22 décembre 1947, où la rectification d'état civil a été ordonnée sans enquête, vu les pièces authentiques produites, mais où le second point (influence sur la condamnation) a été examiné plus à fond.

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sont condamnées par deux arrêts distincts, pour le même fait (quelle qu'en soit la qualification juridique), et que ces arrêts sont inconciliables en ce que la culpabilité d'un des condamnés exclut celle de l'autre. Il faut donc qu'il apparaisse clairement, dans une des deux procédures, que le nombre des participants à l'infraction était limité à tel chiffre, et qu'on découvre par la suite qu'en réalité on a, si l'on peut dire, cc un condamné de trop». Cette erreur doit évidemment pouvoir être réparée.

Cependant, une double critique a été faite à la consécration de cette disposition dans le droit genevois. D'abord, à cause de son formalisme étroit, elle permet à celui des deux individus qui serait réellement coupable, de demander la revision et de se faire juger une deuxième fois sans que la première condamnation soit injus- tifiée. D'autre part, la possibilité de se présenter une seconde fois devant les juges sans une forte présomption d'erreur judiciaire porte une atteinte inutile à la chose jugée, se trouve en contradic- tion avec la notion genevoise de la revision, et constitue un abus.

Au surplus, l'individu innocent pourra toujours, en prouvant l'in- conciliabilité des condamnations et en rendant son innocence vrai- semblable, invoquer la clause générale. On pourrait donc sans in- convénient abandonner ce cas particulier.1 ·

3. Lefaux témoignage et la pièce fausse; l'erreur provoquée a) La plupart des législations admettent qu'un jugement de condamnation obtenu par un faux témoignage, c'est-à-dire sur la déclaration mensongère d'un témoin assermenté, doit être réparé.

Si le faux témoignage ne prouve pas encore nécessairement qu'il y a eu err~ur judiciaire, du moins fait-il apparaître que les faits sur la base desquels le jugement a été rendu sont inexacts, et le jugement lui-même en est ébranlé. La chose jugée perd son autorité morale si elle s'appuie sur les dires d'un faux témoin condamné comme tel.

C'est pourquoi en France, en Allemagne, en procédure fédérale suisse (art. 229, ch. 3 PPF), un faux témoignage constaté ouvre d'office la revision du procès.2

1 Ainsi justement MAUNOIR, op. cit., p. 77.

2 Cf. MAUNOIR, ibidem.

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faux; il faudra établir que la condamnation contestée en a été au moins en partie la conséquence. C'est conforme aux règles générales actuelles du droit, moins formalistes, plus logiques aussi, que les règles anciennes.1 L'incidence absolue, certaine, ne pourra d'habi- tude être prouvée, car il faudrait interroger les juges et les jurés pour savoir dans quelle mesure ils ont été effectivement influencés.

Ce qui comptera sera donc la possibilité de reconnaître, en repre- nant les déclarations ou la pièce fausses, en les comparant à l'en- semble des circonstances de la cause, si vraiment elles ont, selon les plus grandes probabilités, retenti sur la décision, c'est-à-dire qu'il faudra «rendre admissible que l'incidence était probable et qu'elle était psychologiquement possible»2 • La Cour de cassation tiendra naturellement compte, pour cette appréciation, des circonstances, de la valeur et de la qualité du témoin (ou du titre), de son intégrité morale, de son âge, de son expérience, de ses mobiles, etc. Elle doit en effet peser tous les éléments de conviction pour décider d'es- pèce en espèce si, oui ou non, le motif invoqué a suffisamment de

force convaincante pour que la procédure puisse être .rouverte et la revision engagée.

On peut citer à titre d'exemple un intéressant arrêt rendu dans une affaire d'atteinte à l'honneur, où les inculpés avaient été condamnés à des amendes par le Tribunal de police, sur plainte portée contre eux par des époux avec lesquels ils s'étaient disputés. Les condam- nés demandèrent la revision en faisant valoir notamment que le principal témoin, dame W., n'avait ni assisté à la dispute, ni entendu les injures et les propos calomnieux attestés par elle. Elle fut effec- tivement condamnée pour faux témoignage. Comme la condamna- tion avait été prononcée essentiellement sur les déclarations de ce prétendu témoin, reconnu coupable de fausses déclarations, la Cour de cassation a annulé le jugement rendu et renvoyé les deman-

1 On rejoint du reste ici le principe fondamental qui veut que le fait ou l'erreur prétendus aient entraîné un préjudice pour celui qui se pourvoit, lui aient« fait grief»

(principe essentiel en matière de cassation}, ce qui n'est évidemment pas le cas s'il n'y a pas de rapport de cause à effet entre le fait reproché et la décision intervenue.

Sur le vieux principe «pas de nullité sans grief » et son application si fréquente par la Cour de cassation, cf. notre exposé dans le Recueil du Centenaire de la Cour de cassation, p. 40, avec les références aux arrêts alors rendus, auxquels nombre d'au- tres se sont ajoutés depuis.

2 MAUNOIR, p. 25, d'après ANDRES, op. cit.

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<leurs devant le tribunal compétent pour juger au fond (conformé- ment aux ch. I et 2 de l'art. 457 CPP) .1

4. La clause générale, l'«erreur judiciaire» stricto sensit Nous abordons ici le motif le plus fréquemment invoqué, et qui soulève les questions et l'interprétation les plus déli- cates.

D'une manière générale, la loi n'exige pas qu'une demande de revision fondée sur l'article 452, lit. d, CPP soit appuyée sur des preuves absolues, puisqu'elle laisse à la Cour de cassation le droit d'ordonner au besoin des informations complémentaires, comme nous le verrons. Dans une jurisprudence constante, la Cour de cassa- tion a rappelé «que les faits nouveaux allégués par le recourant doi- vent, pour que le pourvoi soit déclaré fondé, démontrer ou rendre vraisemblable qu'une erreur a été effectivement commise devant la juridiction saisie de l'affaire, que cette erreur a exercé une influence sur la condamnation, constatation de nature à faire éclater l'in- nocence du condamné ou à faire douter de la légitimité de la con- damnation prononcée». Ce que le législateur a voulu, a précisé par exemple encore un arrêt Irrniger, de 1944, «c'est, par des dispositions aussi larges et libérales que possible, permettre la revision d'une sentence pénale lorsque des faits nouveaux - et des faits «graves ii

d'après l'article 452 - ou des indices «sérieux i> font apparaître la certitude ou la quasi-certitude d'une erreur judiciaire. Son intention n'a au contraire nullement été de faire fléchir l'autorité de la chose jugée devant des réclamations sans consistance, ou d'attribuer à la Cour de cassation le rôle d'une suprême juridiction d'appel char- gée en dernier ressort de statuer sur des preuves déjà soumises aux juges antérieurs. Admettre la revision d'une sentence sans la dé-

1 La Cour de cassation n'a pas déclaré elle-même les demandeurs innocents (en application de l'art. 457, ch. 3, qu'ils invoquaient); car, a précisé l'arrêt, s'il résulte des éléments de fait et de droit retenus que la revision doit être admise et le juge- ment du Tribunal de police annulé, «il n'en résulte pas aussi que les demandeurs en revision étaient innocents, c'est-à-dire qu'ils n'ont effectivement proféré ni injures ni calomnies lors des disputes ... qui ne sont en elles-mêmes pas contestées »; arrêt en l'affaire Crausaz contre époux Delétraz, du 21 avril 1945, Sem. ]ud., 1946, p. 40.

Sur ce point, voir le chapitre IV, sur la décision de la Cour de cassation.

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monstration ou du moins sans des présomptions suffisamment probantes d'une erreur judiciaire, serait faire place à une incerti- tude constante sur l'autorité de la chose jugée, et proclamer qu'il n'y a plus de jugements définitifs. nl

a) Il faut naturellement savoir d'abord ce que l'on entend, dans le droit actuel, par indices sérieux de l'innocence du condamné, et par faits nouveaux graves qui seraient de nature à faire douter de la légitimité de la condamnation.2

Le terme d'indice, qui a remplacé l'exigence des «preuves pré- cises et concordantes n du texte de 1897, a été retenu volontairement comme assez large et pouvant comprendre tous les cas (y compris naturellement celui où la preuve est apportée).« Alors que la preuve montre la vérité d'une proposition, la réalité d'un fait, l'indice découvre seulement la probabilité de cette proposition ou de ce fait. n

Il n'implique donc pas la certitude, mais une probabilité ou un degré de «plausibilité» suffisant. C'est pourquoi la loi exige que l'indice soit sérieux, c'est-à-dire qu'il ne s'agisse pas d'une simple possibilité mais que, dans féchelle des probabilités, existe un certain degré d'importance ou « une forte présomption d'innocence n. Les indices devant se rapporter à celle-ci, le requérant doit «tenter de prouver que les faits délictueux n'ont pas existé, qu'il ne les a pas commis, ou qu'il ne pouvait pas être condamné n.3

Le terme de faits est plus précis que celui d'indices, car le fait est saisissable et, en général, peut être démontré. Il doit être lui aussi d'un caractère important, grave, mais le texte «rétablit le facteur d'éventualité» comme pour les indices, en ajoutant qu'il

1 Arrêt Irmiger, du ro juillet 1944, Sem. ]ud., 1945, p. 154, se référant à la

· jurisprudence déjà ancienne de l'arrêt Luthi, du 4 mars 1901 (fondé sur l'art. 466 CIP, texte du 26 mai 1897 devenu celui de l'art. 452 actuel CPP). S.J. 1901, p. 201. Pour la confirmation de ces principes, voir notamment les arrêts Mora, et Allison, SJ. 1945, pp. 321 et 563, Tissot, du 26 mars 1947, S.J. 1947, p. 429, dame Campeanu divorcée Popesco, du ro mars 1950, S.J. 1950, p. 437. L'arrêt Schindler, du 14 juil- let 1950, a même accentué la formule en indiquant que le demandeur doit démon- trer ou rendre vraisemblable que l'erreur effectivement commise a exercé une in- fluence « incontestable » sur la condamnation. Le récent arrêt Frutiger, du 9 mai 1962, non publié, a confirmé la formule habituelle, considérant 2. Voir aussi l'arrêt Aebischer, du 30 mars 1961, considérant 3.

2 Il serait d'ailleurs intéressant aussi de mieux approfondir quels sont les rap- ports entre les deux éventualités retenues, cf. MAUNOIR, pp. 83 ss.

8 A ce sujet et pour la suite, cf. MAUNOIR, pp. 84 ss.

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doit être «de natureàfaire douten du bien-fondé de la condamna- tion. Dans ce domaine, le législateur genevois a mieux montré le rôle et le pouvoir conférés à la Cour de cassation, en précisant que celle-ci «a pleine latitude d'apprécier ces faits graves et de consi- dérer comme rentrant dans ces faits graves, des irrégularités graves ou des violations des garanties essentielles de la défense ». Mais il faut se garder de déduire de cette formule que la revision pourrait être demandée aussi pour une·erreur de droit, comme nous l'avons vu; le législateur a pris soin d'ailleurs de souligner «que ces irré- gularités ou violations devaient avoir également le caractère de faits graves et extérieurs ».1 ·

En donnant à la Cour de cassation ce large pouvoir d'apprécia- tion et en exigeant le caractère «sérieux» des indices produits et le caractère «grave» .des faits nouveaux invoqués, l'intention du législateur a été manifestement de lui permettre de faire échec à toute demande abusive, et d'éviter qu'une condamnation puisse être mise en cause et un procès rouvert trop aisément: sinon « les jugements, qui ne seraient jamais définitifs, n'auraient plus aucune autorité», comme l'observe Maunoir.

Une précision supplémentaire montre ce souci, puisqu~il faut que les faits nouveaux invoqués soient« de nature à faire douter de la légitimité de la condamnation». Mais qu'entend-on par là? Si

<<légitime» signifie conforme aux conditions requises par la loi, s'agit-il de la loi de fond, ou de forme, ou des deux? Les discussions lors de l'élaboration du texte ne laissent pas de doute 2, et la Cour de cassation a précisé clairement la réponse dans l'arrêt fondamental en l'affaire Balleydier et Truffet: «Le mot légitimité doit s'entendre de la justice de la condamnation quant au fond, et non de sa régula- rité quant à la forme; cette interprétation est confirmée, d'abord par la nature même de la revision qui est, par essence, un recours contre l'erreur de fait; ensuite par le fait que la loi a institué contre

1 Mémorial du Grand Conseil, 1910, pp. 1257 ss.

2 Mémorial, 1910, p. 1228. Il y a d'ailleurs aussi, précisait le député Renaud,

« des faits de nature à faire douter de la légitimité de la condamnation lorsque le condamné, sans être absolument innocent, peut avoir été condamné à.tort ou qu'on peut lui avoir appliqué une condamnation beaucoup trop lourde ... lorsque, par exemple, il aura été puni pour un crime alors qu'il n'a commis qu'un délit»; rappelé par MAUNOIR, p. 86.

,_

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les irrégularités formelles la demande en nullité de la procédure et le recours en cassation. >> 1

Dans l'arrêté Knacker, du 22 décembre I947, mentionné plus haut à propos de la rectification d'état civil ordonnée (le condamné ayant prouvé par la production d'un jugement du Tribunal de Munich, qu'il avait été reconnu en I9I5 par son père Mandowsky, citoyen bernois, et qu'il ne pouvait donc être expulsé de Suisse puisqu'il n'était pas ressortissant allemand par sa mère, comme le jugement de condamnation l'avait cru), la Cour de cassation a recon- nu que «la constatation de la nationalité suisse constituait un fait J°uridique grave au sens de l'article 452, chiffre 4, de nature à faire douter de la légitimité de la condamnation >>; étant Suisse, Knacker ne pouvait en effet être expulsé du territoire de la Confédération d'après l'article 44, alinéa I, et l'article 60 de la Constitution fédé- rale. L'existence de cette erreur sur la nationalité, relevait l'arrêt en se rapportant à la jurisprudence (arrêts Tissot et Amprimo, des 26 mars et 24 octobre I947), «ébranle ou fait apparaître incom- plètes en fait les constatations sur lesquelles repose le jugement de condamnation, et, en droit, vise à introduire un élément qui influence le prononcé pénal>> 2.

b) · La condition essentielle de la nouveauté est beaucoup moins simple qu'elle ne paraît au premier abord. Il faut savoir en effet si les indices et les faits doivent être (( nouveaux )) aussi bien pour le demandeur en revision que pour le tribunal, et quelle est la signi- fication qu'il faut donner au terme «nouveau >>.

Sur le premier point, la condition de la «nouveauté n pour le J°uge va de soi, puisque c'est un élément caractéristique de la revi-

1 Arrêt Balleydier et Tru:ffet, du 19 décembre 1912, Sem. Jud., 1913, pp. 51 ss.

2 Bien que le verdict ne fût pas attaqué comme irrégulier ou entaché d'erreur (ce qui eût d'ailleurs relevé de la cassation, dont le délai de recours était expiré depuis longtemps), l'arrêt de condamnation ne pouvait donc être maintenu. Mais la Cour de cassation ne pouvait naturellement statuer elle-même et sans renvoi, tout en ordonnant la rectification d'état civil et en constatant que l'expulsion prononcée pour dix ans (conformément à l'art. 55 CP) ne pouvait être maintenue puisqu'elle n'était pas légale. Conformément à la règle générale et à la jurisprudence elle a ren- voyé l'affaire à la Cour correctionnelle sans jury pour que celle-ci prononce un nouvel arrêt et fixe la peine que devait entraîner le verdict. En effet, les premiers juges auraient peut-être tenu compte, en fixant l'emprisonnement, de l'impossibilité d'expulser le condamné; peut-être aussi auraient-ils accordé le sursis à l'exécution de la peine, s'ils avaient su que Mandowsky-Knacker était Suisse.

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sion même, et qu'il n'y a lieu à celle-ci que si le jugement rendu l'a été sur des faits déterminants dont il n'avait pas eu connaissance:

car sinon il devait et il en a d'ailleurs ordinairement tenu compte (même de manière simplement implicite) en rendant son jugement.

Plus délicate est en revanche la condition de nouveauté par rap- port au condamné qui requiert la revision.

Le droit français et le droit allemand permettent au condamné de demander la revision même si, connaissant le fait ou l'élément

«nouveau» en cours de procédure, il n'en a pas fait usage, inten- tionnellement ou par négligence, et l'article 397 du Code pénal suisse a adopté la même solution. Elle part du principe que même s'il y avait eu dissimulation intentionnelle ou négligence, et si le condamné est ainsi responsable de ce qui lui est arrivé (il est vrai que très sou- vent aussi l'omission peut s'expliquer par l'ignorance), cela ne change rien au fait que le juge du fond a rendu son jugement sans avoir l'entière connaissance des faits de la cause.

En droit genevois, la solution était moins claire, à cause de la rédaction peu habile de l'article 452 CPP, dont le chiffre 2 dispose (après l'énumération des causes admissibles de revision), que« toute- fois, en matière criminelle, ce moyen n'est admis que si l'intéressé ne pouvait le faire valoir lors de l'ordonnance de renvoi et des débats définitifs»: ce qui semblait indiquer a contrario qu'en matière cor- rectionnelle et de police la revision pouvait être admise sur la base de faits connus du condamné lors des débats, à la différence des matières criminelles. Mais ce n'est point là le sens des mots:« lors- que depuis la condamnation il a été découvert...» Les travaux légis- latifs ont montré que« personne n'a pu laisser supposer que la revi- sion pourrait avoir lieu lorsque le recourant aura connu, au moment des débats, les faits graves qu'il invoque pour demander la revision n.

Il a été expressément relevé que «le recours en revision est réservé à des faits découverts dans la suite, après l'expiration du délai de recours en cassation, et qui, s'ils avaient été connus, auraient pu influer sur le jugement nl. C'est pourquoi aussi l'on a critiqué le dernier paragraphe, soit l'exception apparente faite en matière criminelle, qui «ne signifie absolument rien, vu qu'on ne peut pas

1 Voir MAUNom, pp. 87 ss, et Mémorial 1910, p. 1230, et annexe 1910, p. 326.

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connaître, avant la condamnation, des faits qui doivent être posté- rieurs» 1.

Le principe certain du droit genevois, jusqu'à l'entrée en vi- gueur de la disposition du Code pénal suisse au début de r942, était au contraire que les faits invoqués à l'appui de la demande de revi- sion doivent être « nouveaux » pour le recourant non moins que pour le tribunal et que, si des pièces ou des faits connus du con- damné et qui pouvaient être déterminants n'avaient pas été signalés au juge, il ne devait s'en prendre qu'à lui-même des conséquences de son omission. 2

La question est aujourd'hui réglée, et dans le sens que la Cour de cassation genevoise elle-mêµie, sous l'empire de la loi du 26 mai r897, avait approuvé dans un arrêt de r9or, en «considérant que cette loi établit nettement son intention de ne jamais faire préva- loir l'autorité de la chose jugée contre l'évidence d'une condamna- tion» injuste. En effet, l'article 397 CPS qui s'impose aux cantons et qu'a strictement appliqué la Cour de cassation fédérale a supprimé la condition de nouveauté pour le demandeur en revision, puisqu'il suffit que puissent être «invoqués» - et non qu'aient été nécessaire- ment «découverts» - des faits et des moyens de preuve sérieux «et dont le juge n'avait pas eu connaissance lors de son premier procès»3 •

1 Mémorial 1910, p. 1218. Maunoir pense, et c'est apparemment exact, que

« peut-être ce dernier paragraphe a été -néanmoins - maintenu pour constituer une barrière de plus contre les demandes téméraires; même lorsque le recourant n'aura pas eu connaissance de la violation, il suffira qu'il ait juridiquement pu l'invoquer avant les débats, pour qu'il perde son droit de demander l'annulation de la condam- nation en invoquant cette violation 1>.

2 Arrêt non publié de la Cour de cassation, du 28 mars 1907; arrêt Balleydier et Truffet, Sem. Jud., 1913, p. 53; arrêt Corboz du ro juillet 1920, Sem. Jud., 1920, p. 442; arrêt Gigon non publié, du 21 juin 1944. Cf. MAUNOIR, p. 88, et GRAVEN, p. 46. Maunoir trouvait le principe du droit cantonal genevois« critiquable et même inadmissible 1>, pour les raisons qu'il indique. l i observe que d'ailleurs la Cour de cassation elle-même, dans l'arrêt Corboz, avait dû ressentir un certain malaise de la situation légale imposée par le texte en vigueur, puisque dans ses considérants elle a « tenu à exprimer ses regrets que le recourant, dont la bonne foi paraît incontes- table, n'ait pas mis le tribunal de police à même de statuer en toute connaissance

de cause 1>. ·

8 Sur ce problème, voir en particulier la thèse de MAUNOIR, tAnalyse de l'arti- cle 397 CPS, la condition de ~nouveauté 1>, pp. 142 ss, et GRAVEN, pp. 46 ss. Sur l'intention du législateur fédéral, cf. procès-verbal de la Commission d'experts, IX, p. 373. Quant à la jurisprudence de la Cour de cassation fédérale, voir l'arrêt de principe Bay, ATF 1944/69, IV, p. 134, et J ourn. Trib., 1944, IV, p. 57; cf. l'arrêt Richter, ATF 1946/72, p. 45. Quant à savoir quand un fait est censé avoir été

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La Cour de cassation genevoise, comme toute autre, ne peut donc désormais qu'appliquer strictement, sur ce point, la disposition consacrée par le droit fédéral.1

c) Mais que faut-il entendre par faits ou moyens nouveaux justifiant une demande de revision?

«Un fait sera nouveau tout d'abord lorsqu'il n'en aura pas été question au cours des débats, qu'il n'aura pas été cité, ni dans les pièces, ni par les témoins ou experts, ni par l'accusation ou la dé- fense. C'est le fait complètement inconnu, inédit. » Un fait peut d'ailleurs être divisible et il suffit alors que soient «nouveaux»

certains de ses éléments ou aspects de nature à en faire apparaître la portée différente.2 «Il y aura encore nouveauté lorsque le fait aura été cité par une des parties à titre tout à fait subsidiaire, comme une hypothèse, une supposition, mais sans être vraiment affirmé, de telle sorte qu'il soit très peu probable qu'il ait pu avoir un effet direct sur la décision. » Ce sont là des situations claires et qui ne donnent guère lieu à de sérieuses difficultés. Mais il n'en va plus de même lorsqu'il s'agit du fait cc qui a été affirmé par une des parties comme important et décisif, et qui finalement n'a pas été retenu par manque de preuve n. On ne peut à strictement parler le qualifier de «nouveau» puisqu'il a été énoncé, discuté, pesé par le juge et finalement écarté. cc L'exigence de nouveauté exclut en effet aussi bien une nouvelle appréciation des faits qu'une nouvelle interpré-

«connu du juge», voir ATF 1950/76, p. 36, et 1954/80, p. 41, Journ. Trib., 1950, p. 60, et 1954, p. 157; lorsque le fait résultait du dossier mais avait échappé au pre- mier juge, ATF 1949/75, p. 183, journ. Trib., 1949, p. n7.

1 Sur la disharmonie entre la disposition cantonale de l'article 452, lit. d, CPP genevois ( « découverte »postérieure à la condamnation), et 397 CPS (faits« invoqués»

dont le juge n'avait simplement «pas eu connaissance» lors du premier procès), la Cour de cassation genevoise s'est expliquée et a fait la mise au point dans l'arrêt Mottier, du 16 janvier 1948, Sem. jud., 1948, p. 264. Le Tribunal fédéral a jugé que la voie de la revision selon l'article 397 CPS était ouverte même contre des juge- ments rendus avant l'entrée en vigueur du Code pénal suisse en janvier 1942 1 Mais, vu le texte clair de l'article 397, il ne peut en tout cas s'agir que de jugements rendus en vertu d'une loi fédérale; l'article 397 CPS n'ouvre pas la voie à une revi- sion pour des jugements rendus en matière cantonale. Pour ceux-ci, donc, seules restent applicables les dispositions de la procédure cantonale sur la revision. Même arrêt, ibidem, p. 266.

2 Par exemple, arrêt du Tribunal militaire de cassation, dans ATMC, vol. II, p. 56, n° 20.

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a été ou plutôt a pu être effectivement commise devant la juridic- tion saisie de l'affaire au fond, que cette erreur a exercé une influence sur la condamnation, et que le nouveau rapport d'expert, avec ses constatations ou les faits nouveaux qu'il invoque, est bien de nature à faire douter de la légitimité de celle-ci.1

En revanche, dans le cas d'un aveu partiel, invoqué par le demandeur en revision condamné (pour être reconnu seulement complice, et non coauteur, sur un autre chef de condamnation), la Cour de cassation a pu faire observer qu'il ne s'agissait pas là d'un «fait nouveau» inconnu du juge et des jurés au sens de l'ar- ticle 452 CPP. L'aveu n'est en effet «que la confirmation de la conviction que le jury s'était faite»; non seulement il n'introduit pas dans le débat des éléments propres à faire douter de la légitimité de la condamnation, mais il la justifie au contraire.2

IV

LA PROCÉDURE ET LA DÉCISION DE REVISION La procédure est simple et logique, à condition qu'on comprenne bien le principe et les limites mêmes de la revision, qui en détermi- nent le mécanisme et le déroulement judiciaire, avec la décision finale.

I. La demande ou le poitrvoi, légitimation

Le droit de demander la revision d'un «jugement définitif»

- de quelque nature qu'il soit - est à la fois très large, et illimité dans le temps. Du moment que le moyen vise à permettre le redres-

1 Arrêt Mora, du 23 mai 1945, où ces conditions n'ont d'ailleurs pas été recon- nues réalisées; confirmation dans l'arrêt Tissot, du 26 mai 1947, ci-dessus. Les con- ditions ont au contraire été reconnues réalisées par le dépôt de l'expertise du nr

Gordonoff, avec ses allégations scientifiques et de fait, et certaines constatations nouvelles, dans l'arrêt du 26 juin 1953, en l'affaire dame Campeanu-Popesco, qui a ouvert la deuxième revision de sa condamnation, demandée par elle; voir plus loin, chapitre IV, chiffre 2, lit. b, note.

a Arrêt Luhr, non publié, du 21 mai 1954·

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