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Capital social, configurations familiales et statut d'activité en Afrique subsaharienne: quels liens et quelles implications économiques et sociales pour les femmes sénégalaises?

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Academic year: 2022

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Thesis

Reference

Capital social, configurations familiales et statut d'activité en Afrique subsaharienne: quels liens et quelles implications économiques et

sociales pour les femmes sénégalaises?

DIENG, Ababacar

Abstract

Cette thèse s'intéresse à l'articulation entre la vie familiale et celle active des femmes en Afrique. Elle analyse les liens entre le capital social, les configurations familiales et le statut d'activité. Les analyses portent sur 400 femmes entre 23 et 55 ans, mariées et avec enfants, résidant dans la ville de Saint-Louis et les villages environnants, dans le nord du Sénégal. Les répondantes décrivent leurs réseaux familiaux en désignant les membres importants de leurs familles. Les réseaux familiaux sont regroupés en configurations familiales en fonction de leur similarité, tandis que le niveau de capital social est déterminé par le soutien moral et matériel dont bénéficient les femmes. Les résultats montrent des effets systémiques entre le capital social, les configurations familiales et le statut d'activité (actif/inactif, type et taux d'activité, revenu). Les différences qualitatives en termes de capital social familial correspondent aux configurations familiales qui sont dessinées selon le statut d'activité.

DIENG, Ababacar. Capital social, configurations familiales et statut d'activité en Afrique subsaharienne: quels liens et quelles implications économiques et sociales pour les femmes sénégalaises?. Thèse de doctorat : Univ. Genève, 2014, no. SES 837

URN : urn:nbn:ch:unige-367055

DOI : 10.13097/archive-ouverte/unige:36705

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:36705

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familiales et statut d’activité en Afrique subsaharienne. Quels

liens et quelles implications économiques et sociales pour les

femmes sénégalaises?

Ababacar Dieng

Codirection de thèse:

professeur Éric D. WIDMER,

professeur Claudine SAUVAIN-DUGERDIL

FACULTÉ DES SCIENCES ÉCONOMIQUES ET SOCIALES

(3)

Quels liens et quelles implications

économiques et sociales pour les femmes sénégalaises?

THÈSE

présentée à la Faculté des sciences économiques et sociales de l’Université de Genève

par

Ababacar Dieng

Sous la codirection des Prof. Éric D. Widmer et Claudine Sauvain-Dugerdil

pour l’obtention du grade de

Docteur ès sciences économiques et sociales mention sociologie

Membres du jury de thèse:

Prof. Lucio BACCARO, Président du jury, Université de Genève, Suisse Prof. François HAINARD, Université de Neuchâtel, Suisse

Prof. Gora MBODJ, Université Gaston Berger, Saint-Louis, Sénégal Prof. Claudine SAUVAIN-DUGERDIL, Université de Genève, Suisse Prof. Éric D. WIDMER, Université de Genève, Suisse

Thèse no 837

Genève, 13 mars 2014

(4)

La Faculté des sciences économiques et sociales, sur préavis du jury, a autorisé l’impression de la présente thèse, sans entendre, par là, émettre aucune opinion sur les propositions qui s’y trouvent énoncées et qui n’engagent que la responsabilité de leur auteur.

Genève, le 13 mars 2014

Le doyen

Bernard MORARD

Impression d'après le manuscrit de l'auteur

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REMERCIEMENTS

Ma reconnaissance va d’abord à mes directeurs de thèse, les professeurs Widmer et Sauvain-Dugerdil, pour leur soutien et leur engagement constant depuis le projet de thèse jusqu’à sa concrétisation. Ont aussi contribué à ce travail mes collègues de l’institut I-Démo, les assistants du prof. Widmer et spécialement Ivan De Carlo. Je remercie également le professeur Gora Mbodj de l’Université Gaston Berger de Saint- Louis qui m’a facilité les enquêtes de terrain avec la mise à disposition des locaux du CIERVAL. Les enquêteurs qui ont été sur le terrain avec moi ont montré beaucoup de rigueur et de sérieux dans l’application des consignes, spécialement les étudiants de l’AESS de Saint-Louis.

Je salue la participation de la DDC qui, à travers la KFPE, a en partie financé les enquêtes de terrain. Mes remerciements vont aussi à la Fondation Schmidheiny qui, en la personne de Mme Patenaude, a accepté de m’accompagner dans la finalisation de la thèse.

Cette thèse a requis plusieurs années d’efforts et de sacrifices de ma part mais aussi et surtout de la part de mon entourage familial. S’il est vrai que je suis le seul à en porter le titre, j’exprime en retour toute ma gratitude à Coumba, à la famille de Bango et aux autres proches.

Je dédie cette thèse à ma défunte mère Marième Diop, que Dieu lui accorde sa miséricorde. Sans aucun doute, l’aboutissement de ce travail aurait eu une autre saveur en sa présence.

(6)

TABLE DES MATIÈRES

Remerciements ... iii

Table des matières ... iv

Liste des tableaux ... vi

Liste des figures ... viii

Résumé ... ix

Abstract ... xi

PREMIERE PARTIE: THEORIES ET METHODES ... 2

Chapitre 1. Le cadre théorique ... 3

1.1 Le contexte de l’étude : entre changement et continuité ... 4

1.2 L’approche de la famille par le « menage » en question ... 7

1.3 La perspective configurationnelle : de la théorie aux contextes familiaux sénégalais ... 8

1.4 Le capital social des femmes : les aspects théoriques ... 11

1.5 Approches et definitions du capital social ... 16

1.6 Le cadre des « capabilités » et le modèle d’analyse ... 20

1.7 La mesure des concepts-clefs ... 28

1.8 Les questions de recherche ... 31

Chapitre 2. Données et méthodes ... 34

2.1 Le questionnaire ... 35

2.2 Le lieu d’investigation et le mode d’echantillonnage ... 38

2.3 Le déroulement de l’enquête : ... 41

2.4 Biais et validation des fiches d’enquête : ... 42

2.5 Description et profil des répondantes ... 45

DEUXIEME PARTIE : CONTEXTES FAMILIAUX ET CAPITAL SOCIAL ... 50

Chapitre 3. Produire et valider les types de configurations familiales ... 51

Introduction : ... 52

3.1 Enjeu et pertinence de l’approche configurationnelle: ... 53

3.2 Du réseau familial à la configuration familiale : le poids des termes cités ………..55

3.3 Les procedures de classification ... 61

3.4 La validation d’un cluster de configurations ... 70

3.5 Description des configurations familiales ... 79

Conclusion ... 91

(7)

Chapitre 4. Structuration sociale, configurations familiales et capital social .. 94

Introduction ... 95

4.1 Réservoir de parenté et structuration familiale ... 96

4.2 Structuration familiale et configuration familiale ... 100

4.3 Capital social et composition familiale ... 107

Conclusion ... 121

TROISIEME PARTIE : LE STATUT D’ACTIVITE ET SES IMPLICATIONS FAMILIALES ... 123

Chapitre 5. Le statut d’activité ... 124

Introduction ... 125

5.1 De l’occupation des femmes aux types d’activités : ... 126

5.2 Le revenu et son utilisation ... 133

5.3 Les trajectoires d’activités ... 139

5.4 Les facteurs d’inegalités dans l’occupation ... 147

Conclusion : ... 153

Chapitre 6. Capital social, configurations familiales et statut d’activite : analyses et resultats ... 155

Introduction ... 156

6.1 Description des facteurs explicatifs ... 156

6.2 Démarche de l’analyse et tri des facteurs explicatifs ... 166

6.3 Les facteurs explicatifs du capital social ... 169

6.4 Les facteurs explicatifs de l'occupation et des types d’activités ... 174

6.5 Liens ou effets systémiques entre capital social, configurations familiales et statut d’activite ... 179

Conclusion ... 193

CONCLUSION GÉNÉRALE ... 195

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES ... 206

ANNEXES ... 216

Annexe 1 : Le questionnaire ... 217

Annexe 2 : Production et validation des configurations familiales : une procédure pas à pas avec R-CRAN et SPSS ... 228

Annexe 3 : Mesure d’association entre configurations familiales et structure familiale ... 236

Annexe 4 : Analyse des correspondances multiples (ACM): ... 237

Annexe 5 : Capital social et configurations familiales ... 238

(8)

LISTE DES TABLEAUX

Tableau 1 : Le niveau de capital social ... 30

Tableau 2 : Indices descriptifs agrégés des 20 termes les plus cités ... 58

Tableau 3 : Analyse factorielle : corrélations entre les 20 termes les plus cités et les facteurs ... 60

Tableau 4 : Mesure de la qualité d’une classification (source : Studer, 2012). ... 74

Tableau 5 : Les indices de validation d’un cluster de configurations ... 76

Tableau 6 : Moyennes des termes cités pour les sept configurations familiales ... 80

Tableau 7 : La situation conjugale des répondantes ... 98

Tableau 8 : Moyennes des apparentés selon le type de réservoir de parenté. ... 99

Tableau 9 : Association entre les configurations familiales et le de réservoir de parenté ... 102

Tableau 10 : Association entre la configuration familiale, le type structurel et le rang de mariage ... 105

Tableau 11: Modèles de régression logistique sur le risque d’appartenir à une configuration familiale ... 106

Tableau 12 : Indices du soutien émotionnel : Moyennes par structure familiale (nombre de mariage) ... 110

Tableau 13 : Indices pour l’influence : Moyennes par structure familiale (nombre de mariage) 111 Tableau 14 : Indices pour le conflit : Moyennes par structure familiale (nombre de mariage) ... 112

Tableau 15 : Indices du soutien émotionnel : Moyennes par type structurel monogamie/polygamie ... 113

Tableau 16 : Indices du soutien matériel : Moyennes par type structurel monogamie/polygamie114 Tableau 17 : Indices pour l’influence : Moyennes par type structurel monogamie/polygamie .... 115

Tableau 18 : Indices pour le conflit : Moyennes par type structurel monogamie/polygamie ... 116

Tableau 19 : Indices du soutien émotionnel : Moyennes par configurations familiales ... 117

Tableau 20 : Indices du soutien matériel : Moyennes par configurations familiales ... 118

Tableau 21 : Indices pour l’influence : Moyennes par configurations familiales ... 119

Tableau 22 : Indices pour le conflit: Moyennes par configurations familiales ... 120

Tableau 23 : L’occupation au cours des 12 derniers mois ... 127

Tableau 24 : Les types d’activités exercées ... 131

Tableau 25 : Association entre le revenu et le taux d’activité (N=356) ... 134

Tableau 26 : Analyse factorielle : les postes de dépenses ... 137

Tableau 27 : Association entre l’âge et les types de trajectoires d’activités ... 148

(9)

Tableau 28 : Association entre la zone de résidence et les types de trajectoires d’activités ... 149

Tableau 29 : Association entre le niveau d’instruction et les types de trajectoires d’activités. ... 150

Tableau 30 : Analyse discriminante sur l’occupation : Tests d'égalité des moyennes des groupes. ... 152

Tableau 31 : Distribution des variables indépendantes : effectif et pourcentage par modalité ... 159

Tableau 32: Corrélations entre variables de structuration et de cohabitation familiale ... 168

Tableau 33 : Modèles de régression logistique sur la probabilité d’avoir un particulier type de capital social ... 171

Tableau 34: Modèles de régression logistique sur le niveau de capital social... 173

Tableau 35: Modèles de régression logistique sur l’occupation (avoir une activité lucrative) .... 176

Tableau 36: Modèles de régression logistique sur la probabilité de faire du commerce parmi les femmes en activité ... 178

Tableau 37 : Analyse des correspondances multiples : les coordonnées barycentriques des modalités actives ... 187

Tableau 38: Analyse des correspondances multiples : les coordonnées barycentriques des modalités supplémentaires ... 188

Tableau 39 : Indices descriptifs agrégés des 33 termes les plus cités ... 232

Tableau 40 : Association entre les configurations familiales et le nombre de mariage ... 236

Tableau 41: Association entre les configurations familiales et le type structurel monogamie/polygamie ... 236

Tableau 42 : Analyse des correspondances multiples : La contribution des variables pour la construction des dimensions ... 237

Tableau 43 : Association entre le capital social bonding et les configurations familiales ... 238

Tableau 44 : Association entre le capital social bridging et les configurations familiales ... 238

Tableau 45 : Association entre le niveau de capital social et les configurations familiales... 238

(10)

LISTE DES FIGURES

Figure 1: Le schéma de causalité du cadre des « capabilités » ... 22

Figure 2: Le modèle d’analyse et les concepts-clés ... 26

Figure 3: La ville de Saint-Louis : situation géographique... 40

Figure 4: Répartition des répondantes en trois classes d’âge (%) ... 45

Figure 5 : Distribution des femmes selon le nombre d’enfants biologiques ... 46

Figure 6: Composition ethnique de l'échantillon (%) ... 47

Figure 7 : Distribution des femmes selon le niveau d’instruction ... 48

Figure 8 : Répartition des femmes en fonction de l’occupation (%) ... 49

Figure 9 : Illustration des classifications hiérarchiques ascendante et divisive ... 66

Figure 10 : Dendrogramme de la classification hiérarchique pour les 20 premiers termes ... 69

Figure 11 : Le cluster « naturel » et les risques liés à la méthode K-means (Source : Halkidi et all, 2001) ... 70

Figure 12 : Illustration d’une configuration familiale orientation ... 81

Figure 13 : illustration d’une configuration familiale restreinte ... 83

Figure 14 : Illustration d’une configuration familiale horizontale ... 84

Figure 15 : Illustration d’une configuration familiale polygamique ... 86

Figure 16 : Illustration d’une configuration familiale voisinage ... 87

Figure 17 : Illustration d’une configuration familiale maternelle ... 89

Figure 18 : Illustration d’une configuration familiale alliance ... 90

Figure 19 : Analyse des correspondances multiples : Types de réservoir de parenté et configurations familiales ... 104

Figure 20: Temporalité de l'occupation (%) ... 128

Figure 21: Nombre moyen d'heures consacrées aux tâches ménagères par jour (%) ... 129

Figure 22: Les postes de dépenses selon 3 niveaux d’importance (en %) ... 136

Figure 23: Analyse des séquences : la trajectoire d’activité des 10 premières répondantes ... 141

Figure 24 : Analyse des séquences : Distribution des activités aux différents âges. ... 143

Figure 25 : Analyse des séquences : les types de trajectoires d’activités ... 145

Figure 26 : Le schéma de capabilité ... 157

Figure 27 : Analyse des correspondances multiples : Répartition asymétrique pour le niveau de capital social, les types d’activités et les configurations familiales ... 185

Figure 28: Analyse des correspondances multiples : Répartition des modalités des variables actives et supplémentaires ... 190

Figure 29 : Aperçu des données individus (lignes)/termes (colonnes) sur SPSS. ... 229

(11)

RÉSUMÉ

Ce projet de recherche est une étude exploratoire sur les liens et les implications entre la vie familiale et l’occupation des femmes. L’institution familiale en Afrique et particulièrement au Sénégal est fortement marquée par les mutations sociales en cours.

De nouveaux modèles familiaux apparaissent alors que, de manière paradoxale, les structures familiales traditionnelles se maintiennent notamment par besoin de solidarité face à la crise économique et de pauvreté. Les rapports au sein de la parenté dans le contexte africain actuel sont si complexes qu’il est difficile d'établir une classification consensuelle des types de familles. Le premier écueil relève de la notion de famille qui selon les auteurs considérés correspond au ménage, à l’unité nucléaire de reproduction ou encore à la cellule élargie de production. La désignation des familles par les démographes et les économistes se fait le plus souvent en la considérant l’unité de résidence avec le concept de « ménage », tout en ignorant d’un côté le cercle familial actif et de l’autre le réseau social élargi.

La réalité familiale est appréhendée à partir des réseaux familiaux individuellement définis et délimités par les personnes concernées. La configuration familiale désigne une structure d’interdépendances entre affiliés, alliés et proches considérés membres de la famille pour un individu de référence. L’approche configurationnelle proposée en lieu et place de celle structurale considère la famille comme un réseau d’interconnections ou d’interdépendances mettant à la disposition de ses membres un capital social, c’est-à-dire un ensemble de ressources effectives ou potentielles pouvant être mobilisées pour une utilité immédiate ou converties sous une autre forme de capital (humain, économique).

En partant du réseau familial comme objet, les relations sociales notamment de soutien émotionnel et matériel qui se tissent entre ses membres permettent de mesurer le niveau de capital social familial. En s’intéressant à la composition des réseaux familiaux, on procède à leur classification selon leurs similarités pour obtenir les configurations familiales. Celles-ci sont techniquement des agrégats de réseaux familiaux qui sont sociologiquement (interprétées comme) des contextes familiaux typiques.

Le troisième concept-clé est le statut d’activité qui est défini à travers trois dimensions : le type d’activité, le niveau de revenu et le taux d’activité. Ces trois dimensions de l’activité des femmes s’ajustent entre eux, mais aussi en fonction de l’articulation entre

(12)

la vie active et la vie familiale des femmes. Les différents modes de gestion de l’articulation entre la vie familiale et la vie professionnelle est alors à mettre en relation avec la configuration familiale et le niveau de capital social familial. L’objet de l’étude est dès lors de donner un contenu aux liens entre le niveau de capital social, les configurations familiales et le statut d’activité, ce qui revient à examiner les effets isolés et/ou combinés des déterminants sociaux sur les concepts-clefs.

L’étude est basée sur l’analyse de données recueillies par questionnaire standardisé administré à 400 femmes entre juin et décembre 2010. L’enquête ciblait particulièrement les femmes qui sont au centre des relations familiales, c’est-à-dire les femmes mariées avec enfant(s) et appartenant à la génération-pivot (entre 23 et 55 ans). Le lieu d’investigation concerné a été la région de Saint-Louis (Sénégal). La moitié des questionnaires a été administrée en ville, l’autre moitié dans la zone rurale ceinturant la ville de Saint-Louis. La méthode d’échantillonnage proprement dite est celle du Random Route Sampling. Le processus de désignation des maisonnées retenu était la sélection systématique des troisièmes maisons et ceci à partir d’un point géographique précis.

L’étude montre l’existence de liens structurels et d’effets systémiques entre le capital social, les configurations familiales et le statut d’activité. L’insertion socioéconomique des femmes sénégalaises présente des effets systémiques de sorte que le statut d’activité et les configurations familiales octroient un niveau de capital social. Ces liens structurels découlent des modes de gestion de l’articulation entre la vie familiale et celle professionnelle pour les femmes en activité. Ces modes de structuration entre les concepts-clés remontent aux déterminants sociaux (l’âge, la zone de résidence, le niveau d’instruction, etc.) et ont des implications socioéconomiques.

(13)

ABSTRACT

The objective of this study is to analyze the links between social capital that arises from family configurations, and occupational activities of women in Senegal. The research was applied to a sample of 400 married women and with children, between 23 and 55 years of age, living in the city of Saint-Louis and selected villages surrounding in the Northern part of Senegal. In the context of this study, we propose the use of family network, which consist for interviewees to indicate who they consider as member of their own family. From the family networks, we can define family configurations as well as their composition; while the level of social capital is determined by both the moral and material supports.

The results show strong relationships between social capital, family configurations and women work status (active/inactive, active in particular sectors/occupations, rate of occupation, income). The qualitative differences in terms of family social capital correspond to different family configurations which are drawn according to the work status.

(14)
(15)
(16)

PREMIÈRE PARTIE: THÉORIES

ET MÉTHODES

(17)

LE CADRE THÉORIQUE

CHAPITRE 1.

(18)

LE CONTEXTE DE L’ÉTUDE : ENTRE CHANGEMENT ET 1.1

CONTINUITÉ

Les sociétés africaines ont subi diverses mutations à la suite de leurs contacts avec le monde arabe d’abord (commerce transsaharien, impérialisme islamique), occidental ensuite (traite des esclaves, colonisation) [M’Bokolo et Le Callennec, 1992]. À ces facteurs pluriséculaires, s’ajoutent d’autres qui expliquent une récente évolution des modèles familiaux : la scolarisation, l’aspiration à la liberté individuelle, l’urbanisation, les politiques de développement économique, les migrations internes et internationales (Vimard et Vignikin, 2005 ; Locoh, 1995 ; Hertrich et Pilon, 1997). Gautier et Pilon (1997) considèrent d’autres facteurs de changements : la colonisation, le développement de l’économie de marché, l’émergence des États-nations et la mise en place des législations, l’introduction de religions étrangères, la diffusion des valeurs occidentales, l’accroissement des migrations, la transition démographique, l’apparition du Sida, la crise économique et les politiques d’ajustement structurel à travers lesquelles les institutions de Bretton Woods ont imposé des réductions drastiques des dépenses publiques.

La réalité de maintes sociétés africaines est marquée par un faible développement économique et une persistance de la pauvreté. La situation de crise économique se traduit au Sénégal par une baisse de 16% du PIB par tête en volume de 1960 à 1997 (Antoine, Razafindrakoto et Roubaud, 2001). Près de 48% des ménages vivent en dessous du seuil de pauvreté, dont 57% en milieu rural et 43% en milieu urbain (Direction de la Prévision et de la Statistique du Sénégal et Banque Mondiale, 2004).

Parallèlement à la crise économique, des processus cognitifs 1 et culturels d’acculturation – et d’occidentalisation – donnent lieu à une crise des valeurs traditionnelles (Latouche, 1989 ; Mungala, 1982)2. Alain Marie (1997) voit dans ces

1 Latouche (1989) cite Christian Maurel (1985. L’Exotisme colonial. Paris : Robert Lafont) en ces termes : « Si on fait l’histoire des batailles, le colonialisme a échoué. Il suffit de faire l’histoire des mentalités pour s’apercevoir qu’elle est la plus grande réussite de tous les temps ».

2 Mungala (1982) distingue d’abord les valeurs fondamentales ou transhistoriques et les valeurs de situation. Transmises par le biais de l’éducation traditionnelle africaine, ces dernières sont entre autres : la suprématie de la collectivité sur l’individu, la solidarité responsable, le respect dû

(19)

facteurs de changement une accélération de l’histoire des sociétés africaines depuis les années soixante-dix. Ces différentes transformations sociales et la crise multidimensionnelle ont eu des impacts sur les relations au sein de l’institution familiale (Gautier et Pilon, 1997 ; M’Bow, 2001 ; Diop, 1985 ; Antoine et al, 1995 ; Diagne et Lessault, 2007).

Certains auteurs mettent l’accent sur les conséquences ou les effets de ces changements sur les individus en soulignant le développement d'attitudes et de comportements

« individualistes » (Marie, 1997 ; Diop, 1985). En effet, la question de

« l’individualisme en tant que figure centrale de la modernité »3 se pose.

Sans entrer dans le débat holisme/individualisme et en reconnaissant l’existence dans chaque société de processus d’individuation, les relations sociales en jeu entre la société et la famille d’un côté et l’individu de l’autre aboutissent difficilement à une complète autonomie de l’individu (Robert Vuarin, 1997). Le processus d’individuation n'isole pas l’individu de son environnement social mais tend plutôt à lui conférer une place précise et un statut en son sein (Vuarin, 1997; Diop, 1985). Ainsi, certains auteurs justifient l’aspiration à une plus grande autonomie vis-à-vis de la famille élargie par les changements dans l’organisation socio-économique. Le processus d’individuation est le fruit de la transformation de la famille élargie, également unité de production et d’exploitation commune: les chefs de ménage veulent plus d’indépendance, les femmes et les jeunes hommes membres de la famille aspirent à plus de ressources personnelles (Diop, 1985). La quête d’autonomie vis-à-vis de la famille élargie par la quête de ressources dans un cadre autre que l’exploitation familiale est un facteur important de la migration (exode rural). Locoh (1995) note ainsi que les migrations constituent un moteur de la promotion sociale et que la ville offre aux jeunes scolarisés des campagnes l’opportunité de trouver un cadre et un emploi plus conformes à leurs aspirations. La récente mobilité juvénile vers les centres urbains chez les Dogons du aux aînés, aux vieillards et aux invalides, l’esprit des lois, le travail collectif ou communautaire, celles liées aux qualités morales.

3 Marie (1997) dénonce « le fait que l’Afrique noire a toujours été réputée pour être la terre d’élection par excellence de formes de sociabilités communautaires rivant les individus à des solidarités protectrices mais faisant, en revanche, obstacle à leur individualisation, c’est-à-dire à leur émergence comme acteurs autonomes » (p. 7).

(20)

Mali constitue un processus d’apprentissage de la culture citadine et subsidiairement une stratégie de survie face à la pauvreté (Sauvain-Dugerdil, Dougnon et Diop, 2008).

Cependant, le poids de la tradition et des normes sociales permet un contrôle quasi constant du groupe sur l’individu. Par exemple, celui qui s’installe dans le milieu urbain a toujours des devoirs d’hospitalité, d’hébergement et de solidarité en cas de mauvaises récoltes envers les autres membres de la famille élargie (OCDE, 2006). L’attitude consistant à se soustraire au devoir de solidarité familiale est non seulement socialement sanctionnée par la marginalisation et l’exclusion, mais elle représente un motif pour nombre de familles d’avoir recours aux pratiques magico-religieuses (sorcellerie, maraboutage) pour réprimer ou annihiler le comportement individualiste d’un proche (Locoh et Mouvagha-Sow, 2005; Marie, 1997; OCDE, 2006). D’autre part, il est un risque en soi pour celui qui adopte une telle attitude dès lors que la famille est le principal voire le seul soutien en cas de chômage, de vieillesse, de maladie ou d’invalidité. Le contexte social se prête particulièrement à la solidarité familiale et intergénérationnelle avec l’absence de politiques sociales étatiques et de système d’assistance publique. Ces constats permettent de dépasser ce qui pourrait apparaître comme un paradoxe : la force et le maintien de la solidarité traditionnelle dans le contexte de modernité et d’aspiration grandissante à l’autonomie individuelle.

Une autre dimension de la crise économique sur l’institution familiale en Afrique en général et au Sénégal en particulier, est liée à une redistribution des responsabilités et des rapports de pouvoir entre les différents membres de la famille. En effet, dans le contexte urbain, les femmes et les jeunes sont de plus en plus appelés à contribuer dans la prise en charge des dépenses de la famille. Les droits liés à l’ainesse sont remis en question quand on tient compte de la contribution financière des cadets. L’âge de l’autonomie résidentielle recule, mais aussi celui du premier emploi rémunéré et du premier mariage. Les nouvelles stratégies matrimoniales et les arrangements résidentiels semblent être le reflet des modes d’adaptation à la crise économique mais aussi à une remise en cause balbutiante de certaines normes sociales organisant les rapports interindividuels. Ces nouvelles pratiques matrimoniales et résidentielles traduisent une métamorphose des trajectoires et parcours de vie. Quelques indicateurs permettent de saisir les évolutions actuelles liées à la nuptialité et au réseau familial au Sénégal (référence : Locoh et Mouvagha-Sow, 2005). L’âge médian au premier mariage est en

(21)

net recul alors que l’écart d’âge entre les conjoints à la formation du couple se réduit. La taille moyenne des ménages reste élevée au Sénégal, avec 9 individus entre 1996 et 2001. Cela montre que les familles élargies se maintiennent malgré la baisse de l’indice de fécondité. L’ISF4 passe de 7,1 en 1978 à 5,7 en 1997 pour l’ensemble du Sénégal et 3,5 pour la capitale Dakar. La proportion d’enfants de moins de 15 ans confiés5 dans les ménages reste élevée : 28,1% en milieu urbain et 35% en milieu rural au Sénégal en 1993. La proportion d’hommes et de femmes vivant dans un ménage polygame amorce un léger recul mais concernait encore 46% des femmes en 1998 selon les Enquêtes Démographiques et de Santé.

L’APPROCHE DE LA FAMILLE PAR LE « MENAGE » EN QUESTION 1.2

Les études effectuées dans les sociétés africaines dans le domaine de la famille établissent la coexistence de divers modèles familiaux. Christine Oppong souligne la perméabilité des frontières de la famille nucléaire : « the openness or lack of boundaries of the nuclear family system » (1992, p. 71). Non seulement les crises économiques et l'émergence de valeurs individualistes expliquent les phénomènes d’individuation avec comme corollaire l’apparition de nouveaux modèles familiaux, mais elles peuvent, paradoxalement, justifier le maintien des structures familiales élargies par le besoin de solidarité. Gautier et Pilon relèvent que « en Afrique subsaharienne, le maintien relatif de la polygamie cache le développement des formes plus cachées, surtout en ville. Une instabilité conjugale croissante est souvent évoquée (…), qui va de pair avec un choix du conjoint plus libre pour les individus (un relâchement du contrôle parental) » (Gautier et Pilon, 1997, p. 8). Les travaux d'Antoine et al. (1995) sur les familles dakaroises permettent entre autres à Vimard de confirmer que « les structures des ménages africains (…) mettent en évidence une coexistence entre une certaine permanence des familles élargies, une progression des familles monoparentales et une nucléarisation relative » (Vimard, 1997, p. 149). Pour l’auteur, cette situation de

4 L’Indice synthétique de fécondité (ISF) est le nombre moyen d'enfants par femme en âge de procréer à l'intérieur d'une population.

5 Le confiage d’enfants à des familles d’accueil est une pratique répandue en Afrique au Sud du Sahara (voir page 20).

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pluralité est rendue possible par la coexistence de principes contradictoires, d’une part de cohérence (la nucléarisation et la solidarité), et d’autre part d’émiettement (individualisation et instabilité matrimoniale). On note une tendance à la « renégociation des relations interindividuelles au sein et hors des familles, qui s’accompagne de nouvelles formes familiales, de nouveaux arrangements résidentiels et de nouveaux rapports entre générations et entre sexes » (Gautier et Pilon, 1997, p. 9).

Les rapports au sein de la parenté dans le contexte africain actuel sont si complexes qu’il est difficile d'établir une classification consensuelle des types familiaux. Le premier écueil relève cependant de la notion même de famille qui selon les auteurs considérés correspond au ménage, à l’unité nucléaire de reproduction ou encore à la cellule élargie de production. Le classement des familles par les démographes et les économistes se fait le plus souvent en considérant l’unité de résidence avec le concept de « ménage » (Locoh et Mouvagha-Sow, 2005 ; OCDE, 2006) au risque d’ignorer le cercle familial actif plus large que Bonvalet (2003) nomme « famille-entourage », et que sous un autre angle nous désignons par « configuration familiale ».

LA PERSPECTIVE CONFIGURATIONNELLE : DE LA THÉORIE AUX 1.3

CONTEXTES FAMILIAUX SÉNÉGALAIS

Une configuration familiale désigne une structure d’interdépendances entre affiliés, alliés et proches considérés membres de la famille de et par un individu de référence (Widmer et Jallinoja, 2008). Le concept de configuration a été développé par Jacob Moreno et Norbert Elias. Ce dernier définit la configuration dans une perspective socio- psychologique comme un réseau d’interdépendances émotionnelles, financières et pratiques, entre des individus liés les uns aux autres par des besoins fonctionnels. Pour Elias (1991b), les petites structures relationnelles qui symbolisent l’articulation société/individu se font au gré des recompositions affectives qui sont à l’origine des configurations sociales plus vastes (Letonturier, 2006). Le pendant méthodologique de la théorie de Elias est une conception de la configuration comme réseau personnel (ou égocentré) puisque l'on ne peut comprendre les ensembles sociaux « sans se référer au réseau relationnel personnel d'un individu, sans voir comment il se forme à partir de lui

» (Elias, cité par Letonturier, 2006, p. 46). La conceptualisation de la famille comme configuration est née de la prise de conscience que les dépendances multiples

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(financières et émotionnelles notamment) qui expriment l’appartenance familiale ne sont pas circonscrites par les frontières du ménage ou de la famille nucléaire.

Pour étudier la famille comme configuration, il importe de retenir quatre idées-clefs (Widmer et Jallinoja, 2008). Premièrement, la famille n’est pas uniquement définie à partir d’un ou de plusieurs critères institutionnels, tels que le mariage ou la co- résidence: ce sont les dépendances effectives et les pratiques qui définissent les frontières de la configuration familiale. Deuxièmement, concevoir la famille comme configuration revient à mettre l’accent sur l'impact du réseau familial sur les relations dyadiques existantes par exemple entre maris et femmes, enfants et beaux-parents. Le réseau familial constitue en même temps le support et la matrice de ces relations dyadiques. Troisièmement, il y a une continuité et une interaction entre l'individu et la configuration familiale, de sorte que les choix et obligations de l’individu ne sont appréhendés que par la prise en compte du réseau familial d’interdépendances, et inversement. Enfin, les interdépendances familiales d’un individu changent suivant son parcours de vie et sont ainsi structurées par les insertions changeantes de l'individu au cours de sa vie.

L’approche configurationnelle des familles contemporaines en Afrique permet à notre avis de compléter les approches centrées sur les dimensions classiques de la parenté.

L’appartenance familiale au Sénégal obéit aussi à des critères autres que le lien de sang, de germanité ou de mariage. La proximité familiale s’exprime aussi dans la fraternité symbolique telle que la « parenté à plaisanterie » (Paulme, 1939) qui est système d’obligations, de devoirs d’hospitalités et de droits de grossièretés entre individus qui est codifié par des références identitaires (appartenance ethnique ou nom de famille).

Également, les liens forts qui découlent d’une relation durable de voisinage sont considérés comme relevant des relations familiales (Ndione, 1992). Peut aussi être considéré comme membre de la famille, un individu avec qui on a partagé la même résidence, avec qui on a été élevé, de même celui avec qui on a vécu certains rites de passage comme la circoncision (Camara, 1953; Erny, 1991).

À ce titre, le confiage des enfants est d’une grande importance puisqu’il concerne en moyenne 31,5 % des enfants au Sénégal en 1993. Il s’agit de la pratique par laquelle les enfants sont remis à des ménages différents de ceux des parents biologiques pour diverses raisons socio-économiques (Vandermeersch, 2000). La justification populaire

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du confiage des enfants préconise l’échange respectif d’enfants dans la parentèle pour renforcer les liens en son sein. Cette pratique s’explique en partie par une répartition de la charge démographique des descendants du lignage : ceux qui ont moins ou pas d’enfants sont les principaux bénéficiaires. D’autres sont confiés lorsque les parents peinent à les entretenir ou lorsque la famille d’accueil leur offre de meilleures perspectives notamment scolaires (Locoh et Mouvagha-Sow, 2005). Le confiage est aussi synonyme de souffrances et de corvées lorsque la charge de travail du ménage repose sur les enfants confiés au profit des enfants biologiques. Les situations de privilèges en faveur de ces derniers surviennent le plus souvent lorsque la parenté entre celui qui confie et celui à qui on confie n’est pas proche. Cela est source d’iniquité et d’inégalité de traitement entre les enfants biologiques et ceux confiés.

Par ailleurs, le Sénégal est un pays où la polygamie est largement pratiquée. Le maintien des structures familiales polygames conduit à une remise en cause de la tendance à la nucléarisation défendue par des penseurs comme Talcott Parsons pour qui elle accompagne inexorablement la modernisation de la société. L’approche configurationnelle permet de mettre en exergue l’asymétrie des relations dans les ménages polygames.

La complexité des liens formant l'entourage proche des individus a conduit à développer de nouvelles approches qui dépassent les notions de ménage et de famille nucléaire.

C'est ainsi qu’ont été conduites les enquêtes « Biographie et entourage » (Lelièvre et Vivier 2001). Des travaux ont considéré sur un pied d’égalité autant les individus qui partagent le ménage ou les activités quotidiennes que ceux à qui on confie ses préoccupations majeures (Sauvain-Dugerdil et Ritschard, 2005 ; Roulin et Sauvain- Dugerdil, 2009). L'approche configurationnelle approfondit l'analyse des relations d’interdépendances dans et hors du ménage et fait ressortir à des degrés divers les relations de soutien, de pouvoir et de conflit. La famille comme configuration est analysée comme une entité structurée par les liens tissés en son sein; elle est aussi structurante pour les relations interindividuelles.

Au vu de ces développements, nous admettons comme postulat de base que la perspective configurationnelle est particulièrement adaptée pour analyser les processus relationnels dans la famille sénégalaise moderne, caractérisée par son éclatement et sa complexification.

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LE CAPITAL SOCIAL DES FEMMES : LES ASPECTS THÉORIQUES 1.4

1.4.1 Statut et capital social des femmes

Traditionnellement dans les sociétés africaines réputées patriarcales, la place de la femme est inféodée à celle de l’homme. Dans le couple, l’homme détient l’autorité sur la femme, même si cette dernière a une certaine marge de manœuvre. Cette situation semble toujours être la règle dans la société sénégalaise actuelle, même si des changements peuvent être notés (Locoh, 1995; Locoh et Mouvagha-Sow, 2005; Dial, 2008). Le statut inférieur des femmes dans la société sénégalaise actuelle semble donc relever de l’organisation sociale et du système de parenté globalement régis par deux principes directeurs : le genre et la séniorité. La persistance de cette réalité sociale explique le maintien de l’idéologie de la dépendance. Le statut de la femme est celui d’une « dépendante » survalorisée dans son rôle d’épouse (Antoine et Nanitélamio, 1995; Adjamagbo, Antoine, Dial, 2002) et qui a difficilement accès aux ressources et richesses de la famille d’origine et de la famille d’alliance (Locoh, 1995). Le statut de dépendante implique-t-il que la femme soit dans une position de bénéficiaire de la solidarité familiale et conjugale ? Pour Locoh (1995), les aspirations individuelles et conjugales restent secondaires devant les impératifs des groupes familiaux, entrainant ainsi un affaiblissement des couples et une perte d'autonomie des femmes.

Cependant, il est à noter que le désir d’émancipation des jeunes générations est une réalité surtout dans les milieux urbains (Locoh, 1995). L’exode rural pour la promotion sociale concerne le sexe féminin même si pour certains métiers cet exode est saisonnier.

Des facteurs tels que la scolarisation des filles et l’entrée des femmes dans le monde du travail amorcent une remise en cause de la domination masculine et de l’emprise du groupe familial (Antoine et Nanitélamio, 1995 ; Locoh, 1995 ; Locoh et Mouvagha- Sow, 2005 ; Dial, 2008). En effet, la contribution financière des femmes dans la prise en charge des dépenses familiales entraine une redistribution du pouvoir dans les relations conjugales et familiales. La question se pose alors de définir théoriquement le capital social attribué à la femme à partir de son statut et sa place dans la configuration familiale.

L’économiste américain Loury (1976) jette les bases de la théorie du capital social, en le décrivant comme l’ensemble des relations de confiance et d’autorité qui entourent

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l’individu dans son milieu social et qu’il peut mettre à profit à des fins économiques. Il est le précurseur avec Pierre Bourdieu (1985) d’une approche structurale, fonctionnelle et instrumentale du capital social. Sur cette même lignée, Coleman (1990) et Portes (1998) mettent l’accent sur la structure sociale et l’utilisation des ressources du réseau mises à la disposition de ses membres par la collectivité. Le capital social est particulièrement élevé dans les réseaux caractérisés par une forte densité : les individus sont fortement interconnectés et peuvent exercer les uns sur les autres un contrôle serré, synonyme dans cette perspective d’une plus grande marge de confiance et donc d’efficacité dans l’action. Bourdieu et Coleman considèrent le capital social comme la résultante des interactions sociales intenses et durables.

En se référant à ce type de réseau familial densément connecté (produisant un type de capital social « chaîne » ou « bonding »), tous les membres du groupe familial, les femmes comprises, sont enserrés dans un réseau de relations denses, solidaires mais aussi contraignantes (Widmer, 2006). Cette situation peut être synonyme de reproduction des inégalités de genre. Pour Bourdieu, le postulat de la reproduction des inégalités sociales rend difficile le passage pour la femme d’un statut inférieur à un statut supérieur. Pour Coleman, le capital social est mis à disposition par la structure mais est rattaché à des individus. Il est variable pour les individus selon leurs obligations, attentes sociales, relations de confiance, leurs possibilités d’accès à l’information, leur position d’autorité et leurs responsabilités, les normes et sanctions admises ainsi que le type d’organisation. Il s’agit d’un ensemble de facteurs qui peuvent rendre l'accès au capital social malaisé pour la femme. Dans la perspective de Coleman, les familles recomposées et monoparentales aux États-Unis sont pourvoyeuses d’un moindre capital social que les familles de première union. Sur ce point précis, le parallèle peut être fait avec la famille polygyne : elle est source de problèmes d’adaptation personnelle et de conflits liés à la jalousie sexuelle et à la répartition des tâches féminines (Murdock, 1972 ; Diop, 1985 ; Antoine, Ouédraogo, Piché, 1998 ; Dial, 2008). Ces conflits liés à la polygynie entraînent souvent une séparation physique des coépouses (résidences séparées) ou une hiérarchisation des statuts selon le rang de mariage (Diop, 1985). Donc, on peut en déduire que la polygamie ne constitue pas forcément une extension du réseau de soutien et de solidarité, c’est-à-dire du capital

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social mis à disposition par le cadre familial, même si elle constitue une extension structurelle de la famille.

L’approche structurelle du capital social de Coleman trouve chez Burt (2001) une alternative. En effet, Burt propose une hypothèse différente quant à la structure du capital social en introduisant la notion de « trou structural » (structural hole). L’absence de relation sociale entre deux parties d’un réseau (trou structural) est une opportunité d’établir de nouvelles ouvertures et d’acquérir du capital social. L’établissement entre ces deux parties d’un lien donne du capital social de type pont ou « bridging » (Widmer, 2006). Les acteurs qui établissent le lien social entre deux groupes sociaux contrôlent les flux d’informations et coordonnent les actions entre les membres des groupes se trouvant de part et d’autre du « pont ». L’acteur a ainsi accès à des ressources et informations autres que celles dont il dispose avec son groupe immédiat, ce qui accroît sa marge d'autonomie et ses capacités d'action (Granovetter, 1973). Dans ce même registre, Putnam (1995) élabore une approche constructiviste du capital social conçu comme le résultat d'un comportement volontariste. Le capital social n’est pas seulement le produit de la structure sociale mais aussi des relations de confiance, de réciprocité et des actions de participation mises en place par les individus. Il se construit par l’action individuelle à travers la participation à diverses activités et associations allant des domaines du politique au sportif et à la religion. Autrement dit, le capital social est le produit de processus continus d’insertions sociales des individus.

Les femmes ont des moyens de contourner le déficit de capital social de type « chaîne » lié à leur statut familial en diversifiant leurs modes d’insertion sociale. Une illustration est donnée par les travaux d’Emmanuel Seyni Ndione (1992, 1993) qui mettent en exergue les pratiques et stratégies « éco-sociales » des familles dakaroises qui développent des systèmes d’alliance, de réciprocité, de dons et contre-dons pour d’une part permettre une circulation des ressources au sein de leurs réseaux et d’autre part d’en disposer dans des situations de nécessité. Pour Ndione (1992), les nouvelles formes de sociabilité qui s’expriment à travers les logiques associatives (par exemple les mbotaye et les dahira) relèvent de stratégies de développement et d’extension des réseaux d’échange. Les acteurs sociaux concernés chercheraient alors à renforcer leur capital social afin de multiplier ce que Ndione appelle les « tiroirs stratégiques ».

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1.4.2 TRAJECTOIRES DE VIE ET CAPITAL SOCIAL

De quoi dépend le capital social à disposition des femmes dans leurs familles? Pour répondre à cette question, la trajectoire de vie est souvent évoquée dans la littérature. La trajectoire de vie d’une personne est la suite chronologique des évènements liés à sa famille, sa résidence, sa profession, sa santé.

Le premier élément fondamental du contexte sénégalais est que la sexualité hors- mariage est stigmatisée (Adjamagbo, Antoine, Dial, 2002; Dial, 2008). Même dans les cohortes récentes, la sexualité hors mariage reste clandestine. La société sénégalaise étant très islamisée, les valeurs religieuses prônent un mariage précoce et universel à l’opposé du concubinage. Toutefois, l’universalité du mariage rend moins visible une autre réalité : l’incidence élevée du divorce et du remariage surtout en milieu urbain. Le remariage à Dakar concerne la moitié des femmes à l’âge de 50 ans : une femme sur deux n’est plus dans sa première union pour cause de divorce mais aussi de veuvage.

Chez les divorcées, 90% se remarient dans les cinq ans qui suivent le divorce (Dial, 2008).

La complexité des parcours matrimoniaux au Sénégal suggère l’hypothèse que les ressources relationnelles présentes dans les configurations familiales des femmes dépendent en grande partie de leurs trajectoires de vie. Les femmes qui se marient en première union se séparent de leurs familles d’origine et de leurs proches pour rejoindre le domicile de leur mari du fait du système de résidence virilocale. Même si elles maintiennent les liens avec leurs familles d’origine, elles se retrouvent dans un cadre de vie nouveau, devant refaire les liens avec la belle-famille et le voisinage. Le mariage comme principal évènement de la trajectoire de vie des femmes leur est donc défavorable en termes de capital social. Le statut dominé de la femme ne justifie pas à lui seul l’accès limité des femmes au capital social. Souvent, les rapports avec la belle- famille sont très heurtés pour la femme : la belle-mère et la belle-sœur dépendent assez souvent du mari, ce qui les place en situation de concurrence par rapport à la femme.

Les tensions avec la belle-famille sont la deuxième cause de divorce évoquée par les femmes (Adjamagbo, Antoine et Dial, 2002).

Dans le cas d’un mariage polygame vécu comme une situation de compétition entre épouses, la femme se retrouve dans une situation d’exclusion par rapport à une partie de la famille. Dans les mariages polygames, les femmes gardent leurs revenus pour leurs

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dépenses personnelles et celles de leurs enfants (Dial, 2008). La polygamie a un impact différencié sur le capital social des hommes et des femmes : les unions matrimoniales pour une femme se superposent car elle ne peut être mariée qu’à un homme à la fois, tandis que celles d’un homme se cumulent et se démultiplient. La polygamie représente la possibilité pour les hommes de « réajuster » les trajectoires personnelles à leurs aspirations affectives et un moyen de satisfaction du bien-être personnel, de prestige social et de renforcement du capital social. Comme le note Dial (2008), le divorce est aussi un facteur de promotion sociale car il permet aux femmes non satisfaites de leur mariage de divorcer pour en contracter un autre plus à leur convenance. C’est par exemple le cas d’un mariage avec un mari qui ne remplit pas ses obligations financières (le défaut d’entretien étant la première cause de divorce au Sénégal) ou encore un mariage antérieurement imposé par les parents et qui ne convient pas à une femme. Dial soutient dès lors que le divorce et le remariage pour les femmes jouent le même rôle que la polygamie pour les hommes en termes de réajustement du parcours matrimonial. Le fait d’être mère, le divorce, le veuvage, sont des facteurs qui « dévalorisent » la femme sur le marché matrimonial. D’autres facteurs comme l’écart d’âge élevé entre l’homme et la femme au premier mariage (même si cet écart se réduit selon les études récentes), mais aussi le recul de l’âge au premier mariage chez les hommes mettent, sur le marché matrimonial plus de femmes que d’hommes. Nous faisons donc l’hypothèse qu’il y a une accumulation différenciée de capital social à travers les trajectoires de vie selon le sexe en faveur des hommes.

La stratification sociale dans le contexte de l’étude doit être également prise en compte.

On peut faire l'hypothèse d'un accès et d'une distribution inégalitaire du capital social en fonction des classes sociales. Nous avons déjà soulevé plus haut le fait que pour les théoriciens du capital social, le statut social était un facteur important pour une mise à disposition de ressources. Granovetter (1973) précise ainsi que les informations fournies par les « liens faibles » (les connaissances plutôt que les proches) seraient plus bénéfiques pour une personne appartenant à la classe moyenne ou aisée que pour une personne des classes populaires. Le mariage préférentiel (mariage entre cousins croisés au Sénégal) est encore très fréquent (Diop, 1985 ; Dial 2008). Au-delà de ce type de mariage, les mariages endogames restent privilégiés dans un contexte caractérisé par

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une stratification sociale très inégalitaire et relativement rigide au travers des critères de caste, d’ordre, d’ethnie, de religion et de classe sociale (Diop, 1981).

Les analyses effectuées par Dial (2008) montrent pour les hommes que, pour la première et deuxième union, plus on est pauvre plus augmente la probabilité d’épouser une femme divorcée. En prenant l’exemple des femmes qui se marient pour la première fois mais avec des hommes mariés ou divorcés, celles des couches populaires sont plus nombreuses (29% et 12%) que celles des couches moyennes (13% et 6%). Par rapport à ces données, on peut poser que les femmes venant de milieux sociaux défavorisés ont un choix restreint sur le marché matrimonial en se mariant à un polygame ou un divorcé à la première union. Et pourtant la réalité est toute autre concernant les femmes qui se remarient mais avec des hommes célibataires. En effet, la moitié des femmes entrent en deuxième union avec des hommes célibataires. Cette proportion tombe à 17% chez les femmes aisées qui se remarient. L’explication, selon Dial, tient au fait que globalement pour se remarier, les femmes disposent sur le marché matrimonial d’un nombre élevé de célibataires pauvres et un nombre réduit de célibataires aisés. Les femmes moins pauvres restent endogames en se remariant avec des hommes aisés mais déjà mariés.

Cela justifie parallèlement le maintien de la polygamie même dans les couches moyennes, aisées et urbaines. Antoine et Nanitélamio (1995) identifient quatre types de polygamie masculine : la polygamie imposée (par les parents ou par devoir de solidarité), la polygamie de retour (aux valeurs traditionnelles), la polygamie ostentatoire (des hommes aisés) et la polygamie du pauvre (qui épouse une femme plus aisée que lui pour obtenir un soutien financier). Les deux derniers types de polygamie montrent que les hommes peuvent tirer profit de la polygamie qui est socialement valorisante pour eux quelle que soit la classe sociale. Pour les femmes, nous avions déjà théoriquement argumenté que la polygamie est peu pourvoyeuse de capital social. Au vu de ces analyses, on peut faire l’hypothèse que le capital social est influencé par la stratification sociale.

APPROCHES ET DEFINITIONS DU CAPITAL SOCIAL 1.5

L’objet a jusque-là été le contexte particulier de l’étude et comment il détermine la configuration familiale et le capital social. Seulement, la recherche porte spécifiquement sur les liens entre la dynamique entrepreneuriale des femmes, ou leurs activités en

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général, et le capital social que leurs réseaux mettent à leur disposition. L’exercice consiste dès lors à considérer l’articulation entre les champs économique et social.

Autrement dit, on cherche à déterminer comment, sous quelles formes et dans quelles conditions le capital social favorise l’activité des femmes.

Les travaux de Coleman sur le capital social ont eu un engouement important dans le milieu scientifique, mais ont vite intéressé divers domaines comme le management, l’intervention sociale, le développement. Certains auteurs (Coleman, 1990 ; Putnam, 1993, 1995 ; Fukuyama 1995) ont vu dans le capital social un facteur déterminant de régulation, de développement mais aussi du déclin des sociétés humaines. Putnam prédit ainsi le déclin de la société américaine avec la baisse du capital social liée à l’introduction des nouvelles technologies. Fukuyama voit dans l’impact positif du capital social une solution au développement et à la performance économique. D’autres études vont plus loin en essayant de démontrer comment le capital social amène la croissance par le biais de l’investissement (Knack et Keefer, 1997), comment la confiance (considérée comme synonyme de capital social) rend possible la performance des États et des grandes firmes (La Porta et all, 1996). Ces agrégats macroéconomiques sont à mettre en relation avec les comportements individuels lorsque, par exemple, leur participation sociale impacte sur l’état de santé (Putnam, 2000) ou encore le contrôle social permis par les normes dicte la conduite individuelle positive dans des domaines tels que l’éducation ou la criminalité (Coleman, 1988). Le lancement d’un programme de recherche sur le capital social par la Banque Mondiale à la fin des années 1990 a donné un essor supplémentaire au concept. Ces études avaient pour objet les effets du capital social sur la pauvreté (Narayan, 1999 ; Grootaert, 1998 ; Woolcock et Narayan, 1999).

La particularité de ces études, ainsi que de la majorité recensée sur le sujet, est qu’elles se basent sur une définition fonctionnaliste du capital social (Lévesque, 2000). Coleman (1990) définit le capital social par sa fonction et en relève trois formes principalement : la confiance entre membres d’un groupe ou d’une société, l’information qui est la base de l’action, les normes sociales et les sanctions (le contrôle social). Le succès des travaux de Coleman et sa définition fonctionnelle du concept ont été à bien des égards sources de dérives analytiques que des auteurs comme Portes et Lin vont souligner.

D’abord, cette définition par la fonction prête à confusion entre le capital social comme

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capacité à mobiliser potentiellement des ressources liées à un réseau et les ressources elles-mêmes (Portes et Landolt, 1996, 2000). Autrement dit, cette conception pousse à croire qu’un résultat positif indique la présence d’un capital social et, inversement, l’absence de capital social aboutit à un résultat négatif. Lévesque (2000) donne le cas d’un raisonnement tautologique ou circulaire: une collectivité avec un bas taux de criminalité est supposée avoir capital social « élevé », or celui-ci est en même temps considéré comme le fait de la faible criminalité. Une autre critique adressée à cette approche est qu’elle entraine une tendance à mettre en exergue les effets positifs des interactions sociales tout en ignorant ceux moins utiles ou pervers (Portes et Landolt, 2000). Ces critiques formulées, on peut retenir que, en termes d’utilisation des ressources du réseau social, la potentialité ne conduit pas à l’effectivité, c’est-à-dire que la possibilité d’obtenir des ressources à travers les connections sociales ne garantit pas leur mobilisation effective. Alors qu’en est-il des autres formes du capital social selon l’approche fonctionnaliste ?

Comme Coleman, Putnam et Fukuyama considèrent la confiance comme du capital social. Elle est considérée comme un attribut dont la présence conduit à l’établissement des relations sociales, elle est alors source d’« efficacité» et de « performance » des sociétés, groupes et institutions sociales. Or, la confiance mutuelle ne précède pas les relations sociales, elle est au contraire le produit et résultat de celles-ci (De Carlo et Widmer, 2008). Cependant, ces auteurs arrivent à la même conclusion que Coleman quand ils constatent que le capital social de type « bonding » (ou chaîne correspondant à un réseau dense de relations) est associé à une plus grande confiance. Pour affiner le concept de confiance, Bidault et Jarillo (1995) en distinguent deux facettes : la confiance technique de la confiance morale. Le premier terme renvoie à la compétence par exemple d’un avocat qui justifie la confiance placée en lui par son client. Le second terme renvoie à l’évaluation de l’intégrité et la bienveillance qu’un individu exprime envers un autre : il s’agit de bien « connaitre » l’individu de sorte à pouvoir théoriquement « construire un modèle de son comportement et de ses réactions dans différentes circonstances » (Bidault et Jarillo, 1995, cité par Chollet, 2002). Cette définition de la confiance est proche de celle de Mayer, Davis et Schoorman (1995) pour qui c’est « la volonté d’une partie d’être vulnérable aux actions d’une autre partie, fondée sur la prévision que celle-ci accomplira une action particulière importante pour

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elle, en l’absence de possibilité de surveillance ou de contrôle de cette autre partie » (cité par Chollet, 2002). La confiance semble être la prévisibilité du comportement individuel, ce qui traduit également la perception de Coleman qui voit dans la confiance le fait que les attentes des uns deviennent les obligations des autres. On peut donc noter chez Coleman un glissement de la confiance vers la norme (Lévesque, 2000).

L’approche fonctionnaliste du capital social réduit la confiance à la norme. Baudassé et Montalieu (2007) notent que « la confiance s’établit car il existe en contrepartie des mécanismes de sanction sociale et de pouvoir (réputation, obligations réciproques), et plus largement des normes sociales et des valeurs culturelles qui façonnent les comportements individuels (obligations morales, les bons comportements permettant d’échapper aux sentiments de honte et de culpabilité, etc.) » (p. 424).

La norme comme capital social avec comme corollaire les sanctions morales, formelles ou juridiques relève d’une démarche qui conditionne les comportements individuels au contrôle social. En d’autres termes, on pose implicitement l’antériorité de la norme qui, de par son existence, autorise les relations et pratiques sociales. L’importance des normes est à souligner dans l’établissement des relations interindividuelles car elles orientent et encadrent les comportements et les pratiques sociales. Cependant, elles ne produisent pas les interconnections du réseau (Lévesque, 2000). Les normes sociales sont elles-mêmes influencées par les pratiques sociales lorsqu’il y a adaptation ou remise en cause de ce qui est souhaitable ou acceptable.

À l’inverse de l’approche fonctionnaliste du capital social se dresse une approche réseau ou réticulaire. Cette approche du capital social se base sur l’analyse des réseaux sociaux qui connaissait déjà un essor important en sociologie. Elle est développée notamment par Lin (2001) à travers sa théorie des ressources sociales. Les individus utilisent les ressources sociales du fait de leur insertion dans des réseaux sociaux. Il définit le capital social comme l’ensemble des ressources insérées dans les réseaux sociaux disponibles et utilisées par les acteurs pour l’action. Tout en s’écartant des thèses fonctionnalistes, il soutient que le capital social doit être opérationnalisable sous peine de rester une notion floue. Dans ce sens, il définit le capital social comme « l’investissement d’un individu dans ses relations avec d’autres » (Lin, 1995, p. 701). Cette définition de Lin conforte l’approche configurationnelle du réseau que nous utilisons pour définir le capital social dans le contexte de notre étude (voir plus haut). En fait, les sociologues des réseaux

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répondent diversement quand il s’agit de préciser la notion de relation qui est à la base du réseau (Degenne et Forsé, 1994). Le choix du critère pour déterminer la qualité de la relation, indiquent ces auteurs, doit obéir à l’objet de recherche.

LE CADRE DES « CAPABILITÉS » ET LE MODÈLE D’ANALYSE 1.6

Disséquer toutes les implications entre l’économique et le social (donc de l’ « insertion socioéconomique ») concernant notre population reste un projet trop ambitieux. Pour autant, un éclairage important sur cette insertion socioéconomique peut être obtenu pour peu que notre démarche s'inscrive dans un cadre théorique pertinent. Ce terrain propice est fourni par l'approche par les « capabilités ». Le choix de l'approche des « capabilités

» se fonde sur plusieurs raisons: son caractère multidimensionnel, sa perspective interdisciplinaire, sa démarche compréhensive et son cadre d'analyse opérationnel. En effet, la « capabilité » est une perspective pour observer et analyser la situation des individus. Cette approche est donc centrée sur l’individu et sa capacité à utiliser les ressources individuelles et collectives dont il dispose pour arriver à ses propres fins.

La notion de « capabilité » est proposée par le prix Nobel d’économie Amartya Sen. Ce dernier définit le développement « comme un processus d'expansion des libertés réelles dont jouissent les individus » (Sen, 2000, p. 15). L’approche des « capabilités » opère une rupture avec les théories classiques du développement centrées sur le niveau de revenu comme seule unité de mesure du bien-être individuel. C’est en montrant les limites du revenu monétaire comme mode d’évaluation et de comparaison entre les pays (tel le produit national par habitant) que le théoricien des « capabilités » a inspiré la mise place d’un indicateur composite sur le développement humain qui intègre la santé, l’instruction et les conditions de vie. La pauvreté ou la faiblesse des revenus sont perçues sous cet angle comme une restriction de la capacité - ou privation de la liberté - à se nourrir correctement, à accéder aux soins médicaux, à se vêtir, se loger, etc. La privation de liberté de choix dépasse le seul concept de pauvreté lorsqu'il y a absence d'opportunités économiques (conditions sociales précaires et inexistence de services publics) et d'expression politique (comme dans un régime politique autoritaire).

Les « capabilités » liées aux conditions de vie décentes sont qualifiées d'« élémentaires

» car impliquant des besoins vitaux. D'autres « capabilités » présentent une moindre acuité vitale tout en restant fortement valorisées par les individus notamment en

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