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Oncologie : Article pp.130-131 du Vol.6 n°2 (2012)

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Psycho-Oncol. (2012) 6:130-131 DOI 10.1007/s11839-012-0375-1

LIVRES ET VIDÉOS / BOOKS AND VIDEOS LIVRES ET VIDÉOS / BOOKS AND VIDEOS LIVRES ET VIDÉOS /

Cet ouvrage ne concerne pas le cancer. Il concerne les langues.

La matière avec laquelle nous nous exprimons est en voie d’uni- formisation. Ici même, dans Psy- cho-Oncologie, se pose la question de nous conformer aux standards internationaux ou plutôt mondiaux qui nous conduiraient à chercher à nous exprimer uniquement en anglais. Nous y perdrions notre culture, notre pensée. D’autre part, le monde de la publication scientifique est soumis à de fortes tensions : faut-il abandonner nos structures d’énonciation, les particularismes qui nous permettent l’inventivité et la créa- tion ou tenter d’exprimer d’un pâle reflet nos expériences en perdant la subtilité de nos résultats de recherche ?

Depuis 1945, nous avons vécu grâce à nos libérateurs d’outre océan, le rêve de la Liberté avec un grand L, mais aujourd’hui, ce rêve se résume parfois à de la « junk food », l’exportation des crimes en série, un cinéma d’effets spé- ciaux et un diktat, celui de « publier en anglais ou mourir !».

Or le pourcentage de la population mondiale pour lequel l’anglais est la langue maternelle n’est que de 7% environ, ce qui signifie que le reste de la planète ne comprend somme toute que moyennement cet idiome, qui se targue pourtant aujourd’hui de constituer la langue « véhiculaire » mon- diale. Claude Hagège souligne qu’une véritable « intox » conduit les anglophones à largement surévaluer l’influence de leurs pays, mettant véritablement en danger les langues vernaculaires qui se sous-estiment, victimes du préjugé de leur perte d’influence. Nous ne parlerons ici que du chapitre sur « l’anglais dans les sciences, générateur d’inégalités », parce qu’il concerne notre revue francophone, mais surtout parce qu’il nous soumet à des efforts inouïs d’écriture et

de communication de nos travaux scientifiques, enfin parce qu’il engendre un sentiment de compétition bien inégali- taire, y compris dans le monde de la psycho-oncologie.

Tout d’abord, prenons le cas des universités françaises et du paradoxe d’y donner les cours… en anglais ! Les étu- diants étrangers y constituent au maximum 25% des effec- tifs et l’on se demande bien pourquoi ils viendraient en France pour un enseignement en anglais, alors qu’il serait plus logique de rechercher plus directement dans les pays anglo-saxons l’enseignement dans cette langue. On objec- tera bien sûr les coûts d’un tel enseignement, mais au moins, ayons le courage de notre accueil et profitons de leur venue pour leur enseigner notre langue.

Mais il y a bien plus grave ! La question de la publication en langue anglaise pèse de tout son poids sur nos recherches et entraîne la disqualification des chercheurs qui refusent de publier en double leurs travaux ou de ne publier que dans leur langue.

D’une part, contrairement à une idée reçue, l’anglais n’est pas une langue « facile ». Bien au contraire, elle se caracté- rise par une polysémie (de nombreux mots recouvrent des sens très variés pour chacun d’entre eux) et par une tendance à l’ellipse qui provoque des contre-sens, enfin, l’absence de

« mots-outils » au sein de successions de noms produit des hésitations que seul un individu appartenant à cette culture peut trancher. Nous ne citerons que l’exemple souligné par Cl. Hagège p. 147: « Supplementary Staff Test » signifie-t-il

« épreuve supplémentaire pour le recrutement de person- nel » ou « épreuve pour le recrutement de personnel supplé- mentaire » ?

Les efforts de traduction alourdissent considérablement la publication, au point que les efforts de recherche se rédui- sent parfois à l’énonciation de données objectives, tandis que les articles plus conceptuels restent non traduits du fait de leur complexité, donnant aux anglo-saxons la domination des travaux les plus créatifs du simple fait que les non anglo- phones renoncent à traduire leurs travaux ou se font devan- cer. L’idée d’écrire directement en anglais ou de se croire suffisamment doué en anglais pour prétendre arriver à un niveau d’expression suffisant est un leurre. Pour le linguiste

Contre la pensée unique

Claude Hagège, Editions Odile Jacob, 2012

M.-F. Bacqué

© Springer-Verlag France 2012

M.-F. Bacqué ()

Directrice de l’EA 3071 à l’université de Strasbourg mfbacque@club-internet.fr

e-mail :

Cet article des Editions Lavoisier est disponible en acces libre et gratuit sur archives-pson.revuesonline.com

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Psycho-Oncol. (2012) 6:130-131 131

Claude Hagège, seuls les natifs anglophones peuvent pré- tendre écrire directement en anglais, ceux qui le parlent bien en tant que seconde langue seront à 50% de leur rendement, les autres n’auront un résultat que de 10%.

Alors pourquoi s’acharner ? La conclusion de notre auteur est un plaidoyer pour la traduction. Ecrivez votre article dans votre langue, et publiez le d’abord dans une revue nationale. Exprimez-vous avec toutes vos nuances, développez vos raisonnements et n’hésitez pas à expliquer certaines de vos expressions, ainsi vos recherches prendront toute la valeur à laquelle vous renonceriez si vous deviez tenter d’écrire directement en anglais.

Mais, un conseil qui vaut de l’or… Ne publiez jamais des résultats originaux dans une revue anglo-saxonne en premier. Vous risqueriez, d’une part, d’attendre longtemps et de vous faire devancer par un anglophone et, d’autre part, cet anglophone pourrait bien être l’expert auprès de qui vous avez confié votre manuscrit ! Est-on vraiment paranoïaque lorsqu’on lit les propos d’un membre d’un comité de lec- ture d’une revue anglophone : « ces articles nous arrivent sur un plateau d’argent, écrits dans notre propre langue.

Comment voulez-vous que nous nous empêchions d’exploi- ter les meilleures idées ? Si vous volez une idée à quelqu’un alors que celle-ci n’a pas encore faite l’objet d’une publica- tion antérieure, comment voulez-vous que ce dernier soit en mesure de prouver quoi que ce soit ? » (p. 114)

Rappelons l’exemple de Luc Montagnier et de son long combat juridique pour faire reconnaître l’antériorité de sa découverte du virus du sida en 1983 sur l’équipe de Robert Gallo qui travaillait sur le même sujet. Un certain nombre

de chercheurs inconnus mais innovateurs se sont vu refu- ser leur article dans les revues anglo-saxonnes, mais l’ont retrouvé sous la plume d’un des membres du comité. Une raison fondamentale pour ne pas diminuer le nombre de revues non anglophones, sans oublier que la langue fran- çaise, particulièrement, est un vecteur de diffusion de leurs travaux de nombreux chercheurs appartenant à son ancienne sphère d’influence !

Dans le domaine de la psychologie [1], il est effrayant de constater qu’entre 1986 et 1990, 81% des articles les plus cités étaient signés par des chercheurs étasuniens et 89%

par des chercheurs dont l’anglais était la langue maternelle ! Les langues indigènes ne semblent pas aller de pair avec la publication, du moins selon les critères édictés… par les anglo-saxons, bien évidemment.

Reprenons espoir avec Claude Hagège qui défend si bien notre langue et toutes les langues. Cette diversité est indispensable au développement de nos idées, elle s’inscrit contre ce que Bourdieu avait appelé l’exposition à l’anglici- sation des structures mentales, elle nous garantit la liberté et la créativité. C’est pourquoi, Psycho-Oncologie est fière de s’exprimer en français, tout en proposant régulièrement des articles traduits en anglais pour notre diffusion mondiale, mais au fond, n’y a t-il pas plus de lecteurs hispanophones, mandarinophones ou parlant l’hindi ?

Référence

1. Tiberghien G., Beauvois J-L (2010) Domination et impérialisme en psychologie. Psychologie Française 53:135-55

Cet article des Editions Lavoisier est disponible en acces libre et gratuit sur archives-pson.revuesonline.com

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