• Aucun résultat trouvé

Annales du Patrimoine

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "Annales du Patrimoine"

Copied!
187
0
0

Texte intégral

(1)

P-ISSN : 1112-5020 E-ISSN : 2602-6945

Annales

Annales du du Patrimoine Patrimoine

Revue académique annuelle en libre accès

dédiée aux domaines du patrimoine et de l'interculturalité

01 01

2004 2004

 Publication de l'Université de Mostaganem, Algérie

(2)

Annales

Annales du du Patrimoine Patrimoine

Revue académique annuelle dédiée aux domaines du patrimoine Editée par l'université de Mostaganem

01 01 / / 2004 2004

P-ISSN : 1112 - 5020 E-ISSN : 2602-6945

(3)

© Annales du patrimoine - Université de Mostaganem (Algérie)

(4)

Revue Annales du patrimoine

Directeur de la revue Mohammed Abbassa (Responsable de la rédaction)

Comité consultatif Larbi Djeradi (Algérie)

Slimane Achrati (Algérie) Abdelkader Henni (Algérie) Edgard Weber (France) Zacharias Siaflékis (Grèce)

Mohamed Kada (Algérie) Mohamed Tehrichi (Algérie) Abdelkader Fidouh (Bahreïn) Hadj Dahmane (France) Amal Tahar Nusair (Jordanie)

Correspondance Pr Mohammed Abbassa

Directeur de la revue Annales du patrimoine Faculté des Lettres et des Arts

Université de Mostaganem - Algérie

Email annales@mail.com

Site web

http://annales.univ-mosta.dz ISSN 1112 - 5020

La revue paraît en ligne une fois par an

(5)

Recommandations aux auteurs

Les auteurs doivent suivre les recommandations suivantes : 1) Titre de l'article.

2) Nom de l'auteur (prénom et nom).

3) Présentation de l'auteur (son titre, son affiliation et l'université de provenance).

4) Résumé de l'article (15 lignes maximum).

5) Article (15 pages maximum, format A4).

6) Notes de fin de document (Nom de l'auteur : Titre, édition, lieu et date, tome, page).

7) Adresse de l'auteur (l'adresse devra comprendre les coordonnées postales et l'adresse électronique).

8) Le corps du texte doit être en Times 12, justifié et à simple interligne et des marges de 2.5 cm, document (doc ou rtf).

9) Les paragraphes doivent débuter par un alinéa de 1 cm.

10) Le texte ne doit comporter aucun caractère souligné, en gras ou en italique à l'exception des titres qui peuvent être en gras.

Ces conditions peuvent faire l'objet d'amendements sans préavis de la part de la rédaction.

Pour acheminer votre article, envoyez un message par email, avec le document en pièce jointe, au courriel de la revue.

La rédaction se réserve le droit de supprimer ou de reformuler des expressions ou des phrases qui ne conviennent pas au style de publication de la revue. Il est à noter, que les articles sont classés simplement par ordre alphabétique des noms d'auteurs.

La revue paraît au mois de septembre de chaque année.

Les opinions exprimées n’engagent que leurs auteurs.

***

(6)

Revue Annales du patrimoine - N° 01 / 2004

- 5 - Sommaire

Rabia al Adawiyya ou l'exaltation de l'amour Divin

Dr Bakhta Abdelhay 7 Le paradigme du religieux dans le courant pérennialiste

Larbi Djeradi 15 L’œuvre mystique de Uthmân dan Fodio 1754-1817

Dr Seyni Moumouni 27

(7)

Revue Annales du patrimoine

(8)

Revue Annales du patrimoine - N° 01 / 2004

© Université de Mostaganem, Algérie 2004

Rabia al Adawyyia

ou l’exaltation de l’amour Divin

Dr Bakhta Abdelhay Université de Mostaganem, Algérie Résumé :

Nul ne pourrait parler de la mystique musulmane sans parler de Rabia al-Adawiyya, cette ascète qui vécut toute sa vie cherchant son propre salut. Sa vie entière fut marquée par un dévouement inégalable à l'amour Divin. Notre intervention portera donc sur cette notion de l'amour Divin dans la poésie de Rabia qui, à travers chaque vers, nous emporte dans un monde euphorique ou l'amour de Dieu terrasse l'amour humain. Notre but est de voir comment l'option pour le mysticisme fut pour Rabia la voie pour parvenir à l'élévation religieuse qui réunit l'amour humain à l'amour Divin créant ainsi cette symbiose exaltante qu'est l'union de la créature à son créateur.

Mots-clés :

mystique, ascète, amour divin, Rabia, religion.

***

Rabia al Adawiyya or the exaltation of divine love Abstract:

No one could speak of Muslim mysticism without speaking of Rabia al- Adawiyya, this ascetic who lived all her life seeking her own salvation. His entire life was marked by an unparalleled dedication to Divine love. Our intervention will therefore focus on this notion of Divine love in the poetry of Rabia which, through each line, takes us into a euphoric world where the love of God overcomes human love. Our aim is to see how the option for mysticism was for Rabia the way to achieve the religious elevation which unites human love with Divine love thus creating that exhilarating symbiosis that is the union of the creature with its creator.

Key words:

mystic, ascetic, divine love, Rabia, religion.

***

La présente communication est une lecture de la notion de l’amour Divin "hubb" entre l’être humain est son Dieu évoqué principalement dans la poésie de Rabia al-Adawyyia. A travers chaque vers, elle nous emporte dans un monde euphorique ou

(9)

Bakhta Abdelhay

- 8 - l’amour divin terrasse l’amour humain.

L’option pour le mysticisme fut pour Rabia la voie pour parvenir à l’élévation religieuse qui réunit l’amour humain et l’amour divin créant ainsi cette symbiose exaltante qu’est l’union de la créature à son créateur.

Rabia al-Adawyyia vécut à Basra entre 713 et 801, c’est à dire au 2e siècle de l’hégire. Son père la nomma Rabia parce qu’elle était la quatrième fille dans sa famille.

Rabia passa sa première jeunesse dans un milieu de piété.

Toutefois, après la mort de ses parents elle fut livrée à elle- même. Ceci fit d’elle une proie aux caprices de ceux pour qui les créatures faibles et matérielles dépourvues ne peuvent accéder au rang des humains et sont par conséquent traitées comme des sous-humains.

Certaines sources historiques rapportent que Rabia fut esclave, s’adonna au chant et céda aux plaisirs du corps jouisseur. Néanmoins cette partie de sa vie si obscure et si tumultueuse ne coupa jamais les liens entre Rabia et Dieu.

Une fois affranchie, Rabia renonça à ce monde pervers, plein de menaces, à la pensée biscornue pour se diriger vers un monde spirituel. Et par sa pensée, elle quitta sa société pour se renouveler et plonger dans l’atmosphère saine de l’amour divin et c’est ainsi qu’elle entreprit un voyage vers son intériorité et c’est dans l’ascèse que Rabia retrouva son salut.

La voie ascétique fondée sur l’amour de l’être divin qui procure à l’être humain son bien être attirait l’arme souffrante de Rabia elle cherchait alors toujours à atteindre ce qui est élevé, ordonné et harmonieux. Elle s’élevait vers Dieu l’unique être aimé. Rabia commença son cheminement avec une sincérité inégalable ce qui lui permit de pacifier son ego et redécouvrir sa spiritualité qui est en fait d’origine divine.

En se détachant de sa vie quotidienne, Rabia partit en quête de la paix intérieure et de l’éveil et trouva satisfaction dans

(10)

Rabia al Adawiyya ou l'exaltation de l'amour Divin

- 9 -

l’amour divin. C’est ainsi que Rabia fut la première, à introduire la notion de l’amour divin (hubb, chawq, ichq ilahi) pour d’autres dans la mystique islamique.

Amoureuse de Dieu, elle vécut l’âme prête à s’envoler vers l’aimé. Son existence ne fut que prosternation. Son recueillement la rendit aveugle aux soucis du quotidien, et c’était ce recueillement qui devint son instrument de vision, enthousiasme et amour, crainte et admiration. Ses textes cristallisent les champs sémantiques qui caractérisent le thème de l’amour. Le désir et l’expression fervente et enthousiaste de ses sentiments s’organisent autour de contradictions perpétuelles : joie et douleur, espérance et désespérance, crainte et assurance. L’un et l’autre de ces pôles est susceptible de se transformer en son contraire.

En une poésie sublime, Rabia exprime sa joie, satisfaction (état de surrur) chez l’ascète :

يدامعو يتينمو يرورس اي يدارمو يتدعو يسينأو

يدنع كل مكو ةنم تدب مك يدايأو ةمعنو ءاطع نم

يئاجر تنأو داؤفلا حور تنأ يداز كقوشو سنؤم يل تنأ

ح اي كالول تنأ يسنأو يتاي

دالبلا حيسف يف تأشن ام

يميعنو يتيغب نآلا كبح ءالجو

يداصلا يبلق نيعل

حارب تييح ام كنع يل سيل داوسلا يف نكمم ينم تنأ

ينإف يلع ايضار نكت نإ يداعسإ ادب دق بلقلا ىنم اي

Considérons maintenant comment la joie (surrur) exprimé dans le poème cité si dessus se transmue en tristesse quand la crainte de Dieu l’envahit :

يغلبم هارأ ام ليلق يدازو يتفاسم لوطل مأ يكبأ دازلل

ىنملا ةياغ اي رانلاب ينقرحتأ يتفاخم نيأ ،كيف يئاجر نيأف

L’ascétisme est par définition la pratique de l’abnégation et

(11)

Bakhta Abdelhay

- 10 -

de la renonciation aux plaisirs du monde d’ici-bas. Dans le but d’accéder à un plus haut degré de spiritualité et de conscience de soi et pour parvenir à un état extatique il serait primordial de défaire les liens entre l’âme et le corps. D’abord, l’on doit se connaître car "qui se connaît soi même, connaît Dieu" disait Ghazali. Se connaître consiste à savoir d’où en vient, ou on va et pour quel but vit-on, c’est dans ce sens que Rabia entama son voyage vers son intérieur et acquit les qualités morales qui l’ont dirigée dans sa vocation. Elle accomplissait les devoirs canoniques de l’islam. Elle ne mangeait que peu, ne dormait que peu et vivait seule.

Toute sa vie fut "chawq" (désir de rencontrer l’être divin).

Ce désir l’aide à s’élever vers Dieu, l’unique l’être vénéré, adoré et qu’elle contemplait avec un amour qui la mettait en extase.

Son âme fut toujours prête à s’envoler vers Dieu avec qui elle se sentait à l’aise :

يتولخ يف يتوخإ اي يتحار يترضح يف امئاد يبيبحو

اضوع هاوه نع يل دجأ مل يتنحم اياربلا يف هاوهو

هنسح دهاشأ تنك امثيح يتلبق هيلإو يبارحم وهف

اضر مث امو ادجو تمأ نإ يتوقش او ىرولا يف يئانع او

ىنملا لك اي بلقلا بيط اي يتجهم يفشي كنم لصوب دج

اي امئاد يتايحو يرورس يتوشن اضيأو كنم يتأشن

يجترأ اعمج قلخلا ترجه دق يتوشن ىصقأ وهف الصو كنم

De par les exercices ascétiques auxquelles elle s’adonnait, Rabia atteignit la méditation dans son sens véritable. Elle se rendit disponible, se laissa prendre, saisie par le mystère de l’amour qui l’emporta très haut. L’être divin devint pour elle la joie et l’allégresse qui subsista dans sa conscience et l’accompagna jusqu'à sa mort. Rabia a mortifié ses désirs et s’est dépouillée de toute attache sensible. L’amour divin foudroyait

(12)

Rabia al Adawiyya ou l'exaltation de l'amour Divin

- 11 -

son esprit, le désir irrésistible de rencontrer l’être divin l’enflammait. Fascinée, éblouie, elle se perdait, disparaissait, en un mot son âme s’enivrait allégoriquement. Le vin symbolique est présent :

ةثالث ميدنلاو يرمخو يسأك عبار ةبحملا يف ةقوشملا انأو

ه

اهريدي ميعنلاو ةرسملا سأك عباتتم ىدملا ىلع مادملا يقاس

ه

هل الإ ىرأ الف ترظن اذام هعم الإ ىرأ الف ترضحأ ذإو

هلامج بحأ ينإ يلذاع اي ت

عماس كلذعل يننأ ام هللا ا ه

يقلعت طرفو يقرح نم تب مك أ

عمادلا ينويع نم انويع يرج ه

ىقرت يتربع ال هل يلصو الو

عجاه ةحيرقلا ينيع الو ىقبي ه

A travers chaque mot, chaque phrase, Rabia exprimait la mortification de l’emprise de son corps, et l’extinction de ses passions, penchants et désirs terrestres. Simultanément chaque mot, chaque phrase était l’expression d’une spiritualité libératrice qui l’exaltait. Par moments, Rabia connaissait une félicité sans bornes. Elle nous dit :

يثدحم داؤفلا يف كتلعج ينإ يسولج دارأ نم يمسج تحبأو

سناؤم سيلجلل ينم مسجلاف بحو

يسينأ داؤفلا يف يبلق بي

Le mystique de Rabia trouvait son achèvement dans l’attitude de l’amour qui renonce à soi même et qui se donne. La flamme de son désir était sans cesse rallumée par l’attente de la rencontre de celui qu’elle avait choisi d’aimer allégrement. C’est l’amour pur qu’éprouve la femme libre vis à vis de l’être aimé.

Ce qui qualifiait Rabia de passionnée, d’éprise de Dieu, était en fait ce pouvoir qu’elle avait à élever le désir et à le spiritualiser.

Crainte (khawf) invocation, énonciation (dikr), espérance (amal).

L’abandon à Dieu (istislam), patience (sabr), et imploration (mounadjat), sont les états qui ont marqué l’amour divin que Rabia a vécu pleinement. Elle n’espérait nullement une récompense provenant de l’être divin. Elle aimait Dieu pour son

(13)

Bakhta Abdelhay

- 12 -

être. Elle se soumettait à lui par l’amour libérateur - ainsi nous offre-t-elle un exemple pathétique de l’amour divin - ni le paradis l’attirait ni l’enfer l’effrayait, seule la rencontre de l’être divin la fascinait, l’éblouissait :

تنك نإ اهب ينقرحأف كران نم افوخ كدبعأ

اهنم ينمرحاف كتنج يف اعمط كدبعأ تنك نإو ربكألا ءازجلا ينحنماف كتبحم لجأ نم كدبعأ تنك اذإ امأ ماركإلاو لالجلا يذ كهجو ةدهاشم ينحنما

Le but ultime de Rabia était la satisfaction de l’être divin.

Sa satisfaction à elle était son abnégation et sa soumission dans son amour pour Dieu. Sous une forme très profonde, elle exprimait ainsi cette même conception :

هتدابعب ينرمأي هنأ هنم ةمعن ينيفكي الفأ ،هتاذل هدبعأ تلبقأ ،يرعش تيلف رفسأ دق راهنلا اذهو ،ربدأ دق ليللا اذه يهلإ يل ينم يبأد اذه كتزعوف ،يزعأف يلع اهتددر مأ انهاف يتل

كباب نع ينتدرط ول كتزعو ينتنعأو ينتييحأ ام كتبحم نم يبلق يف امل هنع تحرب ام

La poésie de Rabia décrivant son amour inconditionnel pour Dieu est d’une saisissante beauté et jouit d’une très grande notoriété dans les milieux soufis ou elle est encore récitée :

ىوهلا بح ،نيبح كبحأ كاذل لهأ كنأل ابحو

ىوهلا بح وه يذلا امأف كاوس نمع كركذب يلغشف

هل لهأ تنأ يذلا امأو كارأ ىتح بجحلل كفشكف

يل كاذ الو اذ يف دمحلا الف كاذو اذ يف دمحلا كل نكـلو

Traduction du poème :

De deux amours je t’aime L’un tout entier d’amour

(14)

Rabia al Adawiyya ou l'exaltation de l'amour Divin

- 13 -

Et l’autre pour ce que tu es digne d’être aimé Le premier, c’est le souci de me souvenir de toi

De me dépouiller de ce qui est autre que toi Le second, c’est l’enlèvement de tes voiles

Afin que je te voie

Que je ne sois ni de l’un ni de l’autre loué Mes louanges à toi pour l’un et pour l’autre.

Rabia laissa son individualité s’anéantir dans la divinité et vécut dans l’abnégation totale. Elle dévoua sa vie à l’amour divin préférant ainsi le célibat au mariage. Pour elle toute relation de mariage doit être fondée sur l’amour, or Rabia ne portait d’amour que pour dieu :

بيبح هل دعي سيل بيبح بيصن يبلق يف هاوسل امو

يصخشو يرصب نع باغ بيبح بيغي ال يداؤف نع نكـلو

L’autre raison justifiant son option pour le célibat est que la condition sine qua non pour le mariage est la capacité de choisir, Rabia ne disposait pas d’elle même. Elle ne pouvait choisir parce qu’elle appartenait à l’être aimé : "Dieu". Rabia semble avoir épousé l’idée d’être la propriété de Dieu, elle exprime explicitement cette même idée :

رايخلا هل نمل يرورض جاوزلا يف يل رايخ الف انأ امأ يسفن

يصخشل ةميق الو هرماوأ لظ يفو يبرل ينإ

Pour terminer, disons que le patrimoine laissé par Rabia était inspiré par la passion amoureuse qu’elle vouait à Dieu, sa poésie chante un amour unique et idéal dans la tradition mystique. Par le jeu des mots, elle décrit magnifiquement son exaltation dans l’amour divin.

Lire la poésie Rabia nous offre cette chance d’aller au delà de l’expérience sensuelle vers une spiritualisation et une intériorisation du sentiment amoureux. L’amour divin qu’a vécu

(15)

Bakhta Abdelhay

- 14 -

Rabia était pour elle le facteur de l’élévation spirituelle qui l’avait conduit au paroxysme de la jouissance sublime que ne saurait offrir l’amour dans sa conception ordinaire.

Tentons ensemble de voyager dans le temps, de pénétrer l’univers mystique de Rabia pour quelques instants et partageons alors cette expérience à travers l’image que nous renvoient les vers suivant. Imaginons cette passionnée de l’être divin seule, suppliant Dieu, l’implorant en lui disant :

يلف ةريرم ةايحلاو ولحت كت باضغ مانألاو ىضرت كتيلو

رماع كنيبو ينيب يذلا تيلو بارخ نيملاعلا نيبو ينيبو

نيه لكلاف دولا كنم حص اذإ بارت بارتلا قوأف يذلا لكو

N’est-ce pas là une élévation mue par une grâce suprême et transcendante du corps jouisseur et influençable ?

Bibliographie :

1 - Cheikh Khaled Bentounes : Le soufisme, cœur de l’Islam, Editions de la Table Ronde, Paris 1996.

2 - Ibn Arabi : Traité de l’amour, Albin Michel, coll. Spiritualités vivantes, Paris 1986.

3 - Husayn Mansur al-Halladj : Diwan, traduit et présenté par Louis Massignon (1955), Editions du Seuil, 1981.

4 - .ةرهاقلا ،ةيرصملا ةضهنلا ةبتكم ،ةيودعلا ةعبار ،يهلإلا قشعلا ةديهش :يودب نمحرلا دبع .1996 توريب ،ركفلا راد ،ةيودعلا ةعبار هللاب ةفراعلا : ميحرلا دبع دمحم -5

6 - ا دبع ةمجرت ،ةفوصتملاو فوصتلا :ييلفوش ناج قرشلا ايقيرفأ ،يبينق رداقل

، 1999 .

7 - اسينلا يريشقلا ،قيزر ىفطصم فورعم قيقحت ،فوصتلا ملع يف ةيريشقلا ةلاسرلا :يروب

توريب ،ةيرصعلا ةبتكملا 2001

.

***

(16)

Revue Annales du patrimoine - N° 01 / 2004

© Université de Mostaganem, Algérie 2004

Le paradigme du religieux dans le courant pérennialiste

Dr Larbi Djeradi Université de Mostaganem, Algérie Résumé :

Une relecture de la diversité et de l'originalité du religieux, dans la recherche d'un absolu, d'une vérité une, unique et universelle dans une

"tradition primordiale" d'origine non-humaine, sophia perennis, ou religio perennis, tend chez les pérennialistes à restructurer le paradigme du religieux en gradients distinctifs (cultuel, religieux, théologique, spirituel ou métaphysique) qui concourent tous à la cohérence.

Mots-clés :

pérennialiste, Guenon, religion, théologie, spiritualité.

***

The paradigm of the religious in the perennialist current Abstract:

A reinterpretation of the diversity and originality of religion, in the search for an absolute, a one, unique and universal truth in a "primordial tradition" of non-human origin, sophia perennis, or religio perennis, tends among perennialists to restructure the religious paradigm into distinctive gradients (cult, religious, theological, spiritual or metaphysical) which all contribute to coherence.

Key words:

perennialist, Guenon, religion, theology, spirituality.

***

Littérature religieuse, littérature et religieux, littérature du religieux, littérature ou discours sur le religieux autant de thématiques qui imposent des postures analytiques, des approches méthodologiques et surtout des prémisses épistémiques, théoriques et surtout idéologiques radicalement différentes pour des chercheurs en sciences humaines en général et en sciences des religions en particulier ; et non, faut-il le souligner en sciences religieuses. Ces dernières, dans la perspective rationaliste, positiviste, objectaliste de la science

(17)

Larbi Djeradi

- 16 -

moderne, sont assignées au statut d’objet d’étude, au mieux, des formes, voire des types d’herméneutique du sacré. Ceci nous amène à interroger le religieux sur sa nature et surtout sur son universalité. Le religieux se présente souvent comme matrice de l’enculturation : processus complexe d’intériorisation des normes socioculturelles, d’intégration dans le champ du social et également comme facteur important dans la dynamique de l’acculturation. L’acculturation signifiant, pour Herskovits, "la transmission culturelle"(1). En fait comme le précise Baré : L’acculturation ne désigne pas un phénomène spécifique, elle renvoie dans son usage le plus général à une dimension banale et constitutive de toutes les sociétés : le changement culturel, si l’on admet qu’aucun ensemble culturel ne se forme indépendamment d’influences extérieures(2).

Le religieux, par ses modalités d’assimilation, de transmission de transformation au niveau des individualités, des groupes, des sociétés est le signe anthropologique par excellence.

Qu’est ce que le religieux ? Quelles sont les formes qu’il peut prendre ? Et surtout quelles en sont les représentations qui l’appréhendent dans son universalité ?

Nous nous sommes intéressés à un courant majeur de la pensée occidentale du XXe siècle en Occident. Un courant que les historiens des religions et des systèmes de pensée désignent par un terme assez récent : le Pérennialisme.

Le terme "pérennialisme", d’abord employé en anglais

"perennialism" à partir surtout des années quatre-vingt, maintenant de plus en plus utilisé en français, sert à désigner ce traditionisme. Notons qu’il est employé par les observateurs extérieurs ainsi que par les intéressés eux-mêmes, mais ceux-ci préfèrent généralement celui d’"Ecole traditionaliste",

"traditionalist School"(3).

Ce courant de pensée, plus qu’une école, a eu des noms

(18)

Le paradigme du religieux dans le courant pérennialiste

- 17 -

prestigieux tels que : René Guénon, Ananda Coomaraswamy, Marco Pallis, Léopold Ziegler, Frithjhof Schuon, Titus Burchardt, Martin Lings, Michel Valsan.

Le Pérennialisme, peut être considéré dans un sens large comme une expression de littérature religieuse bien qu’il s’intéresse plus à une expérience intériorisante du religieux qu’aux aspects exotériques de ce dernier.

Il est assez difficile d’isoler ce courant de pensée de l’approche comparatiste en sciences humaines et particulièrement en sciences des religions ou "des religions comparées" dont les expressions originelles peuvent être situées dans l’œuvre d’Edouard Schuré : Les grands initiés(4), publiée en 1889. Certains chercheurs pensent identifier l’origine du pérennialisme dans la "philosophia perennis"(5), de la Renaissance et plus précisément dans l’œuvre de Marcilio Ficino (1433-1499).

D’autres, par contre, n’hésitent pas à situer ses origines dans ce qu’ils appellent la Sophia Perennis d’origine non-humaine, ne devant pas être confondue avec la philosophie pérenne de Leibniz, qui reste une philosophie d’ordre individuel. Cette Sophia Perennis est repérée chez les Hindous dans la notion de Sanathana Dharma ou Loi Eternelle ; chez les Grecs avec la métaphysique platonicienne et même dans le Christianisme.

L’idée centrale du pérennialisme tel que le définissent les spécialistes en sciences des religions et en particulier ceux de l’ésotérisme, est le postulat de l’existence d’une "Tradition primordiale" conforme à l’origine spirituelle de l’homme, Din el Fitra : Lève ton visage en monothéiste sincère pour professer la religion selon la nature (fitra) que Dieu a originellement donnée aux hommes. Rien ne modifiera la création de Dieu. Telle est la religion dans son immuable rectitude, mais la plupart des hommes ne savent pas(6).

Dans la Tradition Islamique cette Tradition primordiale ou religion pérenne est également la religion immuable : Din al

(19)

Larbi Djeradi

- 18 -

Qayyim : Tout pouvoir n’appartient qu’à Allah qui vous à recommander de n’adorer que Lui, telle est la religion immuable.

Mais la plus part des hommes ne savent pas(7).

Et encore de manière beaucoup plus explicite :

Dites nous croyons en Dieu, à ce qui a été révélé à Abraham, à Isaac, à Jacob, et aux tribus ; à ce qui a été donné à Moïse et à Jésus ; à ce qui a été donné aux prophètes de la part de leurs seigneurs. Nous n’avons de préférence pour aucun d’entre eux : nous sommes soumis à Dieu(8).

Ce que confirme également le Hadith relaté par Bukhari :

"Nous autres prophètes, sommes tous les fils d’une même famille ; notre religion est unique". Selon les tenants du

"pérennialisme" : "Cette tradition primordiale... surplomberait toutes les traditions religieuses ou ésotériques de l’humanité"(9).

Observons qu’il existe des nuances significatives de taille entre des termes appartenant à un même champ lexical. Aussi faut-il distinguer traditionnisme (avec un seul "n" ou deux selon les différents auteurs), du traditionalisme, et du traditionarisme.

Le Traditionarisme, dans la terminologie de Riffard, serait une science traditionnelle dont l’objet éminemment cultuel, est d’étudier l’orthodoxie des dogmes, des croyances, des rites.

L’exemple le plus représentatif est la science du Hadith en Islam.

Une science constitutive de la Sunna. Cette connaissance s’appuie sur une véritable épistémologie du témoignage. Cette recherche est un processus complexe de recueil, de classement, d’évaluation et d’authentification des faits et dits prophétiques en corrélation avec le texte coranique. Les grands Maîtres du Traditionarisme en Islam sont : Bukhari, Muslim, Abu Dawud, Tirmidhi, Nasaï, Ibn Maja.

Le traditionalisme, par contre, tel qu’on peut l’approcher à partir de l’œuvre d’un Joseph de Maistre par exemple, est une doctrine qui touche tous les aspects de la vie sociale (religieux, philosophique, politique) en consacrant la prépondérance de la

(20)

Le paradigme du religieux dans le courant pérennialiste

- 19 -

Tradition, conçue comme héritage collectif révélé. Cette Tradition est essentielle dans la recherche de la vérité, des valeurs, normes et dans l’organisation des institutions sociales.

Longtemps soutenu par le corps clérical, le traditionalisme, en tant que système de pensée se situant au-delà de la rationalité, a été condamné par l’église romaine en 1855.

Pour le premier : le traditionnisme (avec en seul "n" chez Faivre(10) et deux chez Riffard)(11), désigne essentiellement le courant de pensée inauguré par l’œuvre magistrale de René Guénon : Cheikh Yahya Abd-al-Wahid en Islam (Blois 1886 - Le Caire 1951). L’enseignement guénonien, qui se présente comme une métaphysique, est centré sur la notion de Tradition et celle qui lui est corrélative : l’Initiation. Cette notion de Tradition est intimement liée à celle de "Tradition Primordiale" source et fondement de la science sacrée. Elle s’identifie à une Connaissance originelle d’ordre intellectuel et spirituel. De nature non-humaine, acquise par révélation ou intuition intellectuelle, elle est universelle et commune à l’ensemble des traditions orthodoxes. Selon les contingences de l’Histoire, elle peut revêtir des formes spécifiques. La religion, au sens large, serait une structure complexe, symboliquement représentée par la "roue" constituée d’une pluralité indéfinie de rayons unis par une périphérie qui en est l’expression et par un moyeu immobile représentant un noyau intérieur qui constituerait l’essence.

L’accès à cette tradition par une initiation effective et une lecture attentive et particulière des textes religieux, des symboles, des rites, des mythes ; une lecture soigneusement orientée par connaissance métaphysique qualitativement graduée par l’intériorisation de la doctrine traditionnelle et sous supervision de maîtres authentiques. Que faut-il donc entendre par Tradition ? Telle est la question que se pose Guénon lui- même.

Nous ne prenons pas ce mot dans le sens restreint où la

(21)

Larbi Djeradi

- 20 -

pensée religieuse de l’Occident oppose parfois "tradition" et

"écriture", entendant par le premier de ces deux termes, d’une façon exclusive, ce qui n’a été l’objet que d’une transmission orale. Au contraire, pour nous, la tradition, dans son acceptation beaucoup plus générale, peut-être écrite aussi bien qu’orale, quoique, habituellement, sinon toujours, elle ait du être avant tout orale à son origine, comme nous l’avons expliqué ; mais dans l’état actuel des choses, la partie écrite et la partie orale forment partout deux branches complémentaires d’une même tradition qu’elle soit religieuse ou autre(12).

Ailleurs et pour le cas de l’Islam, Guénon précise : Dans l’Islam... la tradition présente deux aspects distincts, dont l’un religieux, et c’est celui auquel se rattache directement l’ensemble des institutions sociales, tandis que l’autre, celui qui est purement oriental, est véritablement métaphysique(13).

L’aspect métaphysique et oriental de la Tradition, auquel fait allusion Guénon, constitue ce que les orientalistes appellent improprement, après Nicholson(14), "mysticisme islamique"(15), mais qui en fait est le Tassawwuf. Les deux aspects que décrit Guénon sont en réalité deux niveaux qualitatifs indissociables de concrétisation de l’expérience spirituelle. La discrimination guénonienne entre ces deux aspects est fondée sur l’existence effective de deux littératures religieuses : l’une exotérique, l’autre ésotérique.

L’ésotérisme de Guénon, sa "gnose", dont certains feignent de s’inquiéter, si, de fait, elle abolit le particularisme qui absurdement préconçoit un "salut" différent selon les religions, ne fut jamais que la recherche éminemment traditionnelle de la vérité intérieure des religions, qui n’est autre que la Sophia perennis(16).

La Tradition n’est autre qu’une métaphysique intégrale au sens où l’entendait Georges Vallin à la suite de Guénon. Cette métaphysique intégrale est repérable aussi bien en Orient qu’en

(22)

Le paradigme du religieux dans le courant pérennialiste

- 21 -

Occident (védanta, doctrine de l’unicité de l’existence d’Ibn Arabi, néoplatonisme, mystique rhénane).

Encore reste à préciser les rapports du religieux et du traditionnel. La religion, telle que son étymologie : religio, le laisse entendre, est effectivement une institution dont la fonction est d’affermir les liens aussi bien horizontaux que verticaux ; ce qui permet à une communauté d’être et de participer à l’harmonie universelle. La religion est définie par Guénon par l’existence et la réunion de trois éléments d’ordres divers : un dogme, un culte et une morale(17). Ceci est la traduction pratiquement exacte de la définition de la religion en Islam telle qu’elle a été résumée par le prophète pour l’ange Gabriel : el-iman, el-islam, el-ihsan(18). Pour Guénon le dogme constitue la partie intellectuelle, le culte la partie rituélique, la morale l’élément social.

La religion n’est donc réductible ni à un fait sociologique et encore moins à une expression psychologique. Son caractère fondamental est transcendantal, non-humain, transmis donc traditionnel par essence. La pratique religieuse orthodoxe, c’est à dire conforme à l’esprit et à la lettre des enseignements révélés est la condition indispensable à toute forme de réalisation spirituelle. La Tradition est pour être plus fidèle au langage pérennialiste surhumaine. C’est sur cet élément supra- humain que butent, à des degrés divers, les analyses des métapsychologies modernes qui arrivent à confondre le spirituel et le psychique ; telle est la thèse principale de Guénon(19) dans un ouvrage qui date dans l’histoire du pérénnialisme et dans la critique remarquable et inégalable du monde moderne. A ce titre, pour cette pensée tradionniste, la Tradition est à distinguer de la pensée philosophique, théologique ou scientifique qui relève du domaine strict et limité de la rationalité.

Le critère d’authenticité et de légitimité d’une tradition est assuré par sa ou ses chaînes de transmission : La parampara en

(23)

Larbi Djeradi

- 22 -

sanscrit, la shelshelekt en hébreu, la silsilah en arabe. Dans la tradition islamique cette chaîne de transmission se présente sous deux modalités : As-sanad pour la transmission exotérique des faits et dits du prophète et Silsilah adhahabiya pour la transmission ésotérique des Awrads. Les deux chaînes remontent à une même source originelle, le prophète. Certaines individualités peuvent assurer la fonctionnalité des deux chaînes, d’autres pour une seule chaîne en particulier l’exotérique ou l’ésotérique.

C’est cette chaîne de transmission qui assure l’ancrage de la Tradition dans le Supra-humain. Et c’est ce même supra-humain qu’atteste de l’unité transcendante de toutes les formes traditionnelles(20) et par conséquent de l’orthodoxie des expressions religieuses.

Pour Junayd la Tradition primordiale est comparable à une eau pure qui prend la forme et la couleur du récipient qui la contient. Son très célèbre disciple Hallaj ne disait-il pas : "J'ai réfléchi sur les dénominations confessionnelles, faisant effort pour les comprendre, et je les considère comme un Principe unique à ramifications nombreuses"(21).

Ou encore le Cheikh el-Akbar qui proclame haut et fort : Mon cœur est devenu capable de toutes les formes

Une prairie pour les gazelles, un couvent pour les moines Un temple pour les idoles, une Kaâba pour le pèlerin, Les Tables de la Thora, le Livre du Coran

Je professe la religion de l’Amour, et quelque direction Que prenne ma monture, l’Amour est ma religion et ma foi.

Où encore plus proche de nous, dans l’espace et dans le temps, le Cheikh Adda Bentounes, à qui on posait la question :

"Quelle est votre doctrine ?" répondit par ce qui suit : Notre théorie est le retour de l’humanité entière vers la fraternité et la paix par la culture de la bonne morale, ainsi que l’enseignement religieux de haute portée, jusqu’à faire revivre la réelle

(24)

Le paradigme du religieux dans le courant pérennialiste

- 23 -

fraternité se trouvant endormie dans nos cœurs, comme le beurre dans le lait. Si tous les hommes se sont donnés la peine de se rappeler cette fraternité, tout différent disparaît alors et laisse place à l’amour et à la fraternité ; toute haine et querelle s’évanouissent et les gens vivront dans le bonheur que rien ne pourra troubler. Telle est notre théorie(22).

Ce même Cheikh fut le maître spirituel d’une autre grande figure du "Pérennialisme" Frithjof Schuon pour qui Révélation, Religion et Tradition sont les cadres fondamentaux pour toute Voie spirituelle dont le but est la quête et l’identification au Sur- Etre. La notion de religio perennis, chez Schuon, n’est pas à comprendre comme une nouvelle religion avec des rites et des moyens de salut nouveaux, mais essentiellement une doctrine primordiale. L’ésotérisme constitue la voie majeure d’accès à la primordialité de cette religio perennis.

Il y a deux principes qui peuvent se réaliser sporadiquement au sein de l’ésotérisme et à divers degrés, mais toujours de manière partielle et retenue : le premier est qu’il n’y a au fond qu’une seule et même religion à diverses formes, parce que l’humanité est une et que et que l’esprit est un ; le second principe est que l’homme porte tout en lui-même, du moins potentiellement, en vertu de l’immanence de la Vérité une(23).

Initialement Alaouite Cheikh Nur Eddine Issa, fondateur de confréries en Suisse et en France, jusqu’aux années 1990, Schuon, établi désormais aux Etats-Unis, sous l’influence conjuguée de visions mariales et de sa compréhension de la religion des "peaux rouges", il crée la tariqa Maryamiyya dans la mission selon lui est d’être le "maître de la religion pérenne à la fin des temps". Les pratiques "pérennes" se distinguèrent par la

"nudité sacrée" ce qui devint le début d’un processus qui entraîna Schuon devant les tribunaux et qui se termina par une remise en liberté.

Dans le cadre de "pérennialistes" guénoniens certains

(25)

Larbi Djeradi

- 24 -

comme Michel Valsan à Paris, Roger Maridort à Turin ou Abd-al- Wahid Pallavichini à Milan se sont rattachés respectivement à des organisations traditionnelles authentiques et orthodoxes : la Shadhiliyya, la Darqawiyya, la Ahmadiyya. Comme pour Guénon le "pérennialisme" a eu pour eux comme but logique, ontologique et métaphysique l’installation définitive dans la dernière tradition révélée celle qui résume et clôture l’ensemble des autres traditions sous leur double aspect exotérique et ésotérique : la Tradition islamique.

Cette recherche de la Sophia perennis n’est pas assimilable à une quête d’ordre cognitif, telle que peuvent l’imaginer les modernes. Elle est surtout une réalisation "tahqîq", c’est à dire sortie de l’illusion du monde intermédiaire que constitue la psyché : en-nafs. Cette réalisation n’étant possible que par l’expérience du dévoilement "el-kachf" dont parlent les maîtres du soufisme(24).

Notes :

1 - Voir, M.-J. Herskovits : Les bases de l'anthropologie culturelle, Paris 1967, p. 220.

2 - J.-F. Bare : L'acculturation, in Dictionnaire de l'ethnologie et de l'anthropologie, Quadrige, P.U.F., Paris 2000, p. 2.

3 - Antoine Faivre : Histoire de la notion moderne de tradition dans ses rapports avec les courants ésotériques..., pp. 7-48.

4 - L'édition que nous avons consultée est celle de 1960 publiée par la Librairie Académique Perrin, Paris.

5 - Mark Sedgwick : Les confréries néo-soufies dans la mouvance guénonienne, Annuaire de l'Ecole Pratique des Hautes Etudes 109, 2000-2001, pp. 295-298.

6 - Coran, Sourate Arrûm, 30. Traduction Hamza Boubakeur.

7 - Coran, Sourate Yousuf, 40.

8 - Coran, Sourate el-Baqara, 136.

9 - Antoine Faivre : Accès de l'ésotérisme occidental, Gallimard, Paris 1996, T.II, p. 30.

10 - Ibid.

11 - Pierre Riffard : Dictionnaire de l'ésotérisme, Ed. Payot et Rivages, Paris 1983.

12 - René Guenon : Introduction générale à l'étude des doctrines hindoues,

(26)

Le paradigme du religieux dans le courant pérennialiste

- 25 -

Editions de la Maisnie, Paris 1987, p. 67.

13 - Ibid., p. 69.

14 - R. A. Nicholson: Studies, in Islamic Mysticism, Cambridge 1921.

15 - René Guenon : Aperçu sur l'ésotérisme islamique et le taoïsme, Gallimard, Paris 1973, p. 137.

16 - Luc-Olivier d'Algange : René Guénon, Extrait du numéro 25, La place Royale, 1994.

17 - Voir, René Guenon : Introduction générale à l'étude des doctrines hindoues, p. 82.

18 - An-Nawawi : Quarante Hadiths, trad. de Khaldoun Kinani et Ahmad Valsan.

19 - René Guenon : Le règne de la quantité et les signes des temps, chapitre XXXV, la confusion du psychique et du spirituel, Gallimard, Paris 1986.

20 - Cf. Frithjof Schuon : De l'unité transcendante des religions, Gallimard, Paris 1948.

21 - Hallaj : Diwan, traduction de Louis Massignon, Paris 1981, p. 108.

22 - Cf. Philippe Ibrahim Barthelet : Unité primordiale et mondialisation..., Actes du VIIe colloque, 19-20 octobre 2002, N° 92-93, 2003, pp. 180-187.

23 - Voir, Frithjof Schuon : Approches du phénomène religieux, Paris 1984, p. 34.

24 - Titre d'un des ouvrages du Cheikh Abu al-Hasan al-Hujwiri, Kashf al- mahjub.

***

(27)

Revue Annales du patrimoine

(28)

Revue Annales du patrimoine - N° 01 / 2004

© Université de Mostaganem, Algérie 2004

L’œuvre mystique de Uthmân dan Fodio 1754-1817

Dr Seyni Moumouni Université de Bordeaux, France Résumé :

L'expansion de l'islam en Afrique au sud du Sahara s'est effectuée de façon progressive dans le temps mais aussi dans l'espace. Ces périodes vont du IXe siècle à nos jours. Les grands centres religieux furent Tombouctou, Agadez, Tiggidda, Kano et Sokoto. Les auteurs arabes ont joué un rôle important dans les formations religieuses des Ulémas africains. Cette formation concerne les sciences religieuses, mystiques, littéraires et linguistiques. Le cheikh Uthmân dan Fodio (1754-1817), soufi-réformateur figure parmi les écrivains les plus féconds de la littérature religieuse en Afrique.

Mots-clés :

religion, Tombouctou, Fodio, islam, soufisme.

***

The mystical work of Uthman dan Fodio 1754-1817

Abstract:

The expansion of Islam in Africa south of the Sahara took place gradually in time but also in space. These periods range from the 9th century to the present day. The major religious centers were Timbuktu, Agadez, Tiggidda, Kano and Sokoto. Arab writers played an important role in the religious formations of African Ulemas. This training concerns religious, mystical, literary and linguistic sciences. Sheikh Uthmân dan Fodio (1754-1817), Sufi- reformer is one of the most fruitful writers of religious literature in Africa.

Key words:

religion, Timbuktu, Fodio, Islam, Sufism.

***

En Afrique de l’ouest, s’est constituée au cours des siècles une tradition manuscrite remarquable. Cet héritage culturel est illustré par une importante production littéraire, par une impressionnante liste d’auteurs et par la célébrité historique des anciens centres religieux que furent Tombouctou, Gao, Agadez, Tiggidda, Kano et Sokoto comme centres de formation et de

(29)

Dr Seyni Moumouni

- 28 -

transmission de la culture arabo-islamique.

Les études et recherches consacrées à l’histoire manifestent peu d’intérêt pour les sources écrites d’Afrique précoloniale. Ces sources n’ont été utilisées que comme supplément aux sources orales et européennes.

Or, si l’on se réfère à l’historiographie africaine (soudan central et occidental) on s’aperçoit que celle-ci a été dominée par le thème de l’islamisation, de l’esclavage, du commerce et de la formation des Etats.

Les premiers contacts remontent vers le VIIIe siècle avec les caravanes transsahariennes qui reliaient la savane au Maghreb et au Proche-Orient. Elles parcourent ensuite les états médiévaux du Ghana, du Mali, du Gao-Songhay, du pays haoussa et du Kanem-Bornu.

Cette présence islamique s'appuie sur l'enseignement de l'écriture sacrée. Elle eut pour conséquence l'invention d'autres formes de communication, telle que l'écriture dite "ajami", l'écriture des langues locales jusqu'alors orales.

La construction et surtout la vulgarisation de ce savoir au Soudan central à connu deux étapes importantes :

- La première étape concerne la mise en place des bibliothèques des sources islamiques par la reproduction des grands recueils islamiques telles que : le Coran, la sunna prophétiques, les hadits et les grands traités juridiques et mystiques.

- La seconde étape est marquée par la participation massive des auteurs africains à la création littéraire et à l'institutionnalisation de l'enseignement dans les grands centres religieux tels que Tombouctou, Agadez et Sokoto.

Ces centres connurent d’intenses pratiques d’écriture. Au fil des siècles, ils ont joué à la fois un rôle d’islamisation et de consolidation de la culture arabo-islamique.

La production du savoir islamique fut assurée dans un premier temps par des gens extérieurs à la région, des auteurs et

(30)

L’œuvre mystique de Uthmân dan Fodio 1754-1817

- 29 -

voyageurs orientaux. Puis, par des générations successives d’auteurs locaux parmi eux des femmes (Umu hani, Nana Asmahu, fille Uthman dan fodio) et des hommes (Ahmad Baba, Mahmud Kati, Abdel Rahman al-Saâdi, les fodiawa, Elhaj Omar futi, Cheikh Moussa Kamara, Cheikh Marhaba...).

Les disciplines traitées dans ces manuscrits sont diverses, parmi elles : les sciences religieuses et philosophiques, le soufisme, les sciences juridiques, les sciences sociales et économiques, l’histoire et géographie, la littérature, la grammaire, la rhétorique, la médecine (la pharmacopée), l’astronomie, etc.

Les manuscrits constituent notre première source de travail, nous avons ainsi choisi dans cette étude de présenter un aperçu de histoire de la littérature religieuse en Afrique au sud du Sahara. Ensuite, en s’appuyant sur l’œuvre mystique du Cheikh Uthman dan Fodio, nous évoquons ici, l’influence des maîtres à penser du monde arabo-musulman, de ces confréries sur le cheikh Uthman dan Fodio et son rôle dans la diffusion du soufisme.

1 - La circulation des manuscrits sous différents régimes :

Au cours des siècles, les savants et leurs œuvres furent la cible des différents régimes impériaux qui se sont succédés en Afrique. Ils furent condamnés et contraints à l’exode, leurs œuvres furent censurées. Dans le Tarikh al-Sudan, Abdel-Rahman al-Saâdi mentionne les biographies de dix-sept savants de Tombouctou de différentes époques indiquant toutes les œuvres qu’ils ont produites. L’auteur signala dans son œuvre, les évènements qui ont suivi l’invasion de l’empire songhay (Mali) par le Maroc en 1593. Les exactions auxquelles se livrèrent les troupes marocaines durant ce conflit qui visèrent essentiellement les savants et leurs œuvres.

Certains de ces savants furent déportés et leurs œuvres furent confisquées... ce fut le cas du Cheikh Ahmad Baba qui a

(31)

Dr Seyni Moumouni

- 30 -

perdu toute sa bibliothèque (environ 700 ouvrages) au cours de son arrestation. Dans le royaume du Gobir, le prince imposa aux ulémas un système d’autorisation préalable pour les prêches, les ateliers d’écriture et les lectures publiques.

A l’occasion de la fête célébrant la fin du Ramadan, le sarkin Gobir Bawa dan Gwarzo rassembla les ulémas à la cour et les offrait des cadeaux. Le Cheikh Uthman dan Fodio lui proposa d’échanger son cadeau contre une autorisation de publier. Ce geste du Cheikh montre combien la censure pesait lourd sur l’activité des ulémas. Aussi, le recours à l’écriture dite ajami (la transcription des langues locales à partir des lettres arabes) par les ulémas pourrait être considéré comme un moyen d’échapper à la surveillance. Mais dans cette situation, tout se qui tient à la littérature change dés que la politique change.

En effet, nous pouvons dire que les empires précoloniaux ont manié avec force la censure, de même que les empires coloniaux n’ont pas hésité à la pratiquer.

Ainsi, pendant la période coloniale la presse et littérature (religieuse) avaient une vie difficile. Des savants furent condamnés, déportés et contraints à l’exil, leurs œuvres furent détruites et confisquées. C’est le cas, du fonds Archinard de la bibliothèque nationale de Paris, cette collection environ 511 titres provient essentiellement de la bibliothèque de Chéku Ahmadu de Ségu (Mali) saisie par le Général Archinard en 1894.

Ce fut aussi le cas des émigrés Peul et Haoussa qui ont fui, à partir de 1900, l’occupation britannique du Nigeria et se sont installés au Soudan, ces populations avaient emporté avec eux ce qu’elles pouvaient de leurs patrimoines. La circulation des manuscrits et des ouvrages arabes a fait l’objet d’une haute surveillance de la part de services administratifs institués par les métropoles. Toute cette période a donc été une période de très grande surveillance de la presse et du livre arabe. Les textes sont en ce sens des témoins de toutes les contraintes qui pèsent sur

(32)

L’œuvre mystique de Uthmân dan Fodio 1754-1817

- 31 -

l’écriture avant et pendant la période coloniale.

2 - Cheikh Uthmân dan Fodio figure mythique et mystique : Le Cheikh Uthman dan Fodio (1754-1817), est une figure quasi mythique de l’histoire de la pensée islamique en Afrique de l’Ouest. Né à Marata(1) en 1754, Uhtman dan Fodio(2) est issu d’une famille peule qui possède une tradition savante et soufie avérée. Ce fut dans ce milieu familial hautement cultivé que le jeune Uthman reçut l’essentiel de son éducation de base. Parmi ses maîtres, on trouve au premier rang son père, puis ses oncles, dont Muhammad Sambo ; il reçut auprès de lui l’enseignement des sciences religieuses notamment le hadith (récits) et le tafsir (commentaires coraniques) jusqu’en en 1793. Mais, c’est surtout son maître Al-Hagg Gibril b. Umar connu sous le nom Malam Gibril dan Omar qui exerça une influence sur le jeune homme. Uthman dan Fodio étudia auprès de lui durant une année, il apprit le fiqh (le droit musulman), entre autre les œuvres de Ahmad b. Idriss(3) (m. 1285) ; les œuvres de Muhammad b. Yusuf al-Sanussi (m. 1490) parmi eux, les trois créneaux qui traitent du tawhid (théologie) selon la doctrine Malikite(4) ce sont : al-kubra, al- wusta et al-sugra(5) (la grande, la moyenne et la petite). Il étudiait également auprès de lui le "Mukhtasar : awwal et sani"

de khalil (m. 1374) ; le Shifa de Qadi Iyad (m. 1149) ; les œuvres de l’Egyptien Jalal al Din Abd al-Rahman b. Abi Bakr al-Suyuti (m. 1505), et de l’Algérien Abd al-Karim al-Maghili al-Tilimsani (m. 1510).

Le Cheikh consacra sa vie à l’enseignement, à la rédaction d’une œuvre abondante (près de 103 titres édités ou manuscrits) et à l’éducation des disciples dans la zawiya (hobèré : grand demeure) qu’il avait fondée. Certains parmi ses ouvrages nous livrent des témoignages importants sur sa vision du soufisme et sur ses expériences spirituelles comme le kitab wa lamma balaghtu, et constituent des preuves pour accepter l’importance du Tasawwuf dans la vie et l’œuvre du cheikh. D’autres,

(33)

Dr Seyni Moumouni

- 32 -

notamment les Kitab Fath al-basa’ir et Al-tafriqa bayna ilm al- tasawwuf alladhi lil-takhalluq wa bayna ilm al-tasawwuf alladhi lil-tahaqquq, le premier nous informe sur la position danfodienne en matière d’ijtihad, sur l’acquittions du savoir islamique, et sur les relations socio-culturelles entre les élites et les gens du peuple dans l’organisation interne de l’empire ; le second réaffirme l’étendu de ses connaissance des sources du soufisme ancien. Quant aux kitab salasil qadiriyya et salasil dhahabiyya wa l-sadat al-sufiyya, ils contiennent de précieuses indications sur le début des turuq en Afrique, sur ses affiliations aux turuq et ses réceptions des hirqa. Ces traités nous fournissent des rares informations sur les étapes de la voie et sur la description des degrés de sainteté. Un ensemble de faits nouveaux qui nous permettra d’évaluer l’importance du soufisme dans le processus de réforme socio-politique et culturelle qu’il a entrepris(6).

A l’époque du Cheikh, la tradition mystique était largement diffusée en Afrique à partir de l’axe walata (Mauritanie), Tombouctou (Mali), Agadez (Niger) et Sokoto (Nigeria). Les livres des grands soufis comme Ghazali, Muhassibi, Ibn Arabi, Zarruq, étaient introduits en Afrique avec d’autres classiques de la culture islamique. Le soufisme commença à s’inscrire dans une société plus ou moins confrérique, tout en conservant un certain élitisme.

Le Cheikh dans son entreprise du renouveau islamique s’ouvrit à tous les courants. Il considérait comme normal à cet époque de suivre simultanément l’enseignement spirituel de plusieurs maîtres soufis. Le Cheikh Uthman dan fodio fut initié à la khalwatiyya(7) et à la Shadaliyya(8) et à la Qadiriyya(9). Mais, c’est à cette dernière, c’est à dire la Qadiriyya qu’il consacra plus d’égards tant dans son œuvre que dans sa vie spirituelle.

3 - Influences culturelles et religieuses : 1. Influences maghrébines :

La fin du XVe siècle est marquée par l'influence des

(34)

L’œuvre mystique de Uthmân dan Fodio 1754-1817

- 33 -

enseignements et des écrits d'un certain nombre de juristes du monde musulman.

Muhammad ibn Abd al-karim al-Maghili(10), est considéré comme l’un des savants les plus féconds du XVe siècle. Ses connaissances des sciences religieuses, de l’exégèse coranique, du fiqh malikite, du hadith, de la rhétorique et de la logique lui ont donné une très grande réputation.

Originaire de la tribu des Maghila de Tlemcen en Algérie où il commença ses études qui se poursuivirent dans les localités périphériques, il s’installa à Touat où il fut surnommé "le réformateur de Touwat"; de là il entreprit son périple en Afrique au sud du Sahara. Il séjourna dans plusieurs villes africaines et y dispensa des cours. Il fut consulté sur le plan juridique et rendit des sentences (fatwa). De Tigidda, il s'était rendu à Kathina où il avait établi le siège de son enseignement à la mosquée de Gabarou qui fut construite pendant son séjour de 1493 et dont l'architecture rappelle celle de Gao, Agadez et Djenné.

Musulman, il lutte contre la corruption, le polythéisme, etc. et condamne l'attitude de Sonni, à l'égard des religieux. Puis, il se rendit à Gao auprès de l’Askia Muhammad. Pendant son séjour à Gao, Al-Maghili rédigea une épître dans laquelle il répondit aux questions posées par son hôte El-hat Askia Muhammad.

On trouve l’influence de la pensée d’al-Maghili dans le livre

"Sira al-ikhwân fi ahamm ma yuhta ilayhi fi hagha al-zaman"

(Guide des frères sur les règles principales à suivre à cette époque). Ce texte est un discours à la fois historique et religieux centré sur l’épître de l’al-Maghili. Dans son enseignement comme dans ses œuvres, Al-Maghili, se pose en défenseur vigilant de l'orthodoxie islamique, continuant ainsi l'œuvre entreprise dans son pays sans grand succès. Dans ses livres, Al-Maghili insiste sur la nécessité d'établir un Etat théocratique. L’influence d’al- Maghili reste cependant minime dans l’œuvre du Cheikh, à l’instar d’Ahmad al-Zurruq. Il est en effet parmi les soufis

(35)

Dr Seyni Moumouni

- 34 -

maghrébins celui qui, par les rapports qu’il entretenait avec l’islam africain, a le plus influencé le Cheikh Uthman dan Fodio.

Al-Zarruq(11) n’acquit sa notoriété qu’en Orient. Ses fréquents voyages entre Machreq et Maghreb lui donnent une double expérience. Cependant, l’Ifriqiyya semble bien d’ailleurs constituer pour lui une importante étape initiatique, vu l’importance de ses écrits dans les œuvres des ulémas africains.

De plus, il se fixa dans une zone intermédiaire, à Misurata, dans l’actuelle Libye. Dans son "uddat al-murid al-sadiq", il dénonce une forme de soufisme dégénérée qui sévit dans son pays. Les références aux œuvres du Cheikh Ahmad al-Zurruq sont nombreuses, s’agissant du livre "uddat al-murid al-sadiq", nous citons quelques exemples : à propos du but du tasawwuf, il cite Ahmad al-Zurruq dans le kitab "al-tafriqa bayna ilm al-tasawwuf allathi lil-takhalluq wa bayna ilm al-tasawwuf allathi lil-tahaqquq wa madakhil iblis" en ce terme : "Car, le tasawwuf a pour finalité l’étude des principes de l’unicité divine et sa mise en pratique.

Mais, les Gabarites(12) pensent que le tasawwuf est un moyen de s’isoler de (ce bas monde)".

2. Influences africaines :

Cette acculturation de valeurs traditionnelles tiendra sur la base de l’ouverture ; elle intègre toutes les cultures au sein de la communauté. De cet échange entre islam et pratiques traditionnelles, le facteur le plus intéressant reste la pratique de la géomancie "hass al-raml" (littéralement l’écriture dans le sable). Pour les auteurs arabes le "hass al-raml" est né d’une forme de divination préislamique, agréée par le prophète Muhammad. Il repose sur seize signes en relations symboliques avec d’autres aspects de l’univers tels que : les quatre points cardinaux, les quatre éléments, les signes du zodiaque, la nuit, le jour, le mois, l’année, les nombres, les lettres, les parties du corps, les planètes, les couleurs, les pièces de la maison, les saveurs, les formes, les prophètes et les califes etc.

(36)

L’œuvre mystique de Uthmân dan Fodio 1754-1817

- 35 -

Pour les adeptes de cette pratique, son appartenance islamique serait attestée par ce récit : "Un jour qu’il laissait ses mains jouer avec le sable, un homme apparut subitement devant ses yeux, et lui demanda : "que fais-tu là ?" "Je me distrais avec ce sable" répondit Idris. "Non", rétorqua l’étranger, "tu ne te distrais pas ; tu fais quelque chose de très sérieux". Cette apparition, c’était celle de l’ange Gibril, venu révéler à Idris la science de la divination, appelée "hass al-raml". Ainsi, l’art divinatoire traduit la subtilité des influences réciproques des pratiques et des idées religieuses musulmanes et non musulmanes en Afrique.

La position du Cheikh Uthman dan Fodio concernant la pratique de "hass al-raml" est ambiguë. Dans le kitab : "nur al- albab", le Cheikh désapprouve cette pratique qu’il estimait contraire à la Charia, il tolère néanmoins ceux qui s’y adonnent dans la cité. En dépit de cette condamnation, nous avons trouvé des traces concernant l’art divinatoire dans ses textes de la fin du XIXe siècle. Le cheikh pour trouver une réponse à des questions liées à son avenir spirituel notamment à propos de l’arrivée de l’imam Al-Mahdi attendu et celle du muaddid rapporté par ce hadit(13) : "Dieu envoie à cette communauté, au tournant de chaque siècle, un homme chargé de rénover la religion".

Dans le manuscrit : "al-mahzurat min alamat huru al-mahdi"

(faits et signes liés à l’arrivée d’al-Mahdi). Dans le même ouvrage, le cheikh aborde la question de savoir qui sera le réformateur "mugaddid" du siècle.

Des schémas représentent une circonférence et des rayons.

Dans le premier cas, le centre représente "Al-Mahdi" et les personnages les formules qui l’entourent sont les rayons. Le second tableau, est identique sauf que là, le Cheikh Uthman dan Fodio représente le centre sur lequel s’appuient les personnages représentés par le niveau A, ensuite par des formules pieuses

(37)

Dr Seyni Moumouni

- 36 -

désignées par le niveau B. Le recours à la géomancie serait pour le cheikh un moyen de démontrer l’exactitude de ses propos.

Dans tous les cas, ici il est question de la quête d’une promotion spirituelle, c’est la réalité essentielle, la finalité de toute voie spirituelle. Ceux qui y parviennent tiennent un même langage, celui de la perfection, de l’amour et de l’unité. Il ressort de cette analyse que la géomancie est une pratique qui s’appuie sur une logique, un système intellectuel ordonné et exprimé par une pensée. Les signes et les sujets présentés sont le symbole des messages codés provenant du monde caché.

4 - Adhérence et expériences spirituelle :

Le Cheikh a reçu et propagé le wird de la Qadiriyya al- Mukhtariyya dans le pays Haoussa à propos, il déclare : "le wird (qadirite) nous fut rapporté par plusieurs personnes qui l’on reçu du Cheikh al-Mukhtar al-kunti... c’est wird est le plus important des wirds…"(14). Ce passage montre l'ancrage de la Qadiriyya en Afrique, ces règles sont connues de tous, mais le Cheikh al- Mukhtar al-kuntî qui se décrivait comme le rénovateur de la Qâdiriyya reste l’artisan de cette diffusion.

Ces expériences spirituelles du Cheikh Uthman dan Fodio montrent bien que les raisons de ses différentes affiliations se trouvent non pas dans des projets d’intérêt matériel comme le pensent certains auteurs, mais surtout dans un cheminement initiatique rigoureux et obligatoire pour tous ceux qui souhaitent parvenir à la voie Muhammadienne qui transcende toutes les autres voies.

Le Cheikh en a fait mention à plusieurs reprises dans ses textes de la "tarîqa Muhammadiya" (la voie Muhammadienne), comme étant la voie qui transcende toutes les voies particulières.

Il pense que pour y parvenir, la pratique du tajdîd constitue un élément principal de la quête incessante de la proximité de Dieu.

Le "tajdid" dit-il, se fait avec quelqu’un de plus proche de la source ou de l’origine de la voie mystique.

(38)

L’œuvre mystique de Uthmân dan Fodio 1754-1817

- 37 -

Le "mujaddid" se doit d’être en contact avec celui qui peut transmettre la plus grande baraka, cette grâce indéfinissable qui procure des bénédictions du monde caché. Ces actions bienfaisantes ne peuvent être transmises que par des hommes ayant intégré la religion dans leur vie et accompli une transformation intérieure spirituelle : "Se rapprocher d’un saint homme est un moyen de se rapprocher de Dieu" dit-il. En évoquant ce hadith, le Cheikh adhère au postulat de l’ensemble des soufis.

Les écrits du Cheikh Uthman dan Fodio et ceux des savants qui l’ont précédés montrent bien que les lettrés ouest-africains étaient bien informés de l’activité des autres foyers culturels de la région. La présence des écrits du Cheikh Uthman dan Fodio sur le soufisme et celle de ses héritiers sur la théologie, la littérature et la grammaire, prouvent qu’ils possédaient une large connaissance de la culture arabo-islamique.

Notes :

1 - Marata, ville située au Nord-Ouest du Gobir et nom du 72e roi du Gobir.

2 - M. Hiskett: "Abdullah b. Muhammed, Tayan al-waraqat bi-jamabad ma la min al-abyat", trans, Ibadan University Press, 1963. Last Murray "The Sokoto Caliphate", London, Longman, 1967. Al-Masri (H.-F.) "Uthmân b. Fudi Bayan wujub al-hijra ala l-jihad", ed. Khartoum-Oxford: Khartoum University Press, Oxford University Press, 1978.

3 - Grand juriste Malikite, parmi ses œuvres notons : Anwa' al-buruq fi anwa al-furuq et Sarh tanqih al-fusul.

4 - L'une des quatre écoles de jurisprudence de l'islam sunnite fondé à Médine par le juriste Malik ibn Anas (m. 795) ; les adeptes de cette doctrine se trouvent surtout en Afrique de l'Ouest, au Maghreb et anciennement en Andalousie (Espagne).

5 - Ces livres représentent la base de l'enseignement théologique dans le Soudan central. Aujourd'hui, on trouve beaucoup des commentaires théologiques inspirés par ces textes.

6 - M. Seyni : "Soufisme et reforme socio-politique et culturelle en Afrique : vie et œuvre du Cheikh Uthman dan Fodio (1754-1817)", thèse, université Bordeaux 3, janvier 2003.

7 - Kitâb al-salasil l-dhahabiyya, chapitre III. La khalwatiyya est l'œuvre de

(39)

Dr Seyni Moumouni

- 38 -

Omar al-Khalwati (XIVe siècle). Studia Islamica, 1998, p. 181.

8 - C’est une confrérie "maghrébine" fondée par l'imâm Chadli (1196), né en Tunisie, disciple d'un grand soufi de Tlemcen. On attribue à l'imâm Chadli la découverte du café.

9 - La Qadiriyya est fondée à Bagdad, par Abdel-Qader al-Jilani (1077-1166).

10 - Voir Encyclopédie de l'Islam, p. 1155.

11 - Voir, K. Ali Fahmi: "Zarruq the Sufi, a guide in the way and a leader to the truth", General Company for publication, Tripoli 1976, p. 218.

12 - Désigne les adeptes de la toute-puissance divine (Gabriyah) qui, dans les deux premiers siècles de l'Hégire (VIIe-VIIIe siècles), s'opposent aux Sadarites qui prônent le libre arbitre de l'homme en toute chose, et partant de là sa responsabilité finale.

13 - Ce hadith ouvre le kitab al-Malahin, dans la sunna d'Abu Daoud, dont l'authenticité est contestée par certains auteurs. Voir, Landeau-Tasseron Ella:

"The cyclical reform: a study of the muaddid tradition", in E.I, LXXX, p. 79.

14 - Manuscrit Salâsil al-Qadiriyya folio 1.

***

(40)

Revue Annales du patrimoine Textes en langue arabe

(41)

ر د دم 0505: 1110-

دمدر إ 0 50- 0 :

ثارتلا تايلوح ثارتلا تايلوح

ةلجم ةيملع ةمكحم ةيونس

تاذ لوصولا حوتفملا

ىنعت تلااجمب ثارتلا

ةفاقثملاو

مناغتسم ةعماج تاروشنم

، رئازجلا

Références

Documents relatifs

[r]

[r]

[r]

[r]

[r]

[r]

ةغرافلا ةعومجملا يه طقنلا

درف رايلم يلاوح دلابلا هذه يف لمعلا نع نيلطاعلا ددع حبصي نأ نم فوخت كانهف ، نادلبلا هذه طسوتم نأ املع ،. اماع نيعبس نع طسوتملا اذه ديزي نيح يف ،لاوحلأا نسحأ يف