• Aucun résultat trouvé

Le phéno-meme: comment l’évolution du meme a marqué les générations

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "Le phéno-meme: comment l’évolution du meme a marqué les générations"

Copied!
162
0
0

Texte intégral

(1)

Master

Reference

Le phéno-meme: comment l'évolution du meme a marqué les générations

DUBIN, Lisa

Abstract

Ce travail de mémoire se penche sur l'omniprésence du meme dans la culture virtuelle, en réponse à l'émergence du Web 2.0 et du rôle de producteur-consommateur qu'y occupe désormais l'internaute. Il tente de comprendre les raisons derrière le succès de ce phénomène et de sa propagation massive, ainsi que les motivations derrière le fait de consommer, de créer, de partager et d'altérer du contenu mémétique (sous forme d'images, de vidéos, de GIFs ou de texte). Pour ce faire, il compare les habitudes liées à la technologie et aux réseaux sociaux chez les quatre générations les plus actives sur le Web : génération Z, milléniaux, génération X et baby-boomers, dans le but de déceler l'impact qu'a le meme au du point de vue sociodémographique, et son rôle dans la production culturelle.

DUBIN, Lisa. Le phéno-meme: comment l'évolution du meme a marqué les générations. Master : Univ. Genève, 2021

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:150393

Disclaimer: layout of this document may differ from the published version.

(2)

LE PHÉNO-MEME

COMMENT L’ÉVOLUTION DU MEME A MARQUÉ LES GÉNÉRATIONS

Mémoire en Journalisme et Communication Dr. Philippe Amez-Droz

Lisa DUBIN

N° d’étudiant : 12318176 Session Janvier 2021

(3)

REMERCIEMENTS

Je souhaiterai remercier du fond du cœur toutes les personnes de mon entourage qui m’ont aidé et soutenue lors de la rédaction de ce mémoire.

Je voudrais tout d’abord remercier mon directeur de mémoire, Dr. Philippe Amez-Droz, pour sa patience, sa compréhension, sa disponibilité et son encadrement. Je souhaiterai également remercier Dr. Sébastien Salerno pour son encouragement et ses judicieux conseils, qui ont su m’aiguiller quant à un sujet complexe et peu traité. Je profite du fait que ces remerciements soient rédigés à posteriori pour remercier Dr. Virginie Zimmerli pour sa qualité en tant que juré et pour les critiques constructives et l’écoute dont elle m’a fait part lors de la soutenance de ce mémoire.

Je tiens également à remercier tous les enseignants de Medi@lab qui m’ont supporté lors de ces deux dernières années, et qui n’ont fait que confirmer la passion que j’éprouve pour le Journalisme et la Communication, grâce à leur enseignement de qualité.

Enfin, je souhaite remercier ma famille et mes amis pour tout l’amour dont il m’ont témoigné, à travers leur soutien et leurs encouragements. J’aimerai particulièrement remercier ma maman, qui a mis sa vie de côté pour m’apporter toute son aide lors de la rédaction de ce travail et mon frère David qui a relu ce mémoire beaucoup trop long et a su apporter des réflexions pertinentes et un regard extérieur – et, soyons honnête – corriger mes (quelques) fautes d’orthographe.

J’aimerai aussi remercier mon papa, qui m’a donné envie de faire ce master pour un jour, devenir une aussi bonne journaliste que lui, et ma grand-maman qui reste persuadée que je suis la personne la plus parfaite sur cette terre (après mon grand-frère). Enfin, je souhaiterai de tout cœur remercier ma psychologue, Mme. Muriel Bonin, pour son aide, dans tous les sens du terme, sans qui la rédaction de ce travail n’aurait simplement pas été possible.

Cela ne se fait sans doute pas, mais je vais le faire quand-même :

A mon grand-papa et à mon beau-père, qui ne sont malheureusement plus là pour me voir terminer mon master, mais qui m’inspirent au quotidien à donner du meilleur de moi-même.

(4)

Table des Matières

I. INTRODUCTION 7

1.1 Problématique 9

1.2 Questions de recherche 11

II. THÉORIE 12

2.1 Concepts 12

2.1.1 L’évolution des médias 12

2.1.1.1 Le Web 2.0 12

2.1.1.2 La convergence des médias 12

2.1.2 La culture participative 13

2.1.2.1 La démocratisation du partage 14

2.1.2.2 Le folklore moderne 14

2.1.3 Les memes 15

2.1.3.1 Le modèle traditionnel de Dawkins 15

2.1.3.2 Premier Internet meme : le cas du « Dancing Baby » 18

2.1.3.3 Les memes aujourd’hui 19

2.1.3.4 Classification des memes selon la base de donnée Know Your Meme 20

2.1.3.4.1 Dank memes 20

2.1.3.4.2 Image-Macro memes 21

2.1.3.4.3 Advice Animal memes 21

2.1.3.4.4 Rage Comic memes 22

2.1.3.4.5 LOLcat memes 23

2.1.3.4.6 Reaction memes 24

2.1.3.4.7 Relatable memes 24

2.1.3.4.8 Twitter memes 25

2.1.3.5 Typologie des memes selon Limor Shifman 25

2.1.3.5.1 Real-Life Moment memes 26

2.1.3.5.2 Remix memes 26

2.1.3.5.3 Digital Native memes 26

2.1.4 Les plateformes du Web 2.0 27

2.1.4.1 Les Réseaux Sociaux 27

2.1.4.1.1 Facebook 28

2.1.4.1.2 Twitter 28

2.1.4.1.3 Instagram 29

2.1.4.2 Les Forums 29

2.1.4.2.1 Tumblr 29

2.1.4.2.2 4chan 30

2.1.4.2.3 Reddit 31

2.1.4.3 Les plateformes d’hébergement vidéo 31

2.1.4.3.1 YouTube 31

(5)

2.1.4.3.2 Vine 32

2.1.4.3.3 Tik Tok 33

2.1.5 Les usages des médias 34

2.1.5.1 Les catégories d’utilisateurs : le modèle de Horowitz 34

2.1.5.2 Théories de production et de partage 34

2.1.5.2.1 Le « meaning-making » 35

2.1.5.2.2 La théorie des usages et gratification 36

2.1.5.2.3 La gratification émotionnelle 37

2.1.5.2.4 La gratification personnelle 38

2.1.5.2.5 La réassurance en cas de crise 40

2.1.5.3 La production et le partage mémétique 40

2.1.5.3.1 Le potentiel mémétique : la notion de facilité 41

2.1.5.3.2 Le besoin de complément 41

2.1.5.3.3 Le devoir civique 41

2.1.5.3.4 L’appartenance au groupe 42

2.1.5.3.5 L’économie de l’attention 42

2.1.6 Classes générationnelles 44

2.1.6.1 La génération Silencieuse 44

2.1.6.1.1 Caractéristiques 44

2.1.6.1.2 Technologie 45

2.1.6.2 La génération des baby-boomers 45

2.1.6.2.1 Caractéristiques 45

2.1.6.2.2 Technologie 46

2.1.6.3 La génération X 46

2.1.6.3.1 Caractéristiques 46

2.1.6.3.2 Technologie 47

2.1.6.4 Les génération des milléniaux (génération Y) 47

2.1.6.4.1 Caractéristiques 47

2.1.6.4.2 Technologie 48

2.1.6.5 La génération Z 48

2.1.6.5.1 Caractéristiques 48

2.1.6.5.2 Technologie 49

2.1.7 La division digitale 49

III. ENQUÊTE 52

3.1 Hypothèses 52

3.2 Méthodologie 53

3.2.1 Données et niveau d’analyse 53

3.2.2 Googlisation du meme 54

3.2.2.1 Failles dans la recherche de Cary Huang 55

3.2.3 Opérationnalisation des variables 55

(6)

3.3 Méthode et technique : enquête en ligne 57

3.3.1 Le questionnaire 57

3.3.1.1 Problèmes rencontrés lors de la récolte de résultats 59

3.3.1.1.1 Tranches d’âges 59

3.3.1.1.2 Biais de représentativité 59

3.3.1.1.3 Formulation des questions 59

3.3.2 Les participants 60

3.3.3 Les échelles 60

IV. ANALYSE 61

4.1 Résultats 61

4.1.1 Les habitudes liées au web et aux réseaux sociaux 61

4.1.1.1 Les habitudes technologiques 61

4.1.1.2 Les habitudes liées au partage 63

4.1.1.2.1 Le partage au niveau émotionnel 64

4.1.1.2.1.1 La correlation entre l’humeur et le contenu 65

4.1.1.2.1.2 Du contenu qui reflète l’individu 65

4.1.1.2.1.3 Du contenu en réaction à un message 67 4.1.1.2.1.4 Reception de contenu de la part de son entourage 67 4.1.1.2.2 Le partage en dehors des réseaux sociaux 68

4.1.1.2.3 Le partage en masse 70

4.1.2 Habitudes liées au concept du meme 71

4.1.3 Connaissances liées au corpus mémétique 74

4.1.3.1 Memes en format vidéo 75

4.1.3.1.1 « Oogatchaka Baby » 75

4.1.3.1.2 « Dramatic Chipmunk » 76

4.1.3.1.3 « And I oop- » 78

4.1.3.2 Memes en format image 79

4.1.3.2.1 « I can haz cheeseburger » 79

4.1.3.2.2 « Philosoraptor » 81

4.1.3.2.3 « Success Kid » 83

4.1.3.2.4 « Grumpy Cat » 84

4.1.3.2.5 « Bad Luck Brian » 85

4.1.3.2.6 « Rage Comics » 86

4.1.3.2.7 « Trollface » 88

4.1.3.2.8 « Be like Bill » 89

4.1.3.2.9 « Jealous Girlfriend » 90

4.1.3.2.10 « Relatable memes » 92

4.1.3.2.11 « Twitter meme » 94

4.1.3.2.11.1 Image et Texte 94

5.1.3.2.11.2 Texte uniquement 95

4.1.4 Habitudes liées aux memes 97

4.1.4.1 L’identification personnelle 98

(7)

4.1.4.2 Le partage avec l’entourage 99

4.1.4.3 La création de ce type d’image 100

4.1.4.4 La compréhension de ce type d’image 101

4.1.5 Analyse en temps de crise 102

4.1.5.1 Identification personnelle en temps de crise 105 4.1.5.2 Identification d’autrui en temps de crise 106

4.1.5.3 Partage en temps de crise 107

4.1.5.4 Production mémétique en temps de crise 108

4.1.5.5 Sentiment de communauté en temps de crise 109 4.1.5.6 Augmentation du partage de contenu en temps de crise 109 4.1.5.7 Augmentation de la réception de contenu en temps de crise 111 4.1.5.8 Partage de contenu en lien avec la crise 112 4.1.5.9 Réception de contenu en lien avec la crise 113 4.1.5.10 Compréhension du contenu mémétique en lien avec la crise 114

V. DISCUSSION 116

5.1 Observations 116

5.1.1 Les classes d’âge et la technologie 116

5.1.1.1 La génération Z 116

5.1.1.2 La génération des milléniaux (ou génération Y) 117

5.1.1.3 La génération X 118

5.1.1.3 La génération des baby-boomers 119

5.1.2 Catégories d’utilisateurs : retour sur le modèle d’Horowitz 120 5.1.3 Le partage de contenu : retour sur les usages et les gratifications 121

5.1.4 Les connaissances liées aux memes 124

5.2 Connaissances liées au corpus mémétique 124

5.2.1 Connaissances générales 124

5.2.2 Habitudes liées aux memes 126

5.3. Analyse en temps de crise 128

5.4 Reprise des hypothèses 131

5.4.1 Tableau récapitulatif des Hypothèses 136

5.5 Apports et limites de la recherche 137

VI. CONCLUSION 140

VII. ANNEXES 144

VIII. BIBLIOGRAPHIE 153

(8)

I. Introduction

Couramment appelé le “bug de l’an 2000” (Rutledge, 2020), le passage au 21e siècle a suscité beaucoup d’anxiété et de crainte pour le grand public, particulièrement les informaticiens. Ces derniers avaient prédit qu’une obsolescence systémique aurait lieu au niveau de l’informatique, entrainant de pannes dans tous les domaines de la société, dont celui des nouvelles technologies. La crainte était que cela puisse à son tour entrainer une perte d’information et une régression non négligeable sur le plan technologique, provoquant la fin du monde tel qu’il avait été connu jusqu’à lors.

Ce passage tant anticipé a effectivement été accompagné d’un bouleversement qui a révolutionné notre mode de vie, mais pas de la manière dont on l’avait imaginé. Il n’y a en effet pas eu de grand ‘bug’, mais plutôt un réel changement de paradigme au niveau de la technologie. Alors qu’internet avait été conceptualisé et mis en marche au milieu des années 1980 par Tim Berners-Lee, les nouveaux outils mis à disposition à partir du 21e siècle ont permis une démocratisation du produsage, c’est-à-dire de production de contenu par, et pour le grand public (Bruns, 2007). Dès lors, la création et le partage de contenu ont explosé, ainsi que les diverses plateformes permettant leur dissémination – donnant lieu à ce que Tim O’Reilly a adéquatement nommé le

“web 2.0” (O’Reilly, 2007).

Le web est donc aujourd’hui synonyme de communication, de partage et de création, mais cela n’a pas toujours été le cas. Avant ce changement de paradigme, sur lequel nous reviendrons, les sites étaient composés de pages statiques, pouvant relayer de l’information au lecteur, mais ne lui permettant pas d’interagir avec la plateforme, ou ses autres visiteurs. internet était donc semblable à d’autres technologies de l’ordre du média froid (McLuhan, 1964) comme la télévision et la radio. Alors que les médias au 20e siècle avaient opté pour une communication massive, impersonnelle et unidirectionnelle autrefois considérée comme étant comparable à une seringue hypodermique (Lasswell, 1927), le changement de paradigme du début des années 2000 a introduit une nouvelle notion d’interactivité, de production et de partage liée aux nouveaux médias.

De nouvelles plateformes sont apparues, encourageant une utilisation “sociale”

d’internet ainsi qu’une communication dite “peer to peer” (Bruns, 2007) qui implique le partage des moindres faits et gestes, des préférences, des centres d’intérêt, des opinions et des humeurs des internautes. L’apparition du réseau social Facebook en

(9)

2004 a démocratisé cette activité, déjà présente sur internet par le biais des “weblogs”

de l’époque, et a pavé le chemin pour d’autres plateformes sociales comme YouTube, Instagram ou encore Twitter.

En parallèle, alors que la production, la distribution et la consommation de contenu étaient autrefois trois domaines séparés (la production étant réservée aux grands acteurs commerciaux et culturels, distribuée ensuite massivement aux consommateurs), ces trois secteurs ont convergé pour former ce qu’Axel Bruns qualifie de “produsage”, c’est-à-dire un mode d’engagement hybride qui fait du consommateur le producteur et le distributeur de son contenu. Si l’on ajoute à cela l’idée selon laquelle il y a eu une résurgence d’intérêt dans le concept du “DIY” ou

“Do-It-Yourself” c’est-à-dire de créer soi-même des choses que l’on peut se procurer sur le marché (Gauntlett, 2018) en réponse au monopole de la production massive du 20e siècle, il semblerait que l’avènement du 21e siècle ait battu un terrain extrêmement fertile et propice à la création et au partage de contenu avec autrui.

Cela fait donc quelques années que cette démocratisation de la production, du partage et de la consommation s’est emparée du web, donnant lieu à un véritable phénomène culturel. Le produsage fait désormais partie intégrante de la manière dont on communique sur les réseaux aujourd’hui et ses qualités se retrouvent dans un concept omniprésent sur internet qui a émergé lors des vingt dernières années: il s’agit du meme.

Faussement amalgamé avec le mot « même », le terme est en réalité issu du concept grec de « mimeme ». Ce mot qui signifie « imitation » a été altéré par le biologiste Richard Dawkins en 1976 dans son ouvrage The Selfish Gene pour former le néologisme meme que l’on connait aujourd’hui (Dawkins 1976: 248). Dans son livre, l’auteur s’est centré sur le rôle du gène dans l’évolution humaine. Traçant un parallèle entre l’évolution biologique et l’évolution culturelle, il a proposé d’utiliser le mot meme pour définir tout ce qui a trait à la réplication de la culture. Alors que les gènes servent à répliquer l’espèce humaine, les memes servent à répliquer la culture.

Bien qu’on y trouve des éléments du meme que l’on connait d’aujourd’hui, la définition de Dawkins est bien plus complexe qu’une simple image partagée sur les réseaux sociaux et n’a d’ailleurs pas été conçue pour s’appliquer à du contenu produit et disséminé sur internet. Il n’empêche que le concept du meme de Dawkins illustre bien le tri qui se fait au niveau du contenu sur les réseaux ainsi que les facteurs qui déterminent s’il se propagera ou non. Comme pour les gènes, une sélection naturelle

(10)

a lieu sur les réseaux sociaux. Elle trie le contenu mémétique selon sa pertinence et son potentiel de popularité. Alors que certains memes tombent dans la désuétude, d’autres sont propagés massivement jusqu’à atteindre la viralité. Dans le cadre de ce travail, le terme meme servira donc à définir le contenu publié et décliné en masse sur internet.

Lors d’un recensement effectué en 2019, il a été estimé que plus de cinq milliards de personnes utilisent internet (Global Digital Overview, 2019). Le web fait donc partie intégrante du quotidien des trois quarts de la population mondiale et semble exercer un réel monopole sur la société, que ce soit pour y puiser de l’information, écouter de la musique, regarder des séries ou des films, ou encore communiquer avec son entourage proche ou lointain. Alors qu’autrefois la culture dictait le contenu présent sur internet, aujourd’hui la tendance semble inversée, car la culture créée et partagée sur internet déborde dans notre vie de tous les jours, la rendant aussi présente sur la toile que dans notre vie quotidienne – une idée que nous aborderons plus tard dans ce travail. Il est donc important de se questionner sur le contenu que l’on y consomme, et de comprendre quel effet ce contenu a sur nous-mêmes, ainsi que sur nos relations sociales. C’est pour ces raisons qu’il est important de déceler les mécanismes socioculturels derrière transmission des memes sur le web 2.0.

1.1 Problématique

Aujourd’hui selon le journaliste Perry Kostidakis (2019) les memes sont devenus une des manières principales de communiquer sur internet. Qu’ils soient partagés par des célébrités, des politiciens, des amis ou des membres de la famille, ils ont percé dans la culture populaire – on pourrait même dire qu’ils en sont à la base. Nous nous trouvons dans un contexte socioculturel qui a été complètement bouleversé par le monopole d’internet. Alors que le web est une technologie qui est nouvelle pour les générations antérieures aux milléniaux, celle d’aujourd’hui n’a pas connu un monde sans la présence du numérique. Les plus jeunes générations communiquent majoritairement par ce biais, avec des outils tels que les réseaux sociaux et les applications comme Whatsapp ou Skype. En 2019, 58% de la population mondiale a accès à internet (Global Digital Overview). En Europe occidentale et aux États-Unis, le chiffre s’élève à plus de 95%. Cela démontre la concentration massive qu’il y a sur internet, et particulièrement sur les réseaux sociaux.

(11)

Tandis que les memes de l’époque constituaient un contenu de niche, réservé aux internautes les plus initiés lorsqu’ils ont fait leur apparition sur le web, ils font désormais partie intégrante des réseaux sociaux. Aujourd’hui, ils sont créés, modifiés et partagés au quotidien par des milliers d’internautes (Kostidakis, 2019). Leur contenu provient de films, de bandes dessinées, de photos libres de droits tirées d’internet, d’archives personnelles et plus encore. Ce contenu peut être créé dans le but spécifique de faire un meme, ou repris, modifié et partagé massivement à l’insu d’une personne - un aspect qui a été documenté par BuzzFeed dans leur série de vidéos intitulées « I accidentally became a meme »1.

La propulsion du meme au statut de déterminant culturel coïncide avec l’augmentation massive du nombre d’individus présents sur internet et le monopole des réseaux sociaux tels que Facebook, Twitter et Instagram. Tandis que nous passons de plus en plus de temps sur internet, les memes sont devenus les véhicules parfaits pour faciliter l’information, l’humour et l’opinion. Autrefois des simples images avec du texte superposé, ils sont désormais des outils de rhétorique et de communication pour disséminer de l’information envers des millions de personnes.

Le fait que le web ait développé des aspects communicationnels plus étroits et personnels à partir de la fin des années quatre-vingt-dix peut être attribué, en partie, à l’émergence du phénomène memetique qui est synonyme des forums, des blogs et de la collaboration – trois aspects déterminants du web 2.0.

Ce travail cherche à connaitre les motivations derrière la production et le partage de contenu mémétique et tâchera de démontrer la manière dont les memes ont révolutionné́ la communication sur les réseaux sociaux, sur internet et même dans la vie de tous les jours - particulièrement chez les personnes ayant grandi avec ce phénomène.

Pour cela, il s’agit de comprendre comment le concept du meme a affecté́ la culture d’internet, la communication interpersonnelle, les références culturelles et l’humour des internautes. Pour cette raison, il est important de comparer les comportements des internautes avec l’évolution des plateformes digitales et des outils disponibles, et par conséquent, avec l’évolution du meme en tant que tel. Ce travail de recherche se focalisera sur la manière dont les memes ont évolué depuis leur apparition il y a plus

1 « I accidentally became a meme : Hide The Pain Harlold », BuzzFeed 2020.

https://www.youtube.com/watch?v=a3WnvDtDD2M

(12)

de vingt ans, pour se démocratiser et devenir un outil essentiel à la cybercommunication. Il s’agira également de comprendre les variances intergénérationnelles concernant leurs habitudes liées aux memes, afin d’en déceler les utilisateurs primaires et comprendre si l’âge d’un individu impacte la consommation, la production et le partage de contenu mémétique. Ce travail tentera aussi de démontrer comment les memes ont révolutionné la communication sur les internet et dans la vie de tous les jours pour toutes les générations, même celles qui n’ont pas grandi avec l’avènement d’internet et du contenu mémétique.

Plusieurs questions se posent donc : comment est-il possible d’expliquer l’évolution de meme ? Comment est-il utilisé pour communiquer ? Qui l’utilise ? Et surtout, dans quel but, et avec quels effets ?

1.2 Questions de recherche

Afin de mieux comprendre les mécanismes inhérents à la création, la consommation et le partage de meme sur les réseaux sociaux et ailleurs, nous nous poserons les questions de recherche suivantes:

QR1 : Qu’est-ce qui pousse quelqu’un à consommer et partager un meme?

QR2 : Est-ce que la consommation et le partage de memes varient selon les générations ?

QR3 : Les habitudes liées aux memes changent-elles en fonction des évènements qui sortent de l’ordinaire ?

(13)

II. Théorie

2.1 Concepts

2.1.1 L’évolution des médias 2.1.1.1 Le Web 2.0

La notion du web 2.0 a été introduite par Tim O’Reilly en 2005, après avoir constaté que le web semblait plus puissant que jamais, et qu’il avait pris une nouvelle forme en réaction au krach boursier de la Bulle Internet en Mars de l’an 2000 (O’Reilly, 2005 : 5). Plusieurs éléments différencient le web 1.0 du web 2.0. On remarque que les pages web statiques, typiques des années quatre-vingt-dix ont été remplacées par des pages dynamiques : « data base-backed sites with dynamically generated content replaced static web pages well over ten years ago. What's dynamic about the live web are not just the pages, but the links, with "permalinks" for any individual entry, and notification for each change. » (O’Reilly, 2005 : 9). Cela a eu comme effet une intensification de la discussion et du sentiment de communauté sur les sites web, car il était désormais possible de partager une publication ou une page précise d’un site ou d’un weblog avec son entourage avec l’introduction de ces « permalinks » qui ont pu, comme O’Reilly le note, relier les blogs les uns aux autres. Ce nouveau système a favorisé la mise en relation des internautes et le partage mutuel de contenu, marquant ainsi le début d’un nouveau chapitre dans l’histoire du web.

2.1.1.2 La convergence des médias

Dans les années qui ont suivi l’explosion du Web 2.0, les spécialistes ont remarqué un changement lié à la consommation des médias par les individus. En effet, ces derniers semblaient passer d’un médium à un autre avec grande fluidité, un nouveau mode d’utilisation que l’auteur Henry Jenkins a attribué à la convergence des médias.

Selon lui, ce changement de paradigme lié aux habitudes des consommateurs de médias est à la source de ce qu’il caractérise comme une nouvelle « Culture de convergence » où les frontières entre les médias sont brouillées, permettant aux consommateurs de puiser du contenu issu de divers médiums afin d’optimiser l’information qu’ils en tirent. Il explique que « each of us constructs our own personal mythology from bits and fragments of information extracted from the media flow and

(14)

transformed into resources through which we make sense of our everyday lives » (Jenkins, 2006 : 8).

Lorsque la télévision s’est démocratisée au milieu du 20e siècle, l’industrie des médias redoutait la concurrence que son omniprésence pouvait avoir vis-à-vis des médias écrits et radiophoniques. Il en a été de même avec la popularisation du web, qui semblait menacer le monopole de la télévision : « The digital revolution paradigm presumed that new media would displace old media », explique l’auteur. Cependant,

« the emerging convergence paradigm assumes that old and new media will interact in ever more complex ways. » (Jenkins, 2006 : 12). En effet, il est aujourd’hui possible de lire un livre, regarder un film ou une série, écouter une émission de radio ou feuilleter un album photo sur internet, le tout simultanément. Cette notion de convergence des médias véhicule donc l’idée selon laquelle contrairement à la télévision, le web n’a pas détrôné ses prédécesseurs, mais a plutôt provoqué un changement de paradigme vis-à-vis de la consommation des divers media channels à disposition aujourd’hui, qui s’entremêlent désormais à notre quotidien.

2.1.2 La culture participative

L’arrivée du Web 2.0 et la convergence des médias ont provoqué ce que divers auteurs ont nommé « culture participative » (Jenkins, 2009 ; Burgess, 2008 ; Bruns, 2007 ; Miltner, 2017). Depuis quelques années, la création et la consommation massive de contenu par les internautes ont permis d’éradiquer la barrière entre le producteur et le consommateur, faisant naitre l’ère de la culture participative.

Intrinsèquement liée au changement de paradigme des médias, la notion de participation est en réalité une réaction aux médias de masse du 20e siècle, rendue possible par la technologie. Alors qu’autrefois, il n’était pas possible pour un téléspectateur, ou un auditeur de participer activement à la production de ces grands médias, le Web 2.0 a permis à ses utilisateurs de produire, consommer et partager leur propre contenu et celui des autres internautes : « Personalized media was one of the ideals of the digital revolution in the early 1990s: digital media was going to

"liberate" us from the "tyranny" of mass media, allowing us to consume only content we found personally meaningful » (Jenkins, 2006 :245). Aujourd’hui, les médias push et froids (MacLuhan, 1962) tels que la télévision ou la radio sont obligés de se faire une place sur Internet et proposer du contenu participatif s’ils ne veulent pas devenir

(15)

obsolète, comme l’explique Jenkins : « Many industry leaders argue that the main reason that television cannot continue to operate in the same old ways is that the broadcasters are losing younger viewers, who expect greater influence over the media they consume » (2006 : 244).

2.1.2.1 La démocratisation du partage

Selon Henry Jenkins, la démocratisation du partage est la conséquence directe de la culture participative. Il explique qu’une culture participative est une culture qui encourage l’expression artistique et l’engagement civique, et qui soutient le partage et la création de contenu (Jenkins, 2007). La multiplication des réseaux sociaux a largement contribué à cette démocratisation du partage, car le partage est inhérent à ces plateformes. Michele Zappavigna explique qu’une fonction essentielle des réseaux sociaux est l’expérience du partage au quotidien, qui est relayée en temps réel par les utilisateurs et qui leur permet de créer des liens notamment autour de constatations ou de plaintes concernant des problèmes de la vie de tous les jours (2012 : 5). Aujourd’hui, le partage est un des piliers de la logique culturelle d’internet (Laineste, 2016) et n’est donc plus réservé aux géants médiatiques, mais à tous les utilisateurs. En effet, surfer sur internet n’est plus une expérience passive. Cette interactivité induit une distinction entre les générations qui ont grandi avec des médias froids, et celles qui ont grandi avec internet, et selon Lynne McNeil, cette interactivité a permis à un nouveau type de folklore de se développer dans ce milieu digital. (2009 : 82).

2.1.2.2 Le folklore moderne

Le mot « folklore » désigne un ensemble d’anecdotes, de pratiques et de traditions culturelles que l’on a pour habitude d’apprendre, d’enseigner et d’utiliser lors de nos interactions en face à face. Le folklore est transmis à travers l’espace-temps depuis les débuts de l’humanité et représente une continuité liée à la pensée, la croyance ou encore les émotions humaines. Cette pensée peut être répétée, modifiée et multipliée (McNeil, 2009 : 83).

Le folklore émerge donc lors d’interactions physiques et informelles de la vie quotidienne. Cependant, les générations qui ont grandi avec internet et les réseaux sociaux sont tellement habituées à ce médium qu’elles ne reconnaissent pas de réelle

(16)

différence entre une interaction en ligne ou une interaction en personne : la communication par message est désormais interchangeable avec la communication en face à face. (McNeil, 2009). Ce rapprochement entre les différents modes de communication a fait naître un nouveau type de folklore moderne qui se propage en ligne et qui déborde souvent dans la vie réelle.

Si le folklore est synonyme de transmission d’information et de contenu, et qu’il est désormais présent en ligne sous forme de folklore moderne, il est aisé de se questionner sur la nature de son contenant. Limor Shifman propose l’idée selon laquelle le folklore moderne serait véhiculé par les memes, entre autres : « memes are seemingly trivial and mundane artifacts, but they actually reflect deep social and cultural structures. In many senses, Internet memes can be treated as (post)modern folklore, in which shared norms and values are constructed through cultural artifacts such as Photoshopped images or urban legends » (2009 : 13). Le folklore survit à l’épreuve du temps grâce à plusieurs paramètres qui ensemble, lui permettent une transmission culturelle fructueuse. Ce processus ressemble beaucoup à celui du meme, décrit par Richard Dawkins comme une sélection naturelle, liée en partie à la pertinence culturelle de son sujet. Comme le folklore, le meme occupe la fonction d’un vaisseau contenant une information qui sera, ou non, partagée en masse.

2.1.3 L’évolution des memes

2.1.3.1 Le modèle traditionnel de Dawkins

La recherche au sujet du meme débute avec l’auteur et biologiste Richard Dawkins.

En 1976, il écrit The Selfish Gene, un livre qui stipule que le gène est l’élément central et constitutif de l’évolution humaine et que les humains sont donc essentiellement égoïstes et individualistes, car ils favorisent la reproduction de leur propre lignée à celle du groupe dans lequel ils se trouvent. Cette idée s’oppose à la pensée des évolutionnistes qui considèrent que c’est le groupe qui permet d’évoluer. Selon Dawkins, les Hommes vont s’unir afin de transmettre les meilleurs gènes à leur lignée, une stratégie qui est motivée par un désir de sécurité et qui a pour but de garantir une évolution stable au sein des sociétés.

Dans le onzième chapitre de l’ouvrage, intitulé « memes », l’auteur fait un parallèle l’évolution génétique et l’évolution culturelle. (Dawkins 1976 : 246). L’évolution est le fruit d’une multiplication de versions d’une même chose. Selon lui, il faut éliminer l’idée

(17)

selon laquelle seul le gène est à la base de l’évolution humaine. Il faut aussi prendre en considération l’élément derrière l’évolution culturelle, car ont permis aux hommes de construire et de faire évoluer les différentes sociétés qui peuplent le monde aujourd’hui . Les différences culturelles entre les sociétés seraient donc le produit de

‘mutations culturelles’, qu’il nomme les memes. À travers ce néologisme, Dawkins souhaite véhiculer cette idée de transmission et d’imitation culturelle si essentielle à l’évolution des êtres humains. En effet, la loi de Dawkins veut que la vie évolue par la survie différentielle de réplication d’entités (Dawkins 1976 : 249). Il donne d’abord le mot « mimeme », ce qui signifie « imitation » en grec ancien, puis décide de l’abréger pour qu’il soit monosyllabique et qu’il ressemble plus à son homologue, gène. Il donne quelques exemples d’un meme: une mélodie, une idée, un slogan, une mode.

Alors que les gènes se propagent par le biais du gene pool (patrimoine génétique) par le sperme ou les ovules, les memes se propagent par le biais du meme pool (patrimoine mémétique) de cerveau en cerveau. Si par exemple un scientifique entend ou lit une nouvelle idée intéressante, il en parlera à l’ensemble de son réseau, ou le mentionnera dans ses articles et dans ses cours. Si l’idée suscite de l’intérêt, elle se propagera en passant de cerveau en cerveau. À travers ce partage, le cerveau est parasité, car il est utilisé comme véhicule pour la propagation du meme – comme un virus.

Un exemple percutant serait celui du sujet concernant la vie après la mort. Selon Dawkins, le meme « vie après la mort » a été multiplié des milliards de fois au point d’être devenu une image qui fait partie intégrante de la structure physique du monde et affecte même le système nerveux des êtres humains en raison du stress qu’il peut provoquer. Il en est de même pour l’idée de Dieu – on ne sait pas comment cette idée est arrivée dans le meme pool mais elle s’est répliquée de manière exponentielle à travers la parole orale et écrite et la musique, les mélodies ou encore l’art. Si ce dernier a survécu aussi longtemps, ce n’est pas un hasard. Pour l’auteur, la survie d’un meme est attribuable à son attrait psychologique. Si le meme « Dieu » a réussi à survivre aussi longtemps, c’est parce qu’il a permis à l’être humain de ressentir un certain apaisement, une stabilité dans son environnement culturel (Dawkins 1976 : 250). Pour lui, la survie d’un meme est attribuable à son attrait psychologique. La vie après la mort et le concept de Dieu sont deux exemples de memes qui donnent une réponse caractérisée par l’auteur comme étant “superficiellement plausible” (Dawkins 1976:

250) à une question profonde et troublante concernant l’existence.

(18)

Certains memes ont donc plus de succès dans le meme pool que d’autres, ce qui est logique lorsque l’on compare les memes aux gènes : Il s’agit du mécanisme de la sélection naturelle. En plus de ces aspects psychologiques, un meme doit aussi faire part d’une longévité, d’une fécondité et d’une fidélité de copie pour survivre et se multiplier de manière optimale. La fécondité est l’aspect le plus important, car elle va déterminer à quel point un meme va pouvoir pénétrer la culture populaire. En effet, l’espace dédié aux memes est limité. Comme les gènes qui se disputent contre des allèles, les memes se disputent pour l’attention du cerveau humain – que ça soit à la radio, à la télévision, dans les tops musicaux ou dans les journaux (Dawkins 1976 : 256). L’idée de cette propagation culturelle peut être applicable en toute circonstance.

Alors que la propagation du meme se faisait autrefois par des moyens physiques et donc limités, l’émergence du web et ses qualités de réseau informatique ont créé une nouvelle voie propice à la transmission culturelle et un terrain extrêmement fertile en matière de production personnelle et de partage massif. Bien que la théorie de Dawkins ait été élaborée avant l’avènement d’internet, elle peut être appliquée à ce nouveau médium.

Dans son article « What was the first meme ever ? An exhaustive investigation », le journaliste Will Fulton admet, tout comme Dawkins, qu’il y a quatre caractéristiques que les memes ont besoin d’avoir pour être considérés en tant que tel : il s’agit d’un message, d’une évolution, d’une maniabilité et d’un effet. En qui concerne le message, il donne quelques indicateurs importants: « There needs to be a clearly definable, central message or reference that’s understood, and relatable by commonly shared knowledge or experience. The medium of the message isn’t relegated to an image and text; it can be either, or both. Or video, or solely audio » (Fulton, 2019). Au niveau de l’évolution, pour lui, le meme ne peut rester statique. Il doit être remanié et modifié par une communauté de personnes. Concernant la maniabilité du meme, il explique que: « It must aid in its own evolution by having defined characteristics that can be changed while maintaining and preserving some semblance of the original message

». Enfin, au niveau de l’effet, il faut selon lui qu’il atteigne un certain niveau de popularité et de compréhension, ou le message n’aura pas de sens et donc pas d’impact, empêchant sa viralité. En effet, l’aspect le plus important du meme est cette viralité qui permet de toucher un maximum d’internautes. Ces caractéristiques font écho à celles émises par Dawkins 40 ans plus tôt et permettront d’élaborer les critères de ce travail qui serviront à déterminer si un contenu est mémétique ou non.

(19)

2.1.3.2 Premier internet meme : le cas du « Dancing Baby »

Dans son article sur les premiers memes, Ashley Hamer explique que le premier « meme » tel qu’on le conçoit aujourd’hui est celui du Dancing Baby en 1996. À cette époque Michael Girard et son collège Robert Lurye, des animateurs pour l’entreprise de logiciels Autodesk ont voulu montrer qu’il était possible d’exécuter un même mouvement animé par différents personnages avec l’aide du logiciel qu’ils venaient de créer. C’est alors là qu’ils ont mis au point l’animation d’un bébé dansant le cha- cha. Lorsqu’ils l’ont envoyée à d’autres entreprises dans le but de prouver les compétences de leur nouveau logiciel, cette animation fut rapidement transformée en format “GIF” par un de ses récepteurs pour en faciliter la transmission par e-mail.

Selon Hamer, ce fut la première modification connue d’un meme sur internet. Ce format allégé de l’animation permit à ses destinataires de la renvoyer à leur tour à leurs propres contacts, jusqu’à ce que le Cha-Cha baby atteigne la viralité.

Ce succès s’est confirmé lors de l’apparition du « cha-cha baby » sur le feuilleton Ally McBeal en janvier 1998 – un an et demi après qu’il ait fait son grand début sur internet.

Le bébé y apparaît sous forme d’hologramme lorsque la protagoniste fait un rêve en rapport avec son horloge biologique qui lui provoque un empressement d’avoir des enfants. Dans l’extrait, le bébé danse non sur du cha-cha, mais sur la chanson

“hooked on a feeling” par Blue Suede – un élément qui changera à son tour ce meme, en le liant étroitement à cette chanson et aux paroles de l’introduction, “oogatchaka oogatchaka”. A partir de ce moment, le meme sera connu sous le nom d’“Oogatchaka baby”. En l’an 2000, on observe à nouveau un détournement du meme dans un épisode des Simpsons, lorsqu’une animation de Jesus qui fait les pas de danse du

“oogatchaka baby” figure sur l’écran. Ce clin d’oeil a toute son importance, car il montre l’utilisation des premiers memes sur les plateformes de type “weblog” de l’époque – la voie principale par laquelle les premiers memes ont circulé, comme nous le verrons plus tard. Cela démontre également l’omniprésence de cette image dans la culture populaire et les diverses formes qu’elle a pu adopter.

Le principe de “longévité” de Richard Dawkins qui est essentiel à la genèse d’un meme peut-être observé dans l’exemple du oogatchaka baby: En effet, on le retrouve en 2018, soit 22 ans plus tard dans un clip de la chanteuse Charli XCX pour sa chanson

“1999”, dans laquelle figurent également d’autres éléments phares des années 90.

Cela démontre parfaitement le processus décrit par Dawkins qui explique que malgré

(20)

le fait qu’un meme puisse aisément tomber dans les oubliettes de la culture collective, il suffit d’une personne pour qu’il refasse surface et qu’il génère une nouvelle viralité.

Le meme du cha-cha (ou plutôt, du oogatchaka) baby remplit tous les critères proposés par Dawkins. Psychologiquement, il provoque des rires, de la joie et de la légèreté à celui qui le regarde. Il a une longévité, comme nous l’avons vue, car il a réussi à se perpétuer sur plus de deux décennies ; il est fécond dans le sens où il est possible d’en créer des dérivés en tout genre, et par conséquent il a une bonne fidélité de copie, car il est simple, mais efficace.

2.1.3.3 Les memes aujourd’hui

Le contenu et la manière dont les memes se créent et se propagent ont changé avec l’évolution du Web. Le premier meme a été transmis et a atteint la viralité par le biais de l’e-mail. Pendant les années qui ont suivi, cette transmission a évolué avec l’avènement des premières plateformes du type messageries instantanées (Kostidakis, 2019). En parallèle, le développement du Web 2.0 et l’ère « post-AOL », des sites du type « forums 2.0 » tels que 4chan, Reddit et SomethingAwful sont apparus et ont facilité la communication ainsi que le partage de contenu

entre internautes.

Depuis le début des années 2000, un nouveau phénomène a pu être observé par les internautes. Ces derniers ont commencé à se piéger en s’envoyant le clip du chanteur Rick Astley pour sa chanson “Never gonna give you up” – cette action si populaire a même obtenu son propre nom : le fait de “rick roll” quelqu’un. Selon Perry Kostidakis (2019 : 24), cette vidéo a été une des premières vidéos à atteindre la viralité et le statut de meme sur internet. Pendant ce temps, l’apparition de YouTube en 2006 a alimenté l’émergence des memes vidéos. Lorsqu’un jeune homme a voulu partager l’incident du Superbowl 2004 (où Justin Timberlake a malencontreusement dévêtu Janet Jackson pour afficher sa poitrine devant toute la nation), il a réalisé qu’il n’existait pas de plateformes permettant le téléchargement et le visionnement de vidéos en ligne. C’est alors qu’il a créé YouTube - un outil qui a contribué à la popularisation et à la propagation du meme. Suite à la viralité de la vidéo de Rick Astley, les internautes ont réalisé qu’avec YouTube il était possible de générer eux-mêmes du contenu vidéo afin de le rendre viral. Nous remarquons cela avec Google Trends, qui nous montre

(21)

que le terme “viral video” a atteint un pic en 2006, soit une année après la création de YouTube.

Les memes sont devenus les fondements du discours public sur les reseaux sociaux.

Les memes et la culture populaire sont désormais étroitement liés – ils ne sont plus cachés dans les forums obscurs d’internet, comme ils l’étaient à une époque.

Aujourd’hui, ils se trouvent partout et sont accessibles à tous. Selon l’auteur, “memes have gone from a somewhat underground form of casual humor to becoming an everyday part of social interaction. They still get used as comedic devices more often than not, but they’ve also become such a recognized communicative method that they’re capable of spreading ideas, opinions and information” (Kostidakis, 2019).

2.1.3.4 Classification des memes selon la base de donnée Know Your Meme

Know your meme est une base de données qui recherche et rapporte des informations sur les memes internet et les phénomènes viraux au grand public. Trois ans après sa création en 2009, le site a atteint le seuil de 9,5 millions d’internautes par mois. Les sources d’informations proviennent de divers horizons, dont des chercheurs en sociologie, des « experts » d’internet et même des internautes voulant aider à la collecte d’information sur les memes. Cette base de données sera utilisée à plusieurs reprises dans ce travail pour estimer les memes les plus populaires du 21e siècle.

2.1.3.4.1 Les Dank memes

Les mêmes forment, par définition, un microcosme souvent réservé aux initiés comme l’explique Laineste : « Not everything in a meme can be understood by all potential repicipents: its complex multi-layered structure consists of references that are accessible to most, side by side with those that are unfamiliar and remain “closed” » (2016 : 20). Victimes de leur popularité, les mêmes sont devenus de réels outils dans le cadre du markéting de masse (annexe : figure A). Cela illustre la prolifération du phénomène mémétique. Selon Kostadikis, l’appropriation capitaliste des mêmes a provoqué leur division en deux catégories: les normie mêmes et les dank memes. Les normie mêmes sont des mêmes qui ont été employés et rediffusés dans le cadre d’une stratégie de markéting de masse. Une fois entrés dans le domaine du corporate, ces mêmes deviennent obsolète pour les internautes. Il utilise l’exemple de la vidéo

(22)

“Charlie bit my finger” qui date de 2007 et qui a plus de 868 millions de vues sur YouTube aujourd’hui. La vidéo a notamment été utilisée pour la marque de téléphone américaine Sprint et pour Google (ABC News, 2019). Les dank memes (annexe : Figure B) sont décrits par la base de données Know Your Meme comme “term used to describe online viral media and in-jokes that are intentionally bizarre or have exhausted their comedic value to the point of being trite or cliché”. Kostadikis émet l’hypothèse selon laquelle les mêmes vont continuer à évoluer et grandir malgré le fait que les méthodes par lesquelles ils sont consommés vont inévitablement changer.

2.1.3.4.2 Les Image-Macro memes

Les Image-Macro memes, aussi connus sous le nom Image Macros sont des images légendées, constituées typiquement d’une image et d’une phrase humoristique qui est superposée sur le bas – et parfois le haut – de l’image (annexe : figure C). Les images représentent le plus souvent des situations incongrues comme une petite fille qui sourit devant un incendie, ou bien des images tirées de films ou de situations historiques/contemporaines comme Ben Laden photoshoppé aux côtés du Muppet Kermit la Grenouille. Elles sont le plus souvent accompagnées de phrases décalées, voire cocasses, qui rendent la photo d’autant plus comique. Ce style de meme reconnaissable de par son image humoristique et sa légende incorporée en grandes lettres blanches a fait son apparition au début des années 2000. La base collective de données “Know Your Meme” explique que le terme est apparu sur le forum Something Awful en 2004, définissant le mot comme “derived from the computer scientific definition of a macro: a rule or pattern that specifies how a certain input sequence should be mapped to an output sequence according to a defined procedure” (KYM, 2019). Know Your Meme explique qu’au fil du temps, la définition d’image-macro a englobé toute image ayant du texte superposé.

2.1.3.4.3 Les Advice Animal memes

Les « Advice Animals » (annexe : figure D) est un type de meme qui est similaire aux Image Macros. La différence est qu’il est constitué de tout un canon de personnages représentant divers stéréotypes (animaux et humains confondus) et dont les variantes sans texte (appelées « templates ») sont proposées aux internautes qui souhaiteraient créer leur propre version du meme. Selon Know Your Meme, le succès des memes

(23)

« advice animals » a commencé suite à un image macro nommé « Advice Dog », partagé pour la première fois en Septembre 2006 sur le forum Mushroom Kingdoms.

Par la suite, un site spéficiquement destiné à la création de memes de l’ordre des Advice Animals a été conceptualisé en 2009 sous le nom de « Memegenerator ».

Cette plateforme a contribué à la propagation massive de memes du type Image Macro, et donc des Advice Animals. Parmi eux, on peut trouver des personnages tels que « Scumbag Steve », « Bad Luck Brian », « Creepy Wonka », ou encore

« Philoseraptor ». Les Advice Animals sont constitués d’un personnage de base, qui correspond généralement au texte partagé en haut et en bas de sa photo : une photo de « Bad Luck Brian » sera donc accompagnée d’un texte qui relate une histoire ou une blague liée à la malchance, alors qu’une photo de « Philoseraptor » sera encadrée de pensées philosophiques pour accompagner la figure pensive du protagoniste de l’image, un Vélociraptor dans la même position que le Penseur D’auguste Rodin.

Selon Marta Dynel, « Advice Animals are seen as cycles of visual – verbal jokes – widespread humorous units typical of participatory new media, which flourish via individual users’ creative contributions » (2016 : 660). Cependant, la particularité des Advice Animals se trouve dans le fait que son contenu n’est pas explicitement drôle (contrairement au Oogatchaka Baby ou à Grumpy Cat) à moins d’être accompagné par une légende humoristique. Il faut donc avoir l’image et son texte pour en déceler l’humour au risque de sembler incomplet. Ce besoin de complément est un facteur qui peut encourager les internautes à produire des variantes mémétiques de l’image de base. C’est un aspect du meme qui sera approfondi plus tard dans notre travail.

Ces personnages se sont emparés des réseaux sociaux à partir des années 2008 avant de devenir relativement obsolètes aujourd’hui. Ils ont également pavé le chemin pour d’autres types de memes tels que les LOLCatz et les Rage Comics qui, selon Know Your Meme, peuvent être considérés comme faisant partie du canon des Advice Animals.

2.1.3.4.4 Les Rage Comic memes

Les Rage Comics sont des memes constitués de dessins à l’aspect amateur, typiquement crées avec des outils digitaux basiques comme MS paint (annexe : figure E). Ils représentent des personnages avec des expressions faciales variées, illustrant

(24)

chacun une émotion et un type de comportement. Il semblerait que ce meme ait émergé sur 4chan en 2008 lorsqu’un utilisateur a publié une série de quatre dessins représentant la caricature d’un personnage visiblement enragé nommé « Rage Guy.

Par la suite, différents personnages ont été créés par d’autres internautes pour former le canon mémétique des Rage Comics. Ce type de meme est représentatif du côté amateur et accessible de ces images, dessinées grossièrement avec un programme gratuit et accessible à tous.

Ces comics relatent des expériences de la vie de tous les jours avec, pour la plupart du temps, une punchline humoristique. Tout comme pour les images-macros, il existe des sites générateurs de rage-comics qui permettent au grand public d’en créer. Ryan Milner explique que, malgré le fait que les Rage Comics et les Image Macros aient des formats différents, les thèmes abordés sont les mêmes. En effet, ils illustrent des

« winners and losers in social life » (2016 : 117), c’est-à-dire de personnages chanceux, et moins chanceux que l’auteur qualifie aussi de « ‘fail’, ‘what the fuck’ and

‘win’ memes ». Ces memes représentent donc des situations dans lesquels les internautes peuvent se retrouver, et sont un biais par lequel les internautes peuvent partager leurs propres expériences ou illustrer leurs réussites et leurs défaites avec leur entourage. Cela confère un aspect cathartique que l’on retrouve souvent dans les memes, et que l’on détaillera plus tard.

Selon google trends, l’apogée du succès des rage comics a été atteinte en février 2012, avec une courbe augmentant particulièrement depuis novembre 2010, c’est à dire une année après que reddit ait crée un fil de discussions sur les rage comics. Les Rage Comics sont aujourd’hui relativement obsolètes tout comme les image-macros en général, mais cela n’empêche qu’ils ont joué un rôle crucial dans la propagation du meme au début du 21ème siècle.

2.1.3.4.5 Les LOLcat memes

Les LOLcats sont des images de chats qui sont systématiquement accompagnés de légendes mal-orthographiées, dans le but d’illustrer la pensée du chat lorsqu’il se retrouve dans les situations cocasses illustrées par l’image (annexe : figure F). Leur présence sur internet peut être retracée au forum « I can haz cheeseburgers » dédié à la publication de photos, qui date de 2007. Par la suite, ce forum s’est entièrement dévoué à la publication de memes LOLcats, fabriqué et partagé par ses membres.

(25)

Malgré une baisse dans la popularité de ce type de meme, la plateforme de « I can haz cheeseburgers » est toujours active et, selon Kate Miltner, forme une communauté niche qui a développé son propre language, le « Lolspeak », ne permettant qu’aux initiés de comprendre les légendes de ces memes : « Enjoying the genre involves the sweet scent of an inside joke, understood by those who are immersed in the digital cultural landscape » (2017 : 111).

2.1.3.4.6 Les Reaction memes

Les Reaction Memes (ou « memes de réaction ») sont des images utilisées par les internautes dans le but de faire part de leurs émotions, que cela soit en réponse à une publication sur les réseaux sociaux, ou bien en réaction à une situation sur un forum (annexes : figure G). C’est donc l’usage, plutôt que le contenu de l’image en soi, qui fait d’une image un reaction meme. Il peut s’agir d’un image-macro, d’un advice animal, d’un rage comic ou simplement d’une photo sans connotation mémétique – avec ou sans texte. Cette pratique a pour but de véhiculer une émotion que l’on ressent sur le moment, afin de partager son ressenti avec autrui. Malgré le fait que les Reaction Memes n’aient pas de canon particulier, on remarque tout de même que les mêmes images sont souvent réutilisées. Au début des années 2010, l’émergence d’une grenouille nommée Pepe the Frog sur les réseaux sociaux a beaucoup fait parler. Dessinées grossièrement dans diverses situations comme mettant une fourchette en métal dans une prise, pleurant devant le miroir ou encore couché dans un cercueil, ces images dépeignant un personnage foncièrement malheureux ont été publiées par les internautes, souvent dans le but d’illustrer des émotions comme la tristesse, la désillusion ou la déception. Ce personnage (désormais devenu emblème du mouvement suprémaciste blanc aux USA) n’en est qu’un parmi tant d’autres. Le concept du Reaction Meme a évolué au fil du temps, et peut-être comparable aujourd’hui à l’envoi de GIF, une habitude répandue chez les milléniaaux et la génération Z.

2.1.3.4.7 Les Relatable memes

Les Relatable Memes sont des memes dont le contenu dépeint une situation à laquelle l’internaute peut s’identifier (annexes : Figure H). Il peut s’agir de situations du quotidien (le fait de courir après le bus et de le rater, le fait de passer du temps sur

(26)

internet au lieu de se mettre au travail, le fait de se taper le doigt de pied contre un meuble) ou de sentiments (l’angoisse du futur, l’anxiété liée à une situation, la frustration dûe à un acte manqué). Ce type de contenu permet à l’individu qui le crée de s’exprimer et de faire part de son ressenti. Son partage provoque une sorte de communion entre les individus qui éprouvent un même ressenti et contribue à souder les liens sociaux entre les internautes.

2.1.3.4.8 Les Twitter memes

Ce type de meme est défini par la plateforme sur laquelle il a été créé et propagé. Il contient donc toujours du texte, qu’il soit seul ou accompagné de contenu médiatique (annexes : Figure I). La plateforme de Twitter et les propriétés qui en découlent fait qu’un Twitter Meme est reconnaissable par une ou deux phrases qui, contrairement aux Image Macros et aux Advice Animals, ne sont pas superposées sur une image, mais utilisées pour légender une image ou une vidéo. Il se peut que le Twitter Meme soit constitué uniquement de texte, généralement humoristique (sous forme de boutade) ou parfois de l’ordre du commentaire sociologique. Lorsque le contenu est partagé sur d’autres plateformes que Twitter, il prend la forme d’une capture d’écran (contenant parfois le pseudonyme de son créateur). On observe une croissance du nombre de comptes Twitter (@FATJEW2, @RespectfulMemes3) et Instagram (@FuckJerry4, @Best_of_Grindr5) entièrement dédiés à ce type de contenu mémétique. Selon Google Trends, le nombre de recherches liées au terme « Twitter Meme » ne cesse d’augmenter depuis 2012 et a atteint le pic de sa popularité en novembre 2020 (sans doute dans le cadre des élections présidentielles américaines), une tendance qui démontre que, contrairement à ses prédécesseurs (du type Image Macro, Rage Comics ou Advice Animals), il est encore très à la mode aujourd’hui, particulièrement chez les générations Millénariales et Z.

2.1.3.5 Typologie des memes selon Limor Shifman

Pour mieux comprendre l’émergence et l’impact du meme dans la culture populaire, il est important d’en comprendre les différents composants, ainsi que leur classification.

2 https://twitter.com/fatjew

3 https://twitter.com/RespectfulMemes

4 https://www.instagram.com/fuckjerry

5 https://www.instagram.com/best_of_grindr

(27)

Les types de memes explicités ci-dessus font partie de ce que Limor Shifman divise en trois grands groupes : les real-life moment memes, les remix memes et les digital native memes (2015 :117).

2.1.3.5.1 Real-Life Moment Memes

Le premier groupe cité par Shifman désigne un type de meme basé sur la documentation de « Real-life moments », ou d’événement du quotidien qui a eu lieu dans un espace non digital et concret. Il donne l’exemple des « photo fads » (des défis lancés aux internautes, à exécuter dans leur vie en dehors du web) comme le

« planking » (qui vient du mot « planche »), un mouvement lancé sur Reddit qui encourage les internautes à se coucher sur une surface dans un lieu public et à ne plus bouger, ou bien les « flash mobs », une idée venant du même forum, qui incite les internautes à réunir des groupes de personnes pour exécuter une même chorégraphie, ou une même action dans des lieux publics. Le but est de se prendre en photo ou de se filmer, puis de le publier sur les réseaux afin de porter sa pierre à l’édifice de cette initiative de groupe.

2.1.3.5.2 Remix Memes

Le deuxième groupe cité par Shifman englobe tous les memes qui sont le fruit d’une manipulation de contenu médiatique de masse, qu’il soit visuel ou audiovisuel, appelé

« remix memes ». Ces memes transforment ce contenu issu de la culture populaire, que cela soit pour critiquer, ou applaudir des faits de culture contemporaine. Ce deuxième groupe concerne entre autres les « reaction photoshops » (détaillés ci- dessus, et souvent issus de photos de célébrités ou bien d’images de stock) et les

« lip dubs » (le fait de se filmer en train de faire du playback sur des chansons mondialement connues, comme avec l’exemple du « Numa Numa guy » qui danse sur la chanson « Dragosta Din Tei » du groupe O-zone).

2.1.3.5.3 Digital Native Memes

Enfin, le troisième groupe cité par Shifman est celui sur lequel ce travail se focalise. Il s’agit de contenu né sur le web, et fabriqué par les internautes dans le but de contribuer à l’univers digital – que cela soit à des fins d’expression personnelle ou

(28)

humoristique. Popularisés en 2007, ces memes sont connus par une grande partie des digital-natives (c’est à dire des générations qui ont grandi en parallèle à l’émergence du web 2.0), car ils représentent l’apogée du produsage. Selon l’auteur,

« these genres embody the development of a complex grid of signs that only those ‘in the know’ can decipher. Thus, in order to produce and understand LOLcats, users need to master LOLspeak ; to create a rage comic, the user requires familiarity with a broad range of new symbols » (2015 : 118). Alors que le deuxième groupe des

« Remix Memes » est constitué de photos et de vidéos jouant sur du contenu produit par les médias de masse, le contenu de ce troisième groupe est essentiellement fabriqué par des amateurs.

2.1.4 Les Plateformes du web 2.0 2.1.4.1 Les réseaux sociaux

Une augmentation nette du rôle proactif des internautes a été constatée lors de cette dernière décennie, autant au niveau de la production et du partage de contenu. Selon Richard Jenkins, cela a facilité l’émergence d’une culture participative, encouragée par la technologie (2015 : 3). Les réseaux sociaux se sont développés avec le changement de paradigme du web 1.0 au web 2.0. Cette transition s’est ressentie au niveau de l’expérience en ligne, notamment au niveau des pages web qui sont passées de statiques à interactives. On considère que c’est l’émergence du web en

« temps réel » (Weitz, 2016). Il y a aussi eu un changement au niveau du modèle de performance d’internet. Initialement, il était possible de visiter des pages web, lire du contenu et visionner des vidéos, sans pour autant y participer activement. La présence des internautes sur le web n’avait pas d’effet proactif. Le web 2.0 a permis un avancement en technologie qui a rompu le quatrième mur, permettant aux utilisateurs d’interagir en temps réel, et de créer, modifier et partager du contenu avec autrui.

L’émergence de plateformes a encouragé cette interaction entre internautes par le biais de plateformes dites de « microblogging » (MySpace, Bebo, Orkut) sur lesquelles les utilisateurs peuvent se créer un profil, publier et partager du contenu et inviter d’autres personnes à faire partie de leur cercle d’amis. C’est ce que Weitz caractérise de « monde sémiotique » où les utilisateurs ont un accès immédiat à ce qui est en train d’être fait et dit sur internet, à n’importe quel moment : c’est le début des réseaux sociaux. Par la suite, de nouvelles plateformes de « microblogging 2.0 » telles que

(29)

Facebook, Twitter et Instagram se sont emparées du web et exercent aujourd’hui un monopole sur les réseaux sociaux. La popularisation de ces réseaux a provoqué de nouvelles manières de communiquer et a encouragé l’interaction sociale par le biais de contenu multimodal comme le texte, les photos, la musique et les vidéos.

Selon le Digital Report, plus de 3,5 milliards de personnes sont sur les réseaux sociaux en 2019 – ce chiffre n’est cependant pas homogène, et la concentration d’utilisateurs présents sur les réseaux varie entre les pays. Le mode de consommation sur ces réseaux sociaux est de l’ordre de ce que Brooks et Churchill appellent l’ « information snacking » (2010, 4), où les utilisateurs se connectent lorsqu’ils ont un peu de temps devant eux – que cela soit chez le médecin, dans une salle d’attente ou lors d’une pause au travail – pour consulter le contenu (texte, photo, vidéo, musique) qui les intéresse, disponible au moment où ils se trouvent connectés.

2.1.4.1.1 Facebook

Le réseau social américain Facebook a été créé en 2004 par Mark Zuckerberg et fait aujourd’hui du Big Four (ou « GAFA », acronyme donné par Eric Schmidt, ancien CEO de Google), constitué des compagnies considérées comme ayant provoqué un changement radical dans la société à cause de leur rôle dominant dans le quotidien des humains. D’origine destinée aux étudiants de l’université de Harvard, puis d’autres universités à travers le monde dans le but de connecter les étudiants entre eux, Facebook s’est démocratisé en 2006 lorsqu’il a permis à toute personne de plus de 13 ans de s’y inscrire gratuitement. À partir de 2010, Facebook est devenu la plus grande plateforme de partage d’images, détrônant la concurrence comme Flickr et MySpace. Aujourd’hui, Facebook compte plus de 2 milliards d’utilisateurs actifs par mois (Digital Report), faisant de la plateforme le réseau social le plus populaire au monde.

2.1.4.1.2 Twitter

Développée en 2006, la plateforme Twitter permet aux utilisateurs de publier des messages sous forme de textes de 140 caractères maximum (environ deux phrases).

Appelées des « tweets », ces phrases peuvent être partagées avec le grand public de Twitter, ainsi que les personnes qui décident de s’abonner au compte (connu sous le nom de « followers »). Ce réseau a pour but d’imiter le flux de la conscience de ses

(30)

utilisateurs, qui peuvent publier leurs pensées et leurs réflexions à tout moment. Ces tweets sont accessibles en dehors de Twitter, envoyé et reçu par mail, SMS (short message service) ou au moyen d’un moteur de recherche, si le profil n’est pas privatisé. Ils peuvent également contenir d’autres formes de contenu multimédia comme des photos, des vidéos ou des liens. Aujourd’hui, on compte plus de 340 millions d’utilisateurs actifs sur twitter – un chiffre bien moins élevé que celui de Facebook, mais tout de même conséquent. Dans les dernières années, les Tweets sont devenus des memes à part entière lorsqu’ils ont commencé à être partagés en masse sur d’autres réseaux sociaux, un phénomène dû en partie à la créativité qu’engendre le fait de devoir restreindre son message à un chiffre maximum de caractères, et poussant les utilisateurs à faire preuve d’imagination pour produire des boutades courtes et humoristiques. Souvent mêlés à des images, des vidéos et des GIFS – les tweets constituent un format non chronophage, facile à consommer et facile à partager. Cette popularisation de memes sous la forme de tweets a fait resurgir le succès des « canned jokes » (Dynel, 2016), c’est-à-dire des blagues orales, dites traditionnelles.

2.1.4.1.3 Instagram

Instagram est un réseau de partage de photos et de vidéos lancé en 2010 par Kevin Systrom et Mike Krieger. Initialement conçu uniquement pour la publication de photos et de vidéos, le réseau a suivi ses prédécesseurs en y incorporant un service de messagerie en 2015, ainsi que la possibilité de publier du contenu multimédia éphémère et de ne partager du contenu qu’avec des abonnés désignés comme « amis proches ». Le réseau a donc pris exemple sur ses concurrents pour affiner la possibilité de lien entre ses utilisateurs. Instagram compte aujourd’hui plus d’un milliard d’utilisateurs et se situe quantitativement parlant entre Twitter et Facebook.

2.1.4.2 Les forums 2.1.4.2.1 Tumblr

La plateforme en ligne Tumblr a été créée en 2007 par David Karp. Le site est constitué par un réseau de blogs personnels, auxquels on peut s’abonner. C’est un réseau particulièrement visuel avec du contenu issu de divers médias ou créé par les utilisateurs. Ce contenu peut ensuite être partagé sur les autres blogs et légendé ou

Références

Documents relatifs

Des sensations confuses passèrent alors dans son esprit : Wond s'éveillait, elle sentait ses pen- sées s'organiser, des visions fugaces passer.. Elle reconnut avec

Cette édition numérique a été réalisée à partir d’un support physique parfois ancien conservé au sein des collections de la Bibliothèque nationale de France, notamment au titre

En même temps, et immédiatement, il faut mener auprès des femmes et des hommes, dans le syndicat et dans la lutte politique dans son ensemble, la bagarre pour un changement

The reading workshops for children and young people supervised by seniors, young people that facilitate the use of new technologies of information and

Les rencontres aborderont les questions suivantes :- les générations et les rapports sociaux, les générations et la question de lécole, les générations face au temps, la

Le capitaine de l'Entreprise était conscient qu'il devait avoir l'air stupide, avec sa bouche grande ouverte ainsi, mais son cerveau n'était pas en mesure de lui.. ordonner de

Mais ce que cette position archaïque a de remarquable, c'est que ses réactions de méfiance à l'égard de la bisexualité, donc parfois à l'égard de

Clair de lune, pour sûr, un découvert mortel, des traquenards en bordure de l'oasis, peut-être un 75 qui les fauchera net, en tout cas la fusillade à bout portant, puis