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5.1.3.2.11.2 Texte uniquement

5.2 Connaissances liées au corpus mémétique .1 Connaissances générales

5.2.2 Habitudes liées aux Memes

Il est important de souligner le fait que les « Relatable Memes » et « Twitter Memes » ne représentent pas un meme en particulier, puisqu’ils servent à illustrer le nouveau type de contenu qui a émergé sur Instagram et Twitter lors des dernières années. Il a donc paru important de sonder les participants sur ce nouveau type de meme (figure 64, analysée en détail au point 4.1.4) qui a pour but d’illustrer une situation ou une humeur à laquelle l’internaute peut s’identifier. Il semblerait en effet que l’émergence

de ce type de relatable meme est en corrélation avec l’utilisation plus personnelle et individualiste des réseaux et de la production de contenu. Cette partie du questionnaire sert également à mieux comprendre les habitudes liées aux memes de manière générale.

La génération Z est la plus nombreuse à prétendre pouvoir s’identifier à ce type d’image (80%), suivie de très près par la génération des milléniaux (75%). Les répondants issus de l’échantillon de la génération X sont beaucoup moins nombreux à être d’accord avec cette affirmation (30%), un résultat tout de même trois fois plus élevé que chez la génération des baby-boomers (10%). Au niveau du partage de ce type de contenu avec l’entourage (figure 66), la tendance est la même. Les répondants issus de la génération Z sont les plus nombreux à prétendre pouvoir partager ce style de meme avec leur entourage (60%), suivis de très près par la génération des milléniaux (53%). Concernant les générations X et des baby-boomers, les résultats sont les mêmes que pour l’identification personnelle (30% et 10%, respectivement).

En ce qui concerne le fait de créer ce type d’image (figure 67), la génération Z est celle qui a répondu le plus favorablement à cette affirmation (45%), soit un taux deux fois plus élevé que chez les milléniaux. Les générations X (7% de réponses positives) et des baby-boomers (4% de réponses positives) ont été pour la majeure partie, en désaccord avec cette affirmation. Ces résultats illustrent les divers rôles qu’occupent les générations au sein des réseaux sociaux : La génération Z rentre dans la catégorie des créateurs, la génération des milléniaux dans celle des créateurs-synthétiseurs, la génération X rentre dans la catégorie des synthétiseurs-consommateurs et la génération des baby-boomers dans celle des consommateurs. Ils corroborent également les concepts abordés ci-dessus concernant les différentes gratifications générationnelles liées au contenu mémétique. Les plus jeunes générations, qui ont pour habitude de consommer et de partager du contenu dans un but de gratification personnelle et sociale, s’identifient plus facilement à ce type de meme que les baby-boomers – tandis que la génération X se trouve entre les deux extrêmes. Ces mêmes buts vont motiver les plus jeunes générations à créer et partager du contenu de ce type avec leur entourage, dans le but d’améliorer leur estime de soi ou pour signaler une appartenance au groupe, alors que les générations plus âgées, particulièrement celle des baby-boomers, vont favoriser un contenu plus pragmatique et objectif et une utilisation plus passive des réseaux.

5.3. Analyse en temps de crise

Le questionnaire de ce travail a été élaboré et distribué en mars et avril 2020, soit au début de la pandémie du Covid-19. Les répercussions liées à cette crise sanitaire ont obligé les individus à rester chez eux et ont radicalement changé leurs habitudes, provoquant un bouleversement social et une scission entre anciennes routines et nouvelle réalité. En plus d’avoir un impact sur le quotidien des individus, il semblerait que la crise ait largement impacté leurs habitudes liées à internet et aux réseaux sociaux. Entre le mois de février et le mois d’avril 2020, le taux de fréquentations sur Facebook a augmenté de 27%, de 16% pour YouTube, et les plateformes de messagerie instantanées comme Whatsapp et Messenger ont été assaillies au quotidien (Koeze & Popper, 2020). Il a donc semblé intéressant de voir si ce bouleversement a affecté les habitudes de création et de partage mémétique, en se basant sur la théorie des Trois C de Lisii Laineste (2016) selon laquelle les situations de conflit, de catastrophe et de crise augmentent le partage et la propagation de contenu.

Comme dans le cas du corpus mémétique, les résultats liés aux habitudes de production et de partage en temps de crise ont été analysés en profondeur au point 4.1.5. Il s’agira ici d’en déceler les tendances générales. Les affirmations sur lesquelles les participants ont dû se baser pour cette partie du questionnaire sont en lien avec les figures 69, 70, 71 et 72, quatre memes avec du contenu lié à la crise ou à ses différentes répercussions.

De manière générale, la situation de crise du Covid-19 a bouleversé les tendances liées aux memes, particulièrement chez les générations plus âgées. Concernant l’identification avec le contenu mémétique (figure 73), deux fois plus de répondants issus de la génération X ont prétendu pouvoir s’identifier aux memes en lien avec la crise du Covid-19 qu’en temps normal, soit 60% en tout. Les participants issus de la génération des baby-boomers ont été cinq fois plus nombreux à prétendre s’identifier avec le contenu mémétique présenté, soit 40% de plus qu’en temps normal. Il semblerait donc que la situation de crise ait rompu cette barrière entre les usagers plus âgés et le contenu mémétique pour en faciliter l’identification chez ces derniers.

L’effet de la pandémie semble avoir éliminé toute hiérarchie entre les générations, car tous les individus en ont subi les conséquences, peu en importe leur âge ou leurs compétences.

Alors que le taux d’identification des générations Z et millénariale en cas de crise est du même ordre que d’habitude, le nombre de participants issus de ces deux générations qui ont prétendu y reconnaître des personnes de leur entourage est très élevé (figure 74). Tandis que ces derniers étaient peu nombreux à prétendre partager du contenu qui pourrait faire rire, toucher ou intéresser autrui, il semblerait que la crise ait provoqué un changement au niveau des habitudes individualistes de ces plus jeunes générations, et donc un bouleversement dans les gratifications en lien avec l’usage des médias. Il paraît en être de même pour la génération des baby-boomers, dont 60% des répondants ont prétendu partager ce type de contenu, soit deux fois plus qu’en temps normal (figure 75). Le changement lié aux usages et aux gratifications de cette génération se fait donc au niveau du contenu qu’elle partage : alors que d’ordinaire elle privilégie le contenu objectif et informatif, la situation de crise semble augmenter l’incidence au niveau du partage de contenu plus personnel. Cela va de pair avec l’idée selon laquelle ce type de contenu mémétique, toujours en lien avec la crise du Covid-19, permet aux internautes de se sentir moins seuls face à une telle situation. Les générations Z et millénariale sont très nombreuses à être d’accord avec cette affirmation, ce qui n’est pas étonnant au vu de leurs besoins de gratification personnelle et émotionnelle. Cependant, les répondants issus de la génération des baby-boomers ont été aussi nombreux que la génération X (43%) à être d’accord avec cette affirmation. Alors que leur côté plutôt pragmatique et leur maturité font qu’ils ne ressentent pas forcément le besoin d’être rassurés au quotidien, la situation de crise provoque une incertitude globale et un besoin de réconfort qui peut être trouvé dans ce type de contenu mémétique.

La tendance liée à la production de memes en cas de crise (figure 76) n’est pas très différente que d’habitude, si ce n’est une augmentation chez la génération X et les baby-boomers. En effet, en cas de crise, les participants issus de la génération X sont deux fois plus nombreux à prétendre créer du contenu mémétique (soit 14%). En ce qui concerne la génération des baby-boomers, elle semble passer de consommateur à créateur-consommateur car le nombre de réponses prétendant créer du contenu mémétique est cinq fois plus élevé (20%) en cas de crise qu’en temps normal.

L’augmentation de la production mémétique en période de Covid-19 se voit également chez les milléniaux, qui sont 10% de plus à créer du contenu mémétique que d’habitude. La génération Z reste cependant celle avec le plus grand nombre de

réponses positives liées à la production de memes, soit le même taux qu’en temps normal (45%). Il est difficile de connaître les raisons exactes derrière cette augmentation de création de contenu que l’on constate chez trois des quatre générations sondées. Il se pourrait que cela soit dû au fait d’avoir plus de temps libre (l’augmentation a lieu chez les trois générations qui, théoriquement, sont déjà lancées dans la vie active et professionnelle ). En effet, nous avons vu que le trafic sur internet a radicalement augmenté depuis le début de la crise, sur les réseaux sociaux ou sur les plateformes de messagerie instantanée. Étant donné que la majorité de la génération Z n’a pas encore l’âge de travailler et occupe une présence quotidienne sur internet, cette augmentation pourrait être en partie due à l’accroissement du nombre d’internautes issus des générations millénariale, X et baby-boomer. Ainsi, il se pourrait que des générations qui d’habitude n’ont pas beaucoup de temps à consacrer à la production de contenu mémétique se retrouvent dans une configuration qui pousse l’individu vers une participation plus active. Nous avons également constaté que la génération des baby-boomers opte généralement pour un partage massif de contenu, destiné à plusieurs contacts en même temps. En situation de crise, il pourrait donc leur sembler plus propice de créer, puis d’envoyer du contenu en lien avec la pandémie du Covid-19.

La plupart des répondants, toutes générations confondues, ont constaté une augmentation autant dans le partage que dans la réception de contenu mémétique en période de crise (figure 78). En moyenne, 57% des répondants ont constaté une augmentation dans leurs habitudes de partage de contenu (figure 79). Les participants issus de la génération des baby-boomers ont été les plus nombreux à prétendre partager du contenu depuis le début de la crise. Cela soutient l’idée selon laquelle les tendances générales liées à la consommation, à la production et au partage de contenu de cette génération ont subi une nette augmentation depuis le début de la pandémie.

On observe donc une augmentation intergénérationnelle au niveau du partage (et donc de la réception) de memes. En effet, 70% des participants de l’enquête ont prétendu recevoir plus de contenu mémétique en temps de crise que d’habitude.

En ce qui concerne la nature du contenu partagé par les participants (figure 80), 55%

d’entre eux ont répondu qu’il était en lien avec la pandémie du Covid-19, particulièrement chez les baby-boomers (70%) qui ont été deux fois plus nombreux

que la génération X, ainsi que les générations Z et milléniaux, à prétendre partager du contenu en lien avec le Covid-19. Au niveau de la nature du contenu reçu (figure 81), 74% des participants ont répondu qu’il était en lien avec la crise – en particulier la génération Z et les baby-boomers.

Lorsque l’on compare les résultats liés à la compréhension d’un meme ordinaire (figure 68), avec ceux liés à la compréhension d’un meme en rapport avec la crise du Covid-19 (figure 82), on constate un grand écart au niveau des réponses données par les générations plus âgées. La compréhension de contenu mémétique par les générations Z et millénariale est du même ordre en temps de crise qu’en temps normal, tandis que cette tendance est deux fois plus élevée (96%) chez les répondants issus de la génération X lors d’une situation de crise comme celle du Covid-19. Malgré le fait que ce taux soit plus bas au sein de l’échantillon des baby-boomers, il est également démultiplié en temps de crise, pour atteindre 76% de réponses favorables au fait de comprendre le contenu d’un meme. Cela signifie que les compréhensions mémétiques des générations X et les baby-boomers ont doublé depuis le début de la pandémie. Cette augmentation a un lien indéniable avec la nature du contenu reçu et partagé, qui représente ici des situations humoristiques, énervantes et frustrantes, provoquées par la pandémie et qui touche, en raison de ce fait, un public beaucoup plus massif que le contenu des « relatable memes » ordinaires. Le contenu des memes qui ont un rapport avec la situation du Covid-19 peut s’appliquer à quiconque, car cette situation est mondiale, et ne discrimine ni l’âge, ni les compétences ni encore le milieu socioculturel de l’internaute qui le consomme. Pour ces raisons, l’identification personnelle est beaucoup plus probable, peu importe la génération.

L’augmentation de la production, de la consommation et du partage de contenu mémétique semble donc étroitement liée à la nature de ce contenu, essentiellement et inévitablement en lien avec la crise du Covid-19.