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Oncologie : Article pp.33-37 du Vol.6 n°1 (2012)

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ARTICLE ORIGINAL /ORIGINAL ARTICLE DOSSIER

Changer les représentations négatives à l ’ égard des sujets âgés en oncogériatrie

Changing the negativ représentations of old age cancer patients in geriatric oncology

F. Barruel

Reçu le 8 janvier 2012 ; accepté le 26 janvier 2012

© Springer-Verlag France 2012

RésuméDifférentes représentations des soignants à l’égard du sujet âgé atteint de cancer font obstacle à une prise en soin adaptée et incitent à réfléchir aux conditions possibles d’amélioration des pratiques. L’observation des modalités d’information des soignants vers les patients permet de repérer des pratiques d’évitement et de mensonge qui mettent en évidence le pessimisme des représentations des soignants à l’égard des sujets âgés atteints de cancer.

L’étude des attitudes des patients montre que de leur côté, ces derniers « manipulent » l’information donnée aux soi- gnants, tentant ainsi de minimiser la situation et de conser- ver au maximum leur autonomie. Et finalement, bien que d’une place différente, patients et soignants sont mus par des représentations négatives identiques, qui orientent le plus souvent la relation sans permettre de s’intéresser de plus près aux besoins de chacun. Un retour sur les particu- larités psychiques du sujet atteint de cancer suggère un autre regard possible sur le patient âgé atteint de cancer, et indique des pistes pour accompagner le changement de pratiques à l’égard des patients âgés atteints de cancer.

L’application de la démarche participative (démarche issue de l’univers palliatif et applicable à toute situation de soin) qui comprend tout à la fois la notion de projet d’équipe, la formation des professionnels et les espaces d’échange dédiés aux professionnels est suggérée pour appréhender différem- ment les soins des personnes âgées atteintes de cancer. En conclusion, la généralisation d’un projet d’oncogériatrie développé dans le cadre de la démarche participative est pro- posée dans tout service adulte d’oncohématologie, pour changer les représentations négatives des soignants, et contri- buer à l’amélioration de la prise en charge des sujets âgés atteints de cancer.

Mots clésReprésentations · Pratiques d’information · Changement de regard · Particularités psychiques du sujet âgé · Démarche participative · Projet d’oncogériatrie AbstractWith regard to the elderly cancer patient, different approaches by care providers hinder appropriate patient care and bring the matter of possible conditions for improving practices into consideration. An observation of the procedu- res for informing patients by the care providers allows the avoidance and truth avoidance tactics to be identified, which highlights the pessimism of care providers’ thoughts with regard to elderly cancer patients. The study of patients’atti- tudes showed that, from their point of view, they “manipu- late” the information they give to care providers, making light of their situation and thus preserving as much of their independence as possible. Finally, although from a different area, patients and care providers are driven by identical negative thoughts, that often shape the relationship without allowing attention to be given to each other’s specific needs.

A return to the psychological characteristics of a cancer patient suggests another possible perspective on the elderly cancer patient, and identifies the ways in which to support the changes in practices with regard to elderly cancer patients. The implementation of a participatory approach (an approach seen in the palliative care domain and appli- cable to all care situations) that encompasses the concept of a team project, professional training and areas dedicated to discussions with colleagues, is suggested as an alternative way to look at the care of elderly cancer patients. In conclu- sion, the concept of a Geriatric Oncology project, developed within the scope of a participatory approach, is proposed for all adult Oncology and Haematology departments, to change the negative ideas of care providers and contribute to the improvement of the management of elderly cancer patients.

Keywords Connotations · Information practices · Change the outlook · Psychological Characteristics of an elderly patient · Participatory approach · Geriatric Oncology project

F. Barruel (*)

Service doncohématologie, GHI Montfermeil,

10, avenue du Général-Leclerc, F-93370 Montfermeil, France e-mail : f.barruel@ch-montfermeil.fr ;

florence.barruel@gmail.com DOI 10.1007/s11839-012-0357-3

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Introduction

Différentes représentations des soignants à l’égard du sujet âgé atteint de cancer font obstacle à une prise en soin adap- tée. Notre objet est de réfléchir à la possibilité de les trans- former pour améliorer les pratiques.

Pour plus de simplicité, nous nous attacherons dans ce texte à parler des sujets âgés non déments.

Pratiques en matière d

information des professionnels

Quelles sont les pratiques actuelles en matière de prise en charge plus spécifiquement relationnelle, et en considération de l’âge du sujet ?

Plusieurs attitudes sont classiquement rencontrées :

lomission ; on « fait traîner », oubliant de donner des résultats ;

le mensonge ; on transforme le nom de la maladie et on parle de lésion, kyste…en évoquant une sciatique plutôt que des métastases osseuses… on ne prononce pas le terme de cancer ou de chimiothérapie, ou encore, on parle de rayons ou chimiothérapies préventives en banalisant la situation et en restant dans le flou…;

on dit aussi parfois le diagnostic sans trop de précautions, comme si « au regard de l’âge », la maladie n’était qu’un détail.

Le plus souvent aussi, l’annonce du cancer est faite aux familles, en premier lieu, et même exclusivement, le plus fréquemment. On fait d’ailleurs l’économie de se demander si les proches souhaitent savoir, et quoi. Loin de considéra- tions éthiques et du droit des malades à l’information, on engage donc celles-ci à assumer à la place du malade les décisions le concernant, faisant l’impasse sur la possibilité de considérer le malade comme sujet à part entière, plus qu’avec toute autre population.

Si d’une manière générale, l’annonce d’un cancer n’est jamais aisée, elle semble bien particulièrement difficile à exprimer à un sujet âgé, et fondée sur des représentations pessimistes [2].

Représentations à propos de l

information du sujet âgé

On relèvera plusieurs tendances :

le sujet âgé ne pourrait supporter l’annonce d’une maladie grave en plus de la « pénible » condition de la fin de vie, ou au contraire ;

il naurait pas besoin de le savoir, puisque de toute façon, ça ne change rien, il mourra bientôt, ou ;

le sujet âgé serait trop fragile pour supporter les traitements ;

la maladie serait libératrice pour des sujets qui « attendent la mort », il ne serait donc pas judicieux de traiter.

Il semblerait que l’information énoncée au sujet âgé soit souvent guidée par ces représentations, plus que par l’analyse des besoins du patient.

Or, certains travaux et l’examen des situations cliniques quotidiennes nous ramènent à d’autres réalités qui interro- gent ces représentations :

plusieurs études tendent à prouver que des traitements de référence validés pour des adultes de moins de 65 ans

« peuvent être administrés chez les sujets âgés non fragi- lisés avec une tolérance aussi bonne que celle des patients plus jeunes. » [8] ;

la différence « présumée » liée à l’âge n’est pas confirmée concernant le taux d’acceptation de participation aux essais thérapeutiques qui ne diffère pas entre sujet âgé et adulte jeune [2] ;

probablement en raison de cette plus grande proximité d’avec la mort liée à l’âge, l’angoisse du malade au sujet de la finitude a tendance à augmenter même si elle ne se dit pas toujours facilement. Il existe en fait une nécessité de prise en compte de cette angoisse pour le malade, et aussi d’être aidé à se préparer à la question de la finitude ;

si certains « attendent la mort », ils n’en souffrent pas moins pour autant, nécessitant une attention spécifique et de l’écoute, ce qui parfois modifie leurs objectifs.

Ces pratiques interrogent d’autant plus aujourd’hui qu’a- près les états généraux des patients atteints de cancer, la généralisation du dispositif d’annonce et la loi de 2004 sur le droit à l’information du malade, on commence à intégrer la nécessité d’informer et de dialoguer afin de se situer dans un « partenariat » avec le malade.

Par ailleurs, on sait aujourd’hui très bien identifier l’impact du « dire » ou du « non-dire » sur le sujet, à propos de son état de maladie. On aboutit théoriquement, à la conclusion suivante : même si l’annonce de la maladie grave est une mauvaise nouvelle, elle est mieux supportée et préférable au silence et à l’incertitude sur le diagnostic [9,10].

Et pourtant, malgré ces avancées, on éprouve des difficul- tés particulières à annoncer le cancer à la personne âgée. La situation du patient âgé doit-elle vraiment faire exception ? N’y aurait-il pas un intérêt pour lui, comme pour l’entourage et pour les soignants à nommer la situation et à contribuer à un repérage possible pour tous ? Doit-on considérer a priori que le sujet âgé ne souhaite pas savoir ce dont il est atteint et être informé sur ses traitements, comme certaines pratiques en cours le laisseraient supposer ?

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On doit en tout cas constater, qu’au regard des pratiques, l’information énoncée au patient âgé en cancérologie semble d’abord répondre aux représentations des soignants sur la situation.

Elle semble se développer et être contrôlée de façon à permettre d’éviter ce qui met mal à l’aise l’ensemble des protagonistes ; la situation répond à des peurs des soignants, comme à celles des patients. Les enjeux éthiques, psycholo- giques et éthiques sont plus complexes que pour d’autres patients [12].

Enjeux relationnels soignants/sujet âgé atteint de cancer

On notera qu’il existe une double difficulté, voire une stigmatisation, liée d’une part au cancer et d’autre part à la vieillesse, ces deux aspects étant symboliques de la fin de vie.

Le sujet âgé peut renvoyer une certaine violence au soi- gnant, liée à son inactivité sociale et à sa proximité d’avec la mort, mettant en avant des aspects angoissants : et la notion de dépendance accrue, et la notion de responsabilité du soignant.

Les patients de leur côté, « doublement » confrontés à cette situation de fin de vie, voient les quelques processus d’élaboration psychiques propres au vieillissement être chamboulés et s’effondrer.

Pour avancer un peu plus précisément dans la réflexion, il faut remarquer que l’on a plutôt l’habitude de parler des pratiques des soignants et d’oublier que les malades eux- mêmes ont leurs « pratiques » spécifiques, utiles à observer pour comprendre la relation de soins et s’y repérer.

Face à des soignants qui limitent et simplifient l’informa- tion, les sujets âgés sont plutôt résignés, voire déprimés, ou encore, parfois révoltés, refusant les soins, s’isolant dans un mutisme. Considérant que la dépression liée à l’âge peut être un obstacle pour adhérer à un traitement mais aussi pour le supporter [6], on notera les conséquences possibles de ces pratiques.

La plupart du temps, ils ne posent aucune question aux médecins, probablement très marqués par un modèle de rela- tion au médical paternaliste. Les médecins se trouvent sans doute facilement renforcés de ce fait dans la croyance qu’il n’est pas judicieux de leur en dire plus.

Face à une information limitée, on remarque alors que

« La gestion de l’information, du côté des patients, passe en grande partie par la gestion des symptômes » [5].

Par contre, ils se plaignent régulièrement aux soignants et/

ou aux proches, questionnant répétitivement sur les raisons de leur hospitalisation, exprimant qu’on ne leur « fait rien », demandant inlassablement, quelles que soient les réponses, pourquoi on leur fait ces traitements, ou, ne demandant plus rien, se laissant « glisser », se coupant de tous contacts.

Si les patients sont « coincés » dans ce décalage de communication, ils maîtrisent un autre aspect qui passe souvent inaperçu : eux aussi « mentent », ou « omettent ».

Ils contrôlent de leur côté, l’information qu’ils donnent aux médecins [5].

Ils adoptent aussi « le mensonge » dans leurs pratiques. Il est important de le repérer pour mieux cerner les véritables enjeux de la relation de soins, et réaliser que les pratiques soignantes ne peuvent être envisagées de manière isolée, mais dans un contexte dynamique. Du coup, plutôt que de fustiger les soignants ou de les culpabiliser, on peut alors se demander ce que le mensonge vient tenter d’opérer au cœur des pratiques.

« L’information donnée par le malade à travers la présen- tation des symptômes est parfois parcellaire. En effet, les médecins ne sont pas les seuls à ne pas donner toute l’information dont ils disposent à leurs patients : le patient se livre parfois à une manipulation dans la présentation de soi, dissimulant ou minorant ses symptômes. Le mécanisme le plus fréquent est celui qui consiste pour le patient à les minimiser. Le patient donne des informations sur lui de manière à essayer d’orienter le médecin vers un diagnostic sans gravité…» [5].

On voit ainsi des patients qui tentent par exemple de dis- simuler certains symptômes ou événements, de manière à empêcher une hospitalisation, le plus souvent angoissante et synonyme de régression, prometteuse d’une perte d’auto- nomie qui leur fait peur. La rétention d’information vise à éviter un diagnostic grave, et à infléchir les décisions médi- cales en matière d’hospitalisation ou de traitement jugé trop lourd par le malade.

Fainzang montre que cette « manipulation » de l’informa- tion par les malades et leurs secrets n’empêche pas que lors- qu’ils ont la possibilité de s’exprimer sur leurs symptômes, ils disent être tristes de ne pas se sentir pris en considération par les médecins. Du coup, ils estiment que l’information reçue est vaine.

Voilà sans doute pourquoi les patients tolèrent et s’accom- modent des pratiques des soignants qui dissimulent certains éléments d’information, et que les soignants font de même.

Et finalement de ce point de vue, les différents protago- nistes de la relation de soins sont, d’une place différente, mus par des représentations identiques, mais isolés chacun dans leur coin.

Seule une communication centrée sur le sujet malade et prenant en compte les représentations soignantes peut réduire cet isolement. Elle seule peut rectifier les représenta- tions erronées et leurs effets négatifs.

Deux directions peuvent sans doute y contribuer :

une connaissance des processus psychiques liés au cancer chez le sujet âgé ;

un accompagnement spécifique.

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Processus psychiques liés au cancer chez un sujet âgé

Il est utile de s’interroger sur le sens du cancer chez les sujets âgés, sur la façon dont les effets psychiques de l’annonce de cette maladie peuvent se croiser avec le « travail psychique » lié au vieillissement et à la fin de vie.

C’est probablement en partie à travers ce type de compré- hension qu’une reconnaissance du sujet peut advenir.

Un autre regard possible sur le sujet âgé atteint de cancer ?

La compréhension des processus psychiques en jeu peut constituer les bases d’un autre regard porté sur le patient âgé atteint de cancer. Il s’agit des processus concernant le vieillissement et la fin de vie : à savoir le travail du vieillir et le travail de deuil. En effet, le vieillissement comme la maladie suscitent une véritable « crise psychique » [11].

Et, une crise se traverse, « s’élabore », se prend en compte.

Pour mémoire : le travail du vieillir commence avec la chute du fantasme d’éternité. La rencontre avec sa propre vulnérabilité, lorsqu’elle est brutale, déclenche une crise psychique. S’en suivent des mouvements de réadaptation visant à maintenir la permanence du Moi [11].

Paradoxalement, au cœur de cette crise, le cancer peut constituer une épreuve pouvant « figurer le deuil », au sens de « deuil ultime ». La maladie peut ainsi déclencher un processus de deuil autrement difficile ou impossible face au vieillir et à la fin de vie. Par ailleurs, la maladie justifie une attention particulière au sujet, et un accompagnement pas toujours présent autrement, susceptible de rompre l’isolement.

Souvent dans le suivi de patients âgés, l’annonce d’un cancer (que les sujets soient autonomes ou non, que le pronostic soit un excellent ou non) est l’occasion, pour peu qu’ils soient écoutés et en confiance, d’aborder les peurs de la mort à venir, et les transformations liées au vieillissement déjà opérées, avec plus ou moins de facilité et de réussite.

Lorsque l’adaptation au vieillissement est déjà difficile, le cancer peut venir comme symbole de ce qui est inacceptable, et permettre de l’évoquer enfin. Si les processus psychiques liés au vieillissement ont été plutôt « naturels » et adéquats, soit l’épreuve du cancer s’inscrira dans cette même conti- nuité, soit elle fera « rupture ». Quoi qu’il en soit, « le cancer représente une possibilité de relance de la mentalisation qui peut apporter des réponses » et venir figurer la question de la finitude dans un moment crucial pour le sujet âgé [11].

Cela modifie considérablement la représentation clas- sique qui consiste à croire qu’il est difficile d’annoncer

« parce qu’il n’y a pas de perspective derrière ». Il est vrai que dans le cadre de la mise en place du dispositif d’annonce, les médecins interrogés sur leurs facilités et

difficultés à annoncer la maladie grave disent que tant qu’il

« y a quelque chose à faire », « tant qu’ils peuvent présenter un plan d’action », ils ne se sentent pas trop en difficulté pour annoncer. Ce plan d’action constitue alors une compen- sation face à l’impuissance.

Les soignants comme le patient et sa famille se représen- tent peu que l’avenir—même très court—peut encore être source de plaisir, de satisfactions et d’évolution pour le malade ; certains patients règlent leurs affaires, négocient les relations familiales, apaisent des conflits ou les déclenchent… Tel ce patient de 81 ans plutôt actif jusqu’à l’annonce d’un cancer du côlon qui le choque profondément. Six mois auparavant, il a perdu un frère d’un cancer du poumon, et il ne « s’en est toujours pas remis » selon ses propres paroles. Il se voit mourir, et « n’a plus d’espoir de rien ». Cinq entre- tiens lui permettront d’évoquer ses angoisses, d’identifier ses besoins et les questions qu’il souhaite poser au médecin. De nouvelles précisions au sujet de son traitement le conduisent à mieux l’accepter et à poser ses propres conditions. Nous parlons aussi de la fatigue et de sa difficulté face au change- ment d’image qui lui est renvoyé et qu’il reflète aux autres. Il aimerait laisser un bon souvenir et surtout dire des choses à ses enfants qu’il ne se sent pas capable de leur dire. Il accepte alors de rencontrer l’art-thérapeute qui l’aide à écrire et des- siner ses messages dans un petit livre qu’il réalise pour ses enfants. Ce travail contribuera à une importante restauration de son image, soutenue par les entretiens psy. Même court, son avenir a retrouvé de l’intérêt. Il l’écrira d’ailleurs dans son petit livre, témoignant à ses enfants de la force du lien qui les unit. Par ailleurs, entraînés par la dynamique de cette transformation, les soignants ont trouvé la possibilité de développer une communication impossible jusque-là, parti- cipant également pour le patient à ce changement d’image.

Le cadre de la prise en charge, à condition d’une qualité relationnelle certaine et d’une attention spécifique, constitue un étayage favorisant un « temps d’élaboration spécifique des crises du vieillissement et de la maladie » [11,13].

L’adaptation psychique du sujet vieillissant est permise par un contexte d’échange avec l’environnement et se réduit au contraire en cas de fermeture des échanges [7].

Si le maintien des échanges favorise le « travail du vieil- lir », il faut encore que la subjectivité du malade retrouve sa place dans la prise en charge et détrône la prégnance de représentations inadéquates.

Des pistes pour accompagner le changement

Quelles conditions de prise en charge sont nécessaires pour favoriser une meilleure prise en compte des sujets âgés atteints de cancer par les soignants ?

Le changement des représentations suppose une prise de conscience, une motivation à changer de représentation et/ou

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une expérience permettant cette modification, ou encore un accompagnement conduisant à cette expérience.

Il y a lieu bien sûr dans le contexte de l’accompagnement, d’identifier les représentations erronées pour favoriser un processus de changement.

Conformément à l’esprit des soins de supports, il faut aussi s’organiser pour évaluer les besoins du patient à partir de son expression propre lorsque cela est possible, et avec des outils propres à l’oncogériatrie.

Afin de prendre en compte les points indiqués ci-dessus, l’encadrement des soignants (par les cadres et médecins- chefs) sur le terrain est absolument essentiel pour revaloriser les représentations négatives qui règnent en gériatrie et pren- dre en compte la souffrance des soignants. Pour cela, la mise enœuvre de la « démarche participative » indiquée initiale- ment par le Grasspho, et aujourd’hui par l’Afsos, apparaît particulièrement appropriée [1,4].La démarche participative comprend quatre axes :

la démarche projet (élaboration collective d’un projet encadré par les managers) ;

la formation pluriprofessionnelle, indispensable pour questionner les soignants, les contenir et leur apporter des éléments de compréhension de manière à susciter un remaniement des pratiques ;

les espaces d’échange et de communication au sens large (staffs cliniques, RMM, groupes de travail…) et tous espaces permettant l’expression de chacun au sujet de la situation et du patient ;

le soutien des soignants (supervisions, réflexion sur les pratiques…).

La démarche participative a pour effet d’améliorer la souffrance des soignants [4]. Par ailleurs, sa mise enœuvre, tant par son effet de cadre que par la mise enœuvre de la dynamique participative, permet de se pencher sur les spéci- ficités des sujets soignés. L’intégration des spécificités du sujet âgé étant essentielle pour parvenir à les considérer comme des sujets à part entière [3].

Conclusion

L’évolution de la démographie et de l’épidémiologie des maladies cancéreuses rend cruciale et urgente notre réflexion en faveur d’une meilleure prise en charge globale en oncogériatrie.

Car en effet, le manque de formation, d’organisation et de coordination spécifique des soins, d’intérêt parfois même,

mais aussi la force des représentations chez tous les acteurs en présence ne permettent pas de répondre de manière tota- lement satisfaisante aux besoins psychologiques et relation- nels des patients âgés atteints de cancer.

Il semble que l’établissement d’un projet d’oncogériatrie dans chaque service, j’entends un projet « libre » et spéci- fique à chaque structure, mais répondant à des exigences communes à la spécificité oncogériatrique, établi conformé- ment à la démarche participative décrite ci-dessus, pourrait bien aider à une approche plus adaptée des sujets âgés, limi- tant les représentations négatives des soignants, et les soute- nant dans des prises en charge complexes et difficiles.

Conflit d’intérêt :l’auteur déclare ne pas avoir de conflit d’intérêt.

Références

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Références

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