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Étude de l'interaction entre institutions et acteurs dans l'industrie porcine québécoise

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Étude de l’interaction entre institutions et

acteurs dans l’industrie porcine québécoise

Mémoire

Justine Le Page-Gouin

Maîtrise en agroéconomie

Maître ès sciences (M.Sc.)

Québec, Canada

© Justine Le Page-Gouin, 2014

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Résumé

La mise en marché collective, une institution utilisée par le secteur porcin québécois afin de commercialiser ses produits, s’est modifiée à quatre reprises entre 1989 et 2009. L’influence des institutions est souvent omise dans les études économiques contemporaines, bien qu’elles façonnent l’articulation des filières. L’objectif de ce mémoire est d’analyser l’interaction entre les changements institutionnels au regard de la commercialisation et de l’organisation des chaînes tout comme les stratégies des acteurs. Pour ce faire, une revue de littérature et des entrevues auprès des acteurs porcins québécois ont été réalisées. En somme, ces différents changements institutionnels ont eu des effets sur les incitations, l’incertitude, les comportements et l’organisation de la filière. Ces modifications à la mise en marché collective tirent leurs origines de l’environnement économique et du comportement des acteurs qui mettent à jour les défaillances du système. Enfin, il arrive que des facteurs de stabilité institutionnelle freinent ces changements.

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Abstract

Collective marketing, an institution that is used by the Quebec hog industry to market its products, has changed four times between 1989 and 2009. The influence of institutions is often omitted in contemporary economic studies, although they shape the articulation of the sector. The objective of this thesis is to analyze the interaction between institutional changes in the marketing of agricultural products and the chain organization with regard to the strategies of key players. To do this, a literature review and interviews with the Quebec hog industry leaders were performed. These institutional changes have had effects on incentives, supply uncertainty, behavior and organization of the sector. In addition, these amendments to collective marketing have their roots in the economic environment and the behavior of players who uncover flaws in the system. However, sometimes institutional stability factors hinder these changes. Keywords: Hog, Quebec, Collective marketing, Institutional changes

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Table des matières

Résumé ... III Abstract ... V Table des matières ...VII Liste des figures ...XI Liste des tableaux ... XIII Liste des acronymes ... XV Remerciements ... XVII

Introduction ... 1

1. Problématique ... 3

1.1. Objectif et questions de recherche ... 6

1.2. Le secteur porcin et la mise en marché collective ... 8

2. Théories institutionnelles ... 13

2.1. Définitions d’institution ... 13

2.2. Origines des institutions ... 14

2.3. Fonctions des institutions ... 14

2.4. Typologies des institutions ... 15

2.5. Changement institutionnel ... 19

2.6. Exemple de changements et de stabilité institutionnels ... 27

3. Cadre méthodologique ... 41

3.1. Descriptions des phases ... 41

3.2. Grille d’analyse institutionnelle ... 43

3.3. Analyse des changements institutionnels ... 48

4. Mise en contexte ... 49

4.1. Historique de la mise en marché collective porcine ... 49

4.2. Historique du secteur porcin ... 59

5. Phase de l’encan électronique du porc ... 63

5.1. Marché électronique ... 63

5.2. Projet d’encan ... 64

5.3. Mise en place de l’encan électronique du porc ... 66

5.4. De l’encan aux préattributions ... 70

6. Phase des préattributions ... 75

6.1. Dissension sur les préattributions ... 75

6.2. Fonctionnement des préattributions ... 76

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7. Phase des contrats ... 83

7.1. Fonctionnement des contrats ... 85

7.2. Contestations ... 86

7.3. Convention de vente de 2002-2005... 86

7.4. Des contrats aux relations directes ... 87

8. Phase des relations directes ... 95

8.1. Fonctionnement des relations directes ... 96

9. Analyse institutionnelle des différentes phases de la mise en marché collective ... 101

9.1. Phase de l’encan électronique ... 101

9.2. Analyse des préattributions ... 112

9.3. Analyse des contrats ... 121

9.4. Analyse des relations directes ... 130

Conclusion ... 149

Limites ... 150

Bibliographie ... 153

Annexe 1 ... 167

I. Entrevue auprès des acteurs ... 167

II. Canevas d’entrevue ... 167

II.I. Statut et rôle ... 167

II.II. Les différentes phases ... 167

Annexe 2 ... 173

Annexe 3 ... 175

I. Les Éleveurs de porcs du Québec (FPPQ) ... 175

I.I. Daniel Hudon ... 175

I.II. Laurent Pellerin ... 175

I.III. Jean Larose ... 175

I.IV. Clément Pouliot ... 175

I.V. Ève Paré ... 175

I.VI. Jean-Guy Vincent ... 175

II. Les abattoirs ... 176

II.I. Olymel ... 176

II.II. duBreton ... 176

II.III. Aliments Asta ... 176

II.IV. F. Ménard ... 176

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III.I. Marcel Ostiguy ... 176 III.II. Réjeanne Asselin ... 177

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Liste des figures

Figure 1 : Structure organisationnelle du secteur porcin québécois depuis 2009 . 4

Figure 2 : Représentation de l’interaction entre acteurs et institutions ... 7

Figure 3 : Décomposition des coûts de transaction ... 21

Figure 4 : Porcs en inventaire au Québec de 1971 à 2011 ... 88

Figure 5 : Mécanique d’écoulement des porcs dans la convention de vente de 2009-2013 ... 98

Figure 6 : Évolution de l’écart de prix Qc-US, 1984 -1993 ... 104

Figure 7 : Évolution de l’écart de prix Qc-US, 1984-1999 ... 115

Figure 8 : Évolution de l’écart de prix Qc-US, 1984-2008 ... 124

Figure 9 : Évolution du prix du porc québécois selon le mécanisme de mise en marché ... 125

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Liste des tableaux

Tableau 1 : Typologie des institutions de Williamson ... 16

Tableau 2 : Synthèse des théories institutionnelles ... 27

Tableau 3 : Phases dans l’évolution de la politique alimentaire britannique ... 36

Tableau 4 : Synthèse des applications de la théorie ... 38

Tableau 5 : Conversion des facteurs de changements en éléments observables .. 43

Tableau 6 : Concentration de l’abattage sur le marché primaire au Québec en 1991 ... 71

Tableau 7 : Mécanisme de formation du prix pool lors des préattributions ... 77

Tableau 8 : Synthèse des facteurs de changement institutionnel dans la phase de l’encan électronique ayant façonné les incitations, l’incertitude, les stratégies des acteurs et l’organisation de la filière. ... 110

Tableau 9 : Synthèse des facteurs de changement institutionnel dans la phase des préattributions ayant façonné les incitations, l’incertitude, les stratégies des acteurs et l’organisation de la filière. ... 120

Tableau 10 : Synthèse des facteurs de changement institutionnel dans la phase des contrats ayant façonné les incitations, l’incertitude, les stratégies des acteurs et l’organisation de la filière. ... 129

Tableau 11 : Synthèse des facteurs de changement institutionnel dans la phase des relations directes ayant façonné les incitations, l’incertitude, les stratégies des acteurs et l’organisation de la filière. ... 147

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Liste des acronymes

AQINAC : Association québécoise des industries de nutrition animale et céréalière ASRA : Assurance stabilisation du revenu agricole

BAPE : Bureau d’audiences publiques sur l’environnement

CAAAQ : Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois

CDPQ : Centre de développement du porc du Québec CPIP : Conseil de la production intégrée du porc DEP : Diarrhée épidémique porcine

ÉPQ : Éleveurs de porcs du Québec

Fédération : Fédération des propriétaires de porcs du Québec FPPQ : Fédération des producteurs de porcs du Québec

GREPA : Groupe de recherche en économie et politiques agricoles

MAPAQ : ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec OPPQ : Office des producteurs de porcs du Québec

RMAAQ ou Régie : Régie des marchés agricoles et alimentaires du Québec UCC : Union catholique des cultivateurs

UPA : Union des producteurs agricoles

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Remerciements

En préambule à ce mémoire, je souhaite adresser mes remerciements les plus sincères à quelques personnes qui m’ont apporté leur aide et qui ont contribué à l’élaboration de ce mémoire.

Je tiens à remercier sincèrement Madame Annie Royer et Monsieur Michel Morisset, respectivement directrice et co-directeur, pour leur appui professionnel et financier dans ce projet. Vous vous êtes montrés généreux de votre temps et de vos conseils, je vous en sais gré.

Je veux également exprimer ma gratitude aux intervenants du secteur porcin qui sont nombreux à avoir accepté de se prêter gracieusement à des entretiens essentiels à ce type de mémoire.

Je souhaite remercier mes collègues de travail de La Financière agricole du Québec pour leur appui et l’intérêt qu’ils ont porté à ce mémoire au cours des deux dernières années. Dans la même veine, merci à mes amis particulièrement Frédérick Clerson-Guicherd, Sophie Laughrea et Solange Law Kwon et à ma famille qui m’ont toujours soutenue et encouragée même si depuis deux ans je leur parle essentielle de porc!

Finalement, un merci tout spécial à ma mère qui en plus des encouragements a eu la patience de lire et de corriger chacune des pages de ce mémoire.

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Introduction

L’industrie porcine québécoise a débuté en tant que production d’appoint, notamment pour les producteurs laitiers. En 1976, le secteur prend un virage vers la spécialisation en parallèle aux évolutions technologiques rapides, au développement des marchés d’exportation et à une explosion du savoir en matière de production porcine. Cette spécialisation relativement tardive de la production n’empêcha en rien son développement tant et si bien qu’elle est aujourd’hui le second secteur agricole en importance au regard des recettes agricoles à l’échelle québécoise. De plus, le développement des exportations porcines permet au Québec et ce, depuis plusieurs années, de rayonner mondialement. D’ailleurs, les acteurs de la filière se sont appuyés sur la mise en marché collective depuis le début des années 1980 afin de parvenir à ce niveau de développement de la production. Encore aujourd’hui, les quelques 3 500 producteurs porcins font appel à la mise en marché collective afin d’assurer le développement du secteur. La mise en marché collective est un modèle de commercialisation des produits agricoles qui a longtemps prévalu dans plusieurs pays, mais qui est aujourd’hui surtout présente au Canada. Elle permet de faire une mise en marché qualifiée d’ordonnée, en institutionnalisant les différents mécanismes de commercialisation. Ainsi, elle vient définir les règles à travers lesquelles producteurs et abattoirs interagissent afin d’assurer le fonctionnement de la filière.

À travers le temps, ces règles ont été modifiées à quelques reprises dans le secteur porcin québécois. Une revue historique de la mise en place de cette institution démontre que le secteur présente quatre grandes phases de mise en marché des porcs qui ont chacune à leur manière influé sur les producteurs et les abattoirs. L’objectif de ce mémoire est de mettre en évidence ces liens de causalité en plus de démontrer l’influence des acteurs et de l’environnement économique sur les différents changements apportés.

Pour ce faire, un survol des théories traitant des institutions et plus précisément leur application en contexte de changements et de stabilité institutionnels s’avère nécessaire. Ensuite vient une description exhaustive des différentes phases de

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mise en marché de porc québécois, basée sur des recherches documentaires dans les annales agricoles. Puis, la réalisation d’entrevues en profondeur avec les acteurs du monde porcin québécois permet de valider les informations historiques recueillies en plus d’alimenter l’analyse institutionnelle des changements dans la mise en marché.

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1. Problématique

Au tournant des années 70, plusieurs producteurs porcins québécois n’étaient pas particulièrement enclins à faire appel à la mise en marché collective afin de coordonner leurs activités. Il aura fallu plus de dix ans avant que les producteurs acceptent finalement la constitution d’un plan conjoint en 1981 et encore six ans avant l’introduction d’une agence de vente (Gouin & Royer, 2013). En 1981, le secteur porcin traversait une crise aiguë en raison de taux d’intérêt prohibitifs et d’une surproduction à l’échelle planétaire avec pour conséquence de nombreuses faillites qui décimaient les rangs (BAPE, 2003). La mise en marché collective et l’introduction d’un plan conjoint apparaissaient alors comme un remède aux maux de l’industrie alors que par le passé, la production était en plein essor et la nécessité d’un plan conjoint moins tangible.

Concrètement, la mise en marché collective s’articule autour de cinq formes institutionnelles : le plan conjoint, l’office de commercialisation, les associations accréditées d’acheteurs, la Loi sur la mise en marché des produits agricoles,

alimentaires et de la pêche (M-35.1) et un organe de régulation. Le plan conjoint

renferme essentiellement les règles de commercialisation du produit et les acteurs visés. De plus, il légitime l’office de commercialisation en tant que représentant des producteurs. Au Québec, ce sont surtout des syndicats et des fédérations de producteurs affiliés à l’Union des producteurs agricoles (UPA) qui tiennent ce rôle. L’office de commercialisation est composé de producteurs et d’employés chargés de la gestion du plan conjoint. En ce sens, il a pour objectif d’améliorer le pouvoir de négociation des producteurs, mais aussi d’améliorer la coordination des échanges avec les acheteurs. L’association accréditée d’acheteurs est une possibilité offerte par la Loi afin que les acheteurs puissent se regrouper et parler d’une même voix. Par ailleurs, l’office de commercialisation et les acheteurs sont liés entre eux par une convention de vente stipulant les différentes conditions de vente du produit visé. Finalement, la Loi sur la mise en marché des produits agricoles établit les règles de la mise en marché collective et chapeaute sa régulation grâce à la Régie des marchés agricoles et alimentaires du Québec (RMAAQ), une entité semi-indépendante du gouvernement (Royer, 2009). La

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Figure 1 présente ces différents éléments appliqués à la structure organisationnelle de la production porcine.

Source : Inspirée de Royer, 2009

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La mise en marché collective a principalement pour objectif d’améliorer les conditions de commercialisation, de mieux répartir les gains entre les différents maillons d’une filière, de simplifier les mécanismes d’approvisionnement entre producteurs et acheteurs, et de structurer l’offre (RMAAQ, 2013). En effet, lorsque mise en application dans un secteur, la mise en marché collective devient obligatoire pour tous les producteurs, contribuant ainsi à une mise en marché efficace et ordonnée. De plus, l’ensemble des producteurs parlant d’une seule voix, la mise en marché collective permet d’établir ou de rétablir le rapport de force entre producteurs et acheteurs qui généralement est à l’avantage de ces derniers. La mise en marché collective dicte en grande partie les règles du jeu de la commercialisation entre producteurs et acheteurs, et en ce sens, elle constitue une importante institution du secteur agroalimentaire québécois et canadien. En 1990, le « prix Nobel » d’économie1 Douglass North a écrit un livre sur l’effet des institutions. Selon ce dernier, le rôle primaire des institutions est de diminuer l’incertitude en établissant une structure stable aux interactions humaines. Plusieurs auteurs s’entendent pour dire que les changements dans les marchés influencent les institutions et l’inverse est tout aussi vrai, les institutions amenant des changements dans le marché (Van Huylenbroeck, Verbeke, & Lauwers, 2008). Douglass North (1990) renchérit en disant que les changements institutionnels façonnent la façon dont les sociétés évoluent. Les institutions sont une création de l’Homme, donc elles évoluent et sont altérées par le comportement humain. À l’inverse, elles affectent les performances économiques et donc l’environnement de l’Homme.

Ainsi, les institutions, en créant les règles du jeu des échanges entre acteurs économiques, ont des effets sur les coûts de transactions encourus par les divers acteurs du milieu (North, 1990). Elles influencent également les stratégies adoptées par ces derniers ainsi que la performance de l’ensemble de l’économie, d’un secteur ou d’une filière. La création d’une institution amène une certaine stabilité pour le secteur régi en dictant les comportements ou les interactions entre acteurs. La mise en marché collective, en tant qu’institution qui dicte les

1 En économie, le « prix Nobel » est remis par la Banque de Suède suivant les mêmes

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règles du jeu, a donc théoriquement le potentiel d’influencer l’ampleur des coûts de transactions supportés par les acteurs, leurs incitations et donc leurs comportements. Alors que la mise en marché collective campe un rôle institutionnel, les offices de producteurs sont plutôt considérés comme une organisation, c’est-à-dire un joueur prenant part au jeu selon les règles de l’institution.

Compte tenu de l’influence des institutions sur les actions et la performance des acteurs, mais aussi de l’impact des comportements et de l’environnement économique sur les institutions, il apparaît intéressant d’étudier l’interaction entre la mise en marché collective et les acteurs d’une filière. Pour ce faire, il importe de comprendre ce que l’on entend par mise en marché collective et comment elle fonctionne dans le secteur porcin. De plus, quels pourraient être les effets de sa nature institutionnelle et organisationnelle sur les acteurs de la filière porcine?

1.1. Objectif et questions de recherche

En modifiant les règles du jeu, ou encore l’institution en place agissant comme mode de coordination entre les acteurs, il appert des changements dans les chaînes et en ce sens le secteur porcin est particulièrement intéressant en raison des diverses modifications apportées à sa mise en marché collective. De fait, la mise en marché collective du secteur porcin québécois a été modifiée à plusieurs reprises au cours des vingt dernières années, changeant chaque fois les incitations, les comportements et très probablement aussi les coûts de transaction supportés par les acteurs de la filière.

Toutefois, l’influence des institutions est souvent omise dans les études économiques contemporaines, pourtant elles façonnent l’articulation d’une filière. D’ailleurs, la littérature avance que les institutions ont une influence sur les actions et la performance des acteurs, mais aussi sur leurs comportements. L’environnement économique et les stratégies des acteurs auraient aussi une influence sur les institutions.

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Dans ce contexte, il apparaît intéressant d’étudier l’interaction entre la mise en marché collective (l’institution) et les acteurs de filière qu’elle régit (les organisations).

Ce mémoire a donc pour objectif général d’analyser l’interaction entre les changements institutionnels au niveau de la commercialisation des produits agricoles et l’organisation des chaînes tout comme les stratégies des acteurs. Afin d’atteindre cet objectif, les questions de recherche suivantes se posent :

 Quels sont les principaux changements qui ont été opérés au travers des différentes réformes de la mise en marché collective du secteur porcin québécois?

 En quoi la mise en marché collective a façonné les incitations (ex. qualité; prix), l’incertitude (gestion des approvisionnements), les comportements (stratégies des acteurs) et la coordination des chaînes porcines québécoises (coordination verticale)?

 Comment l’environnement économique et le comportement des acteurs de la filière ont-ils influencé l’évolution de la mise en marché collective?

Institutions

Acteurs,

stratégies

Environnement économique

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L’analyse des différents outils de commercialisation et de leur mise en action devrait permettre de dégager des tendances quant aux comportements des acteurs et aux variations de structure dans l’organisation de la filière. Ainsi, il sera possible de comprendre pourquoi ces changements ont eu lieu, quels ont été leurs impacts et comment les acteurs se sont adaptés. À l’inverse, ce sont parfois les acteurs qui ont enclenché les changements et les institutions qui se sont adaptées.

1.2. Le secteur porcin et la mise en marché collective

Ainsi, des observations préliminaires permettent d’avancer certaines hypothèses sur le fonctionnement du système de mise en marché porcin. En fait, la convention de vente du secteur porcin a connu quatre modifications majeures depuis sa création qu’il est possible de qualifier comme étant la phase de l’encan électronique, la phase des préattributions, la phase des contrats et finalement la phase des relations directes. Chacune des modifications correspond à des ajustements de la mise en marché collective à son environnement économique.

1.2.1.

Phase de l’encan électronique

En 1987, les producteurs porcins par l’intermédiaire de leur plan conjoint, se dotent d’une agence de vente. Ce canal unique de commercialisation des porcs prendra la forme d’un encan électronique, et ce, dès 1989. Il s’agit en fait d’un système d’enchères où l’ensemble des porcs finis se transige, même les firmes intégrées verticalement ne peuvent se soustraire au système.

Lors de la mise en place de l’encan électronique en 1989, alors que les producteurs revendiquaient un meilleur prix pour leurs porcs, à savoir celui reçu par les éleveurs américains, les abattoirs demandaient des porcs plus uniformes au regard de la qualité. L’encan électronique aurait permis de satisfaire les deux groupes dans un premier temps en ravivant la concurrence entre les acheteurs et dans un second temps en resserrant l’application des grilles de classement qui permettent de fixer un prix en fonction du poids et du rendement en viande2.

2 Chaque carcasse est classifiée en fonction de son poids et de son pourcentage de viande.

Ainsi, selon l’indice de classement obtenu pour ses porcs par rapport à l’indice 100, le producteur reçoit un prix bonifié ou amputé.

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Ainsi, l’environnement économique aurait façonné l’institution qu’est l’agence de vente porcine.

1.2.2.

Phase des préattributions

En 1992, le système de mise en marché du porc québécois se diversifie et s’ajoute à l’encan électronique un processus de préattributions. Les préattributions assurent aux abattoirs un volume quotidien de porcs à abattre. Le prix des porcs préattribués se base sur le prix américain moins une prime variable selon les conditions de marché (Gouin & Royer, 2013).

La mise en place des préattributions aurait été un ajustement institutionnel au comportement de certains acteurs. En effet, deux gros abattoirs ont fusionné leur activité à l’époque diminuant la concurrence à l’encan électronique et accentuant les risques de collusion. La FPPQ a donc proposé les préattributions afin d’atténuer ce risque.

1.2.3.

Phase des contrats

En 2000, un nouveau mécanisme s’ajoute aux deux précédents, les contrats par soumission. Ceux-ci étaient accordés mensuellement selon un appel d’offre (encan anglais). L’agence de vente soumettait aux abattoirs un prix de départ, toujours en référence au prix américain et les abattoirs indiquaient les volumes qu’ils désiraient à ce prix. Le processus était répété jusqu’à l’adéquation entre l’offre et la demande en faisant fluctuer le prix à la hausse ou à la baisse selon les besoins.

Les contrats, quant à eux, permettraient possiblement de satisfaire les entreprises intégrées verticalement puisqu’elles pourraient dès lors conserver leurs animaux tout au long de la chaîne de production. La mise en marché collective se serait donc adaptée à la réalité des entreprises porcines ayant choisi comme stratégie d’affaires de s’intégrer verticalement.

1.2.4.

Phase des relations directes

Chacune des mesures précédentes a permis d’améliorer le prix reçu par les producteurs, tout en assurant l’approvisionnement des abattoirs. Toutefois, l’environnement économique difficile amène le prix québécois à se distancer

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durablement du prix américain poussant les acteurs de l’industrie porcine à reconsidérer leur modèle de mise en marché collective.

D’ailleurs, en 2009 les divers acteurs du monde porcin québécois décident de changer les règles du jeu de leur mise en marché collective. Exit les composantes des dernières années du plan conjoint, ils font table rase des mécanismes en place, avant d’en arriver à un nouvelle convention de vente consensuelle instaurant une toute nouvelle dynamique de commercialisation des porcs vivants. Cette refonte en profondeur amène un nouveau système permettant de rebâtir un lien direct entre les producteurs et les acheteurs en éliminant l’intermédiaire qu’était la FPPQ. Ainsi, les acteurs misent sur une coordination plus étroite afin de valoriser la production porcine québécoise (Gouin & Royer, 2013).

La réforme de 2009 a par exemple instauré de nouvelles règles d’attribution des porcs et par le fait même aurait incité les producteurs à devenir actionnaires des abattoirs, afin de bénéficier d’une priorité d’assignation. Ainsi, les changements institutionnels instaurés en 2009 auraient modifié l’organisation des acteurs de la filière porcine.

Tous ces exemples démontrent comment les acteurs influenceraient les institutions et à l’inverse comment les institutions amèneraient les acteurs à modifier leurs comportements. D’ailleurs, le fait de mettre en relation les institutions ou les règles du jeu et les acteurs qui s’y prêtent permet de mieux comprendre l’interdépendance qui existe entre les deux groupes et les conséquences de l’un sur l’autre. Ainsi, l’analyse d’impacts des futurs changements sera mieux documentée, grâce à un regard sur les interactions passées. Cette approche n’est pas commune, bien peu de spécialistes du monde agricole se sont penchés sur l’histoire de la mise en marché et son évolution. Certes, la production porcine est bien documentée au Québec en raison de son envergure, par contre rarement son histoire et ses transformations ont été mises en parallèle avec la mise en marché collective. C’est pourquoi, non seulement l’évolution des deux concepts sera observée dans ce mémoire, mais les liens de causalité et d’influence seront mis en évidence. Ainsi, l’approche se veut originale et novatrice en intégrant les institutions, souvent laissées pour compte, à la

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mouvance des organisations, sans oublier l’influence de ces organisations sur les institutions.

Somme toute, ce mémoire touche à la mise en marché collective, un système bien implanté dans notre province et au secteur porcin, un fleuron de l’industrie agricole québécoise. Comme mentionné, la mise en marché collective concerne la quasi-totalité des recettes agricoles québécoises, faisant d’elle un incontournable pour la vigueur de l’économie agricole. La production porcine, quant à elle, est la deuxième industrie agricole d’importance au regard desdites recettes agricoles (MAPAQ, 2013). Ainsi, non seulement la production porcine est importante à l’échelle québécoise, mais elle permet à notre province, grâce à ses exportations, de rayonner mondialement. Afin d’y parvenir, les acteurs de la production porcine comptent sur une mise en marché dite ordonnée afin que la qualité et les quantités soient au rendez-vous.

Il appert donc important de comprendre l’importance des interactions entre organisations et institutions de même que leurs effets mutuels. D’ailleurs, la RMAAQ a su dénoter cette dynamique et parlant des modifications ayant eu lieu en 2009 dit :

« Ces différentes dispositions de la convention confirment à la Régie l’instauration d’une nouvelle dynamique dans ce secteur d’activité où les liens d’affaires entre les producteurs et les acheteurs et la Fédération et les acheteurs sont resserrés, ce qui ne peut être que bénéfique à l’ensemble de la filière » (FPPQ, 2009e, p. 1).

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2. Théories institutionnelles

S’il a été établi que la mise en marché collective est une institution, la définition de ce dernier concept demeure abstraite. En fait, les institutions sont partout, elles nous influencent, elles nous guident… que ce soit de manière formelle ou informelle, mais que sont-elles vraiment et d’où viennent-elles? Les définitions du terme sont multiples et bien souvent complémentaires variant au gré des courants de pensées et des théories. Toutefois, leur compréhension est essentielle afin de saisir comment et pourquoi les institutions varient dans le temps. C’est pourquoi le présent chapitre vise dans un premier temps à définir et à situer les institutions en plus d’aborder et d’illustrer les différents facteurs de changement et de stabilité institutionnels.

2.1. Définitions d’institution

La théorie de la régulation présente les institutions comme « toute codification d’un ou de plusieurs rapports sociaux fondamentaux » (Boyer & Saillard, 1995, p. 543) alors que dans la théorie des conventions, les institutions sont un « système d’attentes réciproques concernant les compétences et les comportements des autres » (Salais & Storper, 1993, p. 31). Ainsi, les institutions sont un outil, pour les agents économiques, de résolution de conflit et de coordination (Boyer & Orléan, 1991). Certes, ces définitions sont très vastes, mais elles permettent déjà d’entrevoir l’influence des institutions sur le comportement humain.

Pour North, père de la théorie néo-institutionnelle, « institutions are the rules of the game in a society or, more formally, are the humanly devised constraints that shape human interaction » (North, 1990, p. 3). Royer reprend en français cette définition en disant que « les institutions dictent les règles du jeu, qu’elles soient informelles (sociales, morales) ou formelles (politiques, étatiques), et offrent un support aux interactions humaines » (Royer, 2009, p. 80). Ménard (2003), quant à lui, ajoute une touche de précision dans sa propre définition qui présente les institutions comme :

« Un ensemble de règles durables, stables, abstraites et impersonnelles, cristallisées dans des lois, des traditions ou des coutumes, et encastrées dans des dispositifs qui implantent et mettent

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en œuvre par le consentement et/ou la contrainte, des modes d’organisation des transactions » (C. Ménard, 2003, p. 106).

Durables parce qu’elles s’inscrivent dans le long terme, en effet les institutions changent lentement. Abstraites, puisqu’elles transcendent les règles spécifiques qui ne concerneraient que des actions particulières. Impersonnelles parce qu’elles sont perçues identiques par et pour une large classe d’agents et finalement normatives puisqu’elles délimitent les actions acceptables dans une société à un moment donné de son histoire (C. Ménard, 2012).

2.2. Origines des institutions

Plusieurs auteurs s’entendent pour dire que les institutions naissent puisqu’il existe des défaillances de marché et donc des coûts liés à son utilisation. À ces défaillances peuvent également s’ajouter des conflits entre divers groupes, agents ou organisations qui ne parviennent pas à imposer la totalité de leurs intérêts. En fait, la nature de toute relation sociale est d’être instable, c’est-à-dire sujette à de l’incertitude et à une négociation perpétuelle. Ainsi, les institutions renvoient bien souvent à des compromis (Lamoureux, 1996). En ce sens, elles n’éliminent pas les problèmes de coordination, mais elles apportent des solutions acceptables et praticables qui ne sont toutefois pas des solutions universelles (Salais & Storper, 1993).

La mise en place de ces institutions est intentionnelle afin de stabiliser un conflit ou d’amenuiser les effets d’une défaillance de marché et de coordonner les actions, par contre sa forme et ses effets sont non-intentionnels suivant le contexte et les besoins (Lamoureux, 1996). En ce sens, la naissance et la viabilité d’une institution sont conditionnelles au fait que celle-ci apparaisse aux individus comme une réponse à des problèmes constatés de coordination (Salais & Storper, 1993).

2.3. Fonctions des institutions

En économie, les institutions relèvent de deux visions très différentes. La première se veut internaliste et considère les institutions comme étant « inhérentes aux relations de production et d’échange entre les agents » (C. Ménard, 1990, p. 18). En ce sens, elles doivent être expliquées et intégrées aux

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théories. La seconde, dite externaliste, postule plutôt que les institutions, bien qu’ayant une influence, sont partie prenante de l’environnement économique et donc sont des données exogènes ou encore, faisant partie des conditions initiales dont l’étude ne relève pas de l’économie. Bref, cette seconde vision, qui prévaut en économie néoclassique notamment, fait fi des interactions engendrées par les institutions, celles-ci étant un simple élément du contexte (Lamoureux, 1996). La théorie néo-institutionnelle, la théorie de la régulation et la théorie des conventions se veulent de la première tendance. Dans ces approches, les institutions constituent un élément fort important de l’économie et non une simple composante de l’environnement. En fait, les institutions façonnent la manière dont les sociétés évoluent en plus d’affecter les performances de l’économie (C. Ménard, 1990). De plus, les institutions permettent la régulation sociale, elles homogénéisent ou standardisent les comportements, elles favorisent la coordination des actions et elles assurent la stabilité que le marché est incapable de garantir (Lamoureux, 1996). North (1990) explique que la stabilité des institutions découle des règles formelles fortement intégrées dans la hiérarchie (sociale, politique, etc.), où chaque niveau est plus coûteux à modifier que le précédent. En stabilisant le marché, c’est-à-dire en établissant une structure stable, les institutions diminuent l’incertitude des acteurs. De même, l’arrivée d’une institution ou de règles élimine les ambiguïtés et amenuise les risques de conflits. D’ailleurs, ce mémoire adhère à cette école de pensée qui veut que les institutions soient un niveau d’analyse et non une simple composante.

2.4. Typologies des institutions

Diverses typologies, reposant sur des bases fort différentes, permettent de caractériser les institutions. D’une part, elles peuvent s’appuyer sur le champ d’étude ou d’activité de l’institution. Ainsi, les institutions peuvent être économique, sociale, politique ou encore, une combinaison de deux ou plusieurs de ces champs d’expertise.

Ensuite, les institutions peuvent être différenciées par leur forme soit formelle ou informelle. Les institutions formelles sont essentiellement des constitutions, des lois, des règlements, des dispositifs définissant les droits de propriété ou tout

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16

autre élément ayant une teneur légale et qui transcende l’individu. Les règles informelles, quant à elles, sont bien souvent des extensions des règles formelles démontrant une forte ténacité puisqu’elles sont parties prenantes des comportements habituels. Les mots routine, coutume et tradition, associés à ce type de règles, illustrent bien leur capacité à survivre dans le temps (North, 1990). Ces dernières ne sont généralement pas imposées à une société, contrairement aux règles formelles, mais font néanmoins partie du quotidien puisqu’enchâssées dans la vie de chacun.

D’autre part, une typologie institutionnelle peut s’appuyer sur un classement hiérarchique de ces dernières. L’exemple le plus probant est le cadre d’analyse des institutions développé par Williamson (2000). La première colonne du tableau représente les quatre niveaux d’institutions de Williamson, la seconde décrit le type d’institutions s’y rattachant. Finalement, la troisième colonne permet d’estimer la durée de vie ou la fréquence de changement des institutions.

Tableau 1 : Typologie des institutions de Williamson

Niveau Description Fréquence (ans)

N1

Enchâssement :

Institutions informelles, coutumes, traditions, normes religieuses

102-103

N2

Environnement institutionnel :

Institutions formelles, règles formelles du jeu (lois, droits de propriété)

10-102

N3

Gouvernance :

Joueurs du jeu, formes organisationnelles (contrat)

1-10

N4 Allocation des ressources et l’emploi (prix et

quantité, incitations) En continu

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L’économie néo-institutionnelle comprend deux branches de recherche, l’une concernant l’environnement économique, appelé le volet institutionnel (N1 et N2), alors que la seconde se penche sur les arrangements institutionnels et se nomme le volet gouvernance (N3 et N4). Le volet institutionnel étudie les institutions qui encadrent l’activité économique dans nos sociétés. Il fait donc référence notamment aux institutions en tant que règle du jeu régulant les comportements des agents. La littérature abordant cet aspect de la théorie néo-institutionnelle s’intéresse principalement à l’émergence des institutions ainsi qu’à leur influence sur les performances de l’économie. North, figure emblématique de ce courant de pensée, associe l’apparition des institutions aux coûts de transaction, à savoir les coûts impliqués lors du « transfert entre unités technologiquement séparables de droits d’usages sur des biens et services » (C. Ménard, 2012, p. 23). En fait, l’utilisation du marché, de son mécanisme des prix et l’incertitude régnant dans les relations humaines engendrent des coûts d’utilisation ou de transaction et en ce sens les institutions sont mises sur pied afin de réduire ces coûts. Bref, les institutions amènent une certaine stabilité sur un marché (Royer, 2009).

Le volet gouvernance, quant à lui, se rapporte aux arrangements institutionnels. Pour Ménard, les arrangements institutionnels sont les « façons dont les acteurs organisent leurs activités de production et d’échange dans le cadre des règles définies par les institutions » (C. Ménard, 2012, p. 11). Les arrangements institutionnels représentent les mécanismes utilisés afin de rendre opérationnelles les institutions. Il existe diverses formes d’arrangements institutionnels allant du contrat à l’intégration verticale en passant par la chaîne de valeur et la coentreprise (joint venture), la meilleure forme étant fonction de la situation et de la minimisation des coûts de transaction (Saussier & Yvrande-Billon, 2007). Les institutions, quant à elles, viennent baliser ou limiter les arrangements institutionnels possibles. Ces arrangements institutionnels sont particulièrement utiles pour les organisations ou les joueurs qui interagissent en fonction des règles du jeu ou des institutions. D’ailleurs, une organisation peut être considérée comme est un groupe d’individus qui poursuivent des objectifs communs. Les organisations, tout comme les institutions, peuvent provenir de divers milieux, elles peuvent être soit politique (un parti politique), économique (une firme, une coopérative), sociale (une église, une association) ou éducative

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18

(une école, une université) (North, 1990). L’objectif d’une organisation est de « gagner la partie en fonction des règles du jeu par une combinaison de talents, de stratégies et de coordination » (North, 1990, p. 5).

En agriculture, tout comme dans les autres sphères économiques, les institutions occupent une place importante dans le bon fonctionnement du secteur. Au Québec, la mise en marché collective est probablement l’institution phare du secteur. Elle comprend divers mécanismes de mise en marché des produits agroalimentaires en plus d’avoir un rôle structurant sur d’autres volets rattachés à la mise en marché, comme les services-conseils, la gestion de la qualité, la promotion, etc. Les producteurs porcins québécois y ont d’ailleurs recours notamment par le biais de leur plan conjoint.

Au regard de la classification de Williamson (2000), la Loi sur la mise en marché des produits agricoles, alimentaires et de la pêche représente le niveau 2. En effet, il s’agit d’une institution formelle changeant relativement peu dans le temps. Le plan conjoint, tel qu’utilisé dans le secteur porcin québécois, notamment avec l’instauration d’une agence de vente, se situe au niveau 3. Les organisations et arrangements institutionnels du monde porcin sont à cheval entre les niveaux 3 et 4 puisqu’ils ne changent pas continuellement, mais relativement souvent. Les organisations sont essentiellement les producteurs, leur regroupement Les Éleveurs de porcs du Québec3 et les abattoirs (les acheteurs). Les arrangements institutionnels porcins, quant à eux, apparaissent sous la forme d’un encan électronique, puis de pré-attributions, ensuite de contrats et finalement de relations directes. Ils ont donc été modifiés de façon importante quatre fois en l’espace de vingt ans.

La frontière entre institutions, arrangements institutionnels et organisations est souvent bien mince dépendamment du contexte ou du point de vue. Par exemple, pour les producteurs de porcs, leur Fédération peut sembler être une institution alors que du point de vue de la mise en marché collective elle est plutôt une

3 Les Éleveurs de porcs du Québec étaient auparavant connus sous le nom de la

Fédération des producteurs de porcs du Québec (1970-2013) et anciennement sous celui de Fédération des propriétaires de porcs du Québec (1966-1970).

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organisation. Les auteurs des différents courants de pensée ne s’entendent d’ailleurs pas sur une catégorisation unique de ces trois concepts. Ainsi, les intuitions derrière la théorie sur les changements institutionnels peuvent s’appliquer autant aux institutions, qu’aux arrangements institutionnels, qu’aux organisations.

2.5. Changement institutionnel

L’équilibre institutionnel est atteint lorsque, pour un pouvoir de négociation donné et pour l’ensemble des affaires contractuelles présentes dans l’économie, aucun des joueurs ne trouverait avantageux d’allouer des ressources pour une restructuration de ces arrangements (North, 1990). L’équilibre institutionnel n’implique pas que tous les acteurs sont heureux à l’égard des règles et contrats existants, mais considérant les coûts-bénéfices relatifs la situation n’est pas intéressante pour instaurer un changement (Davis, North, & Smorodin, 1971; North, 1990). De plus, ce n’est pas parce qu’une institution est stable ou en équilibre qu’elle est efficace. Lorsque cet équilibre est perturbé, des changements institutionnels prennent place. Malgré tout, pour qu’un changement institutionnel demeure, il doit être en adéquation avec le contexte économique, politique et administratif local (Campbell, 2004).

2.5.1.

Facteurs de changement institutionnel

Pour Campbell (2004), il existe différents modèles de changement institutionnel. Le modèle évolutif ou incrémental repose sur des changements continus, par petits pas, suivant un sentier unique vers une certaine direction. Ainsi, l’institution évolue grâce à l’accumulation de petits pas liés à l’apprentissage social. Le second modèle, appelé d’équilibre ponctué conduit à des changements rapides et plus profonds souvent associés aux crises. Finalement, le modèle d’évolution ponctuée se présente comme un amalgame des deux précédents, c’est-à-dire que les institutions évoluent parfois de manière progressive et parfois de manière radicale. Ainsi, les institutions sont influencées par des facteurs exogènes comme dans le modèle d’équilibre ponctué et par des facteurs endogènes dans le modèle évolutif.

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20

Environnement économique

D’ailleurs, plusieurs éléments de l’environnement économique dans lequel évoluent les institutions induisent des changements chez celles-ci, notamment parce qu’ils agissent sur les incitatifs (North, 1990). Cette influence se répercute fréquemment sur la gouvernance des institutions ou sur les arrangements institutionnels auxquels elle réfère.

Une variation dans la structure du marché ou dans l’agencement des acteurs et possiblement dans le rapport de force entraîne une remise en question de la situation par ces derniers. Ces fluctuations peuvent provenir de fusions, d’achats ou de fermetures entraînant, par exemple, des phénomènes de concentration ou d’intégration horizontale ou verticale (Brousseau, Garrouste, & Raynaud, 2011; Libecap, 1991).

Dans le même ordre d’idée, la concurrence est un vecteur de changement pour les institutions. En effet, lorsque la compétition est forte, elles doivent s’adapter pour demeurer en vie alors que dans un marché monopolistique ou presque, la notion de survie et d’adaptation ne vont pas toujours de pair (Kingston & Caballero, 2006).

Une variation du prix de marché du produit visé, du prix des facteurs de production ou du prix des technologies utilisées, amène les organisations à reconsidérer leurs institutions particulièrement lorsque le prix de marché est inférieur à celui désiré et celui des intrants supérieurs (Brousseau et al., 2011; Libecap, 1991).

Un changement technologique peut également amener une institution à changer en modifiant les paramètres de l’environnement économique, comme le coût du travail, la rapidité d’exécution, le coût d’entretien, etc. (Alston & Ferrie, 1996; Brousseau et al., 2011).

Une variation dans le contexte commercial mondial peut également amener une remise en question des institutions, notamment au regard des importations, des exportations et du taux de change (Brousseau et al., 2011; Puffert, 2002).

(39)

La recherche d’économies d’échelle amène les institutions à changer afin d’en profiter et d’ainsi réduire leurs coûts (Libecap, 1991).

Une variation des coûts de transaction assumés par les institutions conduit généralement à une reconsidération des processus institutionnels. Ces coûts de transaction se déclinent en coûts ex ante ou avant la transaction et ex post soit après la transaction. La Figure 3 montre les différentes sources de coûts de transaction.

Source : tirée de (Royer, 2012)

Les coûts de recherche d’information incluent, entre autres, la prospection, la collecte d’information sur un partenaire commercial (comportement, réputation, etc.), la comparaison des prix et de la qualité ou encore, une étude de marché. Ensuite viennent les coûts associés à la négociation et à la rédaction d’un contrat. À la suite de la signature d’un contrat apparaissent les coûts de suivi

Coûts de transaction Ex ante Recherche d'information Négociation Rédaction Ex post Suivi Application Maladaptation Renégociation Rupture

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22

(monitoring) afin de s’assurer que les parties respectent leurs engagements. Puis viennent les coûts d’application (enforcement), c’est-à-dire les coûts liés à la l’application du contrat comme la protection des droits de propriété et l’application de pénalités, si nécessaire. Les risques de maladaptation d’un contrat sont toujours présents particulièrement dans un environnement changeant, l’adaptation du contrat engendre alors des coûts. Finalement, il existe des coûts afin de renégocier ou tout simplement, de rompre un contrat (Eggertsson, 1990; Royer, 2012).

Une insatisfaction d’une des parties au regard du produit, que ce soit au sujet de ses caractéristiques intrinsèques (format, poids, couleur, etc.) ou encore de sa qualité, peut conduire les parties à revoir leurs arrangements institutionnels (Libecap, 1991).

Par ailleurs, les guerres, révolutions, conquêtes, catastrophes naturelles, crises sanitaires et autres évènements majeurs induisent également des changements institutionnels. Toutefois, ceux-ci sont discontinus ou radicaux, d’où leur appellation de point de rupture, alors que la majorité du temps les institutions changent de manière progressive (North, 1990).

Plusieurs autres éléments viennent interférer dans les changements institutionnels, notamment les programmes gouvernementaux. Ils affectent les changements institutionnels, puisque les décideurs adoptent de nouveaux programmes, les transportent ensuite dans l’arène décisionnelle et les implantent de telle sorte qu’ils peuvent changer les institutions (Campbell, 2004).

Les paradigmes ou conceptions théoriques dominantes qui ont cours à une certaine époque, contraignent également les changements institutionnels, notamment en structurant le discours au travers duquel les gens communiquent et donc évoluent (Campbell, 2004).

L’opinion publique influence également les changements institutionnels. Selon le sentiment général, ce ne sont pas toutes les possibilités qui sont envisageables ou socialement acceptables. L’opinion publique agit donc comme une barrière normative (normative lock) à la prise de décision (Campbell, 2004).

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Ces derniers éléments ont une portée accrue en période d’incertitude, lorsque les décideurs sont confrontés à des situations inconnues ou peu communes, parfois perçues comme des crises. À l’inverse, les institutions influent sur les programmes, les paradigmes et l’opinion publique (Campbell, 2004).

Conversion

Par ailleurs, les organisations ont pour objectif notamment de maximiser leur bien-être et leur revenu, et c’est dans la poursuite de ces buts qu’elles modifient progressivement la structure institutionnelle dans laquelle elles évoluent (North, 1990). Ainsi, elles visent à augmenter leurs parts de marché, à gérer des problèmes de relation de travail, à améliorer la qualité de leurs produits, à réaliser des économies d’échelle, à internaliser des externalités, à diminuer le risque, à améliorer la redistribution des revenus et à s’adapter à l’environnement (Campbell, 2004; Davis et al., 1971). En ce sens, les institutions peuvent également subir une conversion institutionnelle, à savoir changer de vocation en effectuant une réorientation vers de nouveaux objectifs (Thelen, 2003).

2.5.2.

Facteurs de stabilité institutionnelle

En revanche, plusieurs éléments viennent entraver ou ralentir les changements institutionnels, ils ne les empêchent pas nécessairement, mais rendent plutôt l’exercice laborieux et complexe. Ces éléments sont alors considérés comme des facteurs de stabilité ou de maintien institutionnels.

Effet Gulliver

Dans un monde qui change à vive allure un paradoxe demeure, les institutions. Elles semblent plutôt figées dans le temps et évoluent lentement. En fait, les institutions subissent l’effet Gulliver, c’est-à-dire qu’elles sont souvent inadaptées à leur environnement en raison de leur délai d’ajustement. L’effet Gulliver implique que moins on bouge, moins on est mobile, ou moins on change, moins on peut changer puisqu’on désapprend le mouvement. Cet effet découle d’un manque de capacité des institutions à se remettre en cause, doublé d’une défense des acquis limitant les modifications possibles (Sérieyx, 1994).

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24

Dépendance de sentier

Changer une institution n’est pas chose simple, vu son imbrication et ses ramifications dans diverses sphères de la société. Ainsi, plutôt que d’entreprendre des modifications profondes, les acteurs concernés misent sur des ajustements mineurs ou à la marge afin de pallier le manque d’efficience créant un phénomène de dépendance de sentier (path dependence) (Campbell, 2004).

En effet, les institutions voulant modifier leur manière de faire sont bien souvent aux prises avec une dépendance de sentier « a process whereby contingent events or decisions result in the establishment of institutions that persist over long periods of time and constrain the range of actors’ future options, including those that may be more efficient or effective in the long run » (Campbell, 2004, p. 65). Ainsi, la dépendance de sentier est une sorte de phénomène de verrouillage (lock-in), puisque les institutions sont enfermées ou dépendantes des rétroactions qui limitent les choix des acteurs, les contraignant à opter pour des modifications mineures et progressives. Par exemple, lors de changements, les visions et caractéristiques des prédécesseurs demeurent fortement présentes et influent sur la prise de décision. Il existe diverses raisons qui expliquent la présence d’une dépendance de sentier :

1. Les coûts de mise en place et de modification d’une institution sont substantiels. Par exemple, plusieurs coûts fixes liés à des actifs spécifiques sont irrécupérables lors de changements (Boyer, 2003);

2. Plusieurs acteurs tirent avantage des institutions et généralement, ils seront réfractaires aux changements d’envergure les concernant, et ce, même si l’institution est reconnue moins efficiente qu’une autre alternative. Ainsi, les adeptes ou utilisateurs de l’institution s’arrangent souvent pour qu’elle demeure comme telle, soit conforme à leurs besoins (Campbell, 2004);

3. Il existe souvent plusieurs clauses qui limitent les changements possibles ou les rendent ardus en demandant de forts appuis, par le biais d’un vote par exemple;

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4. Une fois qu’un type de politique ou de prise de décisions est mis en place, les acteurs accumulent un savoir-faire et de l’expérience par rapport à celles-ci. De ce fait, ils sont de plus en plus familiers et confortables avec le système et donc, ils hésitent plus à en changer. Cette notion réfère par ailleurs au concept de diffusion (Campbell, 2004)

En fait, la diffusion d’une certaine pratique économique à travers le marché peut être conduite par « contagion », c’est-à-dire de l’information informelle circulant de bouche à oreille suggérant la meilleure pratique à suive (Campbell, 2004). Un effet d’apprentissage pour les acteurs s’opère alors pour un système institutionnel précis suscitant des rendements croissants, qui favorisent grandement le maintien du statu quo. En effet, les institutions rentables sont moins sujettes aux changements que leurs homologues en difficultés (Boyer, 2003). De plus, les pratiques plus anciennes circulent depuis plus longtemps, bénéficient de plus de rétroaction, sont mieux assimilées par les organisations et ont généralement plus d’adeptes que les nouvelles idées, renforçant du même coup la dépendance de sentier (Campbell, 2004).

Somme toute, le contexte hérité du passé pèse lourd dans les choix stratégiques actuels. Les décisions antérieures peuvent déboucher sur un système contraignant par rapport à la variété de choix initialement disponibles, devenant une source d’irréversibilité (Boyer, 2003). De même, la dépendance de sentier peut empêcher une institution d’atteindre l’équilibre optimal (Groenewegen & Vromen, 1997).

Stratification

Afin d’instaurer un changement institutionnel, certaines institutions utilisent la stratification ou sédimentation institutionnelle (institutional layering). Ce concept est plutôt large et regroupe principalement deux variantes. La première veut que la stratification implique la renégociation partielle de quelques éléments d’une institution ou l’ajout de nouvelles règles tout en laissant la base inchangée (Thelen, 2003).

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26

La seconde part quelque peu du même principe, soit l’ajout de strates, toutefois le mode de reproduction de l’institution est altéré ce qui entraîne un changement d’orientation de l’institution. Généralement, cette dernière forme de stratification survient lorsque les organisations ne sont pas satisfaites de l’institution, mais qu’elles n’ont pas les moyens ou le pouvoir de la démanteler (Rast, 2011).

Bricolage

Le bricolage substantif ou de fond est un processus quelque peu similaire à la stratification, en ce sens que l’institution conserve sa base, mais use de créativité afin de s’adapter. En effet, le bricolage repose sur la combinaison de plusieurs principes institutionnels existant afin de résoudre un problème nouveau (Campbell, 2004). Bien souvent, cette combinaison comprend un élément hérité du passé et un élément nouveau.

Les institutions peuvent également avoir recours au bricolage symbolique en jouant sur le sentiment d’appartenance ou patriotique des acteurs afin que des changements soient acceptés ou encore que d’anciennes pratiques soient vues sous un nouveau jour (Campbell, 2004).

Le recours à la stratification et au bricolage implique que les institutions évoluent avec la dépendance de sentier puisque le choix des acteurs est limité à ce qui existe déjà comme principes institutionnels ou pratiques, ou encore, parce qu’ils se sont accommodés et adaptés à la logique du système préexistant en contournant les éléments qu’ils ne pouvaient pas changer (Campbell, 2004; Thelen, 2003). De même, les changements institutionnels sont plutôt évolutifs que révolutionnaires puisqu’ils découlent de recombinaison d’éléments existants fondus dans les institutions déjà présentes (Campbell, 2004).

Le Tableau 2 offre une synthèse des différents éléments théoriques présentés dans un contexte de changements et de stabilité institutionnels. Ainsi, les institutions, les arrangements institutionnels et les organisations sont relativement stables, c’est-à-dire en équilibre institutionnel jusqu’à ce que certains facteurs viennent perturber cet équilibre. Dépendamment de ces facteurs, il y aura changement institutionnel ou lorsque ceux-ci sont dits des

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facteurs de stabilité institutionnelle il y aura entrave au changement sans toutefois l’en empêcher.

Tableau 2 : Synthèse des théories institutionnelles Facteurs de

changements

Conversion

Structure de marché Concurrence

Prix du produit, intrants Changements technologiques Coûts de transaction

Économies d’échelle

Contexte commercial mondial Insatisfaction au regard du produit Événement majeur Programmes gouvernementaux Paradigmes Opinion publique Institutions Règles du jeu Équilibre institutionnel Arrangements institutionnels Façons de jouer Organisations Joueurs Facteurs de stabilité Effet Gulliver Dépendance de sentier Diffusion Stratification Bricolage

2.6. Exemple de changements et de stabilité institutionnels

Plusieurs études présentes dans la littérature tissent des liens entre les institutions et l’évolution de la société. Elles abordent bien souvent la question

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28

d’un point de vue macroéconomique. Ainsi, l’analyse des institutions politiques et des institutions juridiques d’un point de vue efficacité a fait couler beaucoup d’encre. De même, les changements institutionnels en lien avec la définition des droits de propriété sont souvent abordés. Toutefois, rares sont les analyses plus microéconomiques étudiant l’évolution d’un secteur précis.

L’objectif de la revue de littérature est double. Non seulement elle vise à mieux comprendre les éléments théoriques en les ancrant dans la réalité, mais également elle permet de cerner des facteurs utiles à l’analyse du secteur porcin québécois. C’est pourquoi il est essentiel d’illustrer les différents éléments associés à l’environnement économique desquels découlent les changements institutionnels tout comme les concepts de stabilité institutionnelle.

2.6.1.

Environnement économique

L’étude des changements institutionnels repose bien souvent sur des analyses historiques où les changements prennent place tranquillement sur de longues périodes de temps, comme les trois exemples suivants le démontrent. Le premier s’inspire de l’histoire américaine au temps de l’esclavagisme, le second aborde le marché du coton alors que le troisième traite du commerce de la viande bœuf.

Agriculture dans le sud des États-Unis

Alston et Ferrie (1996) se penchent sur l’agriculture dans le sud des États-Unis pour montrer les liens qui existent entre changements institutionnels et quelques éléments théoriques dont les points de rupture, les coûts de transaction, particulièrement les coûts de suivi, et la mise en place d’une nouvelle technologie. Les auteurs avancent que dans les années 1800, les grands propriétaires terriens des États du sud des États-Unis avaient largement recours à l’esclavage afin d’assurer le fonctionnement de leurs immenses plantations, entre autres, de coton. À l’issue de la Guerre de Sécession (1861-1865), le système coercitif qu’était l’esclavagisme et sur lequel reposait toute l’organisation de l’agriculture des États sudistes est désormais prohibé. Ces États se tournent alors vers le paternalisme afin de pallier la disparition d’une main-d’œuvre gratuite et captive. Le paternalisme implique une série de pratiques amenant les Noirs, et dans une

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moindre mesure les Blancs pauvres, à être dépendants des Blancs riches représentant l’élite rurale.

En fait, avec la fin de l’esclavage, les propriétaires terriens n’ont plus de main-d’œuvre assurée et doivent donc offrir des avantages ou des compensations afin de conserver suffisamment de travailleurs pour assurer le fonctionnement de leurs plantations. Ainsi, les propriétaires terriens misent sur des avantages, souvent non monétaires afin d’éviter la défection des anciens esclaves tels qu’un hébergement décent, l’accès à l’éducation en bâtissant une école sur la plantation, une sécurité vieillesse, la protection, etc.

La période suivant la Guerre de Sécession est marquée par un racisme sans bornes, amenant des vagues de violence envers les Noirs et même le système étatique est empreint de sentiments hostiles à l’égard de ceux-ci. Les propriétaires terriens se posent alors en protecteur de leurs employés en assurant leur sécurité et leur bien-être en échange de leur travail. Cette protection vise également l’accès à un traitement égalitaire en dehors de la plantation dans diverses sphères de la société.

En ce sens, les auteurs expliquent que le système paternaliste infantilise d’une certaine manière les Noirs, puisque l’employeur devient leur intermédiaire unique entre la plantation et le monde extérieur. Ainsi, les propriétaires terriens continuent d’avoir une certaine mainmise sur leurs employés, certes moins radicale que pendant l’esclavagisme, puisque sans pouvoir de coercition et où l’employé peut quitter à tout moment, mais tout de même importante. Cette nouvelle méthode permet aux propriétaires terriens de réduire les risques de tricherie (shirking) ou de passager clandestin et de diminuer les coûts de suivi (monitoring) puisque les Noirs ont beaucoup à perdre s’ils se font prendre.

Les propriétaires terriens, en plus de profiter du climat raciste favorisant le maintien du paternalisme, ont pris le contrôle des institutions étatiques afin d’éviter qu’il y ait interférence dans leur système. Aux États-Unis, ce sont des comités qui décident des projets de loi qui seront soumis au Congrès et au Sénat. Or, ces comités étaient bien souvent contrôlés par de riches propriétaires blancs

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30

qui avaient tout avantage à omettre les projets de loi qui pouvaient nuire à leur système paternaliste.

Dans les années 1950 et 1960, le système paternaliste s’estompe et disparaît. Durant ces années, la mécanisation de l’agriculture est en plein essor et les propriétaires terriens n’ont plus les mêmes besoins en termes de main-d’œuvre. Il y a alors beaucoup trop de travailleurs pour le nombre d’emplois et les propriétaires terriens n’ont plus besoin du système paternaliste afin de les attirer chez eux. En parallèle, plusieurs projets de loi favorisant l’exode rural sont adoptés, notamment des programmes d’aide sociale, par de riches blancs toujours, mais qui n’ont plus avantage à interférer sur ces questions.

En somme, la Guerre de Sécession s’inscrit comme point de rupture pour un premier changement institutionnel de l’esclavagisme vers le paternalisme. Il en résulte une diminution des coûts de suivi ou de surveillance. D’ailleurs, les systèmes esclavagiste et paternaliste permettaient aux propriétaires de plantations d’envergure de réaliser des économies de coûts de transaction substantielles. Ensuite arrive la mécanisation de l’agriculture, un changement technologique majeur qui entraîne la chute du paternalisme et l’évolution vers un système plus capitaliste comme celui d’aujourd’hui (Alston & Ferrie, 1996).

Marché du coton

Bernstein (2001) analyse le cas de l’industrie du coton américain où les acteurs ont considérablement diminué leurs coûts de transaction en créant un nouveau système de commercialisation.

En effet, l’industrie du coton américain a choisi de bâtir dans les années 1800 un système légal privé afin d’encadrer le commerce du coton, plutôt que d’utiliser le système public. Cette nouvelle institution fonctionne très bien et permet notamment de régler les conflits hors du système judiciaire, grâce à l’arbitrage d’un tribunal spécifique au coton, de déterminer la qualité du produit, qui repose essentiellement sur un examen visuel par une tierce partie neutre et qui est très subjective, et de réaliser des économies dans les coûts de transaction.

Figure

Figure  1  présente  ces  différents  éléments  appliqués  à  la  structure  organisationnelle de la production porcine
Figure 2 : Représentation de l’interaction entre acteurs et institutions
Figure 3 : Décomposition des coûts de transaction
Tableau 2 : Synthèse des théories institutionnelles  Facteurs de
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