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3. Cadre méthodologique

3.2. Grille d’analyse institutionnelle

Une fois la description des quatre phases de la mise en marché du porc au Québec terminée, il est question d’analyser l’interrelation entre la mise en marché collective du porc et les changements institutionnels. Pour ce faire, une grille d’analyse institutionnelle, telle que présentée dans le Tableau 5, a été élaborée à partir de la revue de littérature et d’intuitions économiques provenant des nombreuses lectures sur le système de mise en marché collective du porc. Cette grille traduit les éléments théoriques sur les changements institutionnels en éléments observables ou quantifiables. Ainsi, il est possible d’identifier différentes variables illustrant les facteurs de changement institutionnel et de les adapter en fonction du secteur porcin québécois. Le Tableau 5 présente ces facteurs et ces variables ainsi que leurs sources littéraires.

Tableau 5 : Conversion des facteurs de changements en éléments observables

Facteurs de changement Variables Sources

Structure de marché

Fusion d’entreprises Alliance stratégique Ajout/retrait d’un joueur Provenance des joueurs Intégration verticale et production à forfait

(Brousseau et al., 2011; Libecap, 1991)

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Facteurs de changement Variables Sources Concurrence Nombre de joueurs

Niveau de concentration

(Kingston & Caballero, 2006)

Prix du produit Prix des intrants

Prix du porc Prix des céréales Prix du transport Rentabilité (marges) (Brousseau et al., 2011; Libecap, 1991) Changement technologique Mécanisation de la production et de la chaîne d’abattage

(Alston & Ferrie, 1996; Brousseau et al., 2011)

Coûts de transaction

Coût de rédaction d’un contrat (convention de mise en marché) Coût de négociation

Coût de suivi et d’application Coût de maladaptation (Bernstein, 2001; Eggertsson, 1990; Royer, 2012) Économies d’échelle Économies en fonction de la taille ou du nombre (regroupement de producteurs) (Libecap, 1991) Contexte commercial mondial Taux de change Importation/Exportation Barrières non tarifaires (porc sans hormones, cage de gestation) (Brousseau et al., 2011; Puffert, 2002) Insatisfaction au regard du produit Qualité Bien-être animal Santé des porcs

(Libecap, 1991)

Évènements majeurs Guerres, évènements climatiques

(sécheresse, inondations, etc.), crises sanitaires

(Alston & Ferrie, 1996; Campbell, 2004)

Facteurs de changement Variables Sources Programmes

gouvernementaux

ASRA

Programmes spéciaux liés aux maladies (SRRP et SDPS) (Campbell, 2004) Paradigmes Interventionnisme/libéralisme Action collective Action entrepreneuriale (Campbell, 2004) Opinion publique Bien-être animal Alimentation santé Production polluante

Soutien financier aux producteurs

(Campbell, 2004)

Les nombreuses études qui ont examiné les changements institutionnels ont adopté un niveau d’analyse plutôt macroéconomique. Or, cette étude se situe à un niveau d’analyse différent, plus microéconomique, ce qui implique que les facteurs repérés dans la littérature ne sont pas toujours pertinents. Par contre, au fil des lectures, il a été possible de repérer un certain nombre de variables qui semblent avoir eu un effet sur l’adoption de certains mécanismes. Ainsi, ces éléments qui proviennent d’intuitions seront confirmés ou infirmés dans la description des quatre phases de la mise en marché porcine.

Par ailleurs, il est ardu de déterminer si un de ces facteurs de changement sera dominant pour la filière porcine et comment interagiront les éléments du tableau. En effet, les deux organisations en cause, producteurs et acheteurs, sont souvent antagoniques, c’est-à-dire que ce qui est positif pour l’une peut s’avérer négatif pour l’autre. Également, chacune des phases de la mise en marché a ses caractéristiques propres : les éléments de changements décisifs risquent donc de diverger d’une phase à l’autre.

3.2.1.

Application de la grille d’analyse

L’application de la grille d’analyse se fait en deux temps. Dans un premier temps, il est question d’un recensement des données disponibles avec la documentation

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existante. Par exemple, les variables « prix du porc » et « prix des céréales » sont des données facilement repérables dans les recueils statistiques disponibles. La documentation écrite n’est pas toujours suffisante pour comprendre les liens existants entre les éléments théoriques et la réalité ou encore afin de connaître les raisons profondes de certains changements. C’est pourquoi, dans un deuxième temps, le recours à des entrevues avec des acteurs présents sur le terrain ou directement concernés par les changements survenus s’avère pertinent. Les entrevues ont été préparées à partir de l’information recueillie lors de la recherche documentaire et de la grille d’analyse institutionnelle. Ensuite, les variables du Tableau 5 ont été transposées sous forme de questions afin d’évaluer la présence ou l’absence des éléments associés aux changements institutionnels. Le canevas d’entrevue complet et les questions propres à chaque phase se retrouvent à l’annexe 1. Il est bâti en section, chacune correspondant à une des quatre phases de la mise en marché du porc. En effet, les questions sont difficilement généralisables à l’ensemble des phases vu l’évolution du contexte. Ainsi, le guide d’entretien est bâti selon la chronologie des évènements facilitant le déroulement des entrevues.

3.2.2.

Type d’entrevues

Ensuite, les entrevues réalisées sont des entretiens en profondeur, c’est-à-dire individuelle et semi-structurée. L’objectif de ce type d’entrevue est « d’encourager le répondant à parler librement et à exprimer ses idées sur le sujet étudié » (Bellenger, Bernhardt, & Goldstucker, 1978, p. 29). Ainsi, le répondant s’exprime en toute liberté autant dans ses propos que vis-à-vis l’espace-temps. Ce type d’entrevue dure environ 45 minutes, voire plus selon la loquacité du répondant et la prépondérance de son rôle. Plusieurs avantages sont associés aux entrevues en profondeur. Tout d’abord, les réponses ne sont pas biaisées en ce sens qu’elles ne sont pas soumises à l’influence d’un groupe. De même, elles sont plus complètes et plus détaillées. Ensuite, les informations sensibles ou confidentielles sont souvent plus aisées à obtenir puisque l’entrevue en profondeur est à caractère privé et également parce qu’elle évite de réunir en un seul groupe des personnes traditionnellement en concurrence (producteurs et abattoirs ou encore deux abattoirs) (Perrien, Chéron, & Michel, 1984). Par ailleurs, le fait que l’entretien

soit semi-directif plutôt que directif permet d’interagir avec la personne rencontrée et de soutenir une conversation susceptible d’enrichir grandement l’information reçue. Ainsi, l’entrevue semi-structurée permet d’ajouter de nouveaux éléments interrogatifs au gré de la conversation afin d’obtenir le plus d’informations possible. Somme toute, les entrevues permettent de générer de l’information primaire qualitative et de qualité.

3.2.3.

Répondants visés

Les personnes visées par ces entrevues sont des acteurs importants du secteur porcin œuvrant à divers niveaux. Ainsi, les entrevues ciblent des intervenants, autant producteurs que permanents ou professionnels des ÉPQ6 présents lors de la conception, de la mise en place ou encore de l’évolution des différentes phases. C’est pourquoi, certains interlocuteurs sont ciblés précisément pour l’une des phases alors que d’autres sont à même de témoigner pour plus d’une phase. Il est également intéressant de rencontrer des personnes qui ont vécu les trois premières phases étant donné qu’elles se sont superposées. Les producteurs de porcs visés par les entrevues se sont impliqués dans les Éleveurs de porcs du Québec, leur organe collectif de mise en marché, entre 1989 et 2009. Ils peuvent donc aujourd’hui être retraités ou toujours actifs en production, être naisseurs, finisseurs ou naisseurs-finisseurs et provenir de n’importe quelle région du Québec.

Également, l’avis des abattoirs est primordial, puisqu’ils sont directement concernés par les changements, et souvent d’avis différents des ÉPQ. En ce sens, il est intéressant de rencontrer différents abattoirs du Québec, qui d’ailleurs présentent diverses formes de coordination allant du marché à l’intégration verticale en passant par les chaînes de valeur et qui ont réagi différemment, volontairement ou par obligation, aux diverses phases.

Finalement, plusieurs organismes sont également concernés par la mise en marché du porc comme le Centre de développement du porc du Québec (CDPQ) et le MAPAQ, ils ont donc été consultés au besoin.

6 Les Éleveurs de porcs du Québec sont composés à la fois de producteurs de porcs élus

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Bref, les entrevues visent les experts de la mise en marché du secteur porcin. Idéalement, un minimum de trois intervenants seront rencontrés pour chacune des phases afin de corroborer et de valider les informations reçues.